Valery Fabrikant

Valery Fabrikant

Valery Fabrikant (né le 28 janvier 1940[1] à Minsk, URSS - ) est un ancien professeur en génie mécanique à l'Université Concordia de Montréal, au Canada. Il est l'auteur de la fusillade survenue dans cet établissement le 24 août 1992, il purge actuellement une peine d'emprisonnement à perpétuité pour le meurtre de quatre collègues.

Sommaire

Biographie

Valéry Fabrikant est né le 28 décembre 1939 à Minsk, capitale de la Biélorussie, d’une famille d’origine juive. Son père, Isaac Fabrikant, était médecin et faisait de la recherche sur la tuberculose, laquelle était, à l’époque, aussi importante que peut l’être aujourd’hui la recherche sur le SIDA. Spécialiste dans son domaine, il a publié, avant la guerre, un livre sur la tuberculose. La mère de Valéry, Pesya Yudelevna, occupait un emploi en tenue de livre, jusqu’à ce que la famille déménage en Allemagne en 1946.

Dès le déclenchement de la Grande Guerre Patriotique, le 22 juin 1941, Isaac Fabrikant a été enrôlé dans l’armée et y a servi à titre de médecin militaire. C’est ainsi, en vertu de son statut professionnel, qu’on lui a conféré le grade de lieutenant-colonel de l’armée russe. Lorsque la guerre s’est terminée, en 1945, il servait à Berlin où sa famille l’a rejoint en 1946. C’est là que Valéry a commencé à fréquenter l’école primaire. Malgré le fait que la guerre était terminée et qu’il désirait retourner à la vie civile, Isaac Fabrikant n’a pu obtenir la permission de quitter l’armée. Sa famille est donc restée en Allemagne jusqu’à ce que le lieutenant-colonel Fabrikant soit transféré, en 1949, à Ivanovo au nord- ouest de Moscou.

Bien qu’il soit né en réalité le 28 décembre 1939, la date de naissance inscrite sur le certificat de naissance de Valéry Fabrikant est le 28 janvier 1940. Cela s’explique par l’anecdote suivante. Pendant la guerre, tous les documents relatifs à la naissance de Valéry ont été perdus. Lorsqu’un nouveau certificat de naissance a été émis, la mère de Valéry, qui voulait retarder d’un an l’enrôlement obligatoire de ses fils, a changé la date de naissance de décembre 1939 à janvier 1940, soit un mois plus tard, mais dans l’année civile suivante. Elle a fait de même pour l’année de naissance du frère de Valéry. C’est ainsi que Valéry et son frère ont pu profiter d’une année additionnelle avant d’être enrôlés dans l’armée.

Bien que vivant en URSS, la famille Fabrikant n’a jamais vraiment adhéré à l’idéologie communiste. Contrairement à ce qui peut avoir été dit, le Dr Isaac Fabrikant n’a jamais été un communiste fervent. Au contraire, il a toujours été très critique face au régime communiste. Son attitude et son idéologie ont d’ailleurs joué un rôle important dans ce que devait être plus tard son fils Valéry. Ce dernier, en effet, dès son jeune âge, a quitté le Komsomol (Ligue des jeunes communistes), chose qui était à peu près impensable et que très peu de jeunes osaient faire à l’époque.

Les dossiers scolaires indiquent que Valéry Fabrikant excellait dans tous ses cours, tant au primaire et au secondaire qu’à l’Institut d’Énergie d’Ivanovo où il a terminé son cours d’ingénierie mécanique avec la mention honneur.

Un jour, alors qu’il était étudiant au collège, ses parents l’entendirent parler de sujets politiques avec sa petite amie. Ils sont devenus livides et, dès qu’elle fut partie, l’avertirent qu’elle était une informatrice du KGB. Valéry savait bien que le frère de son amie travaillait pour le KGB, mais elle lui avait dit qu’il était en Sibérie et qu’ils ne se parlaient pas. Valéry ne pouvait croire qu’une jeune fille avec qui il entretenait une relation amoureuse puisse informer le KGB à son sujet. Il ne porta donc pas attention aux avertissements de ses parents et le regrettera, comme nous le verrons plus tard.

