Prothèse articulaire

Prothèse articulaire

Une prothèse articulaire est un ajout ou mieux une substitution synthétique destinée à remplacer en partie ou en totalité les surfaces articulaires d'une articulation humaine ou animale. La restauration associée des moyens d'union passifs est limitée, partielle ou totale.

Sommaire

Vue d'ensemble

L'élaboration d'une prothèse pose le problème :

  • de la manière dont elle va simuler l'action de la partie remplacée (biomécanique, ergonomie) ;
  • de la tolérance de l'organisme vis-à-vis de ce corps étranger ;
  • de la dégradation
    • dégradation chimique du matériau dans le corps humain (par corrosion) ;
    • usure mécanique, et notamment du fretting (usure sous un faible débattement, avec accumulation des produits d'usure au niveau de la surface de contact) ;
    • lorsque les produits d'usure s'échappent, ils peuvent provoquer des granulomes : étant des corps étrangers, ils sont absorbés par les macrophages, formant les granulomes ; ces granulomes entraînent une résorption de l'os autour de la prothèse (ostéolyse périprothétique) ce qui fragilise l'ancrage et rend problématique le remplacement ;
  • de l'esthétique. L'esthétique d'une exo-prothèse est un problème qui préoccupe les amputés, spécialement pour les membres supérieurs. Il existe des gants en silicone pour recouvrir la prothèse de l'avant-bras.

Historique

Prothèses de hanches 1920-1980

« Tantale servit aux Dieux les membres de son fils Pelops. Les Dieux indignés ressuscitèrent Pelops. Une épaule déjà mangée par Demeter fut remplacée par une articulation d’ivoire » (Ovide,Métamorphose,livre 6,vers 410-415).

Du fond de la mythologie, la première endoprothèse était née.

Au début du vingtième siècle, les chirurgiens orthopédistes sont confrontés à deux types d’atteinte de la hanche: l’arthrose et la fracture du col du fémur. Les conséquences de l’arthrose sont connues. Avec l’usure du cartilage disparaît ce précieux revêtement qui permet le glissement harmonieux de la tête du fémur à l’intérieur de la cavité cotyloïdienne. Pour remplacer le cartilage perdu de nombreux matériaux sont interposés entre la tête du fémur et le cotyle : plâtre, buis, caoutchouc, plomb, zinc, cuivre, or, argent ou fragment de vessie de porc ….
Aucune de ces interfaces ne convient : trop fragile, trop mou, trop toxique.

Les premiers résultats convaincants sont obtenus, en 1923, par Smith-Petersen. Ce jeune chirurgien de Boston a déjà fait parler de lui en inventant au début de son internat une nouvelle voie d’abord antérieure de la hanche. Lors de son exercice il extirpe du dos d’un patient un éclat de verre resté en place une année et parfaitement supporté par l’organisme. L’observation de cette réaction lui donne l’idée d’une application orthopédique. Il fait construire de fins moules de verre qu’il interpose entre les deux surfaces de la hanche. Cette lentille de quelques millimètres d’épaisseur « guide le travail de réparation de la nature». Hormis sa fragilité l’inconvénient majeur de cette méthode reste la nécrose de la tête fémorale liée à la section des vaisseaux pendant l’opération.

A la même époque Hey-Groves (1922) propose une autre approche particulièrement intéressante dans les fractures du col. En effet lors de ce traumatisme la vitalité de la tête fémorale est compromise par le cisaillement des minces vaisseaux qui l’irriguent. Il remplace donc la tête dans sa totalité par une sphère d’ivoire de même calibre. Sa fixation est assurée par un manche qui traverse la diaphyse fémorale. La prothèse prend à la fois la place de la tête fémorale et de la surface articulaire qu’elle porte. Cette intervention reste un cas isolé bien que le résultat soit satisfaisant quatre ans après l’intervention.

Les prothèses fémorales

Malgré de nombreuses recherches le matériau idéal solide et bien toléré par l’organisme se fait attendre. Une solution est proposée en 1936 par le Dr. Venable. Après avoir expérimenté de longues années les effets de différents métaux sur l’os celui-ci conclut à la supériorité de l’alliage Chrome-Cobalt-Molybdène pour les applications orthopédiques. Il l’appelle Vitalium.

