Ateliers sociaux

Ateliers sociaux

Les ateliers sociaux sont une proposition économique et industrielle pour la France, développée par Louis Blanc dans L'Organisation du travail (1839) et mise en pratique lorsquil fut président de la commission du Luxembourg après la Révolution de février 1848.

Sommaire

Contexte

Dans le projet de Louis Blanc cest une fois le ministère du travail créé, une fois la banque nationale instituée, les chemins de fer et les mines transformés en grands travaux, une assurances centralisée créée (qui nest pas un monopole), les bazars et les entrepôts ouverts, le tout garanti par lÉtat que : « La Révolution serait prête avec la puissance nécessaire à sa réussite »[1]. Or, dans son idée, rien ne pourrait exister à long terme sans lassociation (industrielle, agricole et littéraire). Celle-ci devient le moyen permettant à cette révolution daboutir et de perdurer[2]. Avant de développer le principe associatif des ateliers sociaux, il convient de préciser dès à présent que le système de notre auteur nest aucunement labnégation de lindividu au profit de lémancipation du peuple[3]. Il sagit plutôt denvisager idéologie contre idéologie, celle qui permet à lHomme lexercice optimal de la Liberté. Ainsi, pour Louis Blanc, dans lidéologie libérale, se trouve la liberté de lHomme qui, pris dans le tourbillon de la concurrence, est devenu le « valet dune manivelle »[4] ? Dans le projet théorique latelier social existe, avec la même philosophie générale de fonctionnement, dans trois univers économiques : lindustrie, lagriculture et la littérature. Ces ateliers ont été développés et concrètement réalisés en 1848 par la commission du Luxembourg.

Comme première étape de cette transformation radicale du mode dorganisation économique, Louis Blanc concentre son attention théorique sur lindustrie[5]. La misère appelle un remède. Alors, « en ce qui concerne le travail des villes »[6] ce budget du travail devrait être affecté « à létablissement dateliers sociaux dans les branches les plus importantes de lindustrie » [7]. Or, « cette opération exigeant une mise de fonds considérable, le nombre des ateliers sociaux originaires serait rigoureusement circonscrit ; mais, en vertu de leur organisation (…), ils seraient doués dune force dexpansion immense »[7].

Le rôle de lÉtat dans lorganisation générale des associations

Ces ateliers sociaux industriels sorganisent sur la base de « statuts »[7] ayant forme et puissance de loi[8] car ils sont délibérés et votés par la représentation nationale, démocratiquement constituée (système de Hare). Les statuts permettent aux particularismes de chaque branche de sexprimer dans le cadre de la rédaction sous réserve dun vote donnant au texte sa force dans la hiérarchie des normes, c'est-à-dire opposable devant les juridictions en cas de conflit.

Dans le principe, lÉtat se présente uniquement comme le garant des statuts votés. Il est chargé de contrôler leur bonne application. se limiterait son rôle après la première année[9]. Toutefois, dans le cadre des délibérations de lAssemblée Nationale une contingence de moralité semble simposer venant limiter la liberté annoncée dans la rédaction des statuts. À lappui de cette argumentation, cest un des critères de recrutement au sein des associations qui retient notre attention car Louis Blanc se garde, dans lOrganisation du travail, dinsister sur cette dimension morale pouvant paraître liberticide. En effet, une fois ces ateliers institués, il précise que : « seraient appelés à travailler dans les ateliers sociaux jusquà concurrence du capital primitivement rassemblé pour lachat des instruments de travail tous les ouvriers qui offriraient des garanties de moralité » [10] . Or, cette garantie de moralité[11], si elle joue un rôle dans la sélection des travailleurs, est probablement prise en compte dans la rédaction des statuts. En ce sens, la liberté initiale dans la rédaction est caduque. On pourrait ajouter que cest seulement si les statuts sont moraux (au sens de Louis Blanc) que le soutien de lÉtat à la mise en place dassociation est envisageable.

Notons que létude de la Révolution morale nous a permis dexposer les principaux points fondamentaux de moralité visés et qui sont nécessaires, pour notre auteur, à la Révolution politique et institutionnelle. Louis Blanc précise ailleurs, dans Le Nouveau Monde, ce qui pourrait servir de repère dans la rédaction des statuts. Dans son esprit, « dans lordre social nouveau, personne naurait : Ni la liberté dempiéter sur la part de ses frères, dans lexploitation du grand domaine donné par Dieu à lhumanité ; Ni celle de sassurer, par laccaparement des instruments du travail, le moyen de jouir des fruits du travail, à lexclusion du travailleur ; Ni celle dasservir lhomme au capital, la richesse vivante à la richesse morte ; Ni celle, comme dit énergiquement saint Ambroise, de senrichir par des malheurs, de chercher son profit dans les larmes, de se nourrir de la faim dautrui ; Ni celle darmer la moitié des pauvres pour contenir par elle lautre moitié. Si ce sont les libertés dont on redoute la perte, quon ose le dire ; quon ose, jetant le masque, recommander à nos respects la liberté dêtre tyran ! »[12]. Cest sur ces points fondamentaux et généraux que se bornerait la contingence de moralité. Au final, cest dans le respect des principes républicains de liberté, dégalité et de fraternité, au sein de lentreprise que se structure cette idée. Toutefois comment limiter lintervention de lÉtat dans ce domaine ? Louis Blanc précise ce point, plus tard, dans une conférence faite à Saint-Denis le 3 décembre 1876. Il nous dit la chose suivante : « laction de lÉtat est, selon nous, un mal toutes les fois quelle met obstacle au libre développement de lindividu. Mais toutes les fois quelle le favorise, elle est un bien. »[13]. est le principe général de fonctionnement.