Ayant déjà écrit trois documents de recherche alors qu’il était étudiant à Ivanovo, il sera accepté au programme de second cycle de l’Institut d’Énergie de Moscou, sans avoir à compléter les examens usuels d’admission. Il étudiera et complètera son doctorat sous la direction de l’un des ingénieurs les plus reconnus de Russie, le Dr. V.V. Bolotin. Pendant ses études, il habite avec trois autres étudiants dans un petit logement de deux pièces. Lorsque son frère fait sa demande d’admission au programme de deuxième cycle à l’Institut, sa demande est refusée, malgré le fait que ses notes sont supérieures à celles de tous les autres candidats. Indigné, ne voyant à ce refus aucune raison valable, Valéry Fabrikant accuse l’Institut d’antisémitisme. C’est alors que le professeur Bolotin le convoque à son bureau et lui déclare sans détour que s’il ne se tait pas, il n’aura d’autre choix que de l’expulser.

En 1966, Valéry complète son doctorat en génie mécanique avec la mention honneur. Il est alors âgé de 26 ans et cherche un emploi dans ce domaine. Il n’est pas question cependant pour lui de travailler à Moscou. La loi en vigueur à l’époque, en effet, interdit d’embaucher à Moscou un non-résident de cette ville. De plus, tous les nouveaux diplômés doivent, pendant au moins deux ans, accepter le travail qu’on leur propose, généralement dans un endroit éloigné, sinon les autorités refusent de leur remettre leur diplôme. C’est ainsi que Valéry accepte un poste d’enseignement à l’Institut de Technologie Aéronautique de Rybinsk, une ville située à un peu moins de 300 km au nord de Moscou.

À l’Institut de Technologie Aéronautique, Fabrikant mentionne à l’occasion à ses étudiants que le Parti communiste et le régime communiste ne sont pas ce qu’il y a de mieux dans le monde et qu’ils ne doivent pas croire les yeux fermés tout ce qu’ils lisent dans les journaux, mais plutôt utiliser leur propre intelligence pour parvenir à leurs propres conclusions. C’est à cette époque que Fabrikant rencontre pour la première fois Galina, une jeune étudiante qui deviendra éventuellement son épouse.

Deux ans après son entrée à l’Institut, suite à une décision rendue le 3 juillet 1969 par le caucus du Parti Communiste de l’Institut, Valéry Fabrikant était congédié. Se doutant qu’il y avait plus dans son renvoi que les motifs officiellement invoqués et que le KGB avait sûrement un mot à dire dans cette affaire, Fabrikant s’est rendu, quelques jours plus tard, aux bureaux du KGB et a demandé de rencontrer le chef du KGB de Rybinsk. Il a été reçu par son assistant qui, loin de nier l’implication de KGB dans son renvoi, lui a expliqué que son congédiement n’était pas motivé seulement par quelques remarques faites pendant ses cours, mais par une longue suite de comportements similaires. Ce qui a le plus étonné Fabrikant lors de cette entrevue fut l’extraordinaire efficacité du service de renseignement du KGB. Ils connaissaient parfaitement bien des actions et paroles dont il ne se souvenait plus lui-même. Il était absolument étonné de tout ce qu’ils connaissaient dans les moindres détails à son sujet… Et tout était vrai! Ils savaient, entre autres, qu’il avait pendant ses études à Moscou accusé l’Institut d’ingénierie électrique d’antisémitisme, lorsqu’ils ont refusé d’accepter son frère au deuxième cycle. Mais la plus grande surprise de Valéry fut lorsqu’il entendit sortir de la bouche de cet officier du KGB des paroles qu’il n’avait dites à personne, sinon à la jeune fille qu’il fréquentait alors qu’il était au collège. C’est alors qu’il comprit à quel point il avait été naïf dans son ignorance du domaine des relations humaines et stupide d’avoir négligé ainsi la sagesse de ses parents. En quittant les bureaux du KGB, Fabrikant se dit que le KGB était bien le seul organisme en Union soviétique à fonctionner avec l’efficacité et la précision d’une horloge suisse. Il ne comprenait pas cependant pourquoi un si haut gardé du KGB avait pris la peine de passer plusieurs heures à parler ainsi avec lui. Ce n’est que quelques années plus tard qu’il en comprendra la raison.

