- Travelingue
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Travelingue est un roman de Marcel Aymé paru en 1941.
Le titre est tiré de la prononciation francisée du terme cinématographique anglais traveling à l'instar de bloujinze que la Zazie de Raymond Queneau employait pour désigner un blue jean.
- Il s'agit d'une de ces études sociales dont l'intelligenzia française ne raffole pas puisqu'elle souligne le ridicule d'un snobisme parisien dans lequel elle se reconnaît sans peine.
- En même temps, l'auteur met en lumière l'égoïsme des nantis face aux revendications ouvrières sous le Front populaire, mais aussi l'imbécillité de l'extrême droite incarnée par le personnage de Malinier qui met dans le même sac « les peintres cubistes, les alcooliques, les espions allemands, les communistes débraillés, les juifs et les provocateurs moscovites ».
- Les trois variétés humaines ont chacune des tics de vocabulaire que l'auteur est habile à restituer.
- Par exemple dans la famille Ancelot (à la fois bourgeoise et branchée), on affecte une cinéphilie délirante et un amour des arts échevelé qui s'exprime en ces termes : « primitivisme bouleversant », « latence transcendantale », « formidablement inouï ».
- Dans la famille Lasquin où l'on est riche et industriel depuis des générations, les femmes ont appris chez les dames de l'Assomption « à devenir du jour au lendemain une veuve accomplie ». Ainsi Madame Lasquin écrit-elle machinalement après la mort de son mari (dont elle est assez soulagée), des remerciements appris par cœur.
- Malinier se contente de vomir sur les manifestations du Front Populaire « composé de chiens judéo-marxiste hurlants et bavants près à dévorer le cœur de la France ». Les propos de Malinier, sortis du contexte ont d'ailleurs beaucoup servi à alimenter la controverse sur l'antisémitisme supposé de l'auteur. Voir controverse et discussions.
- Avec Travelingue, Marcel Aymé établit un catalogue raisonné des Parisiens de son époque, ne faisant de cadeau à personne, même pas à la classe des écrivains dont il fait partie. Le portrait d'un auteur à succès avide d'honneur et de reconnaissance est dressé à travers Pontdebois (cousin des Lasquin), avare, mesquin, affectant avec l'argent une désinvolture qu'il est loin d'avoir.
- Enfin la grande trouvaille du roman, que Roger Nimier saluera comme « l'incarnation de la sagesse des nations », est un coiffeur chez lequel le chef du gouvernement vient prendre conseil.
Ce roman éminemment dérangeant peut être lu avec une plus grande sérénité à une époque où l'on a presque fini de régler nos comptes avec une période trouble de notre histoire.
Catégories :- Roman de Marcel Aymé
- Roman français
- Roman paru en 1941
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