En 1939 Harold Bohlman reprend les travaux de Venable et met au point la première prothèse fémorale en métal (Vitalium). Celle-ci remplace la tête du fémur et le cartilage qui la recouvre. Cette solution fait disparaître le risque de nécrose rencontrée dans les suites des cupules d’interposition. Cependant une nouvelle question se pose : comment faire tenir cette tête prothétique ? Bohlman choisit de fixer la tête métallique à la corticale externe du col fémoral par un clou. Les deux premières opérations se soldent par un échec ce qui amène Bohlman à verticaliser le clou.

Durant les années qui suivent quelques tentatives voient le jour. Les résultats sont peu concluants et les interventions très peu nombreuses.

Ce sont les frères Judet qui conçurent, en France, en 1946, la première prothèse posée en nombre (les tentatives précédentes étaient < à 10 ). Jean Judet n'avait jamais aimé le blocage de l’articulation (arthrodèse) proposé à l’époque pour soulager les arthroses sévères. Il préférait réséquer la tête fémorale pathologique et articulait le col fémoral dans le cotyle car « en arthrodèsant une hanche douloureuse vous substituez une infirmité à une autre ». À partir de 1946 les deux chirurgiens remplacent la tête retirée par une sphère de même calibre en méthacrylate de méthyle plus connu sous le nom de plexiglas. Celle-ci est fixée sur un pivot traversant de part en part le col du fémur. Dans tous les cas les résultats immédiats sont bons puis décevants dès le moyen terme. Ces échecs sont dus à une intolérance aux débris d’usure de l’acrylique qui sera définitivement abandonné en 1949.

Austin Moore a déjà conçu avec Bohlman en 1940 une méga prothèse métallique peu posée. Le procédé de fixation révolutionnaire qu’il propose pour maintenir la tête fémorale date lui de 1950 :la tête métallique sera portée par une tige fichée dans le canal médullaire du fémur. Depuis cette date la quasi-totalité des implants fémoraux reprendront ce concept de tige intra médullaire.

A cette époque, Moore est le chirurgien de l'Hôpital Psychiatrique de l’État de Columbia, qui dispose de 7000 lits. Les fractures du col du fémur sont fréquentes chez des patients en général âgés, souvent en mauvais état général. Le pronostic de cette lésion est transformé. Quelques jours après l'opération les opérés évoluent dans les couloirs de l'hôpital ce qui est très nouveau. À l'époque la fracture du col du fémur était une cause de mort fréquente chez le vieillard. La prothèse de Moore est en Vitallium. Une fenêtre est pratiquée dans la queue prothétique pour permettre la repousse de l’os. Un trou est placé à la partie supérieure du col. Il sera utilisé, si nécessaire, pour extraire la prothèse.

Au début les poses s’effectuent par voie d’abord antérieure. L’opération est difficile et les résultats médiocres : les luxations sont fréquentes. Moore modifie donc la technique opératoire. Il utilise un abord de plus en plus postérieur que l’on surnommera en clin d’œil « l’abord du Sud » ou voie de Moore. La prothèse fémorale simple prend en charge les pathologies liées à la tête fémorale. Cette solution est très utile pour le traitement des fractures du col du fémur.

Toutefois dans l’arthrose, face à la tête métallique, le cartilage usé du cotyle reste inchangé. Ce traitement nécessite une prothèse totale ou la tête fémorale et le cotyle sont remplacés.

Les prothèses totales de hanche

De l’autre côté de l’Atlantique Mac Kee cherche à résoudre le double problème posé par l’arthrose de hanche. L’usure du cartilage est bilatérale. Les deux surfaces doivent être changées. Son choix se porte sur le métal. La nouvelle tête fémorale roulera dans le cotyle osseux recouvert d’une coque métallique. Suivant son exemple le couple de glissement métal contre métal entre tête et cotyle deviendra la solution proposée pendant de nombreuses années par les concepteurs de prothèses de hanche.