Ayant perdu en 1969 son emploi à l’Institut de Technologie Aéronautique de Rybinsk, il se trouva un nouvel emploi comme programmeur-analyse à la Manufacture de Moteur Aéronautique de Rybinsk.

À sa grande surprise, à peine un an plus tard, en 1970, on l’invitait à occuper un poste d’Instructeur en Mécanique théorique à l’Institut Polytechnique d’Oulianovsk (Simbirsk). Il était bien connu, en effet, qu’une personne congédiée pour des raisons politiques ne pouvait jamais être réintégrée dans un poste d’enseignement. Dans sa naïveté, Valéry pensait que c’était à cause de ses qualités exceptionnelles d’enseignant qu’on lui avait accordé cette faveur. Il avait appris en effet que, quelques mois après son départ, un sondage avait été effectué auprès des étudiants de l’Institut technologique d’où il avait été congédié et qu’à la question : « Qui selon vous est le meilleur enseignant? » une majorité d’étudiants avaient inscrit son nom bien qu’ils savaient qu’il n’enseignait plus là et qu’il avait été congédié pour motifs d’instabilité politique.

Selon les dossiers de l’Institut Polytechnique d’Oulianovsk, Valéry Fabrikant était un homme de sciences brillant. Deux ans plus tard, en 1972, il était promu Professeur titulaire.

Ce n’est qu’en 1973, cependant, qu’il comprit les véritables raisons de sa réinsertion dans le corps enseignant. Cette année-là, il fut approché par le KGB d’Oulianovsk qui lui suggéra de devenir un de leurs informateurs. L’officier qui le rencontra lui promit que, s’il acceptait de collaborer avec eux, il aurait une brillante carrière. Il lui mentionna même que sa promotion d’agrégé était un acompte pour ses « futurs services ». Sans le menacer ouvertement, il lui rappela que, s’il refusait, le fait d’avoir déjà été congédié pour des raisons politiques ne lui permettrait plus de continuer à occuper un poste d’enseignement. Il n’y a pas de permanence dans les universités soviétiques. Les contrats de tous les professeurs doivent être renouvelés tous les quatre ans par le Conseil d’Éducation (Learned Council). Ce renouvellement est habituellement automatique, sauf pour ceux qui sont jugés politiquement douteux. Cette procédure a été mise en place par les autorités soviétiques afin de se débarrasser de ceux qui ne sont pas politiquement fiables, sans avoir à leur reprocher quoi que ce soit. Une telle décision est sans appel, sauf dans les cas d’irrégularité procédurale. À cette même époque, le renouvellement du contrat d’un professeur venait d’être refusé sans que rien ne lui soit reproché et le bruit courait à l’effet que cette décision était politique. Il n’y avait aucun doute dans l’esprit de Fabrikant qu’il était le prochain sur la liste s’il ne quittait pas de lui-même. En 1973, Valéry Fabrikant a donc quitté son emploi de Professeur agrégé à Institut Polytechnique d’Oulianovsk.

Le prix que dut payer Fabrikant pour rester fidèle à ses principes d’honnêteté et refuser de collaborer avec le KGB fut particulièrement élevé. Les portes d’une carrière académique lui étaient désormais définitivement fermées. Il réussit cependant à dénicher un emploi comme chercheur à l’Institut de Systèmes de Contrôle Automatisés d’Ivanovo. Efim Scheinberg, le premier patron de Fabrikant, était une personne excentrique et querelleuse qui maîtrisait l’art de se mettre à dos quiconque travaillait dans sa division, de sorte que tous les employés de cette division furent éventuellement transférés dans une autre division, incluant Fabrikant, et que Scheinberg se retrouva à la tête d’une division qui ne comptait plus aucun employé. Chacun était surpris de cette situation et se demandait pourquoi Scheinberg n’était pas congédié ou rétrogradé. Une rumeur circulait à l’effet qu’il était un informateur du KGB et que c’est pour cette raison qu’il était traité si « gentiment ». Fabrikant fut donc transféré dans une division où il occupa un poste de programmeur. Selon son nouveau chef de division, Igor Liakishev, Fabrikant était un scientifique compétent.

