Universalisme républicain

Universalisme républicain

L'universalisme républicain est un des principes corollaires de l'idéologie républicaine française selon lequel la République est une valeur universelle puisqu'elle prône des valeurs universelles.

Ces valeurs universelles, dont les principes de liberté, d'égalité des individus au sein de la République, et de fraternité,

  • ont vocation à être adoptées par tous les humains
  • sont censées s'appliquer à tous les humains uniformément.

Sommaire

Evolution

Au nom de l'universalisme républicain, sont rejetées, aujourd'hui, les discriminations de quelques natures qu'elles soient : racisme[1], religion, de sexe ou d'orientation sexuelle[2],[3]. Mais il n'en a pas toujours été de même.

En effet, l'appréciation de l'universalisme républicain aujourd'hui n'est pas celle de ses origines, quand le combat contre l'esclavage ou le droit de vote pour les femmes, pour ne prendre que ces exemples, n'allait pas de soi.

De plus l' universalisme républicain induisait généralement la francisation, le français étant considéré par les pères de la révolution française comme la langue de la liberté.

La République était alors universaliste au sens que ses valeurs devaient s'imposer à tous.

Universalisme républicain et droit international

Les mêmes principes de liberté et d'égalité sont contenus dans les diverses déclarations internationales des Nations-Unies, contre les discriminations, déclarations qui ne se réfèrent jamais à l'universalisme républicain, mais sont, par contre, ouvertes aux différences culturelles et linguistiques, à la protection des minorités.

Pourtant la République Française nie l'existence des minorités en France, au nom même de l'universalisme républicain, comme en témoignent les réserves constamment émises à ce sujet, réserves :

On constate donc que les instances internationales et universelles recommandent la protection des minorités, et que la France refuse cette protection au nom de sa spécificité républicaine française.

L'Universalisme Républicain en pratique

L'origine : La Révolution française

La communauté juive

Au moment du débat sur l’émancipation des juifs en 1791, Stanislas de Clermont-Tonnerre a dit : « Il faut tout accorder aux juifs comme individus et rien comme nation » (on parlait de nation juive à l’époque comme aujourd'hui de communauté). Cette phrase est souvent citée comme illustration de l’universalisme républicain. Après la signature du décret d’émancipation des juifs la Révolution a demandé aux rabbins de prêter le serment révolutionnaire comme communauté. Ainsi une double pratique s’est instaurée. D’un côté, l’exigence d’universalisme républicain consiste à demander de se détacher de ses appartenances pour accéder à l’universel. Parallèlement, le majoritaire n’a pas de problème puisque la culture ambiante et le fonctionnement des institutions s’accommodent à son appartenance. Par exemple, un catholique a cinquante-huit jours "fériés" par an liés à sa religion (les cinquante-deux dimanches plus les six jours fériés).

La condition féminine

Question posée par Maxime Foerster dans son étude sur l'Universalisme républicain et la sexualité :

« Au moment de la révolution française, au moment de l'émergence de la république et du principe de l'égalité de tous devant la loi, comment peut-on d'un côté émanciper les citoyens juifs, protestants, affranchir les esclaves, ce qui est tout à fait dans la logique de l'universalisme républicain et en même temps exclure les femmes ? »

L’instauration d’un premier seuil de laïcisation en France, c’est-à-dire la Révolution Française et le recentrage napoléonien, n’apporte rien dans ce domaine, au contraire. La Révolution a accordé aux femmes certains droits civils et aux femmes mariées le droit de divorcer. Mais les « avancées » sont « de l’ordre du privé, dans la sphère familiale mais pas dans la sphère politique, comme le justifie Talleyrand en 1791 : ‘Si nous leur reconnaissons les mêmes droits qu’aux hommes, il faut leur donner les mêmes moyens d’en faire usage. Si nous pensons que leur part doit être uniquement le bonheur domestique et les devoirs de la vie intérieure, il fait les borner de bonne heure à remplir cette destination’ » (E. Gaulier, p ; 53). Au contraire, la Révolution signifie « l’exhérédation de la femme » : « sous l’Ancien Régime, les femmes nobles, à la tête de fiefs, pouvaient rendre la justice et étaient investies des attributs de souveraineté au même titre que les hommes ; les femmes du tiers-état participaient par ailleurs aux assemblées » (O. Bui-Xuan, Le droit public français entre universalisme et différencialisme, Economia, 2004, 42).