Mac Kee conçoit un premier prototype en 1941 suivi d’une première pose … 10 ans plus tard. Ses recherches se poursuivront 40 ans. Dès ses débuts la fixation à l’os reste le problème principal. La pièce cotyloïdienne est fixée par une grosse vis postérieure inspiré des vis d’arthrodèses de l’époque. La pièce fémorale se fixe à la corticale diaphysaire par une plaque.

En 1951, Mac Kee implanta pour la première fois trois de ces prothèses totales de hanche. Dans deux cas la prothèse est en acier inoxydable et se descelle en moins d’un an. La troisième est en Vitalium, recommandé par Venable depuis 1936. Cet alliage ne présente pas cette tendance si commune au « grippage ». La prothèse resta en place plus de trois ans, avant que le col prothétique ne casse, ce qui redonne l’espoir au chirurgien après toutes ces années de travail.

En 1953, Mac Kee rencontre son confrère Américain, le médiatique Thompson. Celui-ci propose, depuis 1952, un modèle ressemblant à la prothèse de Moore mais sans fenêtre. Il le convainc de la fiabilité de la fixation de la prothèse fémorale par une tige intra médullaire. Le modèle suivant comporte donc une pièce fémorale type Thompson avec une tête un peu plus petite pour pouvoir s’articuler à l’intérieur du cotyle prothétique métallique.

Ce modèle est utilisé de 1956 à 1960. 26 personnes seront opérées. Les résultats sont assez satisfaisants à plus de 10 ans. Mais dans 10 cas sur 26 c’est un échec par descellement. À l’époque Mac Kee attribue cette mauvaise tenue des implants aux frottements répétés d’une pièce métallique sur l’autre. Pour résister à cette sollicitation, il cherche à améliorer le système de fixation des implants. La véritable cause de ces descellements ne sera comprise que bien plus tard.

Jusqu’en 1960 Mac Kee propose comme solution au problème posé:

  • Tige en Vitalium portant une grosse tête fémorale s’articulant dans un cotyle métallique en Vitalium.
  • Tenue des deux composants par fixation mécanique : tige fémorale et grosse vis cotyloïdienne.

Les résultats de ce type de prothèse sont inégaux. Malgré les améliorations apportées par Mac Kee Il persiste dans un grand nombre de cas des descellements précoces. À l’époque la cause en est attribuée au frottement ou « grippage » entre les deux pièces métalliques trop contraignant pour la méthode de fixation mécanique des implants.

Ce n’est que bien plus tard, en 1974, que l’on comprendra la raison véritable de ces descellements : l’organisme humain réagit face aux débris d’usure relargués dans la nouvelle articulation. Les macrophages éliminent les particules étrangères et s’attaquent, dans le même temps, à l’os environnant : c’est l’ostéolyse qui ronge l’os et fragilise la fixation prothétique.

Les prothèses totales cimentées

Le professeur John Charnley est à l’origine d’une véritable révolution dans le domaine de la prothèse de hanche.

Après quelques hésitations le concept proposé s’appuie sur plusieurs principes complémentaires et totalement innovants : nouveaux matériaux, fixation au ciment, nouvelle taille de tête prothétique, nouvelle voie d’abord. À partir de 1970 plus d’un million de ses prothèses seront posées et il s’en pose encore.

Pour Charnley la clef de la réussite dépend de la diminution du frottement entre les deux surfaces articulaires responsable du « grippage » si préjudiciable aux prothèses métal-métal. En 1959 il mesure le coefficient de frottement d’une articulation normale et le compare à celui « d’un patin glissant sur de la glace » . Bien sur, l’homme ne sait pas fabriquer des pièces articulées avec des coefficients de friction si faibles, surtout pour des mouvements pendulaires lents et en pleine charge. En parallèle les expériences de Charnley confirment que les fabuleuses propriétés mécaniques de l’articulation viennent du cartilage articulaire et non du liquide synovial.