En 1976, alors qu’il occupait son dernier emploi à Ivanovo, Valéry Fabrikant, âgé alors de 36 ans, épouse Galina, la jeune femme qui avait été son étudiante à Rybinsk dix ans auparavant. Selon un couple d’amis des Fabrikant, les Golod, Valéry n’était pas du genre enclin à s’adonner à de nombreuses activités sociales. Sa vie était entièrement centrée autour de son travail et de sa famille. « En autant qu’il avait une chaise, ses deux ordinateurs et une table de travail dans sa chambre, il était heureux », déclarera Inessa Golod. Fabrikant affirmera lui-même que son travail et sa famille ont toujours été pour lui toute sa vie. « Si on m’avait laissé seul, ajoute-t-il, personne ne serait mort et je ne serais pas maintenant en prison. »

La famille étant très importante pour Fabrikant, ce dernier avait un vif désir d’avoir des enfants. Quelque temps après son mariage, n’ayant toujours pas d’enfant, Valéry a décidé de consulter une clinique médicale à cet effet. Un test de sperme fut alors effectué par le Dr Galina Osokina. Lorsque Fabrikant reçut les résultats du test indiquant qu’il était infertile, il constata que le test n’avait pas été fait selon les normes et que les résultats étaient par conséquent erronés. Le système soviétique ne permettait pas de consulter un autre médecin que celui qui vous était assigné en fonction de l’adresse de votre domicile. Il était donc impossible pour Fabrikant d’obtenir un nouveau test par un autre médecin. Il retourna donc à la clinique pour y rencontrer le Dr Osokina et lui montrer, livre médical à l’appui, comment les tests devaient être faits. Face au refus de cette dernière de reprendre ses tests, il porta plainte au département de la santé à l’effet qu’elle était incompétente. Valéry Fabrikant se rappelle le cas d’un garçon de 10 ans qui est décédé au Canada à cause de l’ignorance d’un médecin qui n’a pas su détecter une appendicite. Les docteurs ignorants ne sont pas seulement au Canada, affirme-t-il, il y en a un grand nombre en Union soviétique. Et pour appuyer ses dires, il souligne le fait qu’il s’est marié au Canada le 23 décembre 1981 et que son fils est né le 21 septembre 1982. Quelle meilleure preuve peut-on avoir, demande-t-il, de l’ignorance de ce médecin russe et du fait qu’il avait, lui, raison?

À l’Institut d’Ivanovo, malgré le fait qu’il occupait un poste hiérarchiquement peu élevé, Valéry Fabrikant jouissait d’un salaire nettement supérieur à la moyenne. En fait, son salaire était équivalent à celui du directeur de l’Institut. Cette anomalie était due au fait que l’échelle salariale était calculée en fonction du degré d’éducation et qu’il possédait un doctorat en sciences, ce que même le directeur de l’Institut ne possédait pas. Fabrikant était conscient que cette situation était propice à susciter de la jalousie à son égard. Le poste qu’il occupait était sujet à renouvellement tous les quatre ans, bien que ce renouvellement soit généralement fait de façon automatique. Pour refuser de renouveler un tel contrat, un vote de plus de 50% des 15 membres inscrits du Conseil supérieur de l’établissement était requis.

En 1978, fait quasiment sans précédent, une majorité des membres présents du Conseil supérieur de l’Institut vota en faveur du non renouvellement de son contrat, quoique des contrats d’employés beaucoup moins compétents aient été renouvelés sans problème. Fabrikant était convaincu que la majorité des membres du Conseil étaient des informateurs du KGB (sinon ils n’auraient jamais pu atteindre un poste si important). Il vit donc dans ce geste une nouvelle manœuvre du KGB pour lui faire comprendre qu’ils avaient le pouvoir de l’atteindre peut importe où il irait et qu’il avait tout intérêt à accepter de devenir informateur pour eux. Le KGB savait qu’une perte d’emploi l’atteindrait sérieusement et le placerait dans une situation où il ne lui resterait plus d’autre option que d’accepter de collaborer avec eux. Ce n’est cependant pas ce qui se produisit. Le fait que le directeur de l’Institut, plusieurs mois après le vote, n’ait toujours pris aucune mesure de congédiement à son égard devint rapidement pour Fabrikant une confirmation que ses soupçons étaient exacts et que le but du KGB n’était pas réellement de le congédier. Fabrikant décida donc de passer à l’action et de pousser le directeur de l’Institut à appliquer la résolution de congédiement qui avait été votée. Fabrikant adopta cette ligne de conduite pour deux raisons. Tout d’abord, il voulait montrer au KGB qu’il n’avait pas peur d’eux. Deuxièmement, il avait déjà résolu que, s’il ne pouvait obtenir justice dans un cas aussi flagrant, il quitterait le pays. En effet, la décision de le congédier avait été adoptée par une majorité des membres du Conseil présents, mais non, comme le prévoyait le règlement, des membres inscrits, plusieurs membres étant absents lors de la tenue du vote. Cette décision était donc illégale, ayant été prise à l’encontre de la règle de procédure établie.

