- Procastination
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Procrastination
Cet article concerne la notion de psychologie. Pour le livre portant ce titre, voir Procrastination (Disque-monde).La procrastination est un terme relatif à la psychologie qui désigne la tendance pathologique à remettre systématiquement au lendemain quelques actions (qu’elles soient limitées à un domaine précis de la vie quotidienne ou non). Le « retardataire chronique », appelé procrastinateur, n’arrive pas à se « mettre au travail », surtout lorsque ça ne lui procure pas de gratification immédiate.
Sommaire
Étymologie
Procrastinatio, onis, f, : remise au lendemain. En français : procrastination. Retard coupable.
De procrastino, are, verbe transitif : renvoyer au lendemain.
De pro, préposition : devant, en avant ; et cras, adverbe : demain.
Employé souvent en littérature historique pour caractériser un général, ou une armée, qui arrivent trop tard sur le champ de bataille.
Profil et comportements types
Cette tendance apparaît souvent au cours des études dès que la personne doit gérer elle-même son activité et prendre la responsabilité de sa production. C'est souvent quand il faut rendre ses premiers devoirs réalisés à la maison que la procrastination se révèle. Il n'y a pas de corrélations entre le niveau intellectuel et la fréquence de la procrastination.
La majorité des personnes affectées par la procrastination l’est en général aussi par le « perfectionnisme », c’est-à-dire la tendance à estimer inacceptable un travail qui ne s'approche pas de la perfection. Comme il est rare d'atteindre la perfection autrement que par essais et erreurs et que la personne n’accepte pas l’idée de produire un résultat imparfait, elle contourne le problème en ne faisant rien : par exemple la nécessité d’un rangement ou d’un classement est sempiternellement différée parce qu’on n’a pas le temps de faire quelque chose de parfait, et on ne fait donc rien du tout. Ce perfectionnisme contribue à augmenter la forte tendance à exagérer la difficulté, la longueur ou le déplaisir à réaliser la tâche à effectuer.
Cependant, être un « retardataire » ne signifie pas ne rien faire. Au contraire, le sujet peut être pris d’une véritable frénésie d’activités (aller faire les courses, entamer un grand ménage de printemps, repeindre les volets, prendre des nouvelles de la grand-mère, faire de la maintenance informatique, etc.), tant que celles-ci ne possèdent aucun rapport avec LA tâche problématique (par exemple faire un rapport).
Le procrastinateur peut se lever tôt, cela n'est pas pour autant qu'il va travailler tôt. Au contraire, il pensera qu'il a le temps et ne fera que repousser plus longtemps.
La procrastination peut avoir des conséquences plus ou moins importantes. Si elle se concentre sur des choses sans conséquences (faire la vaisselle, etc.), le soulagement momentané et relatif qu’elle apporte peut être sans gravité. Si elle concerne le secteur professionnel par exemple, le procrastinateur peut être amené à avoir d'importantes conséquences sur son adaptation sociale.
On recense trois domaines privilégiés de la procrastination :
- dans les études (et plus tard la vie professionnelle) ;
- dans la vie quotidienne (procrastination routinière) ;
- dans les prises de décision (procrastination décisionnelle).
Les étapes qui mènent au report s'auto-entretiennent.
- Vous souhaitez faire quelque chose ;
- Vous décidez de le faire ;
- Vous reportez sans vraie bonne raison ;
- Vous constatez les désavantages de ce report ;
- Vous continuez cependant à reporter ;
- Soit vous vous en voulez, soit vous trouvez une excuse rationnelle, soit vous évacuez ce problème ;
- Vous continuez à reporter ;
- Vous réussissez à faire votre tâche juste à temps, avec un maximum de stress, ou bien vous terminez trop tard, ou bien vous ne le faites jamais ;
- Vous vous sentez coupable d'avoir ce comportement ;
- Vous jurez qu'on ne vous y reprendra plus ;
- Peu de temps après, vous recommencez (effet d'addiction).
