- Retour éternel
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Éternel retour (temps)
L' éternel retour est une notion d'origine mésopotamienne, d'après laquelle l'histoire du monde se déroule de façon cyclique. Après plusieurs milliers d'années (« la Grande Année »), une même suite d'événements se répète, identique à la précédente, avec des éléments recomposés. Le mot employé chez les Grecs est palingénésie (παλιγγενεσία), notion proche qui signifie « genèse à nouveau », « nouvelle naissance » ou « régénération ».
Sommaire
Selon les Mésopotamiens
Les astronomes babyloniens avaient découvert que les révolutions synodiques des planètes, les révolutions annuelles du Soleil et de la Lune sont des sous-multiples d'une même période commune, la Grande Année, au terme de laquelle le Soleil, la Lune et les planètes reprennent leur position initiale par rapport aux étoiles fixes. Ils en conclurent que la vie de l'univers est périodique, qu'elle repasse éternellement par les mêmes phases, suivant un rythme perpétuel. C'est l'idée du Retour éternel. Le cycle de base est le sharos qui dure 3600 ans ; le cycle des éclipses se reproduit en 223 lunaisons donc en 28 ans 11 jours ; etc. Pour Bérose, la Grande Année s'étend sur 432 000 ans. Et la Grande Année subit deux cataclysmes. Le premier est un cataclysme de feu (une Conflagration), au solstice d'été de l'univers, lors de la conjonction des planètes en Cancer ; le second est un cataclysme d'eau, un Déluge donc, qui se produit au solstice d'hiver de l'univers, lors de la conjonction des planètes en Capricorne.
- « Bérose, traducteur de Bélus (l'interprète du dieu Bêl, le prêtre de Mardouk), attribue ces révolutions aux astres, et d'une manière si affirmative qu'il fixe l'époque de la Conflagration et du Déluge. "Le globe, dit-il, prendra feu quand tous les astres, qui ont maintenant des cours si divers, se réuniront sous le Cancer, et se placeront de telle sorte les uns sous les autres, qu'une ligne droite pourrait traverser tous leurs centres. Le déluge aura lieu quand toutes ces constellations seront rassemblées de même sous le Capricorne. Le premier de ces signes régit le solstice d'hiver ; l'autre, le solstice d'été. Leur influence à tous deux est grande, puisqu'ils déterminent les deux principaux changements de l'année." J'admets aussi cette double cause ; car il en est plus d'une à un tel événement ; mais je crois devoir y ajouter celle que les stoïciens font intervenir dans la conflagration du monde. Que l'univers soit une âme, ou un corps gouverné par la nature, comme les arbres et les plantes, tout ce qu'il doit opérer ou subir, de son premier à son dernier jour, entre dans sa constitution, comme en un germe est enfermé tout le futur développement de l'homme. » (Sénèque, Questions naturelles, III, 29).
Selon Héraclite et les stoïciens
Héraclite, comme tous les penseurs d'Ionie (Thalès, Anaximandre) pense « que, la substance demeurant, seuls ses états changent », « que rien ne se crée et que rien ne se détruit » (Aristote, Métaphysique, A, 3). Il voit en toutes choses un lieu de contradictions et il envisage le dépassement de ces contradictions en une harmonie. Il ajoute l'idée de période, de Grande Année, estimée à 10800 années solaires.
« Héraclite pense qu'à un moment donné le monde s'embrase et qu'à un autre moment il se reconstitue de nouveau lui-même à partir du feu, selon certaines périodes de temps, dans lesquelles, dit-il, il s'allume en mesure et s'éteint en mesure. Plus tard les stoïciens ont partagé la même idée »— Simplicios, Héraclite, fragment A 10
Les plus célèbres défenseurs de l'éternel retour en Occident furent les premiers stoïciens, Zénon, Cléanthe, Chrysippe, avant Diogène de Babylone et Panétius. [1] La notion est d'origine babylonienne. Plusieurs idées sont contenues dans la notion d'éternel retour.
