Roger Gavoury

Roger Gavoury

Roger Alfred André Gavoury né le 7 avril 1911 à Mello (Oise), contrôleur général de la sûreté nationale, marié, trois enfants, assassiné dans l’exercice de ses fonctions de commissaire central d’Alger le 31 mai 1961[1]. Il fut le premier fonctionnaire tué par l’OAS, organisation séditieuse qui le choisit pour cible parce que ce serviteur de l’État, "tout entier dévoué à son pays, à son métier et à l’institution policière", incarnait la loyauté et "plaçait l’obéissance à la République au premier rang de ses devoirs" (selon les termes d’une lettre émanant le 27 avril 2005 du directeur adjoint du cabinet du ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales). Les circonstances de son assassinat, l'enquête judiciaire, le déroulement et les suites du procès sont relatés dans la seconde partie d'un livre intitulé "La bataille de Marignane", écrit par le docteur Jean-Philippe Ould Aoudia, préfacé par l'ancien ministre Pierre Joxe et publié aux Éditions Tirésias en février 2006[2].

Sommaire

Biographie

Fils d’un chef de groupe des services centraux de la Compagnie des chemins de fer du Nord, Roger Gavoury effectue sa scolarité à Senlis. Ses études à l’École supérieure de philosophie de Beauvais seront suivies de deux années de licence en droit à Lille.

À partir de 1931-1932, il exerce des activités administratives et commerciales dans des établissements bancaires et entreprises de Creil, Paris et Reims avant de faire acte de candidature, en avril 1936, au concours pour les emplois de commissaire de police stagiaire dans les départements.

Il entre en octobre 1933 au 67e régiment d’infanterie, et termine son service militaire en février 1934, suite aux blessures contractées dans l'accident ferroviaire de Lagny-Pomponne le 23 décembre 1933 (l’accident causa plus de deux cents morts)[3].

Déroulement de carrière

Roger Gavoury reçoit sa première affectation de commissaire de police le 21  novembre 1936 à Hazebrouck (Nord) : dans cette commune éprouvée par les bombardements aériens, il se signale par son dévouement et son sens de l’initiative lors des événements de mai-juin 1940.

Il est nommé successivement à Sarcelles (mars 1942 - décembre 1943), Sotteville-lès-Rouen (décembre 1943 - septembre 1944), Rouen-Saint Sever (septembre 1944 - octobre 1949), Béthune (octobre 1949 - mai 1950), Charleville-Mézières (mai 1950 - mai 1954) et La Rochelle (mai 1954 - mai 1955).

Sa prise de poste d’adjoint au directeur du Centre national d’instruction et d’application de la sûreté nationale de Sens le 11  mai  1955 l’éloigne momentanément de la sécurité publique.

En mission temporaire au Maroc à compter du 9  août  1955, il est confirmé dans ses fonctions d’adjoint au chef de la sûreté régionale de Casablanca le 11  février  1956 par voie de détachement au titre de l’assistance technique. Il se voit confier la responsabilité du service central de la sécurité publique à Rabat en février 1957 et élabore la doctrine relative à l’organisation de la sûreté nationale marocaine.

Remis, à sa demande, à la disposition de son administration d’origine le 16  février  1959, il assure la direction des Centres d’assignation à résidence surveillée de Thol-Neuville sur Ain (avril à août 1959) et du Larzac (août 1959 - février 1960).

Commissaire principal depuis 1948, il est promu commissaire divisionnaire au lendemain de son installation, le 29 février 1960, dans les fonctions de commissaire central adjoint à Alger.

Il est admis au bénéfice de la croix de la Valeur militaire avec étoile d’argent le 21 avril 1961. La citation à l’ordre de la division, comportant l’attribution de cette distinction, souligne sa participation "très importante à la lutte contre la rébellion". Elle rappelle qu’il a "payé courageusement de sa personne, au cours des événements de décembre 1960, en se portant constamment aux endroits où la violence des manifestations prenait la forme la plus dangereuse, afin de limiter les heurts entre les communautés". Elle se conclut en ces termes : "A suscité, en ces circonstances, l’admiration de son personnel, qu’il a galvanisé par son exemple." Dans un ouvrage intitulé "Commissaire de police en Algérie, 1952-1962" et publié en mars 2011 aux Éditions Riveneuve, Roger Le Doussal précise : "S’appuyant sur les CRS, il avait joué un rôle important lors des émeutes musulmanes du 11 décembre 1960 pour éviter que leur répression par des militaires ne tourne au carnage."

Prenant ses fonctions de commissaire central le 23 mai 1961, moins de six semaines après le plasticage de son appartement, Roger Gavoury s’adresse à ses collaborateurs en ces termes : "L’horizon commence à blanchir et bientôt, je l’espère, luira sur l’Algérie l’aube de la paix. Je voudrais, de toute mon âme, être le Central de la pacification, la vraie cette fois, celle des esprits. Je rêve d’une Alger où les hommes s’entraiment enfin, sans plus être séparés par des races, des religions ou des mers."