Raisons probables
Cette attitude, caractéristique du comportement passif-agressif, consiste en une forme de résistance passive à toute fourniture de performance, qu'elle soit personnelle, sociale ou professionnelle.
On retrouve également cette attitude dans la plupart des comportements dépressifs. Comme dans ces phases toute action est rendue encore plus difficile qu’à l’habitude, le sujet préfère reporter au lendemain ce qui ne se révèle en général pas plus fructueux. Il faut distinguer la procrastination d'une part et la perte de plaisir et l'inhibition psychomotrice d'autre part, qui caractérisent l'état dépressif. La difficulté à réaliser une tâche est un point commun mais les mécanismes inhibiteurs de l'action sont très différents. Il faut donc faire un diagnostic différentiel entre état dépressif et procrastination plutôt qu'assimiler les deux troubles. En effet un procrastinateur est normalement actif avec les tâches non problématiques, son inhibition n'est pas générale.
Par ailleurs les personnes adultes sujettes à un déficit de l'attention (trouble de déficit de l'attention et/ou hyperactivité) présentent également très souvent une attitude d'opposition systématique, qui ne correspond pas spécialement à une phase dépressive et qui n'est pas de la procrastination.
Tout le monde ne procrastine pas de la même façon et une même personne non plus selon les circonstances, mais en règle générale, on procrastine :
- Pour échapper à la frustration (car la tâche qu'on reporte est moins agréable que ce qu'on fait à la place, et la sanction paraît trop lointaine par rapport au plaisir immédiat qu'on tire à faire autre chose) la solution est donc d'augmenter les conséquences positives à court terme de l'action reportée, et de se protéger des distractions.
- Pour protéger son estime de soi : chez les procrastinateurs, l'échec est souvent perçu comme une remise en question globale de leur valeur. Alors, moins ils ont de chance de réussir, plus ils procrastinent. De plus, comme ils ont une tendance à être plus perfectionnistes que la moyenne, les chances de ne pas être à la hauteur de leurs exigences sont fortes. Du coup, souvent, la procrastination crée un handicap (on n'a pas assez travaillé pour son examen, par exemple) qui fournit des excuses au cas où les performances ne seraient pas à la hauteur de ce qui était attendu. En gros, on peut toujours se dire que si on avait travaillé plus, on aurait réussi, alors que c'est peut-être faux, mais on ne le saura pas, et on protège son estime de soi. Malheureusement, à long terme, l'estime de soi est quand même abîmée, puisque les choses ne sont jamais faites complètement.
- Pour résister aux autres : comportement passif-agressif. On dit « oui » aux demandes d'autrui, mais on ne le fait pas.
- Pour vivre dans le stress, dans une recherche de sensations fortes.
- Parce qu'on a des croyances irrationnelles, par exemple, on pense qu'on sera plus motivé pour faire un travail pénible plus tard, ce qui est toujours faux, ou on pense qu'il faut que ce soit parfait.
- C'est une sorte de jeu mental contre la montre : la tâche, bien qu'incontournable, n'est pas motivante au regard d'autres tâches intéressantes non obligatoires que l'on fait passer avant. L'on attend alors le dernier moment pour faire cette tâche incontournable et l'on se réjouit de l'avoir retardée au maximum afin de l'expédier en un temps record.
- Parce que le milieu professionnel s'y prête, particulièrement dans les grandes entreprises ou l'administration. La complexité du système entretient alors la procrastination en la masquant (particulièrement en l'absence d'objectifs concrets). Exemples : retards systématiques dans la fourniture d'informations, difficultés à mettre en place de nouveaux processus (nouveaux produits, nouvelles méthodes de travail, réunions qualité …), décisions floues ou ambiguës, culture du perfectionnisme, demandes en multiples exemplaires, renvois systématiques à d'autres services, complexité d'une organisation ou d'une chaîne de décision, rétention d'informations, cloisonnement des relations entre services, lenteurs de l'administration, etc.