Dans un premier temps Charnley va donc rechercher un matériau pour remplacer le cartilage détruit dans la coxarthrose. Celui-ci doit offrir le plus petit coefficient de friction possible et être parfaitement toléré par l’organisme. À l’époque c’est le polytétrafluoroéthylène ou Téflon qui remplit ces critères. Charnley développe donc le concept de cartilage articulaire synthétique et recouvre les surfaces articulaires remodelées d’une fine pellicule de ce plastique. Ces minces cupules donnent des résultats immédiats spectaculaires. Hélas, très vite, la tête fémorale luxée puis rabotée pour recevoir la " coquille " de Téflon, subit la même complication qu’avec les cupules de Smith-Petersen : la nécrose ischémique. Les résultats ne sont pas au rendez vous cependant Charnley vient de faire l’expérience d’un nouveau matériau : le plastique.

Charnley s’intéresse alors aux prothèses de Moore qui éliminent ce risque en remplaçant la tête fémorale. Mais celles-ci ont le même défaut que les prothèses des frères Judet : elles se descellent. En s’appuyant sur les travaux du Docteur Wiltse publiés en 1957, Charnley retient la possibilité d’utiliser l’acrylique autodurci comme méthode de fixation prothétique. Cette technique est déjà utilisée par les dentistes. À partir de 1959 ses prothèses de Moore seront fixées avec du polyméthacrylate de méthyle qu’il appellera « ciment à os ». Des dizaines de patients sont opérés et, comme prévu, les résultats sont bien meilleurs que ceux obtenus avec la même prothèse sans ciment. Charnley propose donc de cimenter ses prothèses.

Dans un deuxième temps, afin de protéger le cotyle tout en diminuant encore le coefficient de frottement, il ne fera plus frotter les prothèses de Moore sur le cartilage abîmé mais sur du téflon. Sa prothèse devient totale. Du côté cotyloïdien il reprend alors ses premiers cotyles en Téflon et pose des prothèses que l’on peut qualifier d’hybrides, composées d’un cotyle type «  cartilage artificiel » de son invention en face d’un élément fémoral en métal, type Moore, fixé au «ciment à os ». Les résultats sont assez bons… mais le cotyle très fin s’use rapidement et continue à se desceller dans un grand nombre de cas.

En 1960 Charnley décide alors de diminuer encore le risque de descellement en diminuant le frottement entre la pièce fémorale et la pièce cotyloïdienne. Il va s’éloigner du diamètre naturel d’une tête du fémur passant de 41 millimètres à 22 millimètres. La démonstration est mathématique: plus la tête fémorale est petite et moins le frottement est important. C’est la fameuse «  prothèse à faible friction » (low-friction arthroplasty). Ce petit diamètre de tête fémorale a un autre avantage : il laisse plus de place pour le cotyle en téflon a l’intérieur de l’os cotyloïdien. L’épaisseur du cotyle peut donc être augmentée.

Toutefois après quelques années la petite tête impose une pression insupportable à la cupule qui s’use beaucoup trop vite. Le chirurgien ne revient pas en arrière. Attaché au principe de la petite tête il préfère un plastique plus solide que le Téflon. Il choisit en 1962 le polyéthylène de haut poids moléculaire. Celui-ci possède un coefficient de friction contre l’acier 5 fois supérieur au Téflon mais sa résistance à l’usure est 500 à 1000 fois supérieure. La prothèse de Charnley sera donc cimentée avec une petite tête métallique de 22 mm roulant dans un cotyle en polyéthylène.

Charnley est proche de sa solution cependant, chez les patients opérés, un nouvel inconvénient se présente : les petites têtes fémorales se luxent plus facilement. Charnley change donc sa voie d’abord et propose une solution spécifique : la trochanterotomie. L’incision est latérale, le grand trochanter est sectionné pour dégager l’articulation. Celui-ci devra être cerclé avec des fils métalliques en fin d’intervention ce qui retend les muscles fessiers, éléments stabilisateurs de la hanche. Cette technique diminue grandement les risques de luxation avec une reprise de l’appui du côté opéré cinq semaines après l’opération.

