- Soupçons
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Soupçons
Cary Grant et Joan Fontaine
Données clés Titre original Suspicion Réalisation Alfred Hitchcock Scénario Joan Harrison
Samson Raphaelson
Alma RevilleActeurs principaux Cary Grant
Joan FontaineSociétés de production RKO Radio Pictures Pays d’origine États-Unis Sortie 1941 Durée 99 minutes (1 h 39) Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution
Soupçons (Suspicion) est un film américain réalisé par Alfred Hitchcock, sorti en 1941.
Sommaire
Synopsis
Johnnie Aysgarth est un joueur séduisant, masquant son oisiveté par son charme. Il rencontre la douce et riche Lina MacKinlaw dans un train, essayant de voyager en première classe avec un billet de troisième. Il lui fait la cour et l'épouse rapidement. Lina ne découvre la vraie personnalité de son mari qu'au retour de la lune de miel et devient suspicieuse au moment où l'ami et associé de Johnnie est tué mystérieusement...
Commentaires subjectifs
Patrick Brion dans son livre consacré à l'œuvre d'Hitchcock (Hitchcock, Biographie, filmographie illustrée, analyse critique, Patrick Brion, p.451) dira que « le film invite le spectateur à s’interroger sur la fragilité des indices et des témoignages. », comme c’est le cas pour plusieurs films du réalisateur comme le faux coupable (The wrong man) ou Frenzy. Dans ce film Hitchcock nous conduit inlassablement vers des fausses pistes comme c’est le cas pour la plupart des films policiers. Et pourtant on se laisse prendre au jeu justement car rien ne fait douter des déductions de la jeune femme. Elle pensait que son mari était un grand enfant : c’était le cas. Et surtout avec l’apparition de son ami Beaky qui est son double exacerbé. Plusieurs de ses autres soupçons se sont révélés fondés ; alors quand Lina nous dit que son mari est un meurtrier, nous ne pouvons que la croire et nous inquiéter avec elle de ce que son mari est capable de faire. Johnnie est fantastique, joyeux, jovial mais il a tellement menti et trompé sa femme qu’on n’est plus sûr du tout de ce dont il est capable.
Ce que Hitchcock a fait c’est de nous conditionner à ne plus croire Johnnie et à croire sa femme. D’abord, il a focalisé notre attention sur les deux personnages principaux ; nous intéressant à chacun selon sa spécificité. Nous les connaissons bien comme si nous avions vécu avec eux ; puis nous apprenons comme des enfants à faire confiance à la femme –image de la mère – plutôt qu’au père qui ne cesse de mentir et s’esquiver, jouant même des yeux par moment. Nous sommes donc du côté de la mère comme des enfants dont un père n’assure pas bien son rôle de père. Johnnie fait des choses déplorables et Lina en est terriblement désolée. Non seulement il agit mal, mais en plus il ne lui dit rien jusqu’à ce qu’elle découvre les choses par elle-même. Son côté toujours jovial est admirable mais pour un temps seulement. Après un moment, cela devient exaspérant face à toute cette irresponsabilité. La singularité de son personnage peut nous rappeler quelqu’un d’excentrique que nous connaissons ou nous-mêmes. Lina a jusque là toujours eu finalement raison, sauf peut-être pour les fauteuils offerts par son père que Johnnie avait vendus puis a fini par racheter pour se faire pardonner. Il y a comme une montée d’adrénaline qui se produit dans la voiture lorsque Lina et nous – spectateurs, identifiés à elle – nous voyons Johnnie qui veut la –nous- tuer et nous précipiter hors de la voiture qui est en pleine course. Et comment encore lors de la chute du drame, Johnnie lui - nous – révèle qu’en fait il n’en peut plus de ses dettes et qu’il veut se donner la mort.
Détails pratiques de tournage
Le tournage s’est déroulé du 10 février au 16 mai 1941 soit 4 mois, puis 3 jours de tournage se sont ajoutés les 23 juillet, 24 juillet et 29 août de la même année. Le film sortira cette année-là. La production assurée par la RKO pictures, représentée par Harry E. Edington, avait déjà ce projet depuis 1935. Ce devait être réalisé par Louis Hayward sur un scénario d’Emlyn Williams. En 1939, l’aventure avait été re-envisagée avec Robert Montgomery et Geraldine Fitzgerald mais en vain. La même année, la RKO avait aussi essayé avec Laurence Olivier et Maureen O’Hara. En réalisant ce film, Hitchcock réalise donc un projet tant désiré par la firme, il était l’homme de la situation. Le musique du film est assurée par Franz Waxman qui est beaucoup présent sur les films d’Hitchcock, et le montage par William Hamilton.
