Sérénade KV. 361 (Mozart)

Sérénade KV. 361 (Mozart)

Sérénade KV 361

La Sérénade KV 361 en si bémol majeur, dite Gran Partita, est une œuvre de Wolfgang Amadeus Mozart pour douze instruments à vent et contrebasse en sept mouvements. Consacrée à l'origine au plein-air, cette « musique du soir » dépasse l'esprit simple du divertissement pour rejoindre celui de la grande symphonie.

Grâce à sa musicalité et l'équilibre de son écriture, la diversité de ses formes et de ses genres, avec ses dimensions et son effectif imposants, chaque partie étant destinée à un instrumentiste soliste, cette sérénade est considérée par beaucoup comme le chef d'œuvre absolu du répertoire de musique de chambre des vents[1].

Sommaire

Genèse

Sa genèse reste controversée : le manuscrit autographe porte la date de 1780, mais l'inscription n'est pas de la main du musicien. Elle rature de plus une date plus ancienne (1777). Son titre Gran Partita ne vient pas non plus du compositeur. Il a été rajouté ultérieurement d'une écriture et d'une encre différente de celle de la partition. Il semble qu'en fait, sa composition soit contemporaine de celle de son opéra L'Enlèvement au sérail qui date de 1781. C'est en tout cas le parti pris dans le Catalogue Köchel.

Des travaux récents du musicologue David Whitwell et de l'instrumentiste Eric Hoeprich fixent une date postérieure aux sérénades KV 375 et 388 en se basant sur une possible première audition le 23 mars 1784 sous la direction de Anton Stadler au Burgtheater (au moins pour quatre des sept mouvements)[1][2]. La première édition, date de 1861 chez Breitkopf.

Il est possible que la sérénade soit le résultat de la combinaison de deux œuvres antérieures, les deux deniers mouvements semblant présenter deux types alternatifs de finale[3].

Sa destination reste également mystérieuse : cadeau pour son épouse avec qui il se marie en août 1782 ? concerts en plein air ? conçue pour plaire au Grand Electeur de Bavière à la cour de Munich ? à destination de la franc-maçonnerie, friande d'instruments à vent ?

Orchestration

L'œuvre est composée pour 12 instruments à vent et une contrebasse :

Ce type de formation reste exceptionnel chez Mozart, comme chez les autres compositeurs, seule la Sérénade en ré mineur, op. 44, pour 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, contrebasson, 3 cors, violoncelle et contrebasse d'Antonín Dvořák se rapproche de l'effectif.

Le cor de basset est un instrument de conception très récente (années 1760) que Mozart utilisera par la suite dans plusieurs pièces dont son Requiem.

Si la partie de contrebasse double le plus souvent le deuxième basson à l'octave inférieure, elle sait être aussi indépendante, servant parfois de basse seule et utilisant les spécificités des instruments à cordes, « con arco » et « pizzicato » par exemple. Mozart a tenté ultérieurement de substituer le contrebasson à la contrebasse, mais la plupart des enregistrements modernes donne la préférence à cette dernière.

Structure

La pièce se caractérise également par son ampleur et en fait l'une des plus longues compositions non vocales du musicien (près de 50 minutes)[4]. Elle est au carrefour de tous les genres. Le nombre de mouvements l'apparente à la suite, la durée et l'opulence de l'instrumentation lui donne un souffle symphonique, mais l'effectif et surtout les dialogues entre les pupitres, entrecoupés de tutti, la classent clairement dans la musique de chambre.

Elle se compose de sept mouvements :

  • Largo – Molto Allegro

L'introduction lente, d'une gravité dramatique, fait songer à une cérémonie maçonnique[1]. L'allegro qui suit détend l'atmosphère. Il est de forme sonate monothématique (le second sujet présenté en fa Majeur dérive du premier). Le développement avec ses gradations chromatiques est résolument symphonique.

  • Menuetto - Trio I - Menuetto - Trio II - Menuetto

Le menuet, en si bémol majeur, est dans l'esprit de la sérénade de plein air. Le premier trio, en mi bémol majeur, est en fait un quatuor mettant en valeur les sonorités chaudes des clarinettes et des cors de basset. Le second, au relatif sol mineur, est un des passages les plus tragiques de l'œuvre mozartienne[5]. Les hautbois dialoguent avec les autres instruments sur les triolets obsédants du premier basson.