Étant donné qu’il considération déjà la possibilité de quitter le pays, Fabrikant voulait, de plus, éviter à sa famille des représailles advenant une telle éventualité. En effet, la population russe savait très bien que la majorité de ceux qui quittaient le pays le faisaient non pas parce qu’ils étaient maltraités, mais pour des raisons économiques, afin de profiter des salaires supérieurs versés à l’Ouest. Ceux qui quittaient le pays étaient par conséquent très mal vus. Ils étaient considérés comme des traitres et leur famille qui restait derrière en subissait les contrecoups. Il était donc important pour Fabrikant de démontrer à la communauté qu’il subissait une telle injustice qu’il ne lui restait plus d’autre choix que de quitter le pays. Il pensait surtout à sa mère et à sa femme qui ne pourraient quitter le pays avec lui. L’idée qu’on pourrait penser qu’il avait quitté le pays dans le seul but de profiter d’un meilleur salaire le troublait aussi profondément, puisqu’une telle attitude était complètement opposée à ses principes moraux. Après plusieurs mois de pression, le Directeur l’a finalement officiellement congédié. Suite à ce congédiement, Valéry logea une plainte à Moscou contre le service du KGB d’Ivanovo. Il se rendit aussi personnellement à Moscou, au Comité Central du Parti Communiste, et demanda de rencontrer le Secrétaire responsable de l’industrie légère. Il rencontra son adjoint et lui décrit ce qui s’était passé. Le Secrétaire adjoint lui promit de faire enquête. Au cours de cette rencontre il avait laissé à Fabrikant l’impression qu’il sentait que le KGB d’Ivanovo avait commis une stupidité et cherchait un moyen de sauver la face. Peu de temps après son retour de Moscou, on a d’ailleurs offert à Fabrikant d’être réembauché au même salaire, à titre d’Ingénieur sénior, ce qu’il a refusé. Cette offre était loin d’être humiliante, au contraire. À titre d’Ingénieur sénior il n’aurait normalement pas eu droit à l’imposante surprime qu’il recevait à cause de son diplôme scientifique. On faisait donc une exception à la règle pour lui. De plus, s’il acceptait cette offre, il obtenait un emploi à vie, puisque le poste d’Ingénieur sénior était un poste permanent et non sujet à révision tous les quatre ans comme celui de Chercheur. Il s’agissait en fait, selon lui, d’une admission indirecte d’avoir mal agi à son égard.

Suite à son renvoi, Valéry Fabrikant décida donc d’intenter une action civile pour motif de vice de procédure, demandant à être réintégré à son poste original. Il invoquait le fait qu’une majorité des membres présents seulement avait voté pour son renvoi et non une majorité des membres inscrits. Le procès eut lieu en décembre 1978 devant la juge Kovaleva qui rejeta son action. Ce jugement confirma la décision de Fabrikant de quitter l’Union soviétique.

En vertu des lois d’immigration en vigueur en Union soviétique, aucune personne possédant une autorisation sécuritaire ne pouvait quitter l’Union soviétique. Malheureusement, Galina, l’épouse de Fabrikant, possédait une telle autorisation. Il lui était donc impossible de quitter l’Union soviétique avec son mari. De plus, une personne mariée ne pouvait quitter l’Union soviétique sans son époux. Bien qu’ils fussent toujours amoureux, Galina et Fabrikant ont donc été obligés de divorcer pour que Valéry puisse quitter l’Union soviétique. Ce fut une situation très éprouvante et bien triste pour ce couple qui s’aimait toujours.