Fiche technique
- Titre : Soupçons
- Titre original : Suspicion
- Réalisateur, producteur : Alfred Hitchcock
- Scénaristes : Joan Harrison, Samson Raphaelson et Alma Reville d'après le roman de Francis Iles (pseudonyme d'Anthony Berkeley), Before the fact. Le roman en français s'intitule Complicité. (Quoique les éditions Gallimard attribuent cette traduction française à un autre livre de Francis Iles qui est Malice AForehouse, Complicité est bien la traduction du livre Before the fact(http://en.wikipedia.org/wiki/Before_the_fact) qui a été adapté pour le film Soupçons.)
- Directeur de la photographie : Harry Stradling Sr.
- Effets spéciaux : Vernon L. Walker
- Musique : Franz Waxman
- Direction artistique : Van Nest Polglase et Carroll Clark (associé)
- Décors de plateau : Darrell Silvera
- Costumes : Edward Stevenson
- Montage : William Hamilton
- Son : John E. Tribly
- Studios : RKO
- Production : Carroll Clark pour RKO
- Date de sortie : 14 novembre 1941 (USA)
- Format : 1.33.4/3 (noir & blanc)
- Genre : Suspense
- Durée : 100 minutes
Distribution
- Cary Grant (V.F : Michel Gudin) : Johnnie Aysgarth
- Joan Fontaine : Lina McLaidlaw Aysgarth
- Nigel Bruce : Gordon Cochrane 'Beaky' Thwaite
- Sir Cedric Hardwicke : General McLaidlaw
- Dame May Whitty : Mrs. Martha McLaidlaw
- Isabel Jeans : Mrs. Newsham
- Heather Angel : Ethel, la servante
- Auriol Lee : Isobel Sedbusk
- Reginald Sheffield : Reggie Wetherby
- Leo G. Carroll : Captain George Melbeck
- Maureen Roden-Ryan : Winnie
- Constance Worth : Mrs. Fitzpatrick
- Violet Shelton : Mrs. Barham
- Carol Curtis-Brown : Jessie Barham
Et, parmi les acteurs non-crédités :
- Lumsden Hare : Inspecteur Hodgson
- Doris Lloyd : Miss Wetherby
Lina McLaidlaw surnommée « Monkey Face » dans la version originale et « Ouistiti » dans la version française est jouée par Joan Fontaine qu’on retrouve après le succès de Rebecca, Johnnie Aysgarth joué par Gary Grant dont c’est le premier rôle avec le réalisateur, Beaky Thwaite joué par Bruce Nigel. Et pour la première partie du film qui plante le décor et présente la psychologie des personnages, il faut noter la présence de la mère de Lina Mrs McLaidlaw, jouée par Dame May Whitty. Elle fait un jeu remarquable dans le rôle de la mère très « typée » maîtresse de maison et qui ne comprend rien aux changements soudains d’humeur de sa fille.
Autour du film
- Caméo d'Alfred Hitchcock : L'homme postant une lettre à la 45e minute.
- Le scénario est annoncé comme adapté du roman Before The Fact (Complicité) de Francis Iles (pseudonyme d'Anthony Berkeley). A ne pas confondre avec Malice Aforethought (Préméditations) du même auteur comme c'est le cas à la première page d'une des éditions Gallimard.
Récompenses
Joan Fontaine remporta deux titres de Meilleure Actrice pour son rôle d'épouse suspicieuse :
- en 1941, le New York Film Critics Circle Award
- l'Oscar de la meilleure actrice en 1942. Seule statuette remportée pour ce film également nommé pour la meilleure musique, Franz Waxman, et le meilleur film.
Comparaison entre le roman Before the fact et le film Soupçons
Le roman est l’histoire d’une femme Lina McLaidlaw qui épouse un beau gentleman John Aysgarth par amour, mais découvre dans la douleur que son mari est menteur, tricheur, dragueur invétéré et voleur. Elle finit par le quitter puis revient espérant le changement ; mais cette fois le projet de son mari est au-delà de son imagination : la tuer et récupérer l’argent de l’assurance. Ne pouvant plus moralement lutter elle jouera le jeu jusqu’à la prise de ce verre « empoisonné ».
