- Élamite ancien
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Élamite
L’élamite est une langue morte parlée en Élam jusqu’à l’époque d’Alexandre le Grand. Son usage nous est connu à travers l’écriture élamite cunéiforme, adaptée des systèmes graphiques suméro-agadéens à partir de 2500 av. J.-C. environ. Il est possible (mais non prouvé) qu’un état antérieur de la langue élamite ait été parlé dans les plateaux iraniens dès la fin du 4ème millénaire av. J.-C. comme langue vernaculaire de la culture proto-élamite : celle-ci avait en effet inventé son propre système d’écriture, de nature pictographique, qui n’a jamais pu être déchiffré, de sorte que les idiomes représentés par cette écriture nous sont totalement inconnus.
L’élamite était une langue agglutinante sans lien décelable avec les langues sémitiques voisines (à commencer par l’akkadien) ni avec les langues indo-européennes (dont les langues indo-iraniennes font naturellement partie) et pas davantage avec les langues caucasiennes (auxquelles appartenaient peut-être les langues des Hourrites). Les rapprochements de l’élamite avec le sumérien se sont révélés infructueux, en revanche un lien avec les langues dravidiennes (dont l'actuel Brahoui) est possible, quoique controversé[1]. Celles-ci sont parlées de nos jours dans le sud du Deccan mais on soupçonne une extension bien plus vaste à l’âge du Bronze, jusqu’au contact de l’aire culturelle indusienne[2].
Sommaire
La langue élamite en bref
La langue élamite nous est très mal connue en raison de la relative rareté des textes qui nous sont parvenus rédigés dans cette langue. L’élamite n’était manifestement apparenté à aucune autre langue environnante, pas plus au sumérien qu’à l’akkadien, ni aux langues dravidiennes ni même aux langues paléo-sibériennes et pas davantage aux langues caucasiennes. Cette langue semble équidistante des familles nostratique et afroasiatique, avec peut-être une proximité légèrement plus grande avec la famille afroasiatique, mais plus éloignée de la famille dené-caucasienne. On notera par exemple que des parties du corps comme le pied et la main étaient désignées en élamite par des mots dont les racines se retrouvaient en indo-européen : respectivement « bat »/« pat » (cf. le grec ποδός) et « kur » (cf. le grec χείρ), les langues étant habituellement très conservatrices vis-à-vis des parties du corps.
L’élamite ne connaissait pas les flexions, mais usait au contraire de suffixes et de particules grammaticales. Les noms étaient répartis en genres animé et inanimé, les animés étant déclinés non pas en cas mais en personnes, tandis que les inanimés étaient répartis en trois classes :
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Animés : Locutif : -k le nom animé est celui qui parle (1ère personne du singulier) Allocutif : -t le nom animé est celui à qui on parle (2ème personne du singulier) Délocutif : -r le nom animé est celui dont on parle (3ème personne du singulier) Pluriel : -p le prédicat porte sur plusieurs instances du nom animé (toutes les personnes du pluriel) Inanimés : Classe en : -me noms abstraits ou de choses, collectifs animés et inanimés, fonctions et qualités humaines Classe en : -n classe ancienne, dite dialectale, contenant des noms de lieux et d’inanimés du genre neutre Classe en : -t classe ancienne, dite dialectale, contenant des inanimés représentant un ensemble d’éléments
Les noms animés prenaient ainsi au singulier un suffixe indiquant la personne qui parle (locutif : "sunkik" « (moi) le roi »), la personne à qui l’on parle (allocutif : "*sunkit" « (toi) le roi ») et la personne dont on parle (délocutif : "sunkir" « (lui) le roi »), mais le pluriel était indifférencié ("sunkip" « les rois »), tandis que les noms inanimés ne connaissaient pas semblable distinction ("sunkime" « le royaume », "murun" « la terre »). Ces suffixes étaient répétés sur tous les déterminants : "nappip kikkip ak murip" « les dieux du ciel et de la terre » (et non pas « les dieux des cieux et des terres » malgré les suffixes pluriels répétés sur ciel et terre) ; "sunkik sunkimek" « (moi) le roi du royaume » ; "sunkir sunkimer" « (lui) le roi du royaume » ; "sunkir pahir" « (lui) le roi protecteur » ; "takkime ume" « ma vie » (littéralement « la vie de moi »). Ce type de construction est en soi suffisamment original pour écarter tout lien évident de l'élamite avec les langues contemporaines géographiquement voisines, par exemple le sumérien ; l'absence de caractère ergatif est une autre divergence fondamentale entre l'élamite et le sumérien.