Le colonialisme

La loi de 1905 et les colonies

Dans son article, Laënnec Hurbon met en évidence les hésitations de l'universalisme républicain lorsqu'il doit s'appliquer hors de la France métropolitaine :

« À l'antinomie citoyen/esclave se substitue celle de citoyen français/sujet (indigène), au moment de l'abolition de l'esclavage dans les colonies, laquelle évitait soigneusement de faire des anciens esclaves des citoyens. Curieusement en effet – et tel est le problème que l'idée républicaine ne cesse de rencontrer sur son chemin – les colonisés reprennent la place de « sujets » qui avaient été celle des Français sous la royauté, comme si la condition de citoyen, impliquant ce qu'on appelle « la présupposition égalitaire » était une marque dangereuse, subversive contre toute tendance à établir une république impériale. »

La loi de 1905 et les colonies Paris, Société française d'histoire d'Outre-mer (Outre-mers, 93), 2005, 334 p. Laënnec Hurbon (Numéro spécial de la revue Outre-mers)[4].

L'universalisme républicain en Algérie

Les principes d’assimilation posés à la fin du XIXe siècle, et la façon dont la IIIe République s’est organisée, visaient à homogéneiser le corps national juridique français : manuels scolaires et «hussards noirs», indépendance face au religieux et au lutte contre l’Église, mise à l’écart des dialectes et des patois locaux et affirmation d’un État administratif (et culturel...) centralisé. L’assimilationnisme républicain est né. Ces élèments, conçus comme principes républicains universels, sont exportés dans les colonies à ce moment-là. Cette « exportation » de valeurs idéologiques accompagne la phrase d’expansion économique du nationalisme français. Les principes de ce néo-universalisme peuvent d’autant plus s’appliquer en Algérie, que ce territoire est considéré, depuis 1848, comme partie prenante de la France.

D’un côté, une stratégie assimilitionniste est avancée qui vise au rassemblement de tous les individus débarrassés de particularismes, en conformité avec les lois et principes proclamés de l’égalité républicaine, citoyenne. En fait, «l’Algérie française» apparaît seulement comme slogan. En Algerie, l'assimilation républicaine etait plus moderée qu'en métropole, les differentes communautés européennes, juives ou musulmanes gardaient leurs particularismes propres. Face à un assimilationnisme affiché se déploie l’application du différentialisme : l’appartenance à la religion musulmane étant perçue comme trop éloigné de la «civilisation occidentale», on devait cantonner sa religion dans la sphère privéé pour devenir français. Quant à l’assimilation républicaine, elle se traduira par une volonté de dépersonnalisation. En Algérie, les principes de la République ne sont pas «assimilés»; on finit par devoir se perdre pour pouvoir exister.

Jusqu’à la moitié du XXe siècle, le nationalisme français s’abritera sous les masques de l’universalime républicain. Les luttes de décolonisation des années 1950-1960 déchirent cette «protection», et font apparaître cet universalisme comme nationalisme. Un choc se produit entre deux nationalismes: un type «universel laïque», et un autre à caractère «communautaire, religieux» (le nationalisme algérien). Dans la guerre d’Algérie, les attitudes se perçoivent plus nettement. Ceux qui tiennent des discours sur l’universalisme républicain (en particulier certains dirigeants de la gauche française) se révèlent n’être que de simples reproducteurs du nationalisme français du XIXe siècle. Au nom de l’universel, ils fabriquent du national...Le malentendu se dissipe définitivement à la fin de la guerre d’Algérie. Les partisans de l’Algérie française, regroupés de l’OAS, se recrutent exclusivement dans les rangs de l’extrême droite, en France.

On assiste à un transfert de la problématique sur le territoire métropolitain. Ce qui existait sur le territoire algérien au temps des colonies se retrouve posé en France, trente ans après. L’extrême force du discours assimilationniste des tenants purs et durs de la République ne vise qu’un objectif : cantoner la religion musulmane dans la sphère privée pour se fondre totalement dans la société française. L'abandon du modèle assimilationiste, jugé trop contraignant et en grande partie l'immigration extra-européenne de masse rend l'intégration quasi impossible. On retrouve la stratégie du différentialisme mise en œuvre en Algérie coloniale qui consistait à créer des espaces délimités (urbains...), puisque la différence était jugée irréductible.

