Tyrlée

Tyrlée

Tyrtée

Tyrtée (en grec ancien Τυρταῖος / Tyrtaĩos) est un poète spartiate du VIIe siècle av. J.-C. Selon Eusèbe de Césarée, il atteignit son apogée pendant l’olympiade 612609 av. J.-C.

Biographie

L'origine de Tyrtée est inconnue. La Souda en fait un Spartiate de naissance, ou un Ionien de Milet. Les orateurs attiques, Platon et Pausanias en font un Athénien. Comme ses poèmes sont en ionien mêlé d'homérismes et de dorismes, il est probable qu'il ait vraiment été spartiate. Il est contemporain de la deuxième guerre de Messénie, la Souda plaçant son apogée de 640 à 636 av. J.-C.

Toutes les autres données concernant Tyrtée sont incertaines. Selon une tradition anti-spartiate, (rapportée par le scholiaste des Lois de Platon et Pausanias [IV, 15, 6]), c'était un obscur maître d'école, peu engageant, boiteux et borgne. Il n'avait aucun succès auprès des femmes, et de plus, l'exaltation de son esprit voué entièrement au culte de la poésie lyrique, faisait douter, même ses contemporains, de sa santé mentale et de son intelligence. Tyrtée fut le premier maître d'école de l'histoire à qui des textes font référence.

Toujours selon cette tradition, il avait 32 ans lorsque qu'une délégation de Spartiates arriva à Athènes. Ils venaient de consulter l'oracle de Delphes, car Sparte était dans une situation difficile, battus par les Messéniens, ses troupes étaient découragées et désespérées. La Pythie avait conseillé aux délégués de sparte de demander aux Athéniens un homme qui pourrait les aider de ses conseils. Pour ces derniers c'était une bonne occasion d'abaisser l'orgueil de leurs rivaux, et par mépris et dérision, ils décidèrent de leur envoyer Tyrtée en tant que général.

Mais ce maître d'école boîteux sut, par ses chants de marche et ses élégies martiales, relever le courage des soldats lacédémoniens. Électrisés par ses vers, ils s'armèrent pour le combat, et marchèrent au-devant de leurs ennemis Messéniens : la bataille fut terrible, longue et sanglante, mais Sparte resta finalement victorieuse.

En témoignage de reconnaissance, Sparte lui accorda, lors d'une ovation triomphale, le droit de cité et le titre de citoyen de Sparte. Si les données précédentes ne sont guère vérifiables, cette dernière affirmation paraît suspecte, Xénophon ne le citant pas dans la liste des étrangers ayant reçu cet honneur.

Toujours selon la tradition, il fut le premier maître d'école grec dans sa nouvelle cité d'adoption, qui jusque là n'en avait pas. Il est certain qu'il joua un grand rôle dans la définition de la politique éducative des jeunes spartiates. L’orateur Lycurgue explique ainsi dans son Contre Léocrate (105–107) :

« Il est de notoriété publique en Grèce que le général qu’ils prirent dans notre cité était Tyrtée, grâce auquel, avec une clairvoyance qui portait bien au-delà des adversités d’alors, ils défirent leurs ennemis et mirent au point leur système d’éducation. »

Certains auteurs antiques pensent en particulier que Tyrtée institua la pédérastie à Sparte. Il mourut à Lacédémone dans le respect, le prestige et la gloire.

Œuvre

Il nous reste de l'œuvre de Tyrtée des fragments de onze élégies, au sens ancien du terme — ces poèmes étaient composés en distiques élégiaques faisant alterner un hexamètre dactylique et un pentamètre. Ces fragments sont inégaux : pour quelques élégies, nous n'avons qu'un seul et unique vers, pour d'autres, les fragments sont plus importants. La première élégie est la seule à nous être parvenue directement, préservée sur un papyrus, les autres sont transmises par des auteurs postérieurs.

Tyrtée est le poète officiel de Sparte. L'orateur attique Lycurgue explique ainsi dans son Contre Léocrate (107) qu'avant de partir en campagne, les soldats se réunissent devant la tente royale pour écouter une récitation des élégies de Tyrtée. Son importance vient de ce qu'il a su adapter l'idéal homérique, fondé sur la chevalerie et la gloire personnelle, en un idéal politique (de la cité) et collectif.

Comme Homère, Tyrtée chante la valeur guerrière, les plaisirs dus aux vainqueur et le malheur des vaincus. Il veut chasser la crainte de la mort et glorifie la belle mort du jeune homme tué en combattant. Mais cet honneur n'est plus réservé aux guerriers nobles, il peut désormais être recherché et atteint par tous. Ce sont les Spartiates dans leur ensemble qui doivent montrer leur vaillance, et non plus quelques héros. Être Spartiate, c'est déjà faire partie de l'élite. Tyrtée va plus loin : dans sa célèbre élégie IX, il déclare ne pas tenir compte, pour juger un homme, de ses mérites à la course ou à la lutte, ni de son apparence physique, ni de ses talents littéraires, ni même de son rang social, serait-ce la royauté. Non, selon Tyrtée, tout cela n'est rien, seule la vaillance au combat compte, car :

« Voici le vrai mérite (ἀρετή / aretế), voici le meilleur et le plus beau prix à remporter
parmi les hommes pour un jeune guerrier
et c'est un bien commun pour la cité et pour tout le peuple
qu'un guerrier, les jambes écartées, se tienne au premier rang
continuellement, ait perdu tout souvenir de la fuite honteuse
en exposant sa vie et son cœur vaillant
et, immobile à côté de lui, encourage par des mots son voisin :
voilà l'homme qui se montre valeureux à la guerre. »
(trad. Edmond Lévy)

C'est bien une révolution par rapport à l'ἀρετή [aretê] traditionnelle, l'idéal agonistique d'Homère, évoqué dans les premiers vers puis rejetés. L'idéal du guerrier est désormais civique, collectif, l'idéal de la phalange où tous combattent côte à côte et non celle du combat individuel entre deux champions. De ce point de vue, Tyrtée n'est pas que le chantre de Sparte, mais de toutes les cités-États, qui se veulent, comme le dit Périclès dans son Oraison funèbre pour les morts du Péloponnèse, une « aristocratie généralisée ».

Bibliographie

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Voir sur Wikisource : Tyrtée.

  • Edmond Lévy, Sparte : histoire politique et sociale jusqu’à la conquête romaine, Seuil, coll. « Points Histoire », Paris, 2003 (ISBN 2-02-032453-9)  ;
  • Henri-Irénée Marrou, Histoire de l'éducation dans l'Antiquité. Le monde grec, Seuil, coll. « Points Histoire », 1e éd. 1948 ;
  • Suzanne Saïd, Monique Trédé et Alain Le Boulluec, Histoire de la littérature grecque, Presses universitaires de France, coll. « Quadrige », Paris, 1997 (ISBN 2-13-053916-5) .
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