Référentiel d'inertie

Référentiel d'inertie

Référentiel galiléen

En physique, un référentiel galiléen, ou inertiel, est un référentiel dans lequel un objet isolé (sur lequel ne s’exerce aucune force ou sur lequel la résultante des forces est nulle) est soit immobile, soit en mouvement de translation rectiligne uniforme. Cela signifie que le principe d’inertie, qui est énoncé dans la première loi de Newton, s’y applique.

Un référentiel galiléen est ainsi nommé en hommage à Galilée et plus particulièrement à la relativité galiléenne.

La recherche d'un référentiel inertiel est un sujet délicat.

Dans un référentiel non inertiel, qui est animé d’un mouvement accéléré par rapport à un référentiel galiléen, il faut faire intervenir les forces d’inertie.

Sommaire

Définition

En physique classique comme en relativité restreinte, l'espace de l'observateur est assimilé à un espace affine à trois dimensions auquel est associé un temps utilisé pour paramétrer les mouvements des corps observés.

Un référentiel galiléen[1] est un référentiel pour lequel l'espace est homogène et isotrope, le temps uniforme[2] et dans lequel tout corps libre (non influencé par une force) est animé d'un mouvement rectiligne uniforme ; l'immobilité étant un cas particulier[3].

  • En mécanique newtonienne, tous les repères galiléens sont équivalents : si deux observateurs O et O’ sont animés d'un mouvement de translation uniforme l'un par rapport à l'autre, alors les mêmes lois du mouvement s'appliquent à chacun d'eux, que O soit supposé être la référence «immobile» (auquel cas O’ est en mouvement) ou que l'on suppose O’ immobile et O en mouvement. Dans le cadre de la mécanique newtonienne, le temps s'écoule, par hypothèse, au même rythme pour tous les observateurs signifiant qu'une horloge calibrée dans un référentiel continuera à mesurer les mêmes durées dans tout autre référentiel, que celui-ci soit galiléen ou non. Le temps est dit newtonien.
  • Dans la relativité restreinte, l'équivalence des référentiels galiléens est aussi supposée valide. Toutefois, l'hypothèse newtonienne de temps absolu est remplacée par l'hypothèse d'invariance de la vitesse de la lumière, laquelle est la même dans tout référentiel galiléen. La relativité restreinte permet à des observateurs de définir des temps et des distances apparents sur la base de l'hypothèse d'invariance de la vitesse de la lumière dans chacun de leur référentiel et de construire un système de coordonnées étendu (l'espace-temps) pour mesurer le temps et la distance qui séparent deux évènements. Ainsi des observateurs situés dans des référentiels différents vont obtenir une séparation en temps et en espace différente entre deux mêmes évènements mais l'intervalle d'espace-temps lui sera inchangé : il est indépendant du référentiel galiléen choisi, c'est un invariant.

La mécanique newtonienne permet de raisonner dans tout référentiel, toutefois on privilégie habituellement l'utilisation des référentiels galiléens afin de simplifier les analyses. En revanche, la relativité restreinte ne s'applique que dans les référentiels galiléens, les autres référentiels sont étudiés en relativité générale.

Exemples

  • Soit le centre de masse d'un satellite et la direction des "fixes" (les étoiles les plus lointaines, les quasars, "apparaissent" comme fixes) : ceci définit un référentiel quasi-galiléen car dans la capsule spatiale les objets flottent en impesanteur. Le référentiel lié géocentrique peut être considéré -approximativement- comme galiléen : l'expérience montre que tout corps lancé y a un mouvement qui est l'addition d'un mouvement rectiligne uniforme et du mouvement imprimé par la force de gravitation (en négligeant les frottements de l'air, l'effet axifuge dû à la rotation de la terre sur son axe, et les forces différentielles de marée dues aux astres essentiellement le Soleil et la Lune).
  • Exemples de référentiels non-inertiels : dans le référentiel d'un véhicule accélérant par rapport à la route, les objets ont tendance à se déplacer dans la direction opposée à celle de l'accélération, et ceci sans qu'aucune force "réelle" ne leur soit appliquée ; dans un référentiel en rotation autour d'un point (véhicule dans un virage), les objets ont tendance à se déplacer vers l'extérieur du virage.