L’immigration maghrébine, et plus particulièrement algérienne, éprouve le sentiment que ce républicanisme, très particulier, a échoué dans l’Algérie coloniale malgré le soutien majoritaire des musulmans pour l'Algérie française. Ce qui a conduit au séparatisme (donc à l’indépendance et au nationalisme) est le constat d’une absence de fonctionnement de la République (absence d’égalité citoyenne : pas de droit de vote) à l’époque coloniale. Cinquante ans après, des partisans déclarés d’un faux modèle de la République procèdent, à nouveau, à coups de sommations assimilationistes. Dès lors, plusieurs réactions sont observables dans les milieux issus de l’immigration algérienne. La première attitude consiste à suspecter a priori toute République inspirée de l’Occident d’amener «l’esclavage» ou la dépersonnalisation. L’idée de la République est alors rejetée. Ce refus débouche sur les ressourcements religieux, sur une attirance des valeurs communautaires. La seconde attitude voit dans la République un système qui a été utilisé par les nationalistes des pays colonisés, pour se dégager du régime colonial (retournement des principes d’égalité contre le colonisateur). Les deux aspects cohabitent. Ils génèrent une perception très contradictoire de la République, qui est actuellement particulièment sensible dans les banlieux françaises. La première vit la prise de naturalisation française comme une «trahison»; la seconde, très largement majoritaire, tente de concilier deux histoires: elle rejette une République "coloniale" assimiliationniste, et veut le respect des principes républicains égalitaires qui acceptent la diversité d’origine (d'où le mythe de la "double-culture") afin d'obtenir une societe multiculturelle et multiconfessionnele. Ainsi se reconstruit, lentement, la mémoire du passé colonial.

La société actuelle

Union ou uniformisation ?

De nombreux penseurs modernes tentent de résoudre la possible contradiction entre union et uniformisation.

« En principe, l’universalisme n’implique nullement la standardisation. La diversité des modèles culturels, qu’il s’agisse de famille, de propriété, de vie communautaire, etc. est non seulement légitime dès lors que l’intangibilité des droits reste assurée, mais indispensable à leur effectivité. Plus largement, la perception des droits de l’Homme ne peut s’affranchir des contextes historiques, économiques, sociaux et donc, synthétiquement, culturels : l’universalité n’est qu’une forme vide et trompeuse quand elle prétend s’en abstraire. Il s’agit donc plus que jamais d’articuler le particuliers et l’universel, ou plutôt de faire sa place au singulier… donc d’associer dialectiquement, parce qu’ils sont en vérité inséparables, pluralisme culturel et universalisme. »

Jean-Pierre Dubois, Professeur de droit public à l’Université de Paris XI Secrétaire général adjoint de la FIDH "Mondialisation, universalisme et droits culturels"

Communautarisme Vs Défense des minorités

La commission sur la laïcité

Henri Pena-Ruiz, philosophe et écrivain défendant les valeurs de solidarité, est devenu un spécialiste des questions de laïcité qu'il pose comme fondement de l'universalité. C'est à ce titre qu'il a été en 2003, l'un des vingt membres de la commission sur la laïcité présidée par Bernard Stasi.

Henri Pena-Ruiz classe la croyance au rang des "options spirituelles", au même titre que l'agnosticisme et l'athéisme. Il s'oppose à l'instrumentalisation de la religion, celle qui mène à la Saint-Barthélemy, et veut donner à la laïcité toute sa dimension universaliste. Dans "Dieu et Marianne", il développe une philosophie de la laïcité. Marianne n'étant ni athée ni croyante, c'est la République qui offre le plus de liberté aux croyances religieuses. Mais il ne faut surtout pas concéder aux religions le droit de contribuer aux décisions d'ordre politique.

« La laïcité, c’est la liberté de conscience liée à l’égalité de traitement de celui qui croit au ciel et celui qui n’y croit pas. Les lois communes dessinent ainsi une sphère publique consacrée au seul intérêt général. Faire prévaloir ce qui unit sur ce qui divise, c’est fonder une paix authentique. »

L'État laïque, refusant tout privilège public aux particularismes, ne reconnait aucune religion et ne consacre aucun athéisme. Il se montre ainsi ouvert et accueillant à tous, sans discrimination.