Charnley propose donc au monde orthopédique une triple solution au problème posé :

  • Basse friction et donc faible taux d’usure par roulement d’une tête métallique de petit diamètre dans un cotyle épais en plastique polyéthylène.
  • Fixation des composants par un ciment acrylique.
  • Voie d’abord par section de l’os trochantérien pour retendre les muscles fessiers et diminuer les risques de luxations dues au petit diamètre de la tête fémorale prothétique.

Ce trépied établi un juste équilibre entre les trois risques : usure, descellement et luxation

Devant les résultats impressionnants de son concitoyen Charnley, Mac Kee commence à cimenter lui aussi ses prothèses en 1960. Il utilise le même ciment. Il fixe l’élément fémoral et l’élément cotyloïdien, ce que ne fait pas Charnley au début. La prothèse utilisée est métal-métal associant un composant fémoral de type Thomson à un cotyle qui perd sa grande vis postérieure du fait de la fixation au ciment.

C’est à cette époque que Farrar rejoint Mac Kee. Le problème principal auquel ils sont confrontés est le conflit entre le large col de la prothèse de Thomson et le bord du cotyle métallique dans les mouvements de grande amplitude. En 1961 le col est affiné. En 1965 l’élément fémoral est redessiné avec un col étroit à section biconcave comme sur la tige fémorale de Charnley.

En 1974, la persistance des descellements est enfin comprise : ce n’est pas la forme de la prothèse qui est en cause, ni le ciment, mais les débris métalliques dus aux frottements métal sur métal. Cette métallose induit une réaction de l’organisme source du descellement. Comme Charnley, Mac Kee et Farrar décident donc d’abandonner le couple métal-métal pour utiliser une cotyle polyéthylène à haute densité. Après 35 ans de loyaux services le couple métal-métal disparaît du paysage orthopédique dans l’attente du progrès des matériaux.

Toutefois ce changement de couple de friction ne suffira pas. Face aux têtes prothétiques de gros diamètre les cotyles en polyéthylène restent fins. L’usure est bien plus importante. Ceux-ci sont pulvérisés en quelques années. Les petites têtes fémorales de type Charnley permettent une plus grande épaisseur de plastique.

McKee commentait avec esprit en 1982: we always learn more from our failures than our successes

Le Suisse Maurice Müller ne souhaite pas utiliser la voie d’abord proposée par Charnley. Il préfère à la section de l’os trochantérien une voie postérieure de Moore. Cette voie permet à ses patients une reprise de l’appui immédiat alors que la trochanterotomie préconisée par Charnley induit une période de non appui de plus d’un mois.

En contre partie, le risque de luxation s’accroît avec la voie postérieure. Pour y remédier Müller augmente dans un premier temps le diamètre de la tête fémorale de 22 mm. à 32 mm. Le taux de luxation diminue mais l’usure du cotyle polyéthylène est alors plus importante. Le trépied proposé par Charnley doit trouver un nouvel équilibre. À partir de la voie postérieure considérée comme moins agressive un nouveau consensus s’établit entre luxation et usure. Le diamètre de la tête fémorale sera de 28 mm.

La forme de la tige cimentée proposée par Müller est également différente. Cette tige sera surnommée la prothèse « banane » à cause de sa forme. Le cotyle est également en polyéthylène.

Muller propose une variante à la triple solution proposée par Charnley:

  • Friction faible par roulement d’une tête métallique de diamètre 28 mm dans un cotyle épais en plastique polyéthylène. Toutefois le taux d’usure sera plus important qu’avec une tête de 22mm.
  • Fixation des deux composants par un ciment acrylique comme pour Charnley.
  • Voie d’abord postérieure ce qui permet une reprise immédiate de l’appui.
Les années 70

Au début des années 1970 le monde de l’orthopédie connaît et analyse avec un certain recul, tant temporel que numérique, les résultats de la technique de Charnley. Ils sont bons et même très bons.