Pour pouvoir émigrer, Fabrikant devait obtenir un visa d’émigration. Sa demande fut accordée relativement rapidement après son divorce, si l’on tient compte du fait que la loi, qui exigeait qu’une telle demande soit répondue dans les 30 jours, était rarement respectée. Une fois ses bagages enregistrés à Moscou, Fabrikant prit le train pour quitter l’Union soviétique. Galina tint à l’accompagner le plus longtemps possible. Ils réservèrent donc une cabine pour deux, avec toilette et douche – une marque de confort qu’on ne retrouve pas dans les trains en Amérique – et firent le chemin ensemble jusqu`à Brest. C’est là qu’ils se séparèrent, Galina promettant de s’occuper de la mère de Valéry en son absence. Le fait de l’avoir ainsi accompagné jusqu’à Brest fut, pour Fabrikant, une grande marque de considération et de courage de la part de Galina.

Il immigre au Canada en 1979 et entre dans l'enseignement à l'Université Concordia en 1980, où il devient professeur agrégé au département de génie mécanique en 1990. Il étudie la théorie de l'élasticité, portant sur l'étude des contraintes qui s'exercent sur un milieu continu solide lorsqu'il est sollicité ou déformé. Il publiera des ouvrages (sur les thèmes de la mécanique de la rupture, la théorie du potentiel, ou encore la mécanique du contact) de génie mécanique en 1985 et 1989[1]. Au plan personnel, il était marié, et il est père de deux enfants.

À Concordia, Fabrikant se plaint de s'être fait refuser la titularisation à quatre reprises, accuse ses employeurs de chercher à le congédier, et s'oppose fermement à la pratique de créditer certaines personnes en tant que co-auteurs de publications auxquelles elles n'ont pas vraiment contribué.

En 1992, il poursuit en justice deux collègues pour que leurs noms soient retirés de publications qu'il avait lui-même écrites dans les années 1980. Fabrikant devait d'ailleurs comparaître le 25 août 1992, soit le lendemain de ce qui allait devenir le jour de la fusillade, pour outrage au tribunal. Lors d'une audience précédente en Cour supérieure du Québec, il avait accusé le juge en chef Allan B. Gold, chancelier de l'université Concordia de choisir « ses juges les plus corrompus » pour entendre sa cause[1].

Au début des années 1990, Fabrikant est victime d'une crise cardiaque. Les choses s'enveniment à son retour après sa convalescence, et culminent avec la tuerie du 24 août.

Tuerie de l'Université Concordia

Article détaillé : Tuerie de l'Université Concordia.

La fusillade orchestrée par Valery Fabrikant survient au neuvième étage de l'Université Concordia, au pavillon Henry F. Hall, le 24 août 1992. Les victimes sont les professeurs Matthew Douglas (66 ans), Michael Hogben (52 ans) et Jaan Saber (46 ans), ainsi que le titulaire de la chaire de génie électrique et informatique, Phoivos Ziogas (48 ans). Une secrétaire, Elizabeth Horwood, sera aussi blessée par balles.

Valery Fabrikant avait essayé par plusieurs moyens d'obtenir des armes à feu, impliquant l'université Concordia. Cette dernière refusera de lui signer une recommandation pour l'obtention d'un permis de transport d'arme à autorisation restreinte, pour le tir à la cible. Dans une lettre envoyée à la Sûreté du Québec et datée du 14 juillet 1992, soit six semaines avant la tuerie, le vice-recteur aux services de l'université explique le refus en invoquant le règlement de l'établissement sur le port d'arme, et indique qu'en raison des différends entre le professeur et son employeur « l'université a toutes les raisons de s'inquiéter de l'obtention par M. Fabrikant d'un permis de port d'arme »[citation nécessaire].

Des trois armes utilisées par Fabrikant lors de la fusillade, une première fut achetée par l'enseignant le 13 août 1992, et les deux autres l'ont été par son épouse le jour même du massacre, le 24 août. Valery Fabrikant avait passé avec succès son examen d'initiation aux armes de poing en novembre 1991, et son épouse en juillet de l'année suivante. L'homme était également inscrit dans un club de tir[1].