Néanmoins la thérapie sociale, pour être précise et nécessaire, nen est pas moins autoritaire pour ceux qui choisissent cette voie. Sur ce point, Louis Blanc est très clair. Le principe est que « (…) nous ne sommes pas de ceux qui crient anathème au principe dautorité. Ce principe, nous avons eu mille fois occasion de le défendre contre des attaques aussi dangereuses quineptes. Nous savons que, lorsque, dans une société, la force organisée nest nulle part, le despotisme est partout. Il nest pas une ligne, dans ce petit livre, qui ne soit, de notre part, une douloureuse protestation contre le lâche abandon des pauvres, abandon quon ose appeler la liberté ! Mais si nous voulons un pouvoir vigoureux et actif, nous sentons, dun autre côté, quil y aurait folie à le supposer infaillible ; nous ne nous dissimulons pas quun gouvernement, quel que soit le mérite de lorganisation politique qui lui aura donné naissance, se compose dhommes accessibles à des erreurs et à des passions dont lexistence de la société ne saurait dépendre. »[14]. Cest dailleurs pour cela que les associations sautonomisent après la première année, quun rôle particulier sera confié aux communes. En effet, afin déviter toute dérive tyrannique, et en raison de laspect autoritaire du pouvoir, Louis Blanc prévoit un grand nombre de contre-pouvoirs démocratiques. Cest en ce sens que le projet social et démocratique doit être envisagé. Ils font partie dun tout. Cest uniquement dans ce cadre de moralité que les associés peuvent bénéficier de laide financière de lÉtat. Il sagit dune contrepartie venant équilibrer le projet car, pour Louis Blanc, les droits financiers saccompagnent de devoirs moraux. La liberté est perçue, à présent, comme une fin officialisée par des moyens que seule lassociation, latelier social, peut consacrer.

Louis Blanc qui veut ancrer son projet théorique dans la pratique décrit méticuleusement les étapes à franchir. Dun point de vue théorique, dans le cadre du fonctionnement concret de ces associations, lÉtat interviendrait la première année pour organiser, en interne lassociation et lannée suivante, la hiérarchie sortirait du principe électif[15]. Lobjectif dautonomie est primordial car il doit permettre déviter la dérive autoritaire de lÉtat. Au final, celui-ci naurait alors quun rôle transitoire.

Notons que cette précision de lélection est importante plus du point de vue du principe que pour la transformation de la hiérarchie. En effet, une reconfiguration de lentreprise ne semble pas être la conséquence du principe électif en raison dune question de compétence qui est aussi attachée à la fonction. Louis Blanc ne souhaite pas mettre tous les travailleurs à égalité car, pour lui, « la hiérarchie par capacités est nécessaire et féconde »[16]. Pour notre auteur, lintérêt de lélection est à chercher, au-delà de lautonomie de gestion, dans lamélioration des relations de travail. Lobéissance serait ainsi consentie et non subie et la responsabilité du chef dentreprise, mandaté, serait prise en compte. Il deviendrait révocable. Une unité serait ainsi créée dans lassociation. Unité provoquée par la prise de conscience de linterdépendance des associées. Cest une caractéristique du socialisme de Louis Blanc toujours préférable pour les relations commerciales, selon lui, quune lutte de classe interne.

Globalement, pour notre auteur, le principe associatif serait plus compétitif car les responsables seraient révocables mais aussi parce que les associés seraient plus productifs. En effet, directement et proportionnellement intéressés aux résultats économiques de lassociation les associés chercheraient à travailler vite et bien[17]. Par ailleurs, en raison de la mise en commun des outils de production et par la suppression des échelons hiérarchiques de surveillance - que le manque de confiance rend nécessaire dans un système concurrentiel - les coûts de production seraient plus bas. Alors, à ceux qui verraient encore dans la présence de lÉtat un risque de despotisme, Louis Blanc ajoute quil est bien aujourdhui le garant de la propriété sans laccaparer. Il en serait de même de lassociation. Cest une logique commune de gouvernement[18]. Qui plus est, du désengagement de lÉtat au bout dun an dépend la bonne santé de lÉtat lui-même. En effet, Louis Blanc sexplique sur ce point à la suite dune objection anonyme émise dans la Revue de lAveyron et du Lot du 8 mars 1841[19].

Le principe pour lÉtat est de faire preuve de maturité, de sautolimiter de peur de dépasser le but assigné. Deux raisons principales simposent à notre auteur. Dune part « (…) de peur quil ne finisse par abuser de lénorme pouvoir que lui conférerait le système, parvenu à son dernier degré de développement ; et dautre part de peur que la tâche pour lui ne devienne trop lourde lorsquil aurait à régler administrativement, non plus tel ou tel atelier, mais toutes les branches de lindustrie. »[20]. Il faut, en ce sens, absolument éviter « (…) lécueil contre lequel est venu échouer le saint-simonisme. Les fondateurs de cette doctrine avaient bien vu que, seule, la main de lÉtat était assez forte pour détourner la société du chemin des abîmes ; mais trop préoccupés des avantages de linitiative gouvernementale, ils dépassèrent le but. Au lieu de confier à lÉtat le soin de diriger, de régulariser le mouvement industriel, ils lui imposèrent lobligation de réglementer lindustrie dans tous ses détails ; de , tout à la fois, impossibilité daction et possibilité de tyrannie. »[21]. En conséquence le pouvoir ainsi construit est encadré. Conformément à son projet, « le problème à résoudre, (…) a donc été celui-ci : créer au pouvoir une grande force dinitiative, en évitant toutefois dabsorber dans la vie du pouvoir celle de la société. »[14] Linstrument de contrôle ultime est, en lespèce, la nation sexprimant par ses représentants responsables et révocables mais aussi par les associations elles-mêmes, autonomes qui forment alors un contre-pouvoir, ainsi que, par les communes.