  • Adagio

C'est le mouvement le plus impressionnant de l'œuvre[5]. En mi bémol majeur, sur des arpèges du deuxième basson et de la contrebasse, une cellule rythmique en doubles-croches crée un fond incantatoire sur lequel les instruments solos déploient les phrases mélodiques sans amplification oratoire. L'atmosphère est contemplative. Le discours progresse sur un mode de sérénité parfaite évoquant une sorte de poésie musicale[6].

  • Menuetto (Allegretto) - Trio I - Menuetto - Trio II - Menuetto

Revenant à la tonalité principale, le deuxième menuet de l'œuvre retrouve un climat de divertissement que le premier trio, en si bémol mineur, rompt violemment. Le second trio en fa majeur retrouve l'ambiance populaire d'un landler à trois temps, avec sa grande ligne de croches sur trois octaves des premiers hautbois, cor de basset et basson, la contrebasse seule sur les premiers temps en pizzicatos, les autres "piquant" avec légèreté les deuxièmes et troisièmes temps.

  • Romance (Adagio - Allegretto - Adagio) Coda

De forme ABA, la romance est coupée par la partie centrale sombre et agitée sur des doubles-croches des basses qu'Alfred Einstein trouvaient étrangement burlesques.

  • Thema mit Variationen (Andante)

Le thème, agreste et primesautier, est présenté par la clarinette solo. Il est en deux parties, le premier membre servant de tremplin aux variations du second.

    • Variation I - spirituel et moqueur avec ses triolets de doubles-croches
    • Variation II - tendre et ironique avec ses anacrouses de triples-croches
    • Variation III - délicat et rêveur avec ses doubles-croches de basses
    • Variation IV - mélancolique en si bémol mineur
    • Variation V (Adagio) - le thème prend de l'ampleur ; le hautbois s'en saisit pour le transformer en un arioso très émouvant[5]
    • Variation VI (Allegretto) - revient à la rusticité sur un rythme ternaire (valse rapide)
  • Finale (Molto Allegro)

C'est un rondo tout en allégresse. Le mouvement perpétuel est composé d'un refrain, deux couplets (l'un de trois reprises, l'autre de quatre) et d'une coda.

Grandes versions

L'interprétation fait appel tantôt à un vrai chef d'orchestre, tantôt à un primus inter pares, en général le premier hautbois.

Nota[7]

  • Furtwängler/Vents du Philharmonique de Vienne - 1947 - EMI - Version qui souligne l'ampleur monumentale de l'œuvre
  • Klemperer/Philharmonia - 1963 - EMI - crée une atmosphère maçonnique pleine de gravité
  • Harnoncourt/Wiener Mozart Bläser - 1984 - Teldec - une version révolutionnaire qui s'éloigne des précédentes par sa théâtralité, sur les instruments modernes
  • Brüggen[8]/Orchestre du XVIIIe siècle - 1988 - Philips -sur instruments d'époque, donne une synthèse entre les apports du mouvement baroque et l'approche classique
  • Herreweghe/Orchestre des Champs-Élysées - 1995 - HM - lecture équilibrée sur instruments anciens

Anecdote

Dans le film Amadeus de Miloš Forman, l'adagio de la sérénade est le passage qu'Antonio Salieri découvre sur un coin de table et qui achève de le convaincre du génie de Mozart.

Notes et références

  1. a , b  et c Article de Christian Merlin dans Diapason de septembre 2008
  2. L'annonce dans le Wienerblättchen du jour: Herr Stadler senior, actuellement au service de sa Majesté l'Empereur, tiendra aujourd'hui un concert musical à son propre bénéfice au Théâtre national de la cour impériale, au cours duquel sera donnée, parmi d'autres pièces bien choisies, une grande pièce pour vents d'un genre très spécial composée par Herr Mozart
  3. Mark Audus dans la notice de la version Brymer/London Wind Soloists
  4. . Pour comparaison, la symphonie Jupiter), l'une des plus longues, dure un peu plus d'une demi-heure.
  5. a , b  et c Hermann Abert - W.A. Mozart aux Éditions Breitkopf et Härtel - Leipzig -1956
  6. Jean-Victor Hocqard - Mozart, l'amour, la mort - Éd. JC Lattès - 1992
  7. Les commentaires sont de Christian Merlin dans l'article précité
  8. Le plus beau disque de Brüggen selon Hoffété et Kaminski dans le Guide des indispensables du CD Version 1993

Liens externes

  • Fac-similé de la partition autographe[1]
  • Partition complète [2]
  • Portail de la musique classique Portail de la musique classique
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