Antoine-Henry-Joseph Charignon

Antoine-Henry-Joseph Charignon

ShaHaiAng (沙海昂 1872-1930), est un ingénieur franco-chinois, connu pour ses recherches sur la Chine et particulièrement ses traductions de Marco Polo. Son nom français est Antoine Henry Joseph Charignon, un nom prononcé et devenu « Sha Hai Ang » en chinois, ce qui veut dire littéralement « la mer de sable », depuis sa vie en Chine et son accession à la citoyenneté chinoise.

Sommaire

Jeunesse

Les ancêtres de ShaHaiAng (alias Charignon) étaient originaires d’Espagne, et il y a de nombreux siècles déjà avaient émigré dans le Sud de la France, où lui-même est né le 23 septembre 1872, à Châteaudouble (Drôme).

Dans sa jeunesse, il fit ses études de préparation à Paris, au lycée Saint-Louis, pour entrer ensuite à l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures de Paris, comme ingénieur civil (Promotion 1894). Dès sa sortie de l'Ecole Centrale, il a immédiatement quitté le luxe et l’oisiveté de Paris, pour venir en Turquie, dans les montagnes d'Asie Mineure, en tant qu’ingénieur ferroviaire, où il participa pendant trois ans avec McLeod (Régie Vitali) à la construction de la ligne de chemins de fer de Smyrne à Kässaba, ce qui lui permit de développer son expérience dans la conception, la construction et la gestion de projets ferroviaires.

La Régie générale des chemins de fer (Rgcf) avait été fondée en 1855 par le comte François-Georges Vitali (1830-1910) ; ce centralien avait alors obtenu la concession des chemins de fer de l’Etat serbe, qu’il conserva jusqu’en 1890; quatre ans plus tard, l’entreprise se transformait en Société Vitali, et Cie. En 1910, au décès de son fondateur, la Rgcf contrôlait un ensemble de concessions ferroviaires dont les lignes Salonique-Constantinople, Smyrne-Cassaba et Nakoura-Beyrouth-Tripoli La Rgcf était aussi une très importante entreprise de travaux publics dont l’activité s’était progressivement déplacée de l’Europe occidentale vers l’empire ottoman, la Chine et l’Amérique latine. Si elle exécuta d'importants chantiers portuaires, la construction des chemins de fer représentait, depuis 1885, environ 90 % de son chiffre d’affaires total. Ce formidable succès, elle le devait pour beaucoup à l’expérience acquise en Chine, où, en association avec la Scb, elle avait construit, pour le compte de la Société de construction de chemins de fer indochinois, le réseau ferré du Yunnan)En 1898, ShaHaiAng qui était alors engagé par la société française d’ingénierie « Dianyuetielu » (Fives-Lille) fut envoyé à l’âge de 26 ans en Chine pour la construction du chemin de fer situé à la frontière du Yunnan, sur un terrain très mouvementé, où l'ingénierie est particulièrement hardie et difficile. ShaHaiAng, campant à travers la forêt dense, fait la prospection et élabore les plans en s’impliquant beaucoup. Systématiquement, pendant ses temps libres, il profite des paysages enchanteurs et découvre avec grand intérêt les coutumes folkloriques des minorités ethniques en Chine ; il prend quelques photos, qui furent compilées et publiées à Beijing (Pékin) en 1908, dans un ouvrage de 54 pages intitulé « Ligne de Laokay à Yunnansen » et édité par la Préfecture des Chemins de Fer du Yunnan.


La Chine et le Yunnan

Le 31 mars 1910 est inauguré le Chemin de fer du Yunnan qui relie Laokay (Tonkin, Vietnam) à Yunnansen (aujourd'hui Kunming, Yunnan, Chine). Cette ligne, a été construite de 1903 à 1910 au prix de difficultés considérables par un consortium d'entreprises dont la Société de Construction des Batignolles et la Compagnie du chemin de fer Indochinois. Le tracé ce prolonge au sud pour relier le port de Haïphong, par Laokay et Hanoï. Le Gouverneur Général de l'Indochine Paul Doumer, en fonction de 1897 à 1902, avait énergiquement soutenu ce projet (voir Transindochinois). A terme, et surtout après 1936, un voyageur pouvait partir de Chine (Yunnansen), traverser la province du Yunnan, la frontière du Tonkin avec l'Indochine Française pour descendre le long de la péninsule Indochinoise jusqu'à Saïgon.