De plus, en ce qui concerne les principes - face à cette impulsion de lÉtat, à son contrôle de lassociation la première année - lidée est de faire en sorte que « chaque atelier social puissent se composer de professions diverses, groupées autour dune grande industrie, parties différentes dun même tout, obéissant aux mêmes lois et participant aux mêmes avantages »[10]. Ceci correspond au principe de solidarité exprimé à grande échelle. Au final Louis Blanc reprend le fonctionnement de lentreprise libérale à son compte sans la concurrence et aux profits des Travailleurs associés. Sa description correspond à lorganisation traditionnelle de la grande industrie avec une maison mère et des succursales. Saint-Simon avait déjà cette vision de lorganisation industrielle moderne. Dans le schéma libéral, les salariés des succursales ont, pour la plupart, les mêmes avantages et salaires tout comme dans ladministration. Lassociation obéit à la même logique mais avec un esprit fraternel, cest-à-dire au bénéfice des Travailleurs et indépendamment de lÉtat.

« Il y aurait donc, dans chaque sphère de travail que le gouvernement serait parvenu à dominer, un atelier central duquel relèveraient tous les autres, en qualité dateliers supplémentaires. De même que M. Rothschild possède, non seulement en France, mais dans divers pays du monde, des maisons qui correspondent avec celle est fixé le siège principal de ses affaires, de même chaque industrie aurait un siège principal et des succursales. Dès lors, plus de concurrence. Entre les divers centres de production appartenant à la même industrie, lintérêt serait commun et lhostilité ruineuse des efforts serait remplacée par leur convergence. (…) Chaque atelier, après la première année, se suffisant à lui-même, le rôle de lÉtat se bornerait à surveiller le maintien des rapports de tous les centres de production du même genre. (…) Il nest pas aujourdhui de service public qui ne présente cent fois plus de complications. »[22]

Également, dans les principes de fonctionnement, dun point de vue individuel, « chaque membre de latelier social aurait droit de disposer à sa convenance du fruit de son travail ; mais lévidente économie et lincontestable excellence de la vie en commun ne tarderaient pas à faire naître de lassociation des travaux la volontaire association des besoins et des plaisirs »[23]. Cette hypothèse engage notre auteur sur le chemin de lUtopie rejoignant ainsi les penseurs socialistes tels que Saint-Simon, Owen ou Fourier. Néanmoins Louis Blanc a besoin de ce postulat pour justifier son projet durbanisme quil exposera, lors de ses discours, à la commission du Luxembourg. Notons que ce collectivisme progressif, venant des Travailleurs, est une option non impérative et toujours susceptible dêtre annulée. Cest un but quil ne faut pas confondre avec le moyen de régénérer la société.

Toujours en termes généraux sur le mode de fonctionnement des associations industrielles, une particularité du projet exposé dans Lorganisation du travail, réside dans le fait que « les capitalistes seraient appelés dans lassociation et toucheraient lintérêt du capital par eux versé, mais ils ne participeraient aux bénéfices quen qualité de travailleurs »[24]. Verser lintérêt du capital au capitaliste est une concession par rapport à son idéologie originelle. Comme nous lavons vu, Louis Blanc compare lintérêt du capital au vol et il est une source doppression, de despotisme. Qui plus est, la rémunération du capitaliste représente en quelque sorte le comble de lignominie pour notre auteur car cela sert à entretenir dans loisiveté des oligarques financiers tout en enchaînant les travailleurs. Il semble quun certain pragmatisme sinstalle et quune atténuation sopère en raison des nécessités et de la faisabilité du projet. Notons toutefois quaucune participation aux bénéfices des capitalistes nest possible sauf en qualité de travailleur et quà terme, lobjectif est de sautonomiser. Or, dun point de vue pratique, à quel taux le capitaliste serait-il autorisé à prêter de largent sachant que, dans lidéal, Louis Blanc cherche à faire en sorte que celui-ci soit gratuit lorsquil provient de lÉtat ? Comment se règleraient les différents niveaux de richesse au sein de lassociation en supposant que les capitalistes viennent y travailler ? Sur ces points Louis Blanc ne sexprime pas. On peut néanmoins supposer, en raison des garanties de moralité, que le capitaliste travailleur serait amené à prêter son capital pour rien ou presque car attaché aux valeurs du socialisme.