Le titre
Dans le roman, Francis Isles nous conduit à adopter le point de vue de l’héroïne qui raisonne toujours avant les faits, d’où le titre Before the fact ou Préméditation. Elle nourrit ses soupçons. Dans le film, le titre rejoint donc le thème du livre et renvoie directement aux soupçons du mal. Patrick Brion nous apprend que le film finit par s’appeler « Soupçons » après hésitation entre trois premiers titres « Before the fact» comme le roman, « Fright » et « Suspicious Lady ». Dans la bande annonce du film (disponible actuellement sur youtube), Lina dira : "There is something strange about Johnnie Aysgarth. I knew it long before I met him » (Il y a quelque chose d'étrange concernant Johnnie Aysgarth. Je l'ai su bien avant que je le rencontre), introduisant le thème de before the fact. Les deux œuvres ne racontent pas la même histoire, les personnages sont les mêmes mais le dénouement du film transforme complètement le récit du livre. Et pourtant les deux titres reflètent bien le sujet principal du film : « Before the fact » pour jugement avant les faits. C'est un renvoi aux préjugés qui se révèlent fondés dans le cas du livre. Et dans le cas du film « soupçons » pour soupçons du mal, et donc aussi préjugé « opinion, idée préconçue adoptée sans examen. » (d'après le dictionnaire Hachette de 1991) dont le dernier et plus grave se révèle infondé à la fin du film.
Les personnages
Les personnages du roman que Hitchcock reprend sont : Lina, Johnnie, Beaky, les parents de Lina, le capitaine Melbeck, Ethel la servante de Lina. Il ne reprend pas la sœur de Lina ni sa meilleure amie Janet, qui toutes deux jouent un rôle important dans le roman.
Lina McLaidlaw Le film se divise en deux parties tout comme le roman. Néanmoins les parties sont différentes. Premièrement le décor est planté avec la présentation des personnages. C’est dans cette première partie qu’on comprend bien que Lina élevée à l’ancienne, est très brillante dans ses études mais son avenir émotionnel semble en péril. Ses parents s’inquiètent pour elle, se demandant si elle trouvera un mari. Cette première partie rejoint celle du livre à l’exception que dans le livre elle était comparée à sa sœur Joyce, qui jugée plus belle qu’elle avait rapidement trouvé un mari. Les parents de Lina comptaient maintenant sur l’intelligence de leur fille, et non sur son apparence physique pour qu'elle trouve un homme. On a donc bien l’inquiétude des parents qui est restituée par Hitchcock. Lina surprend leur conversation. Pour Hitchcock c’est l’occasion de donner à cette cause une autre tournure. C'est sa peur de ne pas trouver de mari qui pousse Lina à se jeter dans les bras de Johnnie. D’ailleurs, le plan où elle surprend la conversation est cadré sur elle à la fenêtre. Puis quand elle a entendu la conversation de ses parents la concernant, la caméra ouvre le champ et on voit Johnnie qui, tout près a aussi suivi la scène. Elle se jette alors sur lui tandis qu’une musique intense joue sa surprise de voir Johnnie. Elle lui administre là son premier baiser. Les valeurs de Lina nous sont suggérées dès le début. Dès les premiers plans, de la façon dont John Aysgarth qu’elle rencontre dans le train la regarde, de bas en haut, on voit que toute son apparence appartient à une classe assez prude.
John Aysgarth Quand à John Aysgarth, son Johnnie, il nous est présenté comme un dragueur. Il est adoré par la gent féminine, dragueur invétéré, et excentrique. Tout son côté joueur, menteur n’est pas très visible dans la première partie mais suggéré. En effet, on a quelques indices de sa potentielle malhonnêteté dans la scène du train ; quand il pousse sa voisine de devant, qui n’est autre que Lina à lui payer le supplément de sa place de train. Il a un billet de classe moyenne et se trouve en première classe. Son côté enfantin est aussi suggéré quand, donnant un timbre au contrôleur à la place d’une pièce, il lui fait une blague que ce dernier ne reçoit pas avec joie. Ce côté enfantin et drôle, courant du jeune homme aimé de ses dames – faisant de lui dans un premier temps, le vicomte de Valmont du film - suit une continuité dans les 2 parties, mais est moins présent dans la suite. Il a toujours le sourire, et a toujours le mot pour susciter la bonne humeur. C’est un éternel enfant comme dira Lina. Il faut noter cependant qu’il n’avait pas une bonne réputation, car le père de Lina prétendait qu’il avait triché au jeu lors d’un repas à table avec sa famille ou avait eu un problème de femme.