Plus tard, ShaHaiAng prit part à la construction de la voie ferrée Zhengtai, de la ligne ferroviaire Beijing-Hankou (ligne de Pékin à Han-Kéou, terminée en 1905, sur une distance entre les deux villes de 1 200 km que l’on pouvait alors franchir par le train en vingt-neuf heures) ainsi qu’à la construction des chemins de fer du Longhai, toujours comme ingénieur. N'ayant peur ni du grand froid ni de la chaleur il traversait montagnes et rivières, il a ainsi parcouru plus de la moitié de la Chine et a participé encore à de nombreuses autres opérations de génie civil et d’ingénierie ferroviaire, constituant ainsi en Chine les fondations du réseau ferroviaire actuel, qui permet à la Chine de mettre facilement en relation toutes ses zones urbaines et rurales. Il était actif dans ces projets, et les réalisations sont frappantes, en particulier dans les constructions franchissant le Fleuve Jaune, sur la ligne Beijing-Hankou et divers grands ponts de chemin de fer d’envergure exceptionnelle (avec la technique dite sur arbalétrier), qui lui valurent la reconnaissance du gouvernement Qing. En 1908, ShaHaiAng a servi la dynastie Qing comme consultant au Ministère de la Poste, avec le titre de Conseiller en communications. Deux ans plus tard, en 1910, à l’âge de 38 ans, il obtint la nationalité chinoise, puis devient fonctionnaire chinois au Ministère des Transports comme Conseiller en communications. Après ces débuts prometteurs, ShaHaiAng ambitionnait de développer sa carrière, car il avait voyagé partout sur le terrain en Chine du Sud, en Chine centrale, au nord de la Chine, et d'un point de vue professionnel connaissait en détail toute la géographie des zones inspectées . C’est pourquoi il écrivit le Plan Ferroviaire de la Chine (« Les Chemins de Fer Chinois : Un Programme pour leur Développement »), un livre (1 vol. in-8, 22 pages) publié à Pékin en 1914,par l’Imprimerie des Lazaristes du Pétang (qui reçut en 1916 la Médaille d’Argent de la Société Française de Géographie, Prix Eugène Potron).Dans ce livre, il tient un discours franc, parlant sans détour, quitte à violer certains tabous de l’ordre établi, dont il ne se soucie guère (ce que l’on retrouve constamment dans le caractère de la famille Charignon[réf. nécessaire]). Cependant, bien qu’ayant longtemps travaillé au Ministère, beaucoup de ses idées et propositions ne pouvant pas être réalisées, il en ressortit déçu. En outre la bureaucratie dans les relations interpersonnelles lui laissait beaucoup trop de temps morts… Embarrassé et (relativement) inoccupé, il se mit à collectionner des livres et à rassembler des matériaux, afin de se concentrer sur l'écriture de son chef d’œuvre futur. Mais voici qu’en 1914 éclate la Première Guerre mondiale.

Première guerre mondiale

ShaHaiAng, 42 ans, se trouvant avec femme et enfant en Chine, (et étant donné que dans ce conflit la Chine était alliée de l’Allemagne, avec qui elle ne rompit ses relations qu’en mars 1917, et donc ennemie de la France) et en dépit de son âge (déjà avancé), a résolument démissionné pour rejoindre sa mère-patrie la France entrée en guerre, en tant qu'officier de l'Armée française (Il était en effet Lieutenant de réserve d’Artillerie de l’Armée Française, mais comme il s’était fait naturalisé chinois, il dut essuyer beaucoup de tracasseries bureaucratiques avant d’être réintégré dans l’Armée Française, d’abord comme Officier étranger au service de la France - en tant qu’interprète d’anglais auprès de l’Etat-major - puis enfin, ayant retrouvé sa nationalité française d’origine, comme Capitaine, puis Commandant d’active, dirigeant sur le front un groupement d’Artillerie lourde). Il combattit avec la Force Expéditionnaire Française de Turquie, où il a participé à la fameuse bataille de Gallipoli. L'idée stratégique des Alliés était de contrôler le détroit des Dardanelles pour forcer la Turquie à se retirer de la guerre. Mais les Turcs se montrèrent beaucoup plus déterminés que prévu et le combat tourna à l’hécatombe pour les Alliés. En effet, les troupes alliées n'étaient pas familières avec le terrain et durent faire face à l'armée turque en lui opposant une résistance opiniâtre. La bataille a été très intense, le plus souvent au couteau de combat (ou à la baïonnette ?), et les pertes militaires françaises dans cette guerre atteignirent jusqu'à 47 000 personnes. La grande guerre terminée, ShaHaiAng continua de servir la France en Union Soviétique après la Révolution d'Octobre, les troupes britanniques et françaises étant arrivées en Sibérie avec le Général de Division Janin (associées aux forces de l’Amiral Koltchak), auprès de qui ShaHaiAng fut Chef d’Escadron d'artillerie : dans la glace et la neige de Russie, il doit avoir goûté à la poigne de fer de la révolution prolétarienne !

