- Tâche aveugle
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Point aveugle
Le point aveugle ou tache aveugle ou tache de Mariotte correspond à la partie de la rétine où s'insère le tractus optique (nerf optique) qui relaye les influx nerveux de la couche plexiforme interne jusqu'au cortex cérébral, ainsi que les vaisseaux sanguins arrivant à l'œil et quittant l'œil. Dans la pratique il s'agit donc d'une petite portion de la rétine qui est dépourvue de photorécepteurs et qui est ainsi complètement aveugle.
Mise en évidence du point aveugle
Vous pouvez faire l'expérience suivante :
- Fermez l'œil gauche et regardez uniquement le rectangle à environ 30 cm. Normalement le rond disparait, mais s'il est toujours visible avancez ou reculez un peu.
- Vous pouvez faire la même expérience en fermant l'œil droit et en regardant le rond avec le gauche pour faire disparaître le rectangle.
Intérêt didactique du point aveugle
La mise en évidence du point aveugle (facile avec des élèves de tout âge) permet d'introduire la notion que la vision est une interprétation du monde effectuée par le cerveau.
- En effet, l'œil n'est donc pas une caméra (au sens photographique) puisque ce que nous percevons (image vue, ressentie) est une interprétation constante du réel. Les informations transmises sont donc traitées par le cerveau qui crée une sensation (perception) relative du monde conforme à ses attentes. Le cerveau interprète les signaux et construit une "image" de ce réel dont nous prenons conscience, et que notre habitude nous fait interpréter comme un réel, alors que ce n'est qu'un réel interprété.
Extension philosophique du concept
La notion de point aveugle mène à des réflexions plus larges concernant les systèmes de déduction logique et plus généralement les systèmes finis de règles hiérarchisées.
- En mathématiques par exemple, les théories sont des systèmes fondés sur une hiérarchie d'assertions. Les assertions posées comme premières pour fonder la théorie sont dites axiomes. Elles ne doivent pas être démontrables d'elles-même (démarche de Hilbert) mais elles fondent la base à toutes les déductions de la théorie : les théorèmes. En ceci les axiomes constituent les points aveugles des mathématiques. David Hilbert (1862-1943) cherchait à savoir s'il était toutefois possible de justifier l'intérêt des axiomes. Expliquons nous : potentiellement toute assertion est un axiome, on peut former des théories sur n'importe quoi. Cependant toutes les théories ne sont pas à considérer de la même façon. Les théories mathématiques par exemple doivent vérifier une propriété fondamentale qui est la consistance. Une théorie est dite consistante si pour toute déduction D vraie qui y est faite, Non D est fausse (autrement dit il est impossible d'y aboutir à une contradiction vis à vis du tiers exclu). Un des 23 problèmes de Hilbert (posés en 1900 à Paris) était le suivant (deuxième problème de Hilbert) : « peut-on prouver (à l'aide de l'arithmétique elle-même) la consistance de l'arithmétique? ». En somme il posait la question de savoir si l'arithmétique avait un autre point aveugle que ses axiomes. L'arithmétique pouvait-elle voir d'elle même sa consistance?
- Le mathématicien Kurt Gödel, en publiant ses théorèmes d'incomplétude (1931) a répondu par la négative à cette question. L'arithmétique ne peut pas voir sa propre consistance parce que la proposition P « l'arithmétique est consistante » est indécidable dans le cadre de l'arithmétique. C'est là une particularité tout à fait essentielle qui touche toutes les théories mathématiques suffisamment élaborées pour exprimer l'arithmétique élémentaire. La consistance de ces théories est leur point aveugle, elles ne peuvent la voir d'elles-même. Car Gödel est formel sur ce point : pour prouver la consistance de l'arithmétique élémentaire, il faut en sortir, c'est-à-dire se placer dans une théorie plus large contenant plus d'axiomes. Mais dans ce cas, la nouvelle théorie ne peut toujours pas prouver sa propre consistance. Elle ne peut que prouver la consistance des théories de rang inférieur. Ainsi le point aveugle d'une théorie ne peut être que vu que depuis l'extérieur de cette théorie. Et ceci s'étend à toutes les mathématiques (suffisamment élaborées pour exprimer au moins l'arithmétique de Peano) : elles ne peuvent pas voir d'elle-même leur propre consistance. (Le mathématicien français André Weil résumera d'ailleurs cette conclusion en ces mots : « Dieu existe parce que les mathématiques sont cohérentes [consistantes] mais le diable existe parce que nous ne pouvons pas le prouver [mathématiquement] »)
- Pour voir, l'œil a besoin d'une base qu'est le tractus optique. Mais, ce faisant, l'insertion de cette base impose une faille : un point aveugle qui correspond à l'insertion du tractus optique dans l'œil. Sans tractus, pas de vision, mais la tractus limite de lui-même la vision.
- Considérons un dernier exemple. Nous allons poser pour vraie l'assertion suivante :
- I : « l'assertion I est indémontrable ». I annonce donc « je suis indémontrable ». Si on construit une théorie respectant I (et quelques autres axiomes), alors dans le cadre de cette théorie on ne peut plus rien dire de I. I devient indécidable. En effet disons que I soit indémontrable, sous cette hypothèse, I a dit vrai (donc I est vraie) donc I est démontrée comme vraie, alors elle est démontrable. Nous serions donc enclins à affirmer que I est démontrable, donc que I est fausse (puisque c'est la seule alternative que nous laisse le tiers exclu) or on a posé I pour vrai initialement ...
- Vous aurez pourtant compris que tout au long de cette démarche, il a existé une raison première extérieure à la théorie : Sans demander de compte à personne nous avons dit « I est vraie », point. Ceci était posé de façon indiscutable et première. Cependant, une fois que nous élaborons un système d'axiomes (une théorie) élaborée contenant la proposition I posée pour vraie, alors dans cette théorie, I est un point aveugle. On sait que I est vraie parce qu'on l'a posée comme telle. Mais vue sous l'angle de la théorie ainsi construite, on ne peut plus rien dire de I.
- La notion de point aveugle est donc très liée aux systèmes de règles hiérarchisés, et on la retrouve d'ailleurs en informatique où elle est centrale dans le problème de l'arrêt, une machine logique est incapable notamment de savoir d'elle-même qu'elle est une machine logique.
- De ceci la tradition orientale du soufisme disait que « l'œil n'est pas capable de se voir lui-même ».
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Catégorie : Vision
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