Confrontation à l'expérience

Dans la pratique, un référentiel lié à des corps réels ne peut être qu'approximativement, localement et momentanément galiléen.

Par rapport à un système de référence quelconque, l'espace est physiquement non-homogène et anisotrope, et le temps non uniforme, et dans ce cas la description d'un phénomène même simple peut prendre une forme très compliquée. Par exemple, quand on se place dans un manège en rotation, on peut constater que les objets ont tendance à se déplacer vers l'extérieur du manège : ce mouvement observé montre que, dans le référentiel lié au manège, il y a une différence physique graduelle partant du centre et allant vers la périphérie (l'espace n'y est pas physiquement homogène).

Cependant, l'expérience nous apprend que l'on peut toujours trouver un référentiel galiléen : l'espace y est (approximativement) homogène et isotrope, et le temps uniforme.

Principe de relativité

Article détaillé : Principe de relativité.

Les référentiels galiléens sont employés en mécanique newtonienne et en relativité restreinte. Dans ces deux théories, les référentiels inertiels utilisés sont supposés en mouvement rectiligne uniforme les uns par rapport aux autres, de plus le principe de relativité stipule que :

  • Deux expériences de mécanique newtonienne, ou classique, faites identiquement dans deux référentiels inertiels distincts s'y déroulent de manière identique. En relativité resteinte, il s'agit de tous types d'expériences physiques (hormis la gravitation qui n'y est pas définie), et pas seulement de mécanique.
Par exemple, en mécanique classique, en considérant le sol terrestre comme un référentiel galiléen dans lequel les corps ne subissent que l'influence de la gravitation (en première approximation), le référentiel lié à un train passant à vitesse constante par rapport au sol est lui aussi inertiel (sous l'influence aussi de la gravitation). Supposons deux personnes immobiles respectivement par rapport au sol terrestre pour l'une et par rapport au train pour l'autre. Supposons que ces deux personnes aient chacune en main un objet en tous points identiques et lâchent chacune l'objet à un mètre du sol. Ces deux personnes observent alors chacune une chute de leur objet : chacune observera une chute (verticale) parfaitement identique aux observations de l'autre (les mesures faites par l'une et l'autre personne sont identiques).
  • Une expérience observée depuis deux référentiels galiléens distincts (supposés en mouvement relatif de translation rectiligne uniforme) suit une loi identiquement écrite dans les deux référentiels. La différence entre les deux lois n'étant que la valeur numérique d'un paramètre (sous forme vectorielle, en général) qui change d'un référentiel à l'autre du fait de la vitesse relative des deux référentiels. Ce paramètre change les observations et mesures de l'expérience faites depuis l'un ou l'autre référentiel.
Dans l'exemple cité ci-dessus, si une des personnes regarde la chute de l'objet de l'autre, elle ne verra pas une chute identique : en plus du mouvement vertical, elle y verra un mouvement horizontal rectiligne uniforme, le tout formant à ses yeux une trajectoire à la forme parabolique.

Invariances

Emmy Noether a montré, par ses théorèmes de symétrie, le rapport remarquable entre l'homogénéité du temps et la conservation de l'énergie, l'homogénéité de l'espace et la conservation de la quantité de mouvement, l'isotropie de l'espace et la conservation du moment cinétique.

Changement de référentiel

Un changement de référentiel est l'ensemble des lois à appliquer pour convertir les grandeurs physiques d'un référentiel à un autre. Dans le cas où la conversion porte sur les distances et les durées, on parle de transformation.

Mécanique classique
Article détaillé : Transformations de Galilée.

Dans le cadre de la mécanique newtonienne, si un référentiel est animé d'un mouvement relatif de translation rectiligne uniforme par rapport à un référentiel inertiel, alors ce référentiel est lui-même inertiel : les corps libres y sont aussi soumis au « mouvement inertiel ». Il existe donc une infinité de référentiels inertiels en translation rectiligne uniforme les uns par rapport aux autres, et on admet que tous les référentiels inertiels le sont[4].