La fixation par le ciment résout le problème de la tenue des prothèses de hanche à tel point qu’elle devient obligatoire aux États-Unis à partir de 1972. En association le faible taux de friction entre petite tête métallique et cotyle permet de diminuer l’usure du couple de frottement.

Avant Charnley une prothèse devait durer 5 voire 10 ans, ce qui la réservait aux personnes les plus âgées. Avec Charnley, les prothèses durent souvent plus de 15 ans. Le temps passe. Au début des années 1980 les premiers descellements surviennent.

En occident, des centaines de milliers de prothèses totales de hanche sont posées chaque année. Merle d’Aubigné participe à la diffusion de ce type de prothèse en France à l’Hôpital Cochin où elle sont toujours posées aujourd’hui par la même voie d’abord : la trochanterotomie.

Cependant certains éléments vont progressivement modifier l’utilisation systématique du ciment. Les patients ont changé. Il devient de moins en moins admissible de souffrir d’une maladie de la hanche et les opérés sont de plus en plus jeunes. Le travail demandé à l’articulation artificielle est de plus en plus proche d’une articulation normale avec reprise d’activité en force voire sportive.

« Le ciment acrylique se trouve donc peu adapté à ces nouvelles conditions. L’os humain, surtout chez le jeune sujet, est une structure évolutive en perpétuelle activité de remodelage en fonction des contraintes biomécaniques à la marche et à l’effort. » Jean-Alain Epinette.

La poursuite des prothèses sans ciment entre 1970 et 1980

Durant cette période la prévalence des techniques proposées par Charnley est telle que les initiatives pour s’en éloigner sont peu nombreuses et le fait de personnalités marquantes.

Deux axes de recherches s’offrent à ces chirurgiens : l’exploration de nouveaux types de fixation plus performants que le ciment et celui d’un nouveau couple de friction : la céramique-céramique. Durant cette décennie ce couple prometteur est imaginé et adapté par un seul chirurgien , véritable précurseur, le français Boutin.

La fixation

En 1956, Siwash, un chirurgien soviétique, met au point en URSS la première prothèse totale de hanche à ancrage direct tant pour la tige que pour le cotyle. Très innovante la surface extérieure de la pièce cotyloïdienne comporte trois couronnes d'aspérités tranchantes et fenêtrées en «  pétales » ou en «  rosace » destinées à l'ancrage osseux direct. Posée pour la première fois en 1956 ce concept, élaboré en Russie, passera inaperçu. Il sera découvert en Europe quinze plus tard.

Entre 1970 et 1980 différentes propositions de fixation de la tige fémorale sans ciment voient le jour : par Judet en France (1971) ; Lord En Angleterre (1974) ; Engh aux États-Unis (1977); Zweimüller en Autriche (1979)

Judet propose en 1971 une prothèse à ancrage direct. Il nomme cet alliage à base de cobalt le porométal parce que les billes qui le recouvrent sont séparées par des pores. Il pose 1611 de ces prothèses jusqu’en 1975, mais de nombreux échecs surviennent dues aux mauvaises caractéristiques mécaniques et métallurgiques des implants. Pourtant le coup d’envoi est donné et de nombreux modèles vont se développer en France.

En Angleterre Lord propose, en 1974, sa prothèse madréporique qui ressemble au corail vivant : le madrépore. Sa surface est composée de billes de 1mm. Malheureusement cette tige présente plusieurs inconvénients : difficultés d’extraction majeures et mauvaise adaptation à long terme os-prothèse ce qui entraîne des douleurs. Ces problèmes ont alors suscité un certain discrédit sur ce type d’implant.

Aux USA, l’utilisation du ciment acrylique en chirurgie est interdit jusqu’en 1967, puis devient obligatoire à partir de 1972. C’est en 1969 que Welsch et coll. commencent un travail de recherche considérable sur la fixation sans ciment. En 1971 naît un revêtement métallique poreux. C'est en 1977 que Engh commence à utiliser ce « porous-coat » sur la tige fémorale de ses prothèses.