Extrait de "Oser réaffirmer la laïcité", par Henri Pena-Ruiz :

« La laïcité consiste essentiellement à faire du peuple tout entier, sans privilège ni discrimination, la référence de la communauté politique. Celle-ci mérite, dès lors, son nom de République, chose commune à tous : nul credo obligé, nul privilège clérical. Le clergé d'une religion particulière n'est pas contesté tant qu'il se contente d'administrer les choses de la foi pour ceux qui lui reconnaissent librement un tel rôle.
C'est dire que la république laïque ne craint pas, mais appelle bien plutôt, l'esprit critique. Nous sommes aux antipodes d'une communauté qui ne favorise la solidarité qu'en assujettissant les consciences. »

Les apports de l'Universalisme républicain

La théorie de l'Universalisme républicain est que la République garantit l'égalité de tous. L'État est neutre vis-à-vis des influences sociales, philosophiques ou religieuses, en permettant à chacun de conserver les pensées qui sont siennes. Par conséquent aucune spécificité ne peut être prise en compte dans les lois ou règlements publics.

Certains entendent cette notion en tant que conception subjective de la nationalité, fondée sur la volonté librement exprimée d'un avenir commun et non sur des critères de langue, de religion ou d'origines ethniques ou géographiques.

En République, tous les citoyens doivent jouir des mêmes droits. Cette égalité est la meilleure garantie de leur liberté. Elle implique la neutralité spirituelle des institutions publiques, ainsi dotées d'une légitimité authentique. Si la République laïque se refuse à tout privilège public des religions ou de l'athéisme, c'est pour mieux promouvoir ce qui importe à tous les hommes : justice, santé, instruction, culture.

Si la République refuse de prendre en compte les différences, elle les respecte.
Il y a ainsi un partage entre les valeurs communes à l'ensemble de la société et qui constituent "L"universalisme républicain" et les spécificités de toutes natures qui restent de l'ordre de la vie privée.

Dérives au nom de l'Universalisme Républicain

Comme toutes les idéologies, elle comporte le risque de déformer la réalité pour correspondre à ses principes et à ses formes. Ainsi, certains adeptes de cette idéologie étendent le champ de cet universalisme jusqu'à la négation de tout droit à la différence - certains parlent de tentative de dépersonnalisation - (voir par exemple Observatoire du communautarisme[réf. nécessaire] et Alain Soral[réf. nécessaire]), niant ainsi l'existence de minorités telles que celle des minorités nationales en France (ceci provient d'une conception de l'état fondé sur le principe "Une langue, un peuple, une nation, un état" - toutes les situations non conformes à ce principe sont niées voire supprimées).

Critiques de la notion d'Universalisme Républicain

Cette conception est largement critiquée aujourd'hui :

«  L’« universel républicain » a mauvaise presse. Dans la vie publique, il est d’ailleurs toujours qualifié d’« abstrait », ce qui le condamne explicitement ou implicitement. Il importe donc de comprendre ce qu’il fut sans le caricaturer mais sans l’idéaliser rétrospectivement, d’analyser ce que furent ses vertus mais aussi les mauvais usages qui ont pu en être faits, et les interrogations qu’il suscite aujourd’hui. »

"L'universel républicain revisité" - Dominique SCHNAPPER[5]

Certains voient un enfermement dans l'incapacité à remettre en cause ou à reconcevoir les principes de l'Universalisme républicain[6].

Les objections faites aux principes de l'Universalisme républicain se déclinent selon plusieurs axes :

    • L'inégalité existant de fait dans la société remet en cause le principe même des lois et règlements uniformes envers les citoyens. Il est nécessaire de prendre en compte la pluralité et la diversité de la société[7].
    • Benjamin Stora met clairement en évidence les impostures liées à cette notion :

« Quant à l’assimilation républicaine, elle se traduira par une volonté de dépersonnalisation. En Algérie, les principes de la République ne sont pas «assimilés»; on finit par devoir se perdre pour pouvoir exister.

