- Rais Hamidou
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Raïs Hamidou (vers 1770-1815) est un corsaire d'Alger. Sa biographie est relativement bien connue, car l'archiviste Albert Devoulx (voir source) a retrouvé des documents importants, dont un précieux Registre des prises ouvert en 1765. La chanson et la légende se sont aussi emparés de ce personnage charismatique.
Sommaire
Biographie
Rais Hamidou est originaire des Issers à Boumerdes. Très jeune il se sentit une vocation irrésistible pour la marine. Dès l’âge de dix ans, il abandonna l’état de tailleur que lui faisait apprendre son père Ali, pour s’engager comme mousse.
Son intelligence et surtout sa témérité lui attirèrent très tôt un certain renom. C’est ainsi que le dey Hassan ayant appris l’audace dont il avait fait preuve à Oran, le rappela à Alger pour lui donner le commandement d’un chébec. La perte de ce navire qui se brisa contre un récif alors qu'il était en mouillage à La Calle faillit ruiner, ses projets ambitieux. Mais il sut calmer la colère du dey et bientôt, il disposa d'une frégate construite par l'espagnol Maestro Antonio, charpentier à Alger qui donna une dimension nouvelle à l'activité de Hamidou. Armée de 40 canons, ce navire permit au Raïs la capture en 1802 d'un vaisseau de guerre portugais de 44 canons, faisant 282 prisonniers. Ce succès lui valut la direction de la flottille algérienne.
Exilé par le bey en 1808, il prit refuge à Beirut, mais fut convoqué moins de deux ans après pour reprendre la mer. Il sillonna la Méditerranée et l’Océan. Il prit part entre 1809 et 1815 à des attaques en vue de butin contre des navires venant de Tunis, de la Grèce, du Portugal, des États-Unis...
Le 17 juin 1815, alors qu’il écumait la mer à bord d’un bateau de guerre appartenant au prince du Brésil - l’un des 200 voiliers dont il s’était emparé durant sa carrière - il rencontra une puissante escadre américaine qui venait demander raison au dey Omar des insultes faites au pavillon américain. Au début du combat qui fut engagé, un boulet tua le Raïs Hamidou sur son banc de quart, et la flottille algérienne ne tarda pas à être dispersée, après avoir perdu deux de ses navires.
Le Rais Hamidou et son temps
A l'époque du Rais Hamidou, Alger fait partie de l'Empire ottoman, dont elle est un vassal turbulent. Elle est gouvernée par un dey, terme traditionnellement traduit pas Régent d'Alger.
La ville est un nid de pirates, ou, si l'on préfère, de "corsaires" (terme dérivé de corso ; utilisé ici en un sens très large, différent du sens habituellement utilisé en Europe à cette époque), qui sèment la terreur dans toute la Méditerranée. C'est un des principaux centres de la traite musulmane.
L'esclavage est pleinement assumé, comme en témoigne cette chanson recueillie par Albert Devoulx :
« Hamidou resplendit d’orgueil, son cœur est plein d’allégresse ! Il ramène une frégate portugaise et son triomphe est éclatant ! Les mécréants sont vaincus et asservis. Il se rend au palais du Sultan, traînant après lui les esclaves chrétiens et nègres. »
Corsaire ou pirate ?
Les raïs algérois pratiquent ce qu'on appelle le corso, c'est-à-dire une prédation semi-légalisée spécifique à la Méditerranée, qui les placent entre les corsaires et les pirates.
L’ouvrage de l'archiviste Albert Devoulx sur le rais Hamidou (1770-1815), utilise à la fois les termes corsaires, pirates ou forbans (ces deux derniers termes étant ceux qui reviennent le plus souvent sous sa plume) pour les désigner. On tracera les grandes lignes, puisque Devoulx nous fournit les données pour le faire, du cadre juridique dans lequel (et souvent hors duquel) les écumeurs algérois agissent à l'époque du registre des prises de 1765, qu'il a retrouvé et magistralement exploité.
- Tout d'abord, la réduction en esclavage des prisonniers crée un fossé infranchissable entre le corso des raïs et la course classique des Jean Bart et des Surcouf. De plus :
- Les écumeurs d'Alger n'ont pas de lettres de marque, leurs prises sont seulement enregistrées en vue du partage entre le raïs concerné et la Régence. L'autorité politique, au niveau local, a connaissance de l'activité "corsaire", mais la reddition de compte se borne exclusivement à apporter les preuves que le raïs partage le butin avec cette autorité ;
- Il n'existe à Alger aucun tribunal des prises ni aucune autorité susceptible d'examiner les prises sans être elle-même partie prenante au partage du butin.
- Les navires attaqués peuvent être neutres, sujets de l' Empire ottoman (bateaux grecs ou tunisiens), voire être musulmans. D’après le registre des prises, le 12 décembre 1768, Hamidou et d’autres capturent un navire grec (la Grèce étant alors partie intégrante de l'Empire Ottoman) ; le 10 octobre 1810, Hamidou capture des marchandises tunisiennes (les Tunisiens étant à la fois de coréligionnaires et des compatriotes, vassaux de la Turquie eux-aussi) ; de même le 22 mai 1811
Les cibles sont choisies par les raïs algérois eux-mêmes, en fonction de l'occasion et du rapport de forces. La Sublime Porte, dont Alger est censée être vassale, s'en plaint en permanence, dans des lettres que Devoulx a retrouvées et cite parfois in-extenso.
