- Psychanalyse et autobiographie
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Psychanalyse et autobiographie
Introduction
- La cure psychanalytique consiste en une conversation entre le "malade" et le thérapeute. Le "malade" expose son rêve, les évènements qui peuvent lui être associés, et ce qu'il en pense à un thérapeute attentif, d'une neutralité bienveillante, qui est chargé d'interpréter ces rêves. Ne pouvons-nous dès lors pas considérer l'acte autobiographique comme une cure psychanalytique, consciente ou inconsciente ? Le "malade" serait alors l'autobiographe, le thérapeute serait le lecteur, qui ne doit donc avoir aucun préjugé sur l'auteur et être ouvert d'esprit, les rêves seraient la relation des évènements, et surtout de leurs perceptions, et des pensées qui en ont découlées.
Définitions psychanalytiques
- Ça : pulsions instinctives de la personnalité. Cette instance ne possède aucune règle, aucune inhibition, aucune limite dans l'agressivité et/ou la sexualité. Toute puissance du Désir, et volonté de satisfaction immédiate.
- Surmoi : Instance refoulante, support de tous les interdits, de toutes les contraintes socio-culturelles. Elle se forme par conformation aux parents. Il s'agit d'un contre-pouvoir au ça.
- Idéal du moi : Elle est issue des premières confrontations du ça et du surmoi, et est formé par identification à des personnes aimées (voire adulées) et par le refoulement du ça. En effet, on passe du "je peux tout" (ça) au "je voudrais tout pouvoir" (idéal du moi). Formé d'un idéal auquel le moi souhaite se conformer, il lui permet de se dépasser et de réguler les excès honteux du ça.
- Moi : Partie de la personnalité en contact avec l'extérieur, formant le conscient, elle utilise le surmoi et l'idéal du moi afin de refouler les pulsions instinctives du ça.
- Imago : Image intérieure que peut se faire quelqu'un des individu-types qui peuvent graviter autour de lui, image qui ne colle d'ailleurs pas forcément avec la réalité, et qui est par là-même différentes selon les individus. Deux personnes n'auront ainsi pas la même opinion d'un tiers. Il s'agit d'un mécanisme d'association. Il guidera les relations de l'individu toute sa vie durant. Plus concrètement, c'est l'image de la belle-mère acariâtre, ou du beau-fils incompétent.
- Self : Partie la plus créatrice d'un individu, encore plus forte que le moi, due au sentiment de confiance en soi. Le self est l'état de confiance en soi où on peut se dire : "ce brave homme, c'est moi". C'est l'instance qui a guidé au siècle passé les surréalistes dans leur recherche créatrice de l'inconscient, lorsqu'ils laissaient leurs mains s'exprimer.
- Faux self : Il est issu de la dissociation néfaste d'un moi anormalement gouverné par le ça, et d'un moi dominé par le surmoi, et tourné vers les rapports relationnels. Normalement, le moi est issu d'un compromis entre les deux instances antagonistes. Là, le conflit dissociatif atteint tout à fait le moi.
- Soi : Étroitement lié à la culture, il s'élabore tout au long de la vie, en respectant les valeurs d'une société, d'une culture et d'une façon de pensée personnelle. C'est ce que l'on pourrait appeler la personnalité.
Les Œuvres
- Les Confessions, de Jean-Jacques Rousseau : l'auteur a le désir permanent de se faire pardonner. Ceci est issu d'un mécanisme du moi et surtout de l'idéal du moi. En effet, Rousseau souhaite se faire mieux voir pour être certain que son œuvre et sa vie seront jugés avec plus d'indulgence, ce qui est bien l'idéal de Rousseau. Le récit montre de plus les influences négatives du ça à travers les conséquences des actions irréfléchies de Jean-Jacques, comme lorsqu'il abandonne Mr. Le Maître à sa crise d'épilepsie.
- Vie de Henry Brûlard, de Stendhal : on observe à la fin de cette œuvre - lorsqu'il évoque son amour pour Angela Pietragrua - une certaine difficulté à s'exprimer de la part de l'auteur. C'est du en fait à la différence notable entre le soi de l'adolescent, ou du jeune homme, et le soi de l'écrivain, de l'adulte d'âge mûr. Ces deux Soi correspondent respectivement aux temps de narration et aux temps d'énonciation. On peut même dire que le désir de ressaisir son passé, qui est un leitmotiv de l'autobiographie, revient à relier le soi ancien et le soi présent. La difficulté du langage peut de plus être issue de l'amour fou et irraisonné, et qui relève donc du ça, de l'auteur. Le surmoi veut en effet réprimer les pulsions amoureuses du ça pour coller aux attentes de la société en étant clair et compréhensible (donc en opposition avec l'amour). Le conflit et l'hésitation de l'auteur engendrent la difficulté d'expression.
- Les Mots, de Jean-Paul Sartre : Sartre parle souvent d'une névrose due à sa vocation littéraire "imposée" par son entourage, et spécialement par son grand-père ; On voit donc l'influence que peut avoir la société sur le moi et le soi. On voit également l'importance de l'entourage lors de l'édification de la personnalité qui s'effectue durant l'enfance. En outre la "comédie familiale" que Sartre montre est issu d'un arrangement forcé du moi (lorsque Jean-Paul est seul) avec l'extérieur (lorsque Jean-Paul agit futilement pour faire plaisir), d'où un mal être face à cette comédie.
- Enfance, de Nathalie Sarraute : dans son autobiographie, elle montre un dialogue entre l'auteur et le narrateur, entre la "conscience" et le conteur. La "conscience" pousse le narrateur à être honnête, elle est donc issue de l'idéal du moi qui souhaite être honnête, à l'image de celui de Rousseau. Le récit confirme de plus que l'enfance est une période déterminante dans la formation de la personnalité, les évènements racontés ayant formé le soi de l'auteur. Nathalie Sarraute retrace l'édification de son soi à travers toute si enfance ; on remarque qu'il s'agit d'une constante dans l'autobiographie.
- Le Livre de ma Mère, d'Albert Cohen : le regret permanent qu'Albert Cohen affiche est dû au vide laissé par le self (qui a disparu avec la mort de sa mère). On remarque d'ailleurs que dans ce cas, ce n'est pas le self qui est créateur, mais son manque. L'auteur se soulage en effet de sa tristesse par l'écriture. On retrouve ce manque du self dans toutes les autobiographies où les auteurs regrettent des souvenirs heureux, mais dans une moindre mesure, puisque Cohen pousse ce fait à son paroxysme.
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