Si les \ R_i, pour i = 1;2, désignent les deux référentiels inertiels d'origines respectives \ O_i, et les \overrightarrow{O_iM} désignent les vecteurs joignant les origines au point \ M du corps observé, les \ t_i les temps homogènes dans chaque référentiel, et \vec v_{2/1} la vitesse relative de \ R_2 par rapport à \ R_1, la formule vectorielle de changement de référentiel est :

\left\{\begin{matrix}
t_1=t_2 \\
\overrightarrow{O_1M} = \overrightarrow{O_2M} + \vec v_{2/1} . t
\end{matrix}\right. , en prenant \ t = t_1 =t_2 du fait de la première égalité.

Si les axes des référentiels sont deux à deux parallèles et la vitesse relative est parallèle à l'axe des \ x_i , on obtient :

\left\{\begin{matrix}
t_1&=&t_2\\
x_1&=&x_2 + v_{2/1}.t\\
y_1&=&y_2\\
z_1&=&z_2
\end{matrix}\right.


Relativité restreinte

Dans cette théorie aussi, on admet comme hypothèse que tous les référentiels galiléens sont en translation spatiale rectiligne uniforme les uns par rapport aux autres. La différence avec la physique classique est que ce sont des référentiels de l'espace de Minkowski à quatre dimensions et que l'axe du temps est propre à chaque référentiel.

Article détaillé : Transformations de Lorentz.

Les transformations de Lorentz coïncident avec les transformations de Galilée pour des vitesses faibles par rapport à la vitesse de la lumière.

En relativité générale

En relativité générale, toute masse et toute énergie cinétique impliquent une courbure de l'espace-temps et donc une déviation des trajectoires possibles dans l'environnement de la masse : cet effet est la gravitation. Au voisinage d'aucune masse l'espace est homogène et isotrope, donc il ne peut y avoir de véritable référentiel galiléen au sens où cela est compris en relativité restreinte ou en physique classique.

Toutefois, un référentiel en chute libre dans un champ de gravitation est localement inertiel : d'après le principe d'équivalence, au voisinage immédiat d'une géodésique tout corps suit une géodésique parallèle et à la même vitesse, donc dans ce référentiel, et très localement (mathématiquement : en un point), tout corps vérifie le mouvement inertiel. Bien sûr, il faut pour accepter cela parler de corps quasi-virtuel aux énergies et masses trop petites pour avoir un effet perceptible sur l'espace-temps.

De même, loin de toute masse (mathématiquement : à une distance infinie) un référentiel est inertiel.

Dans cette théorie, du fait du principe d'équivalence, les référentiels galiléens ne sont pas tous en translation rectiligne uniforme les uns par rapport aux autres ; et en toute rigueur, l'espace étant courbe, cette notion de « translation rectiligne uniforme » ne peut avoir le même sens que dans un espace affine. Une des utilités des référentiels galiléens est que les égalités tensorielles y sont plus simples à établir que dans le cas général d'un référentiel quelconque et qu'une fois établie pour un type de référentiel, une égalité tensorielle est vraie pour tout type de référentiel (donc est toujours vraie).

Critique par Henri Poincaré

Henri Poincaré dans son livre La Science et l'Hypothèse (1902) a souligné que les principes de la physique ne sont fondés sur aucune nécessité logique.

Déjà, ce savant mettait en cause l'a priori que l'espace physique est un espace euclidien à trois dimensions, bien qu'il ait conclu « Aucune expérience ne sera jamais en contradiction avec le postulatum d'Euclide ; en revanche aucune expérience ne sera jamais en contradiction avec le postulatum de Lobatchevsky »[5]. On sait depuis la relativité restreinte, et plus encore depuis la relativité générale, combien ses doutes étaient fondés.

Poincaré articule sa réflexion comme suit. Un référentiel galiléen est défini comme un référentiel cartésien, de l'espace supposé affine, dans lequel le mouvement de tout corps non influencé par une force est rectiligne uniforme : il faut savoir ce qu'est une force avant de poser cette définition. Une force ne peut être mesurée -donc définie- que par le fait qu'elle rend le mouvement non rectiligne-uniforme[6] : la notion de force présuppose que celle de référentiel galiléen est bien définie. La force et le référentiel inertiel sont définis l'un par l'autre. Ce qui ressemble dès lors à une définition circulaire trouve sa justification dans les expériences : en observant des systèmes à peu près isolés (c'est à dire loin de tout corps pouvant l'influencer de manière significative), on arrive toujours à définir des référentiels dans lesquels les mouvements des centres de gravité des systèmes sont à peu près rectilignes et uniformes[7]. Enfin, Henri Poincaré insiste : la mécanique est une science expérimentale où la nature des notions utilisées importe peu, seuls comptent le fait que ces notions soient « commodes » du point de vue de leur formulation mathématique, qu'elles soient mesurables et permettent de prédire des résultats d'expériences renouvelées.