Il est assassiné à coups de poignard de parachutiste le 31 mai 1961 à 23 h 30, à l’intérieur de son studio situé au 4e étage de l’immeuble du 4-6 rue du Docteur Trolard à Alger, où un commando de l’OAS lui a tendu un guet-apens[4]. Dès le 1er juin, s’inclinant, au nom de la France et du Gouvernement, devant cette victime du devoir, le délégué général en Algérie, Jean Morin, déclarera dans un communiqué : "Ce crime odieux montre à quel point de perversion en sont arrivés certains éléments qui se placent au ban de la Nation."

Post mortem

Tué en service commandé, Roger Gavoury est nommé, à titre exceptionnel, contrôleur général de la sûreté nationale, par arrêté du ministre de l’intérieur du 2 juin 1961.

Le 3 juin 1961, le juge d’instruction d’Alger est saisi d’une note de la police judiciaire ainsi libellée : "Des constatations et des premiers éléments de l’enquête, il ressort que le crime a été commis en raison de l’attitude ferme manifestée par ce fonctionnaire, particulièrement pour maintenir l’ordre à Alger et réprimer les troubles provoqués par les organisations subversives activistes. On peut donc estimer que cet homicide est le fait d’une bande armée en relation avec les insurgés d’avril 1961."

Le 4 juin 1961, un tract ronéotypé à en-tête "OAS - Sous Secteur Alger-Ouest" est distribué dans les boites aux lettres d’Alger précisant que l’Organisation armée secrète avait "jugé" le commissaire divisionnaire Gavoury notamment pour "crime de haute trahison" et "complicité avec le régime" ; il se conclut comme suit : "Un premier avertissement (14 avril dernier - bombe au plastic) n’ayant donné aucun résultat, il a été décidé de procéder à son exécution.".

Citations

  • Citation à l'ordre de la Nation, le 10 juin 1961. La teneur de la citation est la suivante : Le Premier ministre, sur la proposition du ministre d’État chargé des affaires algériennes, cite à l’ordre de la Nation M. Roger Gavoury, commissaire divisionnaire, commissaire central du Grand Alger : "Fonctionnaire d’élite, d’un loyalisme absolu à l’égard des institutions républicaines, a toujours exercé ses délicates et périlleuses fonctions avec une compétence et une autorité dignes des plus grands éloges. Nommé à Alger depuis plus d’un an, s’est distingué par son attitude courageuse et son sens du devoir particulièrement élevé et a tenu à rester à son poste malgré les menaces de mort dont il était l’objet. Lâchement assassiné dans la nuit du 31 mai au 1er juin, a droit à la reconnaissance de la Nation.".
  • Nommé chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume par décret du 4 août 1961. Le mémoire de proposition mentionne : "M. Gavoury, au cours de ses séjours en Afrique du Nord, s’est toujours efforcé de montrer d’exemplaire façon aux populations musulmanes ce qu’elles pouvaient attendre de bénéfique de fonctionnaires français ayant pour but essentiel de faire respecter et aimer leur pays au travers de leur personne."
  • Mention "Mort pour la France" attribuée à titre militaire le 17 novembre 1961, sur avis favorable du ministre des anciens combattants et victimes de guerre.

Procès

Dix personnes impliquées dans son assassinat sont déférées au tribunal militaire par décret du Président de la République du 6 février 1962, parmi lesquelles le lieutenant déserteur Roger Degueldre (alors en fuite), le sergent déserteur Albert Dovecar et Claude Piegts : pour ces derniers, le procès se déroulera au Palais de justice de Paris du 26 au 30 mars 1962. Arrêté le 7 avril 1962, Roger Degueldre sera traduit le 28 juin 1962 devant la Cour militaire de justice, au Fort neuf de Vincennes. Les deux premiers seront fusillés le 7 juin 1962, le troisième le 6 juillet 1962.

Le nom de Roger Gavoury figure sur une stèle commémorative dédiée aux commissaires de police tombés en opération, victimes du devoir, en dehors du territoire métropolitain, installée dans l’enceinte de l’École nationale supérieure de la police à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or (Rhône) et dévoilée le 21 juin 2005 par le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, dans le cadre de la cérémonie de sortie de la 55e promotion des commissaires de police.