Jusqu’à la moitié du XXe siècle, le nationalisme français s’abritera sous les masques de l’universalisme républicain. Les luttes de décolonisation des années 1950-1960 déchirent cette «protection», et font apparaître cet universalisme comme nationalisme. Un choc se produit entre deux nationalismes: un type «universel laïque», et un autre à caractère «communautaire, religieux» (le nationalisme algérien). »
    • Gilles Manceron, rédacteur en chef de la revue de la Ligue des droits de l’Homme, Hommes et Libertés, cerne tout particulièrement, dans "Marianne et les colonies"[8], ce « paradoxe républicain » qui a conduit à l’invention d’un « universalisme truqué » distinguant les hommes blancs civilisés des indigènes sauvages. Une « contrefaçon » qui s’est poursuivie jusqu’au milieu du XXe siècle, avec une « étonnante continuité », et que nous avons, aujourd’hui encore, bien du mal à expliquer aux élèves des collèges et des lycées. Faute d’être débarrassé de cette « falsification » qu’il a entretenue, notre discours républicain continuera, affirme Manceron, d’être « porteur d’une ambiguïté fondamentale ».
    • Conclusion de l'essai de Maxime Foerster :

« L'universalisme républicain est une conception abstraite de la citoyenneté qui consiste à dire que la meilleure façon de ne pas discriminer un citoyen c'est de le définir en faisant abstraction de sa race, sa religion, ses opinions politiques, son orientation sexuelle, son sexe. C'est en fait essayer d'obtenir, à travers le citoyen, une vision d'électron libre complètement non surdéterminé par des caractéristiques qui pourrait le catégoriser. »

    • Une critique sociologique de la notion d'universalisme républicain est aussi possible.

« Finalement, votre besoin d'universalité trahit, à mon sens, une méconnaissance des mécanismes d'analyse qui nous permettent de vivre en société et dans lesquels vous êtes également pris, comme tout le monde : une analyse qui nous conduit constamment à produire de l'altérité et de l'unité. Dans les termes de Jean Gagnepain : « Nous passons notre temps à créer du singulier pour pouvoir l'échanger et fabriquer en permanence un universel toujours provisoire » (1994, 138).

Taguieff le dit bien aussi lorsqu'il affirme que « les «dérives communautaristes» dénoncées sont toujours celles d'un groupe autre que le groupe d'appartenance du dénonciateur. Le «communautariste», c'est l'autre. » C'est donc vous qui allez déterminer quels sont les « faits communautaristes », selon les critères qui seront les vôtres, et notamment lorsque, en tant que groupe de citoyens porteurs des valeurs que vous défendez, vous vous sentirez atteints (ce n'est pas moi qui le dit, mais vous-mêmes qui parlez d'« atteinte ») par l'altérité de groupes exprimant des appartenances qui vous semblent incompatibles avec l'appartenance à la nation française. »

Voir la suite de l'article "L'ouverture de la multiplicité" par David ar Rouz[9]
    • Vu de l'étranger, le principe d'Universalisme républicain est vu comme apparenté à une religion (l'expression "Républicanisme transcendental" est utilisée) dont la thèse centrale est que l'égalité supprime les discriminations. Mais cette égalité suppose l'abandon des particularités. Ainsi la Süddeutsche Zeitung[10] avance ce commentaire :

« ... Ce serait faire tort aux républicains comme Pena-Ruiz de supposer qu'ils ne souscrivent pas de bonne foi à l'idée que la République française est une affaire qui s'adresse à l'homme universel et dans laquelle toutes les particularités doivent s'effacer pour le bien commun. D'un autre côté, il est également clair que cette idée confond toujours l'homme universel et la France, et ignore impitoyablement le reste du monde. L'universalisme n'est donc pas la solution à l'exclusion qui frappe les Arabes et les Noirs. Par son ethnocentrisme déguisé en logique de la raison, il est lui-même le problème.  »

Progrès actuels de la notion d'Universalisme républicain

S'appuyant sur les critiques de l'Universalisme républicain, de nouvelles réflexions proposent d'intégrer l'approche unificatrice et la prise en compte de la réalité sous ses diverses formes. L'unification apparaît alors davantage comme une volonté d'union que comme une uniformisation réductrice.

La loi sur la parité

La réflexion sur la condition de la femme a conduit à remettre en cause l'Universalisme républicain des origines pour cause de sexisme avant la lettre.

Les propositions[11] et les mesures actuelles tendent à corriger ce biais culturel :

« J’ai deux propositions à faire. La première consisterait à remplacer, dans la Constitution française, la Déclaration de 1789 par celle d’Olympe de Gouges, puisqu’elle contient tout ce qu’affirme cette Déclaration et y ajoute l’élément fondamental de l’égalité des genres. Ce serait logique avec l’instauration de la parité, non ? Olympe de Gouges pourrait d’ailleurs, bien mieux qu’Evelyne Thomas et tutti quanti, être portraitisée et devenir le nouveau buste de Marianne.

