« Doctrine Mitterrand »

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Doctrine Mitterrand

La « Doctrine Mitterrand » est une expression désignant un engagement verbal pris, en 1985, par le président de la République française François Mitterrand à ne pas extrader les anciens activistes et terroristes d'extrême gauche, ayant rompu avec leurs engagements pris lors des années de plomb.

Sommaire

Les déclarations de Mitterrand

Dans son discours au Palais des sports de Rennes, 1er février 1985, François Mitterrand exclut de cette protection le « terrorisme actif, réel, sanglant ». Il déclare alors :

« Oui, j’ai décidé l’extradition, sans le moindre remords, d’un certain nombre d’hommes accusés d’avoir commis des crimes. Je n’en fais pas une politique. Le droit d’asile, dès lors qu’il est un contrat entre celui qui en bénéficie et la France qui l’accueille, sera toujours et a toujours été respecté ; il n’était d’ailleurs pas demandé, dans la circonstance, en temps utile. Je refuse de considérer a priori comme terroristes actifs et dangereux des hommes qui sont venus, particulièrement d’Italie, longtemps avant que j’exerce les responsabilités qui sont miennes, et qui venaient de s’agréger ici et là, dans la banlieue parisienne, repentis... à moitié, tout à fait,... je n’en sais rien, mais hors du jeu. Parmi eux, sans doute une trentaine de terroristes actifs et implacables. Ce sont justement ceux qu’on ne contrôle pas, c’est à dire qu’on ne sait pas où ils sont ! On dit qu’ils sont en France ? La France est quand même un pays – sans que je puisse préjuger en quoi que ce soit de ce qui se passera demain – dans lequel on a connu une trace moins sanglante qu’ailleurs, même si elle est encore trop sanglante. Mais je dis hautement : la France est et sera solidaire de ses partenaires européens, dans le respect de ses principes, de son droit : elle sera solidaire, elle refusera toute protection directe ou indirecte pour le terrorisme actif, réel, sanglant[1]. »

On peut lire, dans le compte-rendu du déjeuner de travail avec Bettino Craxi, président du Conseil italien, du 22 février 1985 :

« Nous avons environ 300 Italiens réfugiés en France depuis 1976 et qui depuis qu’ils sont chez nous, se sont « repentis » et auxquels notre police n’a rien à reprocher. Il y a aussi une trentaine d’Italiens qui sont dangereux mais ce sont des clandestins. Il faut donc d’abord les retrouver. Ensuite ils ne seront extradés que s’il est démontré qu’ils ont commis des crimes de sang. Si les juges italiens nous envoient des dossiers sérieux prouvant qu’il y a eu crime de sang, et si la justice française donne un avis positif, alors nous accepterons l’extradition[1]. »

Le 21 avril 1985, devant le 65e congrès de la Ligue des Droits de l'Homme, il précise que « Les réfugiés italiens [...] qui ont participé à l'action terroriste avant 1981 (...) ont rompu avec la machine infernale dans laquelle ils s'étaient engagés, ont abordé une deuxième phase de leur propre vie, se sont inséré dans la société française [...]. J'ai dit au gouvernement italien qu'ils étaient à l'abri de toute sanction par voie d'extradition [...]. »

La « doctrine Mitterrand » dans les années 1980-2000

Cet engagement a longtemps tenu lieu de politique générale en matière d'expulsion d'activistes et terroristes italiens. Mais il n'est plus en vigueur depuis l'extradition de Paolo Persichetti en 2002, ancien membre des Brigades rouges, qui a été approuvée par le gouvernement Raffarin. L'affaire Battisti, en particulier, a suscité des débats au sujet de l'interprétation de la doctrine Mitterrand.

D'autre part, les opposants à cette « doctrine » rappellent que ce que peut dire un président au long de son mandat n'est pas une source du droit, et que cette doctrine n'a donc aucune valeur juridique. Les partisans rappellent quant à eux qu'elle a cependant été appliquée jusqu'en 2002 et considèrent que l'ancien président avait engagé la République.

Ses partisans (comptant des personnalités comme Fred Vargas ou Bernard-Henri Lévy, des organisations comme les Verts, la Ligue des droits de l’homme, France Libertés, Attac-France, etc.) ainsi que certaines personnaltés du Parti socialiste (PS), s'opposent au non-respect par la droite au pouvoir de la doctrine Mitterrand.

Cet aspect de la politique française a été vivement critiqué par l'Association italienne de victimes du terrorisme (Associazione Italiana Vittime del Terrorismo) qui a notamment exprimé en 2008 sa « douleur face aux conséquences de la doctrine Mitterrand et à l'attitude des intellectuels de gauche français[2]. »

Le président Jacques Chirac a déclaré qu'il ne s'opposerait pas à l'extradition de personnes recherchées par la justice italienne.

La fin de la « doctrine Mitterrand »

En 2005, le Conseil d'État confirme l'absence de validité juridique de la doctrine Mitterrand :

« Considérant que, si le requérant invoque les déclarations faites par le Président de la République, le 20 avril 1985, lors du congrès d'un mouvement de défense des droits de l'homme, au sujet du traitement par les autorités françaises des demandes d'extradition de ressortissants italiens ayant participé à des actions terroristes en Italie et installés depuis de nombreuses années en France, ces propos, qui doivent, au demeurant, être rapprochés de ceux tenus à plusieurs reprises par la même autorité sur le même sujet, qui réservaient le cas des personnes reconnues coupables dans leur pays, comme le requérant, de crimes de sang, sont, en eux-mêmes, dépourvus d'effet juridique ; qu'il en va également ainsi de la lettre du Premier ministre adressée, le 4 mars 1998, aux défenseurs de ces ressortissants[3]. »

Le Conseil d'État refuse également d'annuler le décret d'extradition de Cesare Battisti[3]. Celui-ci, en fuite, est arrêté au Brésil en 2007.

Notes et références

  1. a  et b La France, l’Italie face à la question des extraditions, Institut François-Mitterrand, 17 juin 2004
  2. « Iniziative dell'Associazione Italiana Vittime del Terrorismo », Paris, 22 octobre 2008, sur le site vittimeterrorismo.it.
  3. a  et b « Le Conseil d'État – Ordonnance du juge des référés – Assemblée du contentieux no 273714 – Séance du 11 mars 2005 – Lecture du 18 mars 2005 – M. BATTISTI » [texte intégral]

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