Peu de temps après, ShaHaiAng est revenu s’installer Pékin. Malgré la victoire des Alliés pendant la Grande Guerre, ses conversations avec les gens, où il disait plutôt admirer le courage des Turcs, en les appelant de fort bons soldats, contribuèrent à donner de lui à cette époque, une image bizarre, laissant beaucoup de gens perplexes.

En 1918, en raison d’une mauvaise santé, il a démissionné de son poste pour faire de « l'auto-culture », et utiliser son temps libre pour étudier l'histoire chinoise et la géographie.

retour en Chine

Au cours de ce nouveau et long séjour en Chine, ShaHaiAng s’intéressa d’abord à la géographie et l’histoire du monde chinois, en portant une attention particulière aux échanges culturels entre l'histoire chinoise et étrangère. Puis, au cours de ces dernières années, il s’est résolument focalisé sur l'étude des « Voyages de Marco Polo »:.à partir d’une compilation des auteurs et critiques, aussi bien Britanniques que Français, de cette relation de voyage . L’auteur a réalisé une importante traduction (en français moderne) et réédition de ces « Voyages de Marco-Polo » (en réalité intitulés « Le Devisement du Monde »), en y incluant de nombreuses et nouvelles annotations, en français comme en chinois. L'ouvrage, en trois volumes, a été publié à Pékin en 1924 (Tome I ; 1926 Tome II, et 1928 Tome III ; Ed.Nachbaur, imprimé à 500 ex. sur papier pelure à la chinoise, d’un seul côté du papier) sous le titre : « Le Livre De Marco Polo Citoyen De Venise, Haut Fonctionnaire A La Cour De Koubilai-Khan, Généralissime Des Armées Mongoles, Gouverneur De Province, Ambassadeur Du Grand Khan Vers L'Indo-Chine, Les Indes, La Perse Et Les Royaumes Chrétiens D'Occident, Rédigé En Français Sous La Dictée De L'Auteur En 1295 Par Rusticien De Pise, Revu Et Corrigé, Par Marco Polo Lui-Même, En 1307, Publié Par G. Pauthier En 1867, Traduit En Français Moderne Et Annoté D'Après Les Sources Chinoises Par A.J.H. Charignon »et traduit en chinois par la presse commerciale. Avec la publication de ce livre, ShaHaiAng est devenu célèbre, le gouvernement français lui décerne la première Médaille d'Or de la Société de Géographie (Prix Louise Bourbonneau), et quelques personnalités du monde culturel de notre pays (la Chine) se sont associés à cette reconnaissance. Aujourd'hui encore, certains chercheurs sur Marco Polo viennent en Chine (étudier cet ouvrage) pour tenter de répondre à la question de savoir (si vraiment Marc, Polo était venu jusqu’en Chine) : pourquoi n’est-il fait dans ses récits aucune mention de la Grande Muraille, ni du thé, ni des pieds comprimés des femmes ? Ces questions peuvent être laissées aux générations futures qui devront encore faire de la recherche textuelle (principalement encore à partir de cet ouvrage nourri de commentaires topo-géographiques en chinois). Dans les commentaires critiques du livre de ShaHaiAng, l'évaluation est toujours élevée. Ainsi, l’ancien professeur à l'Université catholique Fu Jen, M. Zhang Xing, qui a traduit (en chinois) «Les Voyages de Marco Polo» a fait la déclaration suivante: "Il convient de noter qu’en comparaison avec les éditions françaises et britanniques (Pauthier, Yule), cet ouvrage est tout à fait unique, du fait de ses annotations personnelles, même s’il a occasionnellement omis d'expliquer certains points » M. Zhang en 1923 dans le « Journal de Géographie en Chine" a encore publié un article introductif au : « Voyages de Marco Polo », dans lequel il dit : «On a une grande joie à voir que ShaHaiAng est un vrai camarade chinois, avec qui s’est immédiatement établi un contact épistolaire » Il est cité comme un ami, désireux de faire de la recherche commune, et cette collaboration durera pendant huit années.