La question de la rémunération

En interne, lassociation se doit de rémunérer ses travailleurs. Alors plusieurs questions se posent. Peut-on fixer les salaires sur loffre et la demande ? Ou sur la quantité de travail exécuté ? Ou dune manière proportionnelle ? Quelle est la « règle de répartition »[24] ? Le principe est le suivant : « Une partie seulement du bénéfice net obtenu serait partagée entre les membres de lassociation, une partie de ce bénéfice devant être consacrée à lentretien des vieillards, des malades, des infirmes, et une autre à lallègement des crises qui pèseraient sur dautres industries, entendu quil sagit de rendre toutes les industries solidaires. »[24]

Mais quelle serait, quant aux fruits du travail, dans chaque atelier social, la règle de répartition ? Sur ce point précis Louis Blanc se trouve dans une situation délicate car il narrive pas à résoudre convenablement la question. Cest un point fondamental sur lequel la pensée socialiste a du mal, en général, à se structurer et qui la renvoie, bien souvent, au rang des chimères. Toutefois notre auteur propose une alternative. Il précise que « jai proposé le système de légalité des salaires, ou, tout au moins, légal partage des bénéfices, sans dissimuler toutefois que ce nétait quun acheminement vers une conception supérieure. »[25]. Lidéal est la répartition en fonction des besoins[26]. Mais lon comprend bien les limites dun tel raisonnement dans le système de lépoque, tant la connaissance des besoins est faussée (aussi bien que celle des facultés)[27].

Notons, par ailleurs, que cette question de la rémunération na, dans la pensée libérale, jamais posée de problème car elle correspond à la rencontre entre loffre et la demande. Certes, cela « fait de lhomme une simple marchandise »[28] et les conséquences sociales sont désastreuses[29] mais, un principe général est fixé. La pensée socialiste sur ce thème fondamental reste face à des contradictions que lon pourrait qualifier de culturelles, ou sociales, car dans leur idée cest à un but supérieur que la société doit tendre : un monde non monétaire. Mais que faire précisément en attendant ?

Pour chercher à résoudre ce problème, Louis Blanc développe lidée de « proportionnalité »[24] comme moyen transitoire. Il rejoint ainsi Saint-Simon, cest-à-dire que la rémunération sétablit selon ses œuvres. Or, de façon pragmatique, à la Commission du Luxembourg, avec la participation dautres intellectuels, une solution différente sera envisagée. Disons simplement et pour linstant que dans le cadre de son projet théorique, dans le but recherché de légale satisfaction de besoins inégaux - cest-à-dire que légalité « nexistera dune manière véritable que lorsque chacun, daprès la loi écrite en quelque sorte dans son organisation par Dieu lui-même, produira selon ses facultés et consommera selon ses besoins. Telle est, telles a toujours été ma foi »[30] -, dans ce cadre de fraternité, une transition basée sur la proportionnalité obtient son adhésion.

Louis Blanc, non satisfait par ses propositions, envisage de plus une approche non matérielle de la rémunération. Dans son esprit, laspect matériel de la récompense nest pas intrinsèque à la nature humaine, ce nest pas immuable, il peut y avoir une récompense immatérielle ou symbolique qui permettrait le dévouement dans le travail dune manière aussi efficace, voire plus, que lappât de gain. Louis Blanc sappuie sur lexemple suivant : «  nest ce pas avec un morceau de ruban quil promettait dattacher à la boutonnière des plus braves, [que] Napoléon a fait voler au-devant de la mort une armée de millions dhommes. Le mot gloire, bien ou mal compris, a fait à lunivers ses destinées. Par quelle fatalité désastreuse, ce qui a suffi, lorsquil sagissait de détruire, ne suffirait-il pas, quand cest de produire quil sagit ? »[31]. Cette utilisation des concepts et particulièrement de la gloire, au profit de son idéologie, est intéressante en termes de récompense du travail. En effet, pourquoi une motivation ne pourrait-elle pas naître du fait dexercer un métier correspondant à sa vocation, naturellement, chez ceux qui choisiraient lorganisation associative du travail ? Le projet nétant pas impératif, en quoi une reconnaissance symbolique glorieuse ne serait-elle pas suffisante pour maintenir le dynamisme[32] entretenu, jusqualors, par la concurrence ? Pour notre auteur, lémulation véritable devrait provenir de « celle qui encourage chacun à chercher dans lintérêt général la satisfaction de son intérêt propre »[33]. Alors, lhypothèse proposée afin de trouver une solution à lépineuse question de la rémunération est segmentée. Tout dabord, à la rémunération proportionnelle sajouterait la glorieuse reconnaissance sociale. Après cette étape, dans le cadre dun accord, la rémunération deviendrait la même pour tous les associés dune même industrie. Et, passé cette transition, la rémunération serait fixée en fonction des besoins. Lobjectif affiché, à terme, est de créer une société sans salariés[34].