En 1979 Zweimüller présente à Vienne une prothèse fémorale dont la particularité est sa forme pyramidale à section rectangulaire. Le principe de fixation est l’autoblocage cortical. La tige en titane présente une rugosité de 3 à 5 microns ce qui améliore la fixation primaire sur l’os. Après 25 ans de recul cette tige sans ciment donne d’excellents résultats à très long terme et est toujours abondamment posée.

Le couple de friction

Les céramiques seront exploitées pour la qualité de la friction céramique sur céramique et pour leur biocompatibilité qui permet un macro-ancrage. C’est P. Boutin, de Pau, qui ouvre la voie en 1970 avec une prothèse totale de hanche dont le cotyle est en céramique et la pièce fémorale en deux parties : une tête en céramique fixée sur un corps en acier.

Comme pour les couples précédents, métal-métal ou métal-plastique, la fixation des deux composants est un souci constant car le cotyle céramique accepte mal le ciment et la fixation de la tête sur la tige métallique, par collage ou vissage, est incertaine . En 1971 le cotyle devient non cimenté. L’ancrage est direct par des reliefs macro-géométriques de 1 mm. En 1975 des plis de surface sont pratiqués sur la tige ce qui permet une implantation sans ciment. En 1977 la tête céramique est fixée sur la tige par un emmanchement conique.

Une anecdote rapporte que cette innovation majeure de P.Boutin serait née de l'observation du système de rotation à faible friction des tourelles des chars Leclerc alors basés dans l'important centre militaire de Pau proche de sa clinique. Cette histoire résume le difficile parcours de la pensée créative : rouages complexes ou simple coup de Pau ?

A l’issue de cette décennie s'ouvre le concept de la fixation sans ciment par traitement de surface ainsi que celui d'un nouveau couple de frottement dit dur-dur.

Début 2000

Les techniques de fixation sans ciment se développent. La tige fémorale a une surface traitée qui permet son intégration à l’os. La solution choisie pour le cotyle est celle d’une coquille métallique impactée dans l’os spongieux : le métal back. Comme pour le fémur, sa surface extérieure est traitée par des minis reliefs qui permettent son intégration à l’os du bassin. Les surfaces de la tige et du cotyle prothétique sont volontiers recouvertes d’un composant primaire de l’os : l’Hydroxyhapatite. Ce fin revêtement accélère l’intégration des pièces métalliques.

De nouveaux couples de friction apparaissent. Le couple céramique-céramique prend son essor. La tête fémorale est fixée sur un cône morse, le cotyle est enchâssé dans une coque métal back. Un autre couple réapparaît depuis quelques années : le métal-métal. En effet grâce aux progrès d’usinage l’usure de ce couple est maintenant très faible.

Avec la bonne résolution des problèmes liés à l’implant certains chirurgiens s’intéressent à l’évolution de la voie d’abord. Ces voies mini invasives sont réalisées par mini incision (prothese de hanche par voie mini invasive postérieure : Docteur françois Prigent). Les muscles péri articulaires sont respectés. Le taux de luxation est alors diminué et la récupération fonctionnelle plus rapide.

Une nouvelle dimension est donnée au respect de l’architecture de la hanche naturelle (notion d'offset). Le choix de la prothèse se fait sur des calques à la fois en longueur mais aussi en largeur. Ces implants s'adaptent à l’anatomie du patient afin de conserver les tensions musculaires inchangées.

En bref et plus généralement (genou, épaule...)

Parmi les méthodes les plus anciennes de traitement de lésions articulaires, figure l'arthroplastie par interposition qui a recours à des matériaux certes mous et souples, mais de résistance et de solidité insuffisante.

Des matériaux rigides tels que métal ou verre modelés en forme de condyle (surface articulaire courbe convexe) fixé à l'une des surfaces articulaires permettent quelques succès, mais persiste le problème posé par la surface articulaire en regard.

Au niveau du genou, l'imprécision géométrique est source de cinématique médiocre et de tensions anormales des parties molles.

Une observation à retenir avec les pièces en forme de "condyle", tel que "cup arthroplasty" ou arthroplastie à cupule à la hanche ou au genou plateau tibial de MacIntosh , est la formation d'une membrane fibreuse sous la pièce synthétique, surmontant un nouveau socle d'os sous-jacent.

