Procès de Marie-Antoinette de Habsbourg-Lorraine

Procès de Marie-Antoinette de Habsbourg-Lorraine

Procès de Marie-Antoinette

Le 3 octobre 1793, Jacques Nicolas Billaud-Varenne demande aux députés de la Convention de traduire Marie-Antoinette d'Autriche devant le Tribunal révolutionnaire. Les membres de la Convention votent le décret ordonnant que le "tribunal révolutionnaire s'occupera sans délai et sans interruption du jugement de la veuve Capet".

Pour Fouquier-Tinville, il ne s'agit pas de juger Marie-Antoinette comme fut jugé Louis XVI de France, mais seulement de la conduire à la guillotine, en respectant certaines apparences judiciaires. Or, pour confondre un accusé, il faut produire des charges sérieuses, et le dossier de la reine est vide. Puisqu'il n'existe aucune preuve, il convient d'en inventer.

Interrogatoires de Louis XVII de France

Les 6 et 7 octobre 1793, le maire de Paris Jean-Nicolas Pache, et le procureur Pierre-Gaspard Chaumette, assistés de Jacques-René Hébert alors substitut de la Commune de Paris, vont au Temple, dans le but d'extorquer au petit Louis XVII de France des déclarations infâmes contre sa mère. Sans bien savoir ce que les révolutionnaires lui font signer, l'enfant de huit ans avoue des relations incestueuses avec sa mère.

Interrogatoires de Marie-Antoinette

Le samedi 12 octobre 1793, Marie-Antoinette subit, à son tour, un interrogatoire secret. Le 12 octobre 1793, la reine entourée de deux gendarmes et d'un huissier traverse la cour des hommes, et par l'escalier Bonbec, gagne la salle d'audience du Tribunal révolutionnaire. Cette "salle de la Liberté" (Grand'chambre) n'est en fait que la salle où les rois jadis, tenaient leurs lits de justice... La reine est invitée à s'asseoir sur une banquette, devant le bureau du jeune président du tribunal, Martial Joseph Armand Herman - un protégé de Maximilien de Robespierre-, qui fait office de juge d'instruction.

Herman demande à la reine ses nom, âge, profession, pays, et demeure. La reine répond : « Marie-Antoinette de Lorraine d'Autriche, âgée de 37 ans, veuve du roi de France ». Les questions s'enchaînent, Marie-Antoinette ne faiblit pas, et écarte les accusations avec autant d'esprit que de lucidité. Les protagonistes ne parlent pas le même langage.

Le président du tribunal articule son instruction autour de quelques thèmes majeurs, présentés de manière outrancières. Ils seront développés au cours du procès. Herman passe en revue les relations coupables de la reine avec l'Autriche, ses dépenses excessives, son influence néfaste sur Louis XVI. Mais aussi son rôle dans plusieurs épisodes controversés de la Révolution : le banquet du 1er octobre 1789, la fuite en berline suivie de l'arrestation à Varennes, le massacre des Tuileries (10 août 1792), plus récemment la "Conspiration de l'Oeillet".

Accusation : "Non contente de dilapider d'une manière effroyable les finances de la France, fruit des sueurs du peuple, pour vos plaisirs et vos intrigues, de concert avec d'infâmes ministres, vous avez fait passer à l'empereur des millions pour servir contre le peuple qui vous nourrissait".

Marie-Antoinette : Jamais, elle sait que souvent on s'est servi de ce moyen contre elle ; qu'elle aimait trop son époux pour dilapider l'argent de son pays ; que son frère n'avait pas besoin de l'argent de la France ; et par les mêmes principes qui l'attachaient à la France, elle ne lui en aurait point donné".

Accusation : " A elle observé (...) que lorsqu'il était question de savoir si Louis Capet sanctionnerait ou opposerait son veto aux décrets rendus dans le courant de novembre 1791, concernant ses frères, les émigrés et les prêtres réfractaires et fanatiques, ce n'est pas elle qui a déterminé Louis Capet à apposer son veto à ces décrets ?

Marie-Antoinette : Répond "que son époux n'avait pas besoin qu'on le pressât pour faire ce qu'il croyait de son devoir ; qu'elle n'était point de conseil ; et que ce n'est que là que ces sortes d'affaires se traitaient et se décidaient".

Accusation : "C'est vous qui avez appris à Louis Capet cet art de profonde dissimulation avec laquelle il a trompé trop longtemps le bon peuple français, qui ne se doutait pas qu'on pût porter à un tel degré la scélératesse et la perfidie ?

Marie-Antoinette : "Oui le peuple a été trompé ; il l'a été cruellement, mais ce n'est ni par son mari, ni par elle."

Accusation : Vous n'avez jamais cessé un moment de vouloir détruire la liberté ; vous vouliez à quelque prix que ce fût et remonter au trône sur les cadavres des patriotes ?

Marie-Antoinette : "Qu'ils n'avaient pas besoin de remonter sur le trône, qu'ils y étaient ; qu'ils n'ont jamais désiré que le bonheur de la France, qu'elle fut heureuse ; mais qu'elle le soit, ils seront toujours contents".