Le génitif pouvait être exprimé par l’inversion des termes et un suffixe de possession : "Nahhunte-utu pare" « la progéniture de Nahhunte-utu » (littéralement « Nahhunte-utu la progéniture ("par-") de ("-e") »). Une autre forme de génitif, plus idiomatique (jamais sur des noms étrangers), reposait sur le suffixe -me : "siyan Inšušinakme" « le temple d’Inšušinak ». Des post-positions pouvaient exprimer un locatif ("Parsip ikka" « chez les Perses », "Našir ma" « à Našir », "siyan appa kuših ma" « dans le temple que j’ai construit »). L’aspect agglutinant se manifestait dans des locutions telles que "duma" « acquérir < prendre-vouloir », ou bien "dama" « attribuer < placer-vouloir ».
Le verbe « faire » à l’aspect accompli ("hutta-") se conjugait de la façon suivante :
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j’ai fait huttah tu as fait huttat il a fait huttaš nous avons fait huttahu vous avez fait huttaht ils ont fait huttahš
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La phonologie de l’élamite est encore plus mal connue que celle du sumérien, car cette langue nous est parvenue rédigée en cunéiformes, qui s’avèrent ne la retranscrire que très approximativement. Au mieux pouvons-nous identifier certains éléments de grammaire et préciser plus ou moins assurément la signification de certains mots racines. L’énoncé était structuré en racines et bases, qui pouvaient être nominales, verbales ou nominoverbales, sur lesquelles étaient sufixées des particules précisant la nature des unités lexicales ainsi constituées. Les racines terminées par une voyelle pouvaient directement servir de base à des dérivations, mais celles terminées par une consonne devaient recevoir une voyelle thématique pour ce faire.
La langue désignée par le géographe arabe Istakhri au Xe siècle de notre ère comme xuzi (du Xuzistān, c’est-à-dire le Khuzistan, nom moderne de la Susiane) était peut-être un avatar tardif de l’élamite, car elle était décrite comme ne ressemblant à aucune autre langue de la région, ni à l’arabe, ni au persan.
L'écriture élamite
Au cours du temps, trois graphies élamites se sont succédé :
Le proto-élamite est la plus ancienne. On la retrouve dès -2900 à Suse, capitale d' Élam. L'écriture proto-élamite aurait été développée à partir d'une écriture sumérienne préexistante. Elle utilise environ un millier de signes, et serait partiellement logographique. N'ayant pas encore pu la déchiffrer, on ne sait pas encore avec certitude si ces signes représentent l'élamite ou une autre langue.
L'élamite ancien est un syllabaire dérivé du proto-élamite et fut utilisé avec certitude entre -2250 et -2220, bien qu'il ait pu être mis au point plus tôt. Il n'a été que partiellement déchiffré, en particulier grâce aux travaux de Walther Hinz. L'élamite ancien consiste en 80 symboles écrits en colonnes verticales, lues de haut en bas et de gauche à droite.
L'écriture cunéiforme élamite fut en usage de -2500 à 330, adaptée à partir de l'akkadien. Cette écriture consiste en 130 symboles, soit bien moins que la plupart des autres écritures cunéiformes.
Divers
- code ISO 639-2 : elx
Notes et références
- ↑ Selon Nicholas Ostler le système pronominal et la morphologie nominale et verbale de ces langues présentent des similitudes ; « Empires of the word », Nicholas Ostler, p39.
- ↑ Lothal, la grande cité littorale du sud de la civilisation de la vallée de l’Indus, pourrait avoir été partiellement dravidienne.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
Bibliographie
- Françoise GRILLOT-SUSINI : L'Élamite - Éléments de grammaire, Geuthner, Paris 2008
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