Dans tous les cas, pour notre auteur, il semble impossible de rémunérer à sa juste valeur un travail ou une découverte. En effet, « si la société eût voulu récompenser dignement Newton, elle y eût été impuissante : il ny avait pour Newton dautre récompense équitable et suffisante que la joie quil dut ressentir quand son génie eût découvert les lois qui gouvernent les mondes. »[31]. Dès lors, si dans le projet, « la hiérarchie par capacités est nécessaire et féconde ; la rétribution par capacités est plus que funeste, elle est impie »[31]. Ce principe important dans la pensée de Louis Blanc a fait, comme nous venons de le voir, lobjet de certaines concessions dans une perspective pratique et il sera à nouveau temporisé au nom du pragmatisme lors du discours du 26 avril 1848[35] à la Commission du Luxembourg. Ce principe est alors avant tout un but à atteindre (et non un moyen), idéal typique, devant fixer une orientation aux réformes politiques. Pour plus de précisions, au lendemain des évènements de février 1848 Louis Blanc, en charge de la question du travail, se trouve dans une situation très concrète. Il fait le constat quune récompense symbolique ne peut remplir le ventre dune population avant tout soucieuse de se nourrir. Ainsi, en attendant la mise en chantier des associations, Louis Blanc va se résigner à poursuivre, temporairement, le mode de fonctionnement traditionnel. Qui plus est, dun point de vue pratique, concernant la proportionnalité, selon ses œuvres, doit-on comprendre une rétribution basée sur un tarif horaire moyen ou sur une rétribution moyenne en fonction du nombre dobjets fabriqués ? Comment concrètement comprendre cette idée de proportionnalité au-delà de la répartition, pour lheure impossible, entre les besoins en fonction des facultés ? En effet, et Louis Blanc le précise, « je nignore pas que, léducation ayant été jusquà ce jour un pur privilège, les facultés et les besoins de chacun manquent de mesure exacte »[36] et que, par ailleurs, ils évoluent avec le temps. Ce nest pas, en conséquence, une donnée fixe sur laquelle il serait possible dopérer la répartition des bénéfices dans limmédiat. Il ny a pas, dans sa pensée, de principe général applicable à la rémunération. Alors, face à toutes ces objections quil ne peut ignorer, Louis Blanc fait une concession idéologique en précisant que « nul doute que linégalité des salaires ne soit le système le plus approprié à notre éducation, à nos habitudes, à nos mœurs, à lensemble des idées généralement répandues. Nul doute, par conséquent, que ce système ne fût préférable au point de vue purement pratiqueAussi nest-il pas vrai que nous ayons condamné le système de linégalité des salaires, combinée avec légale répartition des bénéfices. Ce qui est vrai, cest quà ce système, nous en avons opposé un autre plus en rapport avec nos pressentiments de lavenir… »[36]. Sur cette question Louis Blanc résume le propos :

« Mon opinion est donc : 1° Que légalité des salaires nest pas un système applicable au régime actuel dindividualisme et de concurrence ; 2° Que ce système nest pas applicable, même au régime dassociation et de solidarité, que comme procédé transitoire ; 3° Enfin, que la véritable égalité, celle qui a la fraternité pour sœur immortelle est légalité qui proportionne les travaux aux facultés et les fruits aux besoins. Mais, le long et douloureux voyage de lhumanité vers le bien nous donne encore quelques étapes à fournir, et lhistoire ne se fait pas en un jour ! »[37]

Or, lanalyse de son travail concret, fruit de lexpérience au sein de la Commission du Luxembourg, et notamment en raison de linfluence de François Vidal et de Constantin Pecqueur, amènera Louis Blanc à reconsidérer son projet initial sur cette question de la rémunération.

Lidéale fraternité : une ligne directrice à toute politique

Comment le projet, tel quévoqué, fonctionnerait-il dans le monde économique contemporain à Louis Blanc ? Comment pourrait-on concrétiser la fraternité ? Lauteur procède sur ces points par quelques projections nous permettant de mieux saisir les contours du projet. Dans lidéal, au-delà de la rémunération en fonction des besoins, et un travail en fonction des facultés, une répartition du bénéfice de lassociation par quart serait effectuée. On aurait alors, « après le prélèvement du montant des dépenses consacrées à faire vivre le travailleur, de lintérêt du capital, des frais dentretien et de matériel, le bénéfice sera ainsi réparti : Un quart pour lamortissement du capital avancé par lÉtat ; Un quart pour létablissement dun fonds de secours destiné aux vieillards, aux malades, aux blessés, etc. ; Un quart à partager entre les travailleurs à titre de bénéfice ; Un quart enfin pour la formation dun fonds de réserve. Ainsi serait constituée lassociation dans un atelier. »[38]

Alors, une extension économique du principe de fraternité se met en place à lensemble du monde associatif[39] car le quart du bénéfice qui est consacré à la « formation dun fonds de réserve » a pour but de venir en aide aux associations en difficultés.

Lobjectif, pour Louis Blanc est de donner concrètement limpulsion nécessaire à la Révolution. Lidée est, « dans toute industrie capitale, celle des machines, par exemple, ou celle de la soie, ou celle du coton, ou celle de limprimerie, de créer un atelier social faisant concurrence à lindustrie privée. (…) La lutte ne serait pas bien longue car latelier social aurait sur tout atelier individuel lavantage qui résulte des économies de la vie en commun, et dun mode dorganisation tous les travailleurs, sans exception, sont intéressés à produire vite et bien. (…) Ainsi au lieu dêtre, comme lest aujourdhui tout gros capitaliste, le maître et le tyran du marché, lÉtat en serait le régulateur. (…) Dans notre système, lÉtat se rendrait maître de lindustrie peu à peu, et, au lieu du monopole, nous aurions pour résultat du succès, la défaite de la concurrence, lassociation. »[17]. Rappelons alors que lÉtat serait le maître temporairement car lassociation doit sautonomiser. Par ailleurs, lÉtat auquel il pense est profondément démocratique et connaît, dans ses institutions des contrepoids locaux puissants. Lorganisation par la suite sopère sur le même mode de fonctionnement que dans le privé. Au final, les dividendes de lindustrie, au lieu de revenir à un capitaliste seraient ceux des Travailleurs, réels producteurs de la richesse. Toute en gardant à lesprit que « chaque atelier, après la première année, se suffisant à lui-même, le rôle de lÉtat se bornerait à surveiller le maintien des rapports de tous les centres de production du même genre, et à empêcher la violation des principes du règlement commun. Il nest pas aujourdhui de service publique qui ne présente cent fois plus de complications. »[7]