L'exemple typique de la définition circulaire est le référentiel lié au sol terrestre : dans ce référentiel la chute des corps ne peut pas être négligée comme peuvent l'être les frottements de l'air, ou la tendance à la fuite centrifuge des corps due à la rotation de la terre sur elle-même, mais si on identifie cette chute des corps comme un effet dû à une force dont les propriétés doivent être déterminées, ce référentiel peut être considéré comme approximativement -et pour une expérience de courte durée- galiléen et soumis à la force de gravitation. Avec l'analyse d'Einstein du principe d'équivalence, il apparaît que comme la gravitation soumet tous les corps au même effet, on peut considérer qu'elle est due aux propriétés de l'espace et que, dès lors, un référentiel lié au sol terrestre n'est pas doté d'un environnement homogène et isotrope, donc ne peut pas être considéré comme galiléen : les seuls véritables référentiels galiléens sont ceux qui sont en chute libre (bien qu'ils ne soient que localement galiléens). Le travail d'Einstein aboutit à la relativité générale qui est plus proche des observations récentes que la loi universelle de la gravitation de Newton.

Notes

  1. Lev Landau et Evguéni Lifchitz, Physique théorique, tome 1 : Mécanique, éd. MIR, Moscou [détail des éditions], §3.
  2. L'uniformité du temps signifie qu'il s'écoule de la même manière ... au fil du temps. On comprend intuitivement ce que cela signifie : le laps de temps que l'on appelle « une seconde » dure le même temps qu'il s'écoule aujourd'hui ou demain. De manière plus formelle, cela peut signifier qu'il y a invariance des équations par translation dans le temps de l'ensemble l'expérience, ou bien qu'ayant deux compteurs de temps identiques (deux horloges) et les faisant démarrer à des instants différents quelconques, ils compteront le même nombre de secondes entre deux événements quelconques (donc, pour un tel compteur, une seconde est une mesure qui ne varie pas au fil du temps).
  3. On peut comprendre cette équivalence comme suit : la permanence de l'immobilité est due au fait que l'espace étant isotrope, il n'y a aucune raison pour qu'un mouvement se crée spontanément dans une direction plutôt qu'une autre ; de même pour la permanence d'un mouvement rectiligne et uniforme qui est due à l'homogénéité (d'un point à l'autre, il n'y a aucune raison due à l'espace pour que les caractéristiques spatiales du mouvement du corps soient modifiées), à l'isotropie de l'espace (les caractéristiques spatiales du mouvement sont les mêmes dans toutes les directions de l'espace, sauf dans la direction du mouvement) et à l'homogénéité du temps (la régularité de l'écoulement du temps utilisé garantissant l'invariance de la mesure de la vitesse). Le raisonnement peut être fait de manière réciproque.
  4. Ce qui signifie que l'on n'utilise pas le principe d'équivalence d'Einstein qui permet de construire des référentiels inertiels en chute libre dans un champ de gravitation.
  5. Ce qui signifie que comme l'espace euclidien et celui de Lobatchevsky peuvent être plongés l'un dans l'autre (voir par exemple le demi-plan de Poincaré), toute propriété due aux particularités d'un de ces espaces peut être traduite comme une propriété physique dans l'autre.
  6. Henri Poincaré examine aussi le problème de la comparaison des forces, et en déduit qu'elle ne peut se faire sans des hypothèses fortes (telle le principe de l'action et de la réaction) et en déduit que la gravitation ne peut pas non plus servir d'étalon pour la définition de la notion de force.
  7. Henri Poincaré traite aussi de la définition de la masse du corps, qui se trouve dans une situation aussi délicate.

Bibliographie

Texte de « La Science et l'Hypothèse »

Voir aussi

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