Il ne s’agit pas toujours d'un comportement à part entière, car il peut être induit par la pression sociale d'un groupe. Quoi qu'il en soit, un certain nombre de peurs (pouvant se mêler) se retrouvent au cœur de cette attitude :
Peur de l’échec
Le sujet préfère retarder le travail au maximum jusqu’à estimer qu’il est trop tard pour le faire. Il dispose alors d'un prétexte à l'échec. On retrouve ici par exemple l'une des raisons qui caractérisent le « syndrome de l'étudiant ».
Cette attitude semble liée à une éducation exigeante, fondée sur une culture du résultat. Le sujet prend l’habitude de ne plus pouvoir engager une action sans penser à l’évaluation qui la suivra et cherche alors à éviter les conséquences fâcheuses. La procrastination peut se trouver chez des sujets très doués dans leur domaine et — paradoxalement — manquant de confiance en eux en profondeur.
Exemple : un étudiant qui stresse à l’idée de rendre un mémoire inintéressant.
Peur de la réussite
Le sujet craint qu’en réussissant il s’attire la jalousie des autres et/ou qu’alors il soit chargé de nouvelles responsabilités, de nouvelles attentes plus élevées auxquelles il ne se sent pas capable de faire face. Il essaie alors de ne pas paraître parfait ni trop comblé. Cette peur peut provenir d'une jalousie fraternelle ressentie lors de l’enfance. Il peut aussi avoir la sensation qu’il menace ses parents ou mentor par sa réussite.
Exemple : un employé de bureau qui ne souhaite pas changer de poste.
Peur de ne pas contrôler son environnement
Le sujet veut avoir le sentiment qu’il domine la situation. Cela peut venir d’un souhait de revanche, d’autonomie : des individus poussés à la performance dans des domaines ne relevant pas de leur ambition propre peuvent choisir la procrastination pour affirmer leur indépendance. Une personne voulant se mesurer à son environnement par goût du risque peut aussi devenir une « retardataire ».
Exemple : un employé qui lutte contre sa hiérarchie à la limite du renvoi ou encore un vendeur au téléphone qui le laisse sonner.
Peur de l’isolement
Le sujet souhaite être protégé, conseillé, dirigé ; il est à l’aise en équipe ou lorsque quelqu’un d’autre prend les décisions importantes, comme un enfant dans le cadre familial. Il peut aussi chercher à attirer l’attention sur lui par une situation extrême ou encore savoir qu’il a toujours quelque chose à faire (crainte de la solitude).
Exemple : un élève qui attend que quelqu’un lui fasse ses devoirs.
Défense de l’intimité
Le sujet a peur que les autres ne prennent trop de place dans sa vie (croyance qu’il va se faire voler ses réalisations, précédente relation sentimentale ratée, souvenir de personnes envahissantes, etc.). Il peut aussi craindre de dévoiler ses « mauvais côtés » si les autres s’approchent trop de lui et qu’ainsi il se fasse rejeter.
Exemple : un homme qui arrive systématiquement en retard à ses rendez-vous galants.
Goût du jeu
Le sujet s'amuse à retarder le plus possible une tâche obligatoire non motivante pour jouer avec le délai et trouver finalement de la motivation ou de l'excitation à faire à temps mais à la dernière minute.
Exemple : un homme rédige l'ordre du jour de la réunion périodique de son équipe dans le couloir en se rendant à ladite réunion.
Autres hypothèses
D'autres hypothèses existent, travaillées en psychothérapie, à partir des textes freudiens (Inhibition symptôme et angoisse, le cas du petit Hans, l'homme aux rats) et Lacaniens (Commentaires sur le cas du petit Hans, commentaires sur Hamlet, commentaires sur la névrose obsessionnelle). Elles sont retrouvées aussi dans le travail de Nicolas Abraham et Maria Torok dans leur ouvrage : L'écorce et le noyau. Pour les psychologues d'orientation plus expérimentale ou comportementale, ces hypothèses ne sont que des interprétations qui n'ont pas été vérifiées par un plan d'expérimentations ou des études plus ou moins contrôlées.