Bibliographie

  • « Histoire de la République gaullienne – Tome 1 (La fin d’une époque) », Éd. Fayard, 1970. Pierre Viansson-Ponté écrit : "Le commissaire Gavoury, chargé de la répression des menées activistes en Algérie, … est littéralement saigné au poignard par les tueurs, jeunes algérois et légionnaires déserteurs. Argoud, écœuré, prendra prétexte de cette opération ponctuelle pour quitter l’Algérie et retourner en France avant de se fixer en Espagne."
  • « Le temps de la violence », Éd. Presses de la Cité, 1971. Vitalis Cros affirme : "… les assassinats du commandant Poste ou du commissaire Gavoury tinrent une grande place dans la presse et à la radio. Le temps viendra vite où les attentats seront si nombreux qu’on ne pourra même pas en tenir un compte exact."
  • « O.A.S. – Organisation armée secrète », Éd. J’ai lu, 1972. Robert Buchard indique : "Salan était hors de lui : il venait d’apprendre, par la radio, l’assassinat du commissaire central Roger Gavoury. L’ex-commandant en chef ne parvenait pas à savoir si on voulait l’éliminer ou au contraire hâter sa décision. […] Les Algérois étaient convaincus que les militaires en fuite étaient cette fois décidés à agir en employant les grands moyens. Pour faire accréditer cette thèse auprès de la masse des pieds-noirs, Susini avait pris soin d’antidater le tract annonçant que Salan prenait la tête de l’OAS. Il l’avait appelé : « Appel du 28 mai. ». Appel du 1er juin eut été plus conforme à la réalité. "
  • « Le temps de l’OAS », Éditions Complexe, 1995. Pour Anne-Marie Duranton-Crabol, l’assassinat de Roger Gavoury est un "événement marqueur" dans l’histoire de l’OAS débutante. "Cruel hommage rendu à l’efficacité du commissaire central d’Alger, payant les coups portés à l’Organisation par la cellule qu’il avait créée au sein de la sûreté urbaine, le meurtre servait d’avertissement pour tous ceux qui tenteraient de contrer le mouvement clandestin."
  • « Haute surveillance », en collaboration avec Michel Leblanc (Éditions Michel Lafon, 1995). Selon Raymond Dematteis, inspecteur général honoraire de la police nationale, le meurtre de Roger Gavoury a "marqué d’une tache noire l’histoire de la fin de la guerre d’Algérie".
  • « Nomade de cœur - Policier de fortune », Éd. Corollys, 2001. Eryc Pioch, commissaire divisionnaire honoraire de la police nationale, y relate : "Dans la nuit du 31 mai, j’étais officier de permanence au commissariat central. Comme nous allions nous séparer, je proposai au commissaire Gavoury de l’accompagner jusqu’à son domicile où il vivait seul. Malgré mon insistance, il refusa catégoriquement, car, dit-il, un policier n’avait pas à se faire protéger. Je savais qu’il avait été condamné par l’OAS, mais je ne croyais pas que ces hommes pervertis mettraient leurs menaces à exécution. Lorsque je pensai que j’avais insisté pour assurer sa protection jusqu’à son domicile, j’imaginais quel aurait été mon sort si je l’avais suivi jusqu’à son appartement."
  • « Voyage au cœur de l'OAS », Éditions Perrin, 2005. Olivier Dard énonce qu’avec l’exécution du commissaire Gavoury, l’OAS assume, dès les origines, le choix consistant à "incarner le désordre en s’en prenant directement et physiquement aux symboles et aux institutions de l’État".
  • « La bataille de Marignane. 6 juillet 2005. La République, aujourd’hui, face à l’OAS », de Jean-Philippe Ould Aoudia, suivi de « Mort pour la France. 31 mai 1961 - Alger », de Jean-François Gavoury (Éd. Tirésias, 2006 - Collection "Ces oubliés de l'Histoire". Dans la préface, l’ancien ministre Pierre Joxe rappelle : "Il y a aujourd’hui plus de quarante ans que les trahisons et les crimes qui ont accompagné la fin de la guerre d’Algérie ont eu lieu. Ceux qui ont connu cette époque ont tendance à l’oublier. Elle est pleine de trop mauvais souvenirs, à commencer par la félonie de quelques officiers trahissant leur mission pour organiser l’assassinat d’innocents et le terrorisme qui frappa des femmes et des enfants au nom de l’organisation armée secrète. Quelles que soient à présent les conséquences juridiques des lois d’amnistie, ces crimes-là sont aussi ineffaçables que l’honneur des serviteurs de l’État dont ils ont provoqué la mort et auxquels il est juste de rendre hommage."
  • « Commissaire de police en Algérie, 1952-1962 » (Éd. Riveneuve, 2011). Dans cet ouvrage, Roger Le Doussal, inspecteur général honoraire de la police nationale, précise : "Cet attentat, qui fut souvent rappelé par l’OAS afin de faire pression sur tous les policiers, eut un grand retentissement et il marqua un tournant de la situation sécuritaire en Algérie, car, si 6 commissaires de police avaient déjà été tués par le FLN, c’était la première fois que l’un d’eux était tué par l’OAS, organisation dont, au cours de la cérémonie mortuaire qui se déroula le 3 juin à Alger, le directeur de la sûreté nationale en Algérie dénonça le fanatisme."

Notes et références

  1. Robert Buchard, Organisation armée secrète, Volume 1, Editions Albin Michel, 1963 [lire en ligne], p. 102 
  2. cf. infra
  3. Société française d'histoire de la police : Notice-biographique-Roger-Gavoury
  4. Journal La Provence – publication du mardi 31 mai 2011 - Roger Gavoury, 1er fonctionnaire tué par l’OAS, il y a 50 ans

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