Ce (re)modelage tissulaire se produit en interface de micromouvements et en réponse aux sollicitations subies par les extrémités exposées de tissu osseux spongieux.

De nos jours, des implants conçus avec des surfaces relativement lisses sont en contact avec l'os; toutefois, l'incidence de douleur, migration et descellement est plus élevée avec de tels implants comparés à ceux qui offrent une plus grande rigidité de fixation.

Le succès de pièces articulaires plus massives avec des tiges non cimentées endo-médullaires, telles que les hémiarthroplasties de hanche ou les prothèses à charnière de genou dépend dans une large mesure de l'obtention d'un niveau assez faible de micromouvements entre tige et os avec aussi assez peu de sollicitation de l'os.

La chirurgie de prothèse ou remplacement d'articulations commence de fait au début des années 60 quand Charnley propose les pièces cimentées métal-polyéthylène pour la hanche et à la fin des années 60 quand Gunston adapte cette conception au genou.

Les principes proposées par Charnley comportent la fixation rigide des pièces articulaires à l'os, la restauration des deux versants articulaires et le recours à des matériaux à faible coefficient de friction et d'usure.

Ce paradigme à ce jour résiste encore à l'épreuve du temps.

De nos jours

Au cours des années 1970, le nombre de prothèses articulaires posées s'envole.

Un grand nombre de modèles de prothèses de hanche voit le jour, tous reposent sur le concept "Charnley".

Une exception est le recours au couple metal-metal avec le modèle McKee-Farrar dont sont réopérés nombre de patients, mais pas tous.

Presque toute l'attention dans la technique opératoire est pendant au moins une génération d'opérateurs, tournée vers la qualité de l'apposition ciment–os dont tous espèrent la meilleure résistance au cisaillement..

Quelques modèles de prothèses "totales" de genou s'avèrent brillantes à long terme, mais combien de modèles tombent en désuétude faute de prise en compte de la cinématique, du rôle des ligaments croisés, de la mécanique rotule-trochlée et des impératifs d'un scellement adapté.

La majorité des modèles en usage aujourd'hui, remplacements unicompartimentaire, condyliens avec ou sans conservation de croisé(s), à plateau mobile, à condyles stabilisés, à charnière rotatoire ou fixe, tous sont proposés avant la fin de la décennie 70.

Couples céramique-polyethylene et céramique-céramicque sont proposés à la hanche avant 1980.

Les années 1980 voient deux axes de recherche : instrumentation, surtout pour le genou, et pièces scellées sans ciment à revêtement poreux pour scellement définitif.

Au genou, la technique opératoire évolue vers un meilleur alignement et un meilleur équilibre des parties molles.

Le revêtement poreux, quant il assure un scellement initial rigide permet une ostéointégration suffisante pour assurer de bons résultats à long terme.

Certains modèles non cimentés de tige fémorale de hanche, de cotyle et de tige fémorale de genou ont une survie supérieure aux modèles cimentés.

Le revêtement à hydroxyapatite (HA) montre aussi une survie à 10 ans élevée.

De nos jours, nombre de modèles de prothèses de hanche, de genou montrent une survie supérieure à 90 pour cent à 10 ans.

La grande majorité des sujets âgés a ainsi l'assurance de ne pas devoir être réopérée.

De nos jours, les modèles de prothèses de hanche et genou offrent une grande palette de tailles et de segments modulaires telle que l'on peut faire face à pratiquement toutes les éventualités en matière de chirurgie de première intention comme de reprise.

L'instrumentation est élaborée, habituellement bien usinée, et souvent trop complexe sans parler même de la "navigation informatisée".

Elle permet en tout cas au chirurgien d'assurer un positionnement précis des pièces articulaires et un bon alignement du membre restauré.

Voir aussi

Liens externes

Voir la vidéo de l'opération de la prothèse totale de hanche sur http://www.mini-invasive.com


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Prothèse articulaire de Wikipédia en français (auteurs)

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