- Amnésie collective
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L'amnésie collective désigne un biais de la mémoire collective (États, médias, militaires et opinions publiques) occultant certains actes ou certaines réalités afin de rendre l'Histoire cohérente avec les stéréotypes et valeurs locales[1].
C'est aussi le déni, dans le cadre des analyses ou compte-rendus de guerres passées, de faits d'atrocités de son propre camp souvent passées sous silence ou imputées à d'autres (omission sélective) tandis que celles de l'opposant sont librement dénoncées.
L'amnésie collective serait étroitement liée au point de vue du vainqueur ainsi qu'aux idées de « justice de la cause » et de guerre propre, ne faisant des morts que parmi les combattants, et pendant les combats.
Sommaire
Guerres
Contexte
Dans le champ de la mémoire collective, les processus d'oubli, de maintien, et de reconstruction de la mémoire traumatique sont connus[1]. Dans le cas du Japon et de l'Allemagne d'après guerre, une amnéstie générale fut déclarée[réf. nécessaire], tandis que dans les livres d'Histoire, la période de la guerre était taboue[1].Halbwach et Freud soutiennent que la mémoire collective est naturellement biaisée en faveur de l'oubli des souvenirs négatifs, avec la tendance à garder une image positive du passé[1].
Mécanisme : oublier et imputer à l'« autre »
Dans cette amnésie, on constate la volonté d'oublier pour continuer à vivre, mais également des transformations des faits, notamment pour les imputer à d'autres ce qui permet d'en éloigner toute responsabilité.
- Oublier pour continuer : On ne peut pas nier une certaine qualité à cet oubli puisqu'il facilite les rapports : « On cesse d'en parler, cela n'a pas existé ». Cette amnésie facilitant la réconciliation et la reconstruction d'après guerre.
- Imputer à l'autre : Le déclenchement de la guerre, ses atrocités, sont souvent unanimement — mais par facilité — posées comme étant le seul fait de l'étranger. L'étranger pouvant être une idéologie (les communistes, les nazis), une religion (le catholicisme, le judaïsme), des hommes (les Allemands, les Américains ) ou des puissances extérieures (les États-Unis, l'URSS). On éloigne la responsabilité et la culpabilité en tentant de dire : « Les massacres ont été perpétrés par les autres, nous, nous étions le bon côté ».
Amnésie collective unanime
Cette amnésie collective se constate dans de nombreuses opinions publiques, l'idée de guerre propre y est également liée : accepter cette formule c'est une amnésie sélective acceptant la croyance qu'une guerre puisse être propre.
L'État a souvent un rôle important, propagandiste, orientant les médias, usant éventuellement de la censure, mais également — depuis la révélation du poids des médias dans la guerre du Viêt Nam — d'autres moyens détournés, tel que l'interdiction d'accès sur place aux journalistes, interdictions de photos, tenue à distance de prétendues zones à risques dans un souci de protection de la vie humaine, qui sont autant de mesures pouvant être légitimes, comme abusives.
Les soldats, eux, ont souvent tendance à vouloir simplement oublier. Mais ils sont fréquemment choqués par les combats et développent des névroses dites de guerre.
L'opinion publique, dans le cas d'une amnésie collective, a souvent tendance à se contenter de la version officielle, de ne pas vouloir voir les dérives de son armée, à la soutenir, ainsi que son État.[réf. nécessaire]
Révisionnisme face à l'amnésie de guerre
Ce révisionnisme apparaît souvent longtemps après les faits, notamment du fait de la « volonté de ne pas voir » ou d'avoir la conviction que les accusations sont de la propagande et des contre-vérités historiques.
Le révisionnisme tend à affirmer une autre version du conflit, avec des règlements de comptes, des exécutions arbitraires, etc. : ensemble de dérives communes aux guerres dont l'aveu est délicat, plus encore dans une guerre fratricide (guerre de Corée).
Ce révisionnisme est souvent dénoncé comme mettant du sel sur la plaie et entravant la réconciliation des peuples, et attaqué comme antipatriotique. Mais il est défendu comme une sincérité nécessaire au pardon et à une saine réconciliation des parties.
Conflits liés
Conflits ayant engendré une amnésie collective particulièrement virulente :
- Guerre civile espagnole et l'amnésie programmée depuis la fin de la guerre[2],
- Génocide arménien, difficilement reconnu par beaucoup de turcs
- Seconde Guerre mondiale, amnésie des crimes de nazis et collaborateurs, puis amnésie des crimes alliés.
- Guerre sino-japonaise (1937-1945) et Guerre de la Grande Asie orientale, amnésie japonaise des crimes commis en Chine et dans l'ensemble de l' Extrême-Orient lors de l'expansion showa. Voir aussi : révisionnisme japonais, Guerre des manuels, tension diplomatique République populaire de Chine-Japon d'avril 2005 dû à un manuel d'histoire japonais.
- Guerre de Palestine de 1948, connue en tant que « Guerre d'indépendance » par les Israéliens et « al-Nakba » (« La catastrophe ») par les Palestiniens, et dont un événement essentiel, l'exode palestinien et ses causes a été occulté ou transformé dans leur mémoire collective respective.
- Guerre du Rif, amnésie de l'utilisation d'armes chimiques au Maroc par l'Espagne.
- Guerre de Corée, amnésie des crimes fratricides entre Coréens et de ceux des troupes alliées aux différents bords (communistes chinois et soviétiques, Américains).
- Guerre d'Algérie : En France métropolitaine, amnésie des crimes français sur les populations algériennes (crimes algériens reconnus). En Algérie, amnésie des crimes algériens sur les populations françaises et harki (crimes français reconnus)[3].
- Guerre du Viêt Nam, amnésie des crimes commis par l'armée américaine.[réf. nécessaire]
- Génocide rwandais, amnésie des crimes commis par le FPR lors de la « libération » du Rwanda en 1994
- Colonisation européenne : amnésie totale ou partielle des crimes et massacres commis durant la colonisation européenne, jusqu'à nos jours, notamment les guerres indiennes dans les Amériques.
Autres thèmes de l'amnésie collective
Voir aussi
Références
Sources
- James W. Pennebaker, Collective memory of political events: social psychological perspectives, Routledge, 1997, 303 p. (ISBN 0805821821) [lire en ligne]
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