A l’époque de Napoléon, la France est jugée trop forte pour être ciblée par les écumeurs d’Alger, bien que la Sublime Porte soit particulièrement irritée par l’expédition d’Égypte ; Devoulx cite une lettre du 24 février 1801 écrite au nom du souverain turc :
« Il a appris cependant qu’après avoir incarcéré le consul français pendant un mois, vous l’aviez relaxé ; et que, lorsque vos corsaires rencontrent des navires français, ils ne les traitent pas comme les traiteraient des navires de la Sublime-Porte. Vous les épargnez et ils sont à l’abri de vos attaques. Il y a plus, vous réservez vos sévices et vos agressions pour les sujets de la Sublime-Porte, bien que vous soyez vous-mêmes ses vassaux ! »
Aux « premiers jours de ramdan de l’année 1230 » (du 7 au 16 août 1815), le souverain turc adresse un « firman » (décret) au Régent d’Alger pour exiger encore une fois que cessent les attaques contre les navires turcs ou amis de la Turquie :
« Les corsaires de la Régence d’Alger capturent les navires de commerce appartenant soit aux sujets de la Sublime-Porte, soit à des nations qui sont en paix avec elle ; ils réduisent en captivité leurs capitaines et leurs marins et s’emparent de leurs cargaisons. Cependant la Sublime-Porte est responsable de ces navires ; ils sont munis de sauf-conduits et elle est en paix avec eux. »
- Les guerres dans le cadre desquelles les écumeurs algérois sont supposés agir peuvent se situer à plusieurs niveaux : étatique (guerres déclarées par la Sublime Porte) ; infra-étatique (guerre entre vassaux, ici contre ce qui deviendra la Tunisie) ; supra-étatique (la "guerre sainte", le jihad) ; sachant que, dans le cadre du jihad, il n'existe pas d'autorité musulmane centralisée qui pourrait refuser efficacement de la déclarer : les "autorités" pouvant la déclarer sont nombreuses et le "corsaire" en trouvera toujours une qui voudra bien le faire, à supposer qu'il se soucie de déclaration de guerre formelle. La notion de "guerre sainte" se confond donc ici avec la notion de "guerre permanente".
Ce n'est donc pas la guerre qui vient provisoirement interrompre la paix, c'est le contraire. Le critère consistant à agir dans le cadre d'une guerre est entendu de façon si large qu'il a cessé d'être un critère, puisqu'il est supposé rempli en permanence.
L'exemple, détaillé par Devoulx, de la guerre avec la jeune Amérique, est particulièrement illustratif.
Lorsque les premiers navires arborant la bannière étoilée furent vus des raïs algérois, il n'y avait pas le moindre litige, et même, ces couleurs leur étaient totalement inconnues ; mais, justement pour cette raison, ces navires furent présumés non-musulmans et donc de bonne prise. Les algérois prirent donc l'habitude d'attaquer les navires américains. Un "traité" de paix, comme celui signé par les États-Unis en 1795, consistait à suspendre les risques d'attaque en payant un tribut.
Ce n'est donc pas ici une guerre préexistante (sauf à faire appel à la notion de la "guerre sainte permanente") qui déclenche les attaques de "corsaires" ; les premiers actes de guerre sont les attaques "corsaires" ; il n'y a pas de but de guerre autre que le butin, surtout pas avec les jeunes États-Unis que les "corsaires" ne sauraient sans doute pas situer sur la carte ; il n'y a pas d'autre objet au "traité de paix" que de prévoir un butin sans combat.
Dès qu'ils se sentirent plus forts, les États-Unis dénoncèrent le traité de 1795 ; une expédition américaine contre Alger fut lancée en 1815 (c'est elle qui coûta la vie au raïs Hamidou).
Dans la littérature
Raïs Hamidou a très tôt sa place dans la littérature populaire orale d'Alger, comme sans doute d'autres raïs avant lui. De Grammont (voir sources) signale combien la ferveur populaire s'allumait facilement pour ces aventuriers dont les prises faisaient vivre chacun directement ou indirectement.
Albert Devoulx recueille chansons et histoires à son sujet, et en mentionne quelques unes dans son ouvrage.
Symbole des "corsaires" algériens du XVIIIe siècle, Raïs Hamidou est célébré comme un héros national en Algérie. Une statue en bronze lui est dédiée à Alger et de nombreux lieux en Algérie portent son nom. Une corvette de la marine algérienne porte son nom.
A l'époque contemporaine, Paul Despres lui consacre un roman historique (voir sources).
Voir aussi
Bibliographie
- Albert Devoulx, Le raïs Hamidou: notice biographique sur le plus célèbre corsaire algérien du XIIIe siècle de l'hégire, Dubos Frères, 1859
- Albert Devoulx est Conservateur des Archives arabes du Service de l’Enregistrementet des Domaines, à Alger, Membre de la Société historique Algérienne, et Correspondant de la Société Académique du Var
- Paul Desprès, Raïs Hamidou : Le dernier corsaire barbaresque d'Alger, Harmattan, mars 2007 (roman historique)
- H. D. de Grammont, Histoire d'Alger sous la domination turque, Paris 1887
Liens externes
- Biographie de Raïs Hamidou sur Algérie-monde.com
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