La seconde proposition serait que les « Indigènes de la République » ou d’autres écrivent une Déclaration des droits en s’inspirant de celle de Mme de Gouges et en l’appliquant à leur situation. Ce serait du bel ouvrage. »

La loi sur la parité - en dépit des débats - permet, au moins symboliquement, de remettre en cause la primauté masculine.

« Peut-être faut-il désormais rechercher l'unité par la diversité plutôt que par une homogénéité factice. C'est tout le sens de la loi sur la parité qui, au-delà de l'égalité en politique qu'elle instaure, se donne pour ambition de promouvoir, par l'exemplarité, la place des femmes dans la société. ... Si l'universalisme républicain et l'égalité citoyenne fondent notre engagement de jeunes socialistes, nous choisissons de penser cet universalisme comme tension et non contenu démagogique, comme l'horizon de notre combat.
Nous préférons partir du réel.

»

"Pour la parité" sur le site de "La jeune Gauche"[12]

SOS Homophobie

L'association SOS Homophobie[3] s'inscrit dans l'objectif d'une unité tolérante aux différences.

Les objectifs de SOS homophobie ne sont en aucun cas communautaristes mais s'inscrivent au contraire dans le cadre de l'universalisme républicain.

« Nous demandons seulement la fin de l'exclusion et un égal respect pour toutes les personnes, quelle que soit de leur orientation sexuelle réelle ou supposée.

- Parce que l'homosexualité demeure encore un motif de discrimination, d'exclusion, d'agression autant qu'un sujet tabou…

- Parce que les différentes formes d'homophobie et leurs conséquences sont encore insuffisamment connues…

- Parce que les programmes éducatifs traitent encore trop peu d'homophobie…

- Parce qu'il n'est pas aisé pour un professeur d'aborder avec les élèves les questions d'orientation sexuelle alors que l'on touche au domaine de l'intime…

- Parce que parler aux élèves des difficultés et des droits des homosexuels en respectant les sensibilités de chacun n'est pas un acte facile… »

CV anonymes

Conceptions similaires à l'universalisme républicain

En Turquie : le Kémalisme

Mustafa Kemal, « le Père des Turcs » (Atatürk), fondateur et premier président de la République turque, a engagé son pays sur la voie de l’occidentalisation. Pierre-Jean Luizard, historien au Groupe de sociologie des religions et de la laïcité (GSRL), revient sur une laïcité qui est souvent source de malentendus[13].

À partir de 1924, Mustafa Kemal a fait de la laïcité le principe fondateur de la nouvelle Turquie républicaine née sur les ruines de l’Empire ottoman. Cet événement a-t-il mis ce pays sur la voie d’un rapprochement inéluctable avec une Europe de plus en plus sécularisée ? Ou bien, au contraire, la Turquie n’a-t-elle pas manifesté, depuis, une configuration qui la rattache bien davantage aux autres pays musulmans, où les élites laïques ou laïcisantes, qu’elles soient confessionnelles et/ou militaires, ont toujours été autoritaires ? Les exemples de la Tunisie de Bourguiba, du Baas en Irak et en Syrie, ou de l’Iran du chah l’illustrent bien.

Avant Mustafa Kemal, la laïcité était venue aux Jeunes Turcs au début du XXe siècle par le canal des francs-maçons du Grand-Orient de France. Mais, en s’acclimatant à des contextes radicalement différents, les idées sont souvent modifiées en profondeur. Pour Mustafa Kemal, il s’agissait de faire que la Turquie échappe au sort réservé à l’ensemble d’un monde musulman alors colonisé par les puissances européennes : en adoptant les valeurs des vainqueurs, il sauva son pays de la domination européenne et s’imposa comme interlocuteur incontournable.

Si le traumatisme des réformes laïques d’Atatürk fut malgré tout accepté par la population, c’est aussi parce qu’une nouvelle identité ethnique, turque, était promue, en remplacement de l’ancienne, musulmane.