La séance nocturne s'achève par la nomination -"pour conseils et défenseurs officieux"- de deux avocats, les citoyens Tronson-Ducoudray et Chauveau-Lagarde. La reine persiste dans les réponses qu'elle a faites sans "n'avoir rien à y ajouter ni diminuer" et signe le procès-verbal.

Les avocats de la reine ne sont prévenus que le 13 octobre 1793. Or les débats doivent commencer le lendemain matin, dés huit heures. En hâte, Claude Chauveau-Lagarde revient de sa maison de campagne et se précipite à la Conciergerie, où la reine lui donne la connaissance de l'acte d'accusation. Au greffe, les pièces du dossier sont entassées dans un désordre indescriptible. Il faudrait au moins deux semaines pour trier et y voir clair. Chauveau-lagarde réussit à convaincre la reine de solliciter un délai de trois jours. La Convention refuse la demande de Marie-Antoinette, sans même l'étudier.

Le Procès

Le lundi 14 octobre 1793, un public nombreux assiste à l'audience du tribunal révolutionnaire, chargé de juger Marie-Antoinette. La reine est conduite vers un fauteuil, placé bien en vue, sur une petite estrade. En face, sont assis Armand Herman, entouré de ses assesseurs, Étienne Foucault, Joseph Donzé de Verteuil, et Marie Joseph Emmanuel Lanne. Dans un coin sombre est assis Fouquier-Tinville. Les douze jurés font leur entrée.

Fabricius, le greffier lit les huit feuillets de l'acte d'accusation. Commence alors l'interminable défilé des témoins. Durant quatre séances, étalées sur deux jours, ils seront quarante à être appelés à la barre. Aucun de ces témoins n'apportera des éléments décisifs. La dignité et la hauteur de vue de la reine lui vaudront l'admiration générale. les témoignages sont fondés sur des racontars ou des affabulations.

Il y a plusieurs instants d'émotion. Le plus célèbre se situe après la déposition de Jacques-René Hébert. Ce dernier a osé soutenir devant le tribunal que "ces deux femmes (Marie-Antoinette et Élisabeth de France) faisaient coucher (Louis-Charles) (Louis XVII) entre elles deux ; que là, il se commettait des traits de la débauche la plus effrenée. Qu'il n'y avait pas même à douter, parce qu'a dit le fils Capet, qu'il n'y ait eu un acte incestueux entre la mère et le fils". Le président Herman est visiblement embarrassé, fait dévier les débats sur "l'affaire de l'Œillet". Mais après quelques questions, un juré revient sur les propos d'Hébert. Herman demande alors à Marie-Antoinette de s'expliquer. L'exclamation indignée de la reine reste dans toutes les mémoires : "J'en appelle à toutes les mères !" Elle suscita dans l'assemblée un mouvement d'admiration qui fit suspendre les débats. Avant de clore les débats, le président Herman s'adresse à Marie-Antoinette : "Ne vous reste-t-il plus rien à ajouter pour votre défense ? La reine lui répondit qu' "hier, je ne connaissais pas les témoins. J'ignorais ce qu'ils allaient déposer. Eh bien, personne n'a articulé contre moi aucun fait positif. Je finis en observant que je n'étais que la femme de Louis XVI, et qu'il fallait bien que je me conformasse à ses volontés".

Aux premières heures de ce matin du 16 octobre 1793, Fouquier-Tinville lance des imprécations vengeressses. Après lui, les avocats de la reine se lancent dans de brillantes improvisations. Leurs plaidoiries n'ont pas été conservées. Claude François Chauveau-Lagarde parle pendant deux heures sur "la prétendue conspiration avec les puissances étrangères". Tronson-Ducoudray réfute les allégations portées "sur les ennemis de l'intérieur". Fouquier-Tinville à bout de patience fait arrêter les défenseurs de la reine en plein tribunal. La cour fait sortir la reine. Le président lui porte alors l'estocade, par un discours qui est en fait un second réquisitoire. Dès lors, la délibération des jurés est de pure forme. Ils répondent OUI aux quatre questions, à savoir si la reine est coupable d'intelligence avec l'ennemi et de participation à un complot contre la République. Fouquier-Tinville requiert la peine de mort. Herman demande à Marie-Antoinette si elle "a quelques réclamations à faire sur l'application des lois invoquées par l'accusateur public. La reine secoue la tête négativement. Herman s'adresse aux avocats, ramenés entre deux gendarmes. Chauveau-Lagarde reste muet. Tronson-Ducoudray ajoute que son ministère à l'égard de la veuve Capet est terminé.

Le président condamne alors "ladite Marie-Antoinette, dite Lorraine d'Autriche, veuve de Louis Capet, à la peine de mort. Le présent jugement sera exécuté sur la place de la Révolution, imprimé et affiché dans toute l'étendue de la République".

A quatre heures du matin, ce 16 octobre 1793, Marie-Antoinette quitte la salle du tribunal révolutionnaire.

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