ShaHaiAng étudie successivement la dynastie Ming, le commerce de porcelaine via le Portugal (Le flux d'argent en provenance du Nouveau Monde servait à payer les exportations chinoises de thé, de soie et de céramique, les hommes d'affaires chinois ayant trouvé un moyen de produire une porcelaine de meilleur marché pour satisfaire les marchés européens). ShaHaiAng vadrouille partout en Chine, à la recherche de traces de Marco Polo sous la dynastie des Yuan, et publie un nouveau livre sous le titre :《平拖游记》: « La Route de la Porcelaine » (?) (traduction à vérifier) ou bien serait-ce le dernier livre connu de ShaHaiAng : « La Grande Java de Marco Polo en Cochinchine, Etude de géographie historique d’après les sources chinoises et arabes », Bulletin de la Société des Etudes Indochinoises, New series, vol IV, Saïgon 1929, et impr. Jacques Testelin, Saïgon 1930 ? Ce livre est extrêmement rare, il n'y en a pas de traduction en anglais ni en allemand ; et le texte français est difficile à trouver avec les commentaires de ShaHaiAng, dont le travail effectué pour étudier l'histoire culturelle de la contribution de la Chine (au développement du commerce mondial) n'est pas petite. Il n'a pu faire que la moitié du travail car, malheureusement, il subit alors une hémorragie cérébrale, dont il mourut, le 17 août, 1930 à l'Hôpital français de Pékin, à l'âge de 58 ans.

Personnage et postèrité

Les travaux d’écriture (de ce dernier livre) ont été complétés en son nom par le français Mak Mary (« Maigemali »). ShaHaiAng s'est marié en Chine ; sa femme s’appelle (Louise) Médard, et la mère de celle-ci (Lona) Wang Kiong, est Chinoise (fille d’un mandarin mandchou). Il n'avait qu'une fille, (Marie Louise dite Lily Charignon) épouse Gandon, qui a été à l'ambassade de France en tant qu'interprète pour la culture chinoise dont elle a effectué une recherche approfondie. ShaHaiAng a donc su profiter de sa longue présence en Chine, pour maîtriser la langue du pays dont il avait repris la nationalité. Installé dans le district de Daxing, (en périphérie de Pékin, plus précisément dans sa propriété qu’il avait nommée « La Porte Maillot » en souvenir de sa jeunesse parisienne), il a pu croiser une population rurale importante, et prendre intérêt à leurs activités agricoles. ShaHaiAng dès sa jeunesse n’a pas hésité à quitter Paris pour les régions éloignées de la Turquie et de la Chine où il a participé à la construction des chemins de fer ; puis il a occupé certains postes au gouvernement central de Pékin, mais il a mis en priorité les intérêts de sa patrie d’origine en revenant en France pour participer à la première guerre mondiale. Après la guerre, alors qu’il était tranquillement de retour en Chine, il a démissionné en raison de son mauvais état de santé, et à l’aide d’une de bourse de recherche lui permettant de rentrer chez lui pour effectuer ses travaux, il a poursuivi (à plus de 45 ans) les idéaux des jeunes étudiants d'aujourd'hui, ce qui est très révélateur de sa jeunesse d’esprit. Du fait de son attitude très sérieuse de chercheur universitaire, il y a eu de nombreux savants chinois à se rendre à son domicile, où ils ont discuté avec lui d'une question particulière, et chaque fois il a su trouver plus de dix sortes de livres de référence, non classiques, pour faire comprendre les choses, jusqu'à ce que la question soit résolue. Un de ces visiteurs époustouflé d’admiration a déclaré: "Il est vraiment digne de l'esprit de recherche européenne à la chinoise."

(Dans une longue 2ème partie, non traduite in extenso ni reprise ici, l’auteur chinois Wei Zhong explique comment ShaHaiAng avait constitué une formidable collection de livres, soit plus de 2400 ouvrages, achetés pour la plupart en Europe et le plus souvent écrits en français ou en anglais, et rangés dans sa bibliothèque de « La Porte Maillot ». Ces livres portent surtout sur les civilisations d’Extrême-Orient, dont un millier environ sur la Chine en particulier: son histoire, sa géographie, son patrimoine culturel, son éthique et ses philosophies ou religions, etc.; Wei Zhong en fait l’analyse par catégories et cite les titres de plusieurs dizaines d’entre eux. Il indique enfin que l’ensemble de cette bibliothèque a été rachetée par le gouvernement chinois qui la conserve actuellement à Pékin dans son «Académie Nationale des Sciences Sociales de Chine»).

Source

Voir aussi




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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Antoine-Henry-Joseph Charignon de Wikipédia en français (auteurs)

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