Cependant, la laïcité turque n’est pas une laïcité de séparation : l’État garde un contrôle tatillon sur l’islam officiel et il a intégré l’essentiel du corpus de l’islam réformiste, né en réaction à la domination européenne et devenu l’idéologie dominante dans le monde musulman. La société civile a éclaté en sphères contrastées : des élites et des classes moyennes citadines de culture laïque de plus en plus européanisées d’un côté, et la masse de la population rurale ou d’origine rurale, attachée à un islam populaire et/ou réformiste de l’autre. De nouvelles élites musulmanes, intellectuelles et économiques, sont apparues.

La Turquie semble juxtaposer des dynamiques contradictoires, sans qu’il soit possible d’affirmer laquelle l’emportera sur l’autre. L’armée turque se considère le garant du dogme kémaliste laïc et c’est à ce titre qu’elle est directement intervenue pour empêcher des partis religieux, puis ouvertement islamistes, de gagner les élections.

En Syrie et en Irak : Le Baasisme

Le Baasisme est une idéologie basée sur le progressisme, la laïcité et le panarabisme.

A la suite de l'universalisme républicain français, le Baasisme utilise la notion de laïcité pour apaiser les tensions religieuses dans les pays du Moyen-Orient. Cependant, le Baasisme défend une vision de la laicité différente de la compréhension française :

« Nous n'approuvons pas l'athéisme et nous ne l'encourageons pas. Nous le considérons dénué de toute authenticité. C'est une prise de position fausse, maléfique et trompeuse, car vivre signifie croire, et l'athée nous leurre lorsqu'il dit une chose et en croit une autre... Car il est évident qu'il croit en certaines choses, en certaines valeurs. Nous considérons l'athéisme comme un symptôme pathologique, et il faut en découvrir les causes pour y porter remède. Il ne faut point avoir recours à la répression, car celle-ci ne ferait pas reculer l'athéisme, mais au contraire contribuerait à son développement. Mais si nous découvrons las causes de l'athéisme, nous pourrons faire en sorte qu'il disparaisse.

J'ai affirmé que l'athéisme relevait d'une attitude fausse, voulant dire par là que l'athée ne faisait pas coïncider ses actes et ses paroles. La révolte contre la religion en Europe est en elle-même une religion. Elle s'inspire d'idéaux et de valeurs humaines. En fait, nous pourrions l'assimiler à un authentique mouvement religieux. Il ne fait pas de doute que cette révolte portait en germe une créativité et un esprit de réforme qui lui ont permis de bouleverser les sociétés et les individus, de les amener à se mieux connaître et à découvrir les supercheries avec lesquelles on les avait si longtemps bernés. Elle les a délivrés, elle a libéré leur sens de l'humain et leur individualité. Une telle attitude est cependant inadéquate. Car la révolution, en les incitant à rejeter la religion, ne leur a révélé que la moitié du problème. Il est vrai que, dans l'état actuel des choses, la religion pose problème, et contribue à augmenter leur misère et leur servitude; mais lorsque les peuples seront vraiment éveillés et quand ils auront récupéré leur dignité, l'athéisme ne leur suffira plus. Ils devront faire un pas de plus. Ils retrouveront alors ce qui leur manque: une religion saine, claire, juste, en parfaite concordance avec ses objectifs premiers.

«Notre point de vue sur la Religion - mars 1956». »

L'approche tunisienne de la laïcité

Le voile islamique est interdit dans certains pays à majorité musulmane comme la Tunisie ou la Turquie.

La conception de la laïcité en Algérie

Dans les colonies, où la laïcité française rencontre l'Islam, la politique de la République est marquée par l'ambiguïté. En Algérie, partie intégrante de la République jusqu'en 1962, la loi de 1905 prévoit la pleine application des principes de la laïcité. Mais, par le biais de décrets d'application dérogatoires pris par le gouvernorat d'Algérie, un régime d'exception est mis en œuvre avec un code de l'indigénat qui maintient le statut personnel musulman ou israélite. L'énonciation de principes républicains laïques et leur application dérogatoire sur un territoire donné sont révélateurs d'une contradiction propre à l'Etat colonial français. Ce processus interdit tout épanouissement de la théologie musulmane dans un environnement laïque.

Pendant la colonisation, les ulemas réclament un statut laïc qui leur permettra d'échapper au contrôle des autorités coloniales. Ceci n'est cependant pas repris lors de la déclaration d'indépendance. L’article 2 de la première constitution algérienne stipulait : « l’Islam est religion d’Etat ».