- Difficultés d'identification à l'image correspondant à son propre genre (féminin ou masculin).
- Difficultés à mettre des mots sur des sensations apparues lors de scènes et de situations de séduction dans la petite enfance.
- Difficultés à passer le complexe d'Œdipe à cause d'une inversion des rôles dans la parenté (la mère tient la place du père et réciproquement).[réf. souhaitée]
- Difficultés dans la transmission entre parents ou adultes et enfant ; les mots ne sont pas là et sont donc attendus avant de passer à autre chose, comme dans le cas de traumatismes insignifiants a priori ou importants.
- Difficultés liées à des deuils pathologiques ou des cryptes (des deuils insus) ou des secrets de famille.
La procrastination ne peut pas uniquement se comprendre par sa description mécanique et morphologique ; elle a des raisons d'être économiques c'est-à-dire qui participent aux défenses contre de l'angoisse diffuse en rapport avec un manque de parole (un manque de symbolisation) et une culpabilité face à une faute perçue comme diffuse alors qu'elle concerne la difficulté d'admettre la place du père comme lieu de parole structurante. Il y a probablement une confusion entre ses interdictions et ses commandements.
Au lieu d'une relation d'autorité s'instaure une relation de combat où l'enjeu inconscient est la mort de l'Autre.
L'allusion à Hamlet faite par Lacan éclaire cette position ambiguë et nouée au plus profond du Sujet. La question de la place au sein d'une relation intersubjective est posée. Les questions de l'influence, de l'emprise et de la séduction ainsi que de la domination suivent la première.
Remarques autour du sujet
- La tendance à la procrastination définit en caractérologie de Le Senne la différence entre les actifs (A) et les non actifs (nA) : un actif effectue ce qu’il a à faire dès qu’il peut le faire. Un non-actif n’agit que là où il est porté par l’émotion (il montera héroïquement à la charge, par exemple, mais laissera traîner longtemps la rédaction de ses notes de frais).
- Une chanson de Fernand Sardou constitue un véritable hymne à la procrastination : il s’agit d’Aujourd’hui peut-être… ou alors demain qui connut un grand succès dans l’entre-deux-guerres.(Paroles de M. Sicard, Musique : Paul Durand, Année : 1946)
- Une citation de Marcel Jouhandeau : « C'est parce qu'on imagine simultanément tous les pas qu'on devra faire qu'on se décourage, alors qu'il s'agit de les aligner un à un. »
- La version française de l'un des tomes des annales du Disque-monde de Terry Pratchett s'intitule Procrastination.
Bibliographie
Études
- Rita Emmett, Ces gens qui remettent tout à demain, éditions de l’Homme, (ISBN 2761915895).
- Jane B. Burka, Leonora M. Yuen, Comment ne plus être en retard, éditions Pocket, (ISBN 2266107216).
- Dr Bruno Koeltz, Comment ne pas tout remettre au lendemain, éditions Odile Jacob, (ISBN 2738117104).
- Dr Stéphanie Hahusseau, Comment ne pas se gâcher la vie, éditions Odile Jacob, (ISBN 2738112765).
- Neil A. Fiore The Now Habit: A Strategic Program for Overcoming Procrastination and Enjoying Guilt-free Play, St Martin's Press, (ISBN 9781585425525).
La procrastination dans la littérature
- Ivan Gontcharov, Oblomov (1859)
- Marcel Proust, La Prisonnière (1925)
- John Irving, Le Monde selon Garp (1978)
- Terry Pratchett, Procrastination (2005)
- Jorge Cham, Piled Higher and Deeper
Annexes
Articles connexes
Liens externes
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