Alors, lobjectif pour Louis Blanc est clair. Il faut, non sans une forme de lyrisme, « que lÉtat se mette résolument à la tête de lindustrie ; quil fasse converger tous les efforts ; quil rallie autour dun même principe tous les intérêts aujourdhui en lutte : combien son action à lextérieur ne serait-elle pas plus nette, plus féconde, plus heureusement décisive ! Ce ne serait donc pas seulement les crises qui éclatent au milieu de nous que préviendrait la réorganisation du travail, mais en grande partie celles que nous apporte le vent qui enfle les voiles de nos vaisseaux »[40].

Dès lors, au bout de son idéologie, après la transition industrielle de lassociation, la concrétisation de la fraternité, raisonne le son dun collectivisme intégral dans le monde du travail. Il sagit dune sorte de communisme économique se détachant dun communisme politique car chacun reste libre de choisir le système dans lequel il souhaite travailler et den changer. Toutefois, dans lidéal de notre auteur, dans lhypothèse dune extension volontaire du principe de fraternité à toute lindustrie, les salariés auraient disparu[41]. Ce but, cet « horizon de sens »[42] permet avant tout de fixer une ligne directrice à toutes les réformes économiques à venir comme, par exemple, les brevets.

Les brevets

De façon à envisager tous les aspects de la réforme industrielle, faisons le point sur les « découvertes de la science »[43]. Nous verrons que, tout comme le commerce est perçu par Louis Blanc comme le ver rongeur de la production, ici ce sont les brevets privés qui, pour lui, assomment la concurrence. Toute découverte scientifique a, dans un schéma concurrentiel, inévitablement pour conséquence des licenciements. Pour notre auteur, gagner en productivité tout en exterminant la concurrence, voilà le but de tout industriel dans le système actuel. La propriété privée des « découvertes de la science »[7] accentue ce phénomène. Son idée est alors, afin de supprimer les effets négatifs dun tel principe, de rémunérer linventeur par lÉtat et de rendre publique linvention. Ceci doit permettre de voir, plutôt que des ouvriers au chômage en raison dun brevet acquis par une entreprise, des ouvriers dont le travail serait simplifié et des entreprises généralement plus performantes[44].. Louis Blanc névoque pas la loi du 5 juillet 1844 car cest le principe de la propriété privée de linvention qui est en question et non sa réglementation.

Ainsi, après avoir réorganisé le commerce en le liant à la production, après avoir nationalisé la banque, démocratisé le crédit et créé une assurance dÉtat, la réforme industrielle associative vient apporter un élément supplémentaire à la définition sociale du travail dans la pensée de Louis Blanc. Cest à lÉtat de linitier par un vote à lAssemblée. Enfin, et de façon à saisir les bienfaits de lorganisation du travail industriel sur lensemble de la société reprécisons que, pour notre auteur, « dans un système chaque sphère de travail rassemblerait un certain nombre dhommes animés du même esprit, agissant daprès la même impulsion, ayant de communes espérances et un intérêt commun, quelle place resterait, je le demande, pour ces falsifications de produits, ces lâches détours, ces mensonges quotidiens, ces fraudes obscures quimpose aujourdhui à chaque producteur, à chaque commerçant, la nécessité denlever, coûte que coûte, au voisin sa clientèle et sa fortune ? La réforme industrielle, ici, serait donc en réalité une profonde révolution morale, et ferait plus de conversions en un jour que nen ont fait dans un siècle toutes les homélies des prédicateurs et toutes les recommandations des moralistes »[45].

Annexes

Bibliographie

  • Benoît Charruaud, Louis Blanc, La République au service du Socialisme - Droit au travail et perception démocratique de l'État, Thèse droit, Université Robert Schuman, Strasbourg, 2008 (téléchargement: [PDF] thèse)
  • B. Charruaud, "Louis Blanc", Célébrations Nationales, Ministère de la culture, archives de France, Paris, 2011, pp. 34-35.

http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/action-culturelle/celebrations-nationales/recueil-2011/institutions-et-vie-politique/louis-blanc/

  • B. Charruaud, "Louis Blanc: La République au service du socialisme", note pour la base de données de lAssemblée nationale en ligne, 2011.

http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/louis-blanc_mention-speciale-these-2008.asp#_ftn12


Pour une vision condensée de la pensée politique de Louis Blanc voir :

  • Benoît Charruaud, Louis Blanc ma dit, éditions Baudelaire, Lyon, 2009 (Il sagit dun travail de reconstruction et dactualisation qui a pour but de présenter le plus simplement possible loriginalité de la pensée de Louis Blanc.)