Cette scène du déjeuner en famille est présente dans le livre avec la particularité suivante : Lina se met à parler en français pour dire à son père que la servante pourrait entendre ses paroles désobligeantes. Dans le livre cet élément relève à la fois la grande instruction de Lina et la réserve de la famille quant à leur honneur en public.
Dans le film, On peut dire que la deuxième partie commence après leur lune de miel. Les Aysgarth se sont mariés, à l’insu de la famille MacLaidlaw et ils ont aménagé dans une grande maison sous l’instigation de Johnnie, ce dernier estimant qu’il veut faire plaisir à sa femme. Cary Grant joue royalement le personnage. C’est dans cette deuxième partie qu’on découvrira – ou redécouvrira - les défauts cachés de Johnnie. Tant qu’il était célibataire, ces défauts-là étaient encore gérables et de moindre importance. Mais le voilà marié maintenant, et chacune de ses actions a des répercussions sur le couple entier. Or Johnnie était un menteur, un voleur et un tricheur.
Dans le livre, il est en plus adultère. Il s’assagit un peu à la fin du livre ; mais non sans avoir enceinté la servante et avoir eu une relation avec la meilleure amie de Lina : Janet.
Analyse par évènements clé
Dans le roman : La rencontre de Lina et John Aysgarth se fait dans un pique-nique. Les parents de Lina espèrent que son intelligence lui donnera un mari. Elle a l’intelligence, sa sœur Joyce a la beauté. Lina reçoit quatre fauteuils comme cadeau de mariage de sa mère. Le personnage de Beaky Twaitte est d’une crédulité déconcertante, surtout pour Lina. Lina apprend pour le détournement de son mari chez le général Melbeck après l’avoir invité chez elle. Le père de Lina meurt à Noël et Lina hérite d’une fortune. Le verre de lait est le dernier évènement du roman, bien après la scène de la voiture. Dans le film : La rencontre de Lina et John Aysgarth se fait dans un wagon de train où les deux sont seuls et voisins d’en face. Lina entend une conversation entre ses parents s’inquiétant pour son mariage. Dans le film elle n’a pas de sœur ou du moins on n’en voit pas. Lina reçoit deux fauteuils comme cadeau de mariage de son père. (Le choix de faire offrir les fauteuils par le père renforce le fossé existant entre le père de Lina et son mari, qui ne voit dans ce cadeau aucun profit. Ce sera même l’occasion pour Hitchcock de faire faire à son personnage un regard caméra complètement ironique suggérant au spectateur de compatir à son air désolé.) Le personnage de Beaky Twaitte est le même que dans le livre. Lina rend visite au général Melbeck et apprend pour le détournement. Le père de Lina meurt après qu’elle apprend le détournement et elle n’hérite de presque rien. (Quand Lina apprend que Johnny a détourné de l’argent à son travail et qu’elle s’apprête à le quitter. Le plan qui présente Johnny arrivant derrière sa femme montre comment les deux époux vivant ensemble sous le même toit sont paradoxalement dans deux mondes différents. Les deux personnages sont tristes mais pas pour la même raison : le père de Lina est mort. Johnny dit : « tu as appris la nouvelle. » Ici Hitchcock fait une économie en combinant plusieurs évènements dans une seule scène. Lina veut quitter Johnny mais se ravise, son père meurt, et ils iront plus tard écouter la lecture du testament.) Dans le film la scène du verre de lait est un climax, le film s’achève avec la scène de la voiture.
Dans le roman d’origine tout porte à croire que le mari est véritablement un assassin. D’ailleurs dans sa fin alternative, Hitchcock voulait que la femme meure en écrivant une lettre à sa mère pour la mettre en garde elle et la société contre son dangereux et meurtrier de mari : John Aysgarth. Comme il l'explique dans son entretien avec François Truffaut. Le mari restait donc un assassin. Toutefois, cette fin là est plus profonde car elle donne un tout autre sens au film. Le spectateur complice du Ouistiti, de cette femme, si bien éduquée se retrouve abusé à la fin du film.
Ainsi tout comme d’autres grands réalisateurs, Hitchcock a réussi à remanier les intrigues du roman pour en faire un vrai chef d’œuvre. Les mêmes personnages, les mêmes décors, des évènements similaires ; mais l’ordre, l’intensité et les points de vue ont permis de réaliser une œuvre toute aussi originale et captivante que le roman.
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