- Réunion anticonstitutionnelle du Parlement wallon
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À partir de la mi-septembre 1991, les ministres socialistes flamands et Volksunie du Gouvernement national belge (aujourd’hui fédéral) présidé par Wilfried Martens s’opposèrent à ce que le Conseil ministériel restreint compétent octroie la licence d’exportations d’armes à destination de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. Ces deux courants politiques flamands ont toujours eu une grande tradition pacifiste et c’est sans doute pour cette raison qu’ils prirent cette attitude.
Sommaire
Les origines de la crise
Les armes étaient fabriquées en Région wallonne à la FN d’Herstal et à Mecar à Petit-Rœulx-lez-Nivelles. Pour Carol Gluza, Président de la Fédération des Métallurgistes FGTB de Liège le problème est politique: il s’agit de la maîtrise de son économie par la Wallonie[1]. Du côté patronal, l’ Union wallonne des entreprises parlait de discrimination abusive[2].
La convocation du Parlement wallon
La tension est telle que le président du PS, Guy Spitaels écrit le 26 septembre à Willy Burgeon président du Parlement wallon (encore appelé à l’époque, Conseil régional), pour lui demander de convoquer de toute urgence le Conseil régional wallon pour délibérer et éventuellement prendre les mesures requises pour la sauvegarde des entreprises concernées de notre Région[3]. Gérard Deprez, alors président du principal parti de la coalition gouvernementale côté francophone demanda que, à l’ordre du jour, soit jointe la décision de régionaliser l’agriculture[4]. Philippe Destatte commente ainsi les faits: La menace est précise: convoqué pour le lundi, le Parlement wallon pourrait se transformer en États Généraux[5]. Le 30 septembre, le président du Parlement wallon donne la parole, selon ses propres termes au Premier Ministre de Wallonie, c’est-à-dire Bernard Anselme, qui s’exprime comme suit :l’Exécutif [ancien nom officiel du Gouvernement wallon, conscient de l’extrême urgence devant laquelle il se trouvait, était depuis plusieurs jours en état de délibération permanente et est prêt à prendre si nécessaire toutes – je dis bien toutes – les mesures utiles au sauvetage de nos entreprises et de nos emplois.[6].
Dénouement de la crise
Avant que le Gouvernement belge ne se disloque - dans le climat de crise ainsi créé - après, notamment, le départ des ministres de la Volksunie, pour éviter le choc frontal d’un Gouvernement belge et d’une réunion certes illégale du Parlement wallon, mais entourée de légitimité (vu notamment le mécontentement du patronat et des syndicats wallons), Guy Spitaels (qui avait reçu l'appui sans réserve du vice-Premier Ministre bruxellois Philippe Moureaux]) proposa la création de comités ministériels distincts (wallons/francophones et flamands/néerlandophones) qui se chargèrent de la question, à l’intérieur du gouvernement central. La compétence en matière d’exportations d’armes et plus précisément, la licence que doit lui donner une autorité politique demeura fédérale, mais un compromis consista à créer des comités ministériels régionaux à l’intérieur du gouvernement fédéral. Les gouvernements subséquents ont distribué la compétence à des ministres des deux groupes linguistiques. Ainsi dans les gouvernements Dehaene et Verhofstadt, les ministres des affaires étrangères et du commerce extérieur appartenant à deux groupes linguistiques différents, se sont vus chargés, l’un des dossiers wallons et bruxellois introduits en français, l’autre, des dossiers flamands et bruxellois introduits en néerlandais. Le procédé est tout sauf original. Depuis 1970, en effet, le compartimentage communautaire interne au sein du gouvernement central de compétences conflictuelles fut une pratique courante [...] et le prélude au transfert pur et simple de la matière aux entités fédérées.[7].
Prolongements et épilogues
Le Gouvernement de Guy Verhofstadt connut à nouveau des tensions à ce sujet, car ce problème sensible (aux yeux des Flamands: le pacifisme; et aux yeux des Wallons: la défense de l’emploi), créa des difficultés nouvelles en 1999 à propos de la fourniture d’éléments à une centrale nucléaire du Pakistan, en 2000, à l’occasion d’une vente d’armes au gouvernement du Mexique, en 2002 à l’occasion de la fourniture de mitraillettes au gouvernement du Népal (dans ce cas, Louis Michel, pour se couvrir, alors qu’il n’en avait pas l’obligation, communiqua sa décision au Conseil de cabinet restreint, ce qui n’entraîna aucune réaction de la Ministre Agalev Magda Aelvoet, celle-ci étant contrainte à la démission par sa base du fait de son absence de réaction). Enfin, à l’été 2003, la matière fut entièrement régionalisée. Il y eut cependant encore au moins un problème au printemps 2005 avec l’octroi de la licence d’exportation de matériel de fabrication d’armes à la Tanzanie. Malgré l’insistance de ce pays dont l’ambassadeur de Tanzanie fut reçu officiellement par le Gouvernement wallon à Namur: la licence ne fut pas octroyée. Sur les instances du ministre fédéral des affaires étrangères belge, Karel De Gucht, compte tenu de la politique africaine de l’État belge, le Gouvernement wallon décida finalement de ne pas octroyer la fameuse licence d’exportation. Ici le compromis n'était plus juridique ou institutionnel, mais politique: il était en effet assez invraisemblable que la Wallonie mène une politique différente de la Belgique et même de l'Europe en Afrique.
Conclusions sur le fédéralisme belge
L’initiative du Parlement wallon en septembre 1991 éclaire assez bien comment se construit peu à peu le fédéralisme belge. Des tensions extrêmes pourraient mener au bord de la séparation comme l’émission de la RTBF du 13 décembre 2006 en a émis l’hypothèse à la faveur d’un canular (voir Tout ça (ne nous rendra pas la Belgique)). Mais en même temps les menées les plus extrêmes sont finalement contredites par une volonté d’éviter le conflit trop rude ou même simplement l’aventure anticonstitutionnelle.
Notes
- Article Réaction des métallos liégeois dans La Wallonie du 21 septembre 1991
- La Libre Belgique du 21 septembre 1991, p.3. Vincent Henderick, Anselme à Martens: sauvez l’armement in
- Lettre reproduite dans Journal et Indépendance du 27 septembre 1991, p.2
- Constitution Point de l'ordre du jour également en contradiction totale avec la
- Philippe Destatte, L’identité wallonne, IJD, Namur, 1997, p.387
- ARCHIVES INSTITUT DESTREE, Dossier Bernard Anselme : Déclaration de l’Exécutif régional wallon au Conseil régional wallon le 30 septembre 1991
- Charles-Etienne Lagasse, Les nouvelles institutions politiques de la Belgique et de l’Europe, Erasme, Namur, 2003, p.131
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