Liens internes

Liens externes

Notes et références

  1. BLANC L., OT, op.cit., p. 70.
  2. « La logique de lhistoire commande la création du ministère du progrès ayant pour mission spéciale de mettre la Révolution en mouvement. (…) Supposons que ce ministère soit créé, et quon lui constitue un budget : en remplaçant la Banque de France par une Banque nationale ; en faisant rentrer dans le domaine de lÉtat les chemins de fer et les mines ; en centralisant les assurances ; en ouvrant des bazars et des entrepôts, au nom de lÉtat ; en appelant, pour tout dire, à lœuvre de la Révolution, les puissances réunies du crédit, de lindustrie et du commerceOn se trouverait avoir en quelque sorte sacré et armé la Révolution. » (BLANC L., OT, op.cit., p. 70-71.)
  3. « (…) nous ne prétendons pas le moins du monde quon immole à lémancipation du peuple la personnalité humaine, les droits de lindividu ; mais nous demandons que, par une application à la fois prudente et large du principe dassociation, lindividu se trouve naturellement amené à associer au bien de ses semblables son espérance et ses désirs. (…) Si les exigences de lintérêt personnel méritent quon les respecte, que ne les respectez-vous dans la personne de tant de malheureux, serfs de lindustrie et valets dune manivelle ? » (Ibid.)
  4. Ibid., p. 195.
  5. Même si, dun point de vue pratique il considère que la réforme serait plus à même de fonctionner dabord dans les campagnes puis, après avoir prouvé son efficacité, en ville.
  6. Ibid., p.71.
  7. a, b, c, d et e Ibid.
  8. BLANC L., OT, op.cit., p. 71. « La rédaction des Statuts destinés aux ateliers sociaux serait délibérée et votée par la représentation nationale. Ils auraient forme et puissance de loi. » (Ibid.)
  9. Nous reviendrons sur ce point dans la suite du propos. Évoquons simplement quun vote, au sein de lassociation pour choisir un directeur et un conseil mandaté et responsable, aurait lieu.
  10. a et b BLANC L., OT, op.cit., p. 71.
  11. étudiée lors de lanalyse de la Révolution morale
  12. BLANC L., Nouveau Monde du 15 juillet 1850, op.cit., p.8
  13. BLANC L., DP, op.cit., p. 238.
  14. a et b Ibid., p. 206.
  15. « (…) la première année qui suivrait létablissement des ateliers sociaux, lÉtat réglerait la hiérarchie des fonctions. Après la première année, il nen serait plus de même. Les travailleurs ayant eu le temps de sapprécier les un les autres, et tous étant également intéressés, (…) au succès de lassociation, la hiérarchie sortirait du principe électif » (BLANC L., OT, op.cit., p. 71.)
  16. Ibid., p. 74.
  17. a et b Ibid., p. 76-77.
  18. « Vous bénissez lintervention de lÉtat, quand sous la forme de juge, de gendarme, de sergent de ville, elle sauvegarde la sécurité du riche, et vous criez anathème à lintervention de lÉtat, quand on lui demande de sexercer (…) pour assurer la vie du pauvre ! (…) Qui donc serait assez absurde pour proposer quon laissât à chaque propriétaire le soin de se défendre, à lui tout seul, contre chaque voleur ? » (BLANC L., DP, op.cit., p. 237-238.)
  19. BLANC L., OT, op.cit., p. 205. « M. Louis Blanc admet que lÉtat, fondant les ateliers sociaux, réglera la première année les fonctions et les bénéfices. Si une fois il le fait, et le fait bien, pourquoi le dénantir de ce privilège ! » (Revue de lAveyron et du Lot, du 8 mars 184 in BLANC L., OT, op.cit., p. 205)
  20. Ibid., p. 205.
  21. Ibid., p. 205-206
  22. Ibid., p. 78.
  23. Ibid., p. 71.
  24. a, b, c et d BLANC L., OT, op.cit., p. 72.
  25. Ibid. et BLANC L., HR1848, op.cit., t. II, p. 304.
  26. BLANC L., HR1848, op.cit., t. II, p. 303.
  27. Quoique discutable : « Utopie ! Ne manqueront pas de sécrier les hommes superficiels, ou ceux à qui des investigations de ce genre sont tout à fait étrangères. Cependant, voyons un peu. La première objection qui se présente aux esprits inattentifs, est limpossibilité apparente de fixer la mesure dun besoin. Objection étrangement futile ! La mesure dun besoin est dans son degré dintensité. Est-ce que nous ne cessons pas de manger quand nous navons plus faim ; de boire, quand nous navons plus soif ; de marcher, quand nous sommes fatigués ; de lire ou de jouer, quand nous néprouvons plus de plaisir à le faire ? Il nest pas jusquaux besoins morbides qui naient leur limite naturelle et infranchissable. La difficulté nest donc pas de trouver une mesure à nos besoins, mais darriver à un arrangement social tel que les prescriptions de la nature ny soient contrariées par aucun obstacle conventionnel, de cet arrangement même. » (BLANC L., HR1848, op.cit., t. I, p. 148.)
