Triangle Ilemi

Le triangle d'Ilemi bordé de jaune au nord-ouest du lac Turkana

Le « Triangle d'Ilemi » est un territoire contesté d’Afrique de l'Est. Défini de manière ambiguë, il mesure entre 10 320 et 14 000 km². Il est revendiqué par l’Éthiopie, le Soudan et le Kénya. Il doit son nom au chef Anuak « Ilemi Akown ».

À l’heure actuelle, le Kenya contrôle de facto le territoire. Le différend trouve son origine dans des traités ambigus de l’ère coloniale qui devaient permettre le passage des Turkana, les habitants nomades de la région. Le peu de potentiel économique du territoire ainsi que l’instabilité politique de la région a retardé la résolution du conflit.

Habitants

Les Turkana nomades qui évoluent dans les territoires entre le Soudan et le Kenya ont toujours été la cible d’attaques des tribus avoisinantes. Les autres tribus de la région sont les Diginga et les Topsa au Soudan et les Nyangatom qui évoluent du Soudan à l’Éthiopie, ainsi que les Dassanech qui vivent à l’est du triangle, en Éthiopie. Ces tribus sont connues d’un point de vue historique pour avoir mené par le passé des razzia sur des élevages, à l’origine à l’aide d’armes traditionnelles, et depuis le XIX^e siècle, à l’aide d’armes à feu.

Histoire

Carte du triangle d'Ilemi en 1938 (ligne rouge), 1947 (ligne bleue) et de la ligne de patrouille du Soudan en 1950 (ligne verte)

La frontière exacte du triangle a changé au cours du temps. Au début du XIX^e siècle, l’empereur éthiopien Ménélik revendiqua le Lac Turkana et proposa aux britanniques, une frontière allant du point méridional du lac jusqu’à l’océan Indien.

Les britanniques refusèrent cette proposition et s’accordèrent avec les autres puissances européennes sur les frontières du territoire, sans impliquer l’Éthiopie. La ligne de démarcation, surveillée par le capitaine Philip Maud des Royal Engineers en 1902-1903 amenait le triangle sous le contrôle du Soudan. Le traité anglo-éthiopien du 6 décembre 1907 entre l’Éthiopie et l’Afrique de l’Est britannique, était vague en ce qui concerne la localisation détaillée des frontières. La frontière de fait entre le Kenya et l’Éthiopie fut donc établie le long la « ligne Maud », qui s’étendait d’est en ouest depuis la pointe septentrionale du lac Turkana.

Plus tard, en 1914, la Commission pour la frontière entre l’Ouganda et le Soudan souhaita donner accès au Soudan au lac Turkana. Cela résulta en la cession d’une partie de territoire de forme triangulaire au Soudan.

Après la Première Guerre mondiale l’Éthiopie arma les Dassanech, dont les razzias traditionnelles tournèrent en batailles faisant des centaines de morts.

Les représentants du Soudan, de l’Ouganda et du Kenya s’accordèrent en avril 1924 à Kitgum afin que le Soudan cède le territoire au Nord de la ligne de démarcation de 1914, soit au Kenya, soit à l’Ouganda, qui pourrait protéger les Turkana.

Cependant la Grande-Bretagne qui administrait le soudan conjointement avec l’Égypte, s’abstint de faire pression sur l’Égypte afin qu’elle concèdât une partie du territoire soudanais, étant donné les mauvaise relation qui s’établirent après l’assassinat du gouverneur général du Soudan Sir Lee Stack, au Caire le 24 novembre 1924.

En 1928, le Soudan accepta que des unités militaires kényanes franchissent la ligne de démarcation de 1914 afin de protéger les Turkana contre les Dassanech et les Nyangatom, malgré un coût de 30 000£ par an.

En 1929 le Kenya commença à subsidier le Soudan afin d’occuper le territoire, ce qu’il refusa de continuer à faire étant donné la valeur nulle de l’opération. En 1931, C’est le Soudan qui accepta de subsidier le Kenya pour occuper le territoire.

Différentes cartes du triangle d'Ilemi

En 1931 une ligne rouge (la ligne Glenday) fut tracée afin de représenter la frontière Nord des pâturages Turkana, bien que le Gouverneur du Kenya ne souhaitât pas étendre le contrôle du Kenya plus au Nord. En 1932 une « ligne verte » fut tracée encore plus au nord, afin de matérialiser les limites de l’administration Kényane, bien qu'aucune des ces lignes ne fût jamais une frontière officielle.

En 1936, l’Italie envahit l’Éthiopie et revendiqua l’étendue du triangle d'Ilemi. Une équipe d’experts soudano-kényans établit en 1938 une seconde ligne rouge, indiquant la limite septentrionale des pâturages Turkana, en tant que mesure provisoire. Alors que l’Égypte et la Grande-Bretagne marquaient leur accord sur cette mesure, l’Italie n’en fit pas de même. Les Dessanetch et Inyangatom souffrirent de l’occupation italienne, et voulurent compenser leurs pertes, par un raid contre les Turkana dont plusieurs centaines furent tués en juillet 1939. L’Italie abandonna ses revendications en conséquence et autorisa les britanniques à riposter par un raid soutenu par la Royal Air Force contre les Inyangatom et les Dassanech.

Les troupes britanniques du King’s African Rifles occupèrent le triangle d'Ilemi en 1941 après la Campagne d’Afrique de l’est au cours de la Seconde Guerre mondiale. Les troupes britanniques traversent le triangle d'Ilemi durant leur cheminement vers le sud-ouest de l’Éthiopie. En 1944, le ministère des Affaires étrangères britanniques surveillait une « ligne bleue », qui était plus à l’ouest que la ligne rouge précitée. Le Soudan établit quant à lui dès 1950 sa propre ligne de patrouille, empêchant les patrouilles kényane et éthiopiennes de la franchir vers l’ouest, et abandonnant de ce fait le maintien de l’ordre et le développement du territoire, mais sans pour autant abandonner leurs revendications sur le territoire oriental.

De 1949 à 1953 des combats sévirent lorsque le Soudan tenta de maintenir les Nyangatom en deçà de cette ligne. Après l’indépendance soudanaise de 1956, le Soudan n’administra jamais le triangle d'Ilemi plus que dans sa partie septentrionale, étant donné la guerre civile qui y sévissait.

1978 Carte topographique du triangle d'Ilemi

En 1964, le Kenya et l’Éthiopie acceptèrent d’échanger leur territoire, alors que le Kenya recevait le Namuruputh à proximité du point oriental du triangle. En 1972, une modification de la frontière soudano-éthiopienne, ne régla toujours pas la situation, car n’impliquait pas le Kenya. Durant les années 1990, l’Éthiopie arma les Dassanech pendant que (depuis 1978) le gouvernement kényan de président Moi armait les Turkana. Depuis 1978 les cartes kényanes utilisent cependant la ligne rouge comme frontière officielle du Kenya. D’aucuns ont émit l’hypothèse qu’il existerait un accord secret entre le Kenya et le Soudan, permettant au Kenya d’administrer le territoire en échange du soutien de ce dernier dans la guerre civile soudanaise. À la fin du XX^e siècle, les pays impliqués eurent d’autres priorités que celle de régler définitivement le conflit.

Voyez aussi

• Liste de territoires contestés
• Triangle Hala'ib

Liens externes

• Carte du triangle
• Scholarly Article concernant le triangle
• Article du Sudan Tribune suggérant que les prétentions kényanes sont faibles
• Ilemi Triangle, Robert O. Collins, Uni of California

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4°59′29″N 35°19′39″E / 4.99139, 35.3275