Opposés à l'islamisme, les tenants de la laïcité sont les partisans d'un arabisme séculier qui impose à la Kabilie une arabisation forcée, source de tensions importantes[14].

Aux États-Unis : la diversité

Aux États-Unis, la diversité est constitutive de la société. Deux avantages : la différence n'est pas seulement tolérée mais considérée comme naturelle ; de plus les minorités peuvent s'affirmer pour obtenir un traitement tendant à l'égalité de fait.

Par contre l'absence d'universalisme ne va pas sans problème comme le montre cet extrait d'un entretien[15] avec Jean Baubérot, président honoraire de l’École pratique des hautes études et titulaire de l’unique chaire de l’enseignement supérieur français consacrée à la laïcité :

«  Je voudrais partir d’un entrefilet du Monde daté du 9 octobre 2003 d’autant plus significatif pour moi qu’il recoupe certaines de mes discussions avec des Américains, collègues professeurs ou défenseurs des droits de l’homme. Il rend compte d’une proposition émise en Californie d’éliminer de la Constitution de l’État les références ethniques ou religieuses dans les documents officiels. La réaction immédiate d’un Français est d’approuver une telle décision. Or, outre-Atlantique, la proposition a été combattue par des militants des droits civiques. D’après eux, la disparition de ces références risquait de ne plus permettre de veiller à l’égalité des droits ou des chances quelle que soit l’appartenance ethnique. Le moyen d’atteindre les mêmes objectifs diffère donc radicalement en France et aux États-Unis. En France, le moyen employé outre-Atlantique apparaît ou horrible ou mauvais éthiquement, alors qu’aux États-Unis cela aura tendance à être le contraire. Ma première réflexion consiste à me demander, à l’heure de la mondialisation, à l’heure où il est très facile d’avoir des contacts, pourquoi chacun campe sur ses positions dans la croyance que sa manière de voir les choses est universelle et pourquoi nous ne pouvons pas engager des discussions plus précises. En France, le seul fait de parler d’ethnicité apparaît comme déjà composer avec des gens qui seraient éthiquement très douteux. J’entends bien qu’il ne faut figer personne dans des caractéristiques ethniques. J’entends bien également que les gens peuvent avoir une individualité propre, à distance de leurs origines. Je dirais donc effectivement que je ne renie pas les préoccupations françaises dans le domaine. Il n’empêche. »

Ville-École-Intégration Enjeux, n° 135, décembre 2003 ENTRETIEN AVEC JEAN BAUBÉROT

Références

  1. Imprimer :: « L'universalisme républicain n'est pas une réalité » - l'Humanite
  2. Les limites de l'universalisme républicain [SOUS-TITRE] Par Flora Leroy-Forgeot (1) - l'Humanite
  3. a et b SOS homophobie
  4. Laënnec Hurbon, « La loi de 1905 et les colonies », Archives de sciences sociales des religions, 136( 2006), [En ligne], mis en ligne le 14 février 2007. URL : http://assr.revues.org/document4030.html.
  5. Dominique Schnapper parle au passé de l’ancienne conception de l’Universalisme républicain.
  6. L'obsession névrotique française de l'universalité
  7. Ainsi Esther Benbassa dans L'Humanité du 21 mars 2005 :

    « L’appel des Indigènes de la république, par exemple, ne peut qu’interpeler violemment une France qui refuse de se voir dans sa pluralité. En effet, la plupart des politiques sont toujours jacobins. Ils restent ancrés dans un universalisme républicain qui ne répond plus aux exigences de la société. Considérer que, sous l’égide d’un État centralisateur, tous les citoyens sont égaux, c’est une aspiration mais ce n’est pas la réalité. »

  8. Marianne et les colonies. Une introduction à l’histoire coloniale de la France, Gilles Manceron, La Découverte/Poche.
  9. L'ouverture de la multiplicité
  10. Cité dans Courrier International n° 852, 1er mars 2007, p. 17 sous le titre "La République comme objet de culte".
  11. La DECLARATION DE 1789 est-elle UNIVERSALISTE? : Jean Baubérot
  12. Pour la parité
  13. Turquie : une autre laïcité en question
  14. LA LAICITE EN ALGERIE / UNE IDEE PERENNE
  15. http://www.cndp.fr/RevueVEI/135/00701911.pdf

Voir aussi

Articles connexes

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