  28. « Si jinterroge un des pères de la pensée libérale, J.-B. Say, sa réponse ne laisse aucun doute (Cours complet déconomie politique, 5ème partie, chapitre X: « Les salaires sont dautant plus élevés que le travail de louvrier est plus demandé et moins offert, et ils se réduisent à mesure que le travail de louvrier est plus offert et moins demandé. Cest le rapport de loffre avec la demande qui règle le prix de cette marchandise appelée le travail de louvrier, comme il règle le prix de tous les autres services publics. Quand les salaires vont un peu au-delà du taux nécessaire pour que les familles des ouvriers puissent sentretenir, les enfants se multiplient, et une offre plus grande se proportionne bientôt à une demande plus étendue. Quand, au contraire, la demande de travail leurs reste en arrière de la quantité de gens qui soffrent pour travailler, leurs gains déclinent au-dessous du taux nécessaire pour que la classe puisse se maintenir en même nombre. Les familles les plus accablées denfants disparaissent ; dès lors, loffre du travail décline, et, le travail étant moins offert, le prix remonteDe sorte quil est difficile que le prix du travail du simple manouvrier sélève ou sabaisse au-dessus ou au-dessous du taux nécessaire pour maintenir la classe au nombre dont on a besoin. » Ainsi, nous voilà bien avertis ! Nous savons maintenant, à nen pouvoir douter, que, suivant tous les docteurs de la vieille économie politique, le salaire ne saurait avoir dautre base que le rapport de loffre et de la demande, quoiquil résulte de que la rémunération du travail se borne à ce qui est strictement nécessaire au travailleur pour quil ne séteigne pas dinanition. A la bonne heure, et il ne reste plus quà répéter le mot échappé à la sincérité de Smith, le chef de cette école : Cest peu consolant pour les individus qui nont dautre moyen dexistence que le travail ! »(BLANC L., HR1848, op.cit., t. II, p. 290-292.)
  29. « Louvrier devient une machine vivante qui a tout juste de quoi manger, et le Peuple, une classe qui ne doit pas dépasser le nombre dont on a besoin. » (Ibid., p.294.)
  30. Ibid. nous noterons que dans lHistoire de dix ans, de 1848, nous trouvons dans le même sens : « Que linégalité, mère de la tyrannie, se produise dans le monde, au nom des succès de lesprit, ou bien au nom des victoires de la force, quimporte ? Dans lun et lautre cas, la charité disparaît, légoïsme triomphe, et le principe de la fraternité humaine est foulé aux pieds. Examinez la famille ; le père, dans le partage des fruits quil distribue à ses enfants, prend-il en considération la différence des services quils rendent ou celle des besoins quils éprouvent ? Lui-même, lui qui porte tout le fardeau de lassociation domestique, ne retranche-t-il pas volontiers de ses jouissances pour satisfaire les exigences dun fils malade, pour accroître le bien-être dun fils ignorant ou débile ? Voilà la charité en action. Que lÉtat se modèle sur la famille. » (BLANC Louis, Histoire de dix ans, Paris, Pagnerne, t. V, 1848, p. 462.)
  31. a, b et c BLANC L., OT, op.cit., p. 74.
  32. Pour plus de précisions reprenons : « Lémulation nous semble chose excellente ; mais il faut sentendre : deux hommes se battent en duel ; il y a entre eux émulationpour sentrégorger. Est-ce lémulation véritable ? Lémulation véritable est celle qui encourage chacun à chercher dans lintérêt général la satisfaction de son intérêt propre. » (BLANC L., DP, op.cit., p. 238.)
  33. Ibid., p.238.
  34. Pour plus de précisions reprenons : « Les salariés auraient disparu, il ny aurait plus dans la société que des fonctionnaires dont lemploi serait déterminé par leurs aptitudes, dont la rémunération serait déterminée par leurs besoins, conformément aux lois de la raison, de la justice et de la nature. (…) Cest à cet idéal que tend mon système, lequel na jamais été présenté par moi que comme un procédé pacifiquement révolutionnaire et transitoire.» (BLANC L., HR1848, op.cit., t. II, p. 294.)
  35. BLANC L., « Discours du 26 avril 1848 », op.cit., p. 100-104.
  36. a et b BLANC L., OT, op.cit., p. 75.
  37. Ibid., p. 76.
  38. BLANC L., OT, op.cit., p. 119-121.
  39. « De la solidarité de tous les travailleurs dans un même atelier, nous avons conclu à la solidarité des ateliers dans une même industrie. Pour compléter le système, il faudrait consacrer la solidarité des industries diverses. Cest pour cela que nous avons déduit de la quotité des bénéfices réalisés par chaque industrie une somme au moyen de laquelle lÉtat pourrait venir en aide à toute industrie que des circonstances imprévues et extraordinaires mettraient en souffrance. » (Ibid., p. 79.)
  40. BLANC L., OT, op.cit., p. 80.
  41. BLANC L., HR1848, op.cit., t. II., p. 294.
  42. DAVID Marcel, Fraternité et Révolution Française, op.cit., p. 294.
  43. BLANC L., OT, op.cit., p. 81.
  44. « Dans le monde industriel nous vivons, toute découverte de la science est une calamité, dabord parce que les machines suppriment les ouvriers qui ont besoin de travailler pour vivre, ensuite parce quelles sont autant darmes meurtrières fournies à lindustriel qui a le droit et la faculté de les employer, contre tous ceux qui nont pas cette faculté ou ce droit. Qui dit machine nouvelle, dans le système de concurrence, dit monopole ; nous lavons démontré. Or, dans le système dassociation et de solidarité, plus de brevets dinvention, plus dexploitation exclusive. Linventeur serait récompensé par lÉtat, et sa découverte mise à linstant même au service de tous. Ainsi, ce qui est aujourdhui un moyen dextermination deviendrait linstrument du progrès universel ; ce qui réduit louvrier à la faim, au désespoir, et le pousse à la révolte, ne servirait plus quà rendre sa tâche moins lourde, et à lui procurer assez de loisir pour exercer son intelligence ; en un mot, ce qui permet la tyrannie aiderait au triomphe de la fraternité. » (Ibid.)
  45. Ibid., p. 82.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Ateliers sociaux de Wikipédia en français (auteurs)

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