Procès

Valery Fabrikant s'est représenté lui-même à son procès pour le meurtre de 4 collègues. En cour, il fait preuve d'un comportement jugé excentrique lors des audiences. Le juge suspend alors les procédures pour exiger un examen des facultés intellectuelles de l'accusé, et après qu'il eut été déclaré sain d'esprit, Fabrikant tenta de se défendre pendant cinq mois. Le juge arrêta cependant la procédure et les membres du jury se trouvèrent dans l'obligation de le prononcer coupable de meurtre au premier degré. Il a été condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité.

Bien que deux psychiatres aient témoigné favorablement envers lui, l'accusé disait se sentir insulté par ces experts et demanda à rencontrer le docteur Louis Morissette, de l'Institut Philippe-Pinel. Morissette arriva à une position contraire aux deux spécialistes ayant précédemment rencontré Fabrikant. Le psychiatre nota entre autres que les rapports précédant le retour au travail du professeur, en 1992 après une crise cardiaque, avaient toujours fait état de la satisfaction des étudiants de Fabrikant, ainsi que de ses collègues de travail. Il déclara que Fabrikant n'était pas, à son avis, apte à subir un procès, qu'il souffrait de plus qu'un simple trouble de la personnalité, et qu'il devrait être traité par la médication appropriée (chose que le principal intéressé refusait).

Conséquences de la fusillade

Certains des professeurs qui ont survécu à l'affaire Fabrikant ont vu leur comptes gelés par le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) suite à une enquête sur les allégations de Fabrikant.

Autres procédures judiciaires

En 2000, Valery Fabrikant a été déclaré plaideur quérulent parce qu'il a accumulé les recours futiles et mal fondés en grand nombre devant les tribunaux.

Le 5 novembre 2007, Valery Fabrikant se représente en Cour supérieure du Québec pour l'audition d'une plainte déposée avant la tuerie de 1992 (donc avant qu'il ne soit déclaré plaideur quérulent). Il réclame alors près de 600 000 $ en dommage et intérêts à d'anciens collègues de l'Université Concordia qui auraient « profité injustement » de ses travaux et « extorqué » ses documents. Comme à son habitude, Fabrikant - qui se représente sans avocat encore une fois - met à rude épreuve la patience des avocats de la défense et le juge Gilles Hébert.

Le 13 novembre, le juge Gilles Hébert se récuse de la cause civile. Il affirme ne plus être en mesure de faire preuve d'impartialité, n'en pouvant plus de supporter les insultes et les récriminations de l'accusé. De sa cellule, Fabrikant accueille la décision en applaudissant.

Le 20 novembre, la juge Nicole Morneau reprend les procédures là où son collègue les a abandonnées.

Moins d'une semaine après la reprise du procès, le 26 novembre 2007, la juge met fin abruptement au procès en se référant à l'article 75.1 du Code de procédure civile du Québec pour justifier sa décision. Elle estime la cause frivole et sans fondement.

Aujourd'hui

Valery Fabrikant purge actuellement sa peine au pénitencier Archambault à Sainte-Anne-des-Plaines, Québec. Il ne peut être libéré sur parole avant le 24 août 2017.

L'ancien professeur continue ses recherches académiques de la prison. Il a publié dans le IMA Journal of Applied Mathematics en 2006[2]. L'adresse de l'auteur était la suivante : Prisonnier ##167932D, Prison Archambault, Ste-Anne-des-Plaines, Quebec, Canada J0N 1H0.

Il utilise couramment Internet par l'entremise de son fils, notamment Usenet[3],[4] où il argumente en faveur de la théorie du complot[5].

Références

  1. a, b, c et d André Noël, « Valery Fabrikant, un Don Quichotte paranoïaque », dans La Presse, 26 août 1992 [texte intégral (page consultée le 7 septembre 2008)] .
  2. (en) Valery Fabrikant, « Utilization of divergent integrals and a new symbolism in contact and crack analysis », dans IMA Journal of Applied Mathematics, vol. 72, no 2, avril 2007, p. 180-190 (ISSN 1464-3634 et 0272-4960) [résumé (page consultée le 7 septembre 2008)] .
  3. Valery Fabrikant sur Everything2, juillet 2001. Consulté le 4 décembre 2009.
  4. Repost: Official Fabrikant FAQ sur groups.google.ca, avril 2002. Consulté le 4 décembre 2009.
  5. Page personnelle de V. Fabrikant où sont compilés certains de ses envois.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Valery Fabrikant de Wikipédia en français (auteurs)

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