- la cosmogénèse astrologique : Au commencement, le Feu primitif et divin crée, par condensation, l'Air, puis vient l'Eau, enfin la Terre se dépose (Diogène Laërce, VII, 142). Les planètes sont alors alignées. Selon Porphyre, qui est néoplatonicien, et non stoïcien, "les théologiens ont établi deux portes, le Cancer et le Capricorne, que Platon appelle deux orifices [La République, 614-615]. Le Cancer est celui par lequel les âmes descendent, tandis que leur montée se fait par le Capricorne. Mais le Cancer est situé vers la Borée [au Nord] et approprié à la descente, tandis que le Capricorne est près du Notos [au Sud] et propre à la montée" (De l'antre des nymphes).
- le cycle : Diogène de Babylone évalue la Grande Année, c'est-à-dire la période à la fin de laquelle les planètes retrouvent la position qu'elles avaient au moment de la naissance du monde, à 365 fois 10.800 ans ; Platon avait parlé de 36000 ans (La République, VIII, 546 ; X, 615) et Bérose de 432 000 ans.
- l'embrasement (ekpyrosis) final : La conflagration est conçue comme la destruction du monde et sa résorption dans le Feu divin.
- la répétition : Les événements reviennent à l'identique.
- l'éternité : Ce cycle se reproduit sans fin : « Lorsque chacun des astres errants [planètes] revient exactement, en longitude et en latitude, au point du ciel où il se trouvait au commencement, alors que le Monde fut constitué pour la première fois, ces astres errants produisent, au bout de périodes de temps bien déterminées, l'embrasement et la destruction de tous les êtres. Puis, lorsque ces astres recommencent de nouveau la même marche, le Monde se trouve reconstitué ; les astres décrivant derechef le chemin qu'ils ont déjà parcouru, chaque chose qui s'était produite en la précédente période s'accomplit, une seconde fois, d'une manière entièrement semblable. Socrate existera de nouveau, ainsi que Platon, ainsi que chacun des hommes avec ses amis et ses concitoyens ; chacun d'eux souffrira les mêmes choses, maniera les mêmes choses ; toute cité, toute bourgade, tout champ seront restaurés. Cette reconstitution [apocatastase] de l'Univers se produira, non pas une fois, mais un grand nombre de fois ; ou plutôt, les mêmes choses se reproduiront indéfiniment et sans cesse » (Némésios d'Émèse, De la nature humaine, 38, trad. P. Duhem).
Quant à la survie de l'âme, les avis sont partagés. « Pour Zénon, l'âme survivait bien au corps un temps assez long, mais finalement se dissiperait. Pour Cléanthe, les âmes subsistaient jusqu'à la conflagration. Pour Chrysippe, les âmes débiles succombaient à l'instant de la mort, ou peu après ; seules celles des sages; qui avaient su résister aux passions, participaient à cette immortalité restreinte » (Émile Bréhier, Les stoïciens, coll. "Pléiade).
Selon Nietzche
L'éternel retour dans la pensée Nietzschéene est fort éloigné de l'idée de résurrection présente dans certaines religions. Le philosophe ne tient pas pour véritable la possibilité de revivre à l'infini sa propre vie, mais fait de cette supposition une sorte d'impératif, de question ultime et essentielle. On pourrait réduire grossièrement ce concept en quelques mots : « Mène ta vie comme si tu pouvais souhaiter qu'elle se répète éternellement. »
Bibliographie
Sources
- Bérose, Babyloniaca, trad. an. S. M. Burstein, Undena Publications, Malibu, 1978, 39 p.
- Stoicorum veterum fragmenta.
- Censorin, Du jour natal (238), trad. du latin.
Études
- André Bouché-Leclercq, L'astrologie grecque, Bruxelles, 1963.
- Jean-Baptiste Gourinat, "Éternel retour et temps périodique dans la philosophie stoïcienne", Revue philosophique de la France et de l'étranger, 127 (2002), p. 213-227 (ISSN 0035-3833).
- A. Long, « The Stoics on world-conflagration and everlasting recurrence », dans R. Epp (éd.), Spindel Conference 1984 : Recovering the Stoics = Southern Journal of Philosophy, 23 suppl. (1985).
Articles connexes
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