- Portrait de Louis XIV
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Portrait de Louis XIV (Rigaud)
Louis XIV en costume de sacre Louis XIV en costume de sacre
Hyacinthe Rigaud, 1702Huile sur toile Portrait 279 × 190 cm Musée du Louvre, Paris
Le portait de Louis XIV, roi de France a été exécuté en 1701 par le peintre français Hyacinthe Rigaud pour répondre à une commande du monarque qui souhaitait contenter le désir de son petit-fils, Philippe V. Louis XIV le conserva et le fit accrocher à Versailles.Sommaire
Contexte
A la mort de Charles II, le 1er novembre 1700, l’Espagne était en proie aux appétits dynastiques des autres puissances européennes. Le testament du feu roi écarta cependant toute idée de partage et désigna, au premier rang des prétendants légitimes à la couronne, Philippe, duc d’Anjou, second fils du Grand Dauphin et petit-fils de Louis XIV.
Le futur jeune roi d’Espagne, désireux d’emporter avec lui l’image de son grand-père, convainc Louis XIV de commander à Hyacinthe Rigaud ce qui allait devenir l’image absolue du pouvoir royal et le portrait de référence pour les générations à venir.
« Sa réputation étant venue jusqu’au roi, par le portrait qu’il avoit fait de Monseigneur, commandant devant le siège de Philisbourg, il eut l’honneur en 1700, d’être nommé par Sa Majesté, pour peindre Philippe V, roi d’Espagne, son petit-fils, quelques jours avant son départ pour aller prendre possession de ses royaumes. Cet ouvrage donna lieu au roi d’Espagne de prier le roi, son grand-père, de lui donner aussi son portrait peint de la même main ; ce que Sa Majesté lui accorda. Rigaud eut l’honneur de le commencer l’année suivante ; et étant achevé, ce monarque le trouva d’une ressemblance si parfaite et si magnifiquement décoré, qu’il lui ordonna d’en faite une copie de même grandeur, pour l’envoyer au roi d’Espagne, à la place de l’original. Sa Majesté très-chrétienne y est peinte en pied, revêtue de ses habits royaux. Ce tableau a dix pieds et demi de haut ; il est placé à Versailles, dans la salle du Trône, et celui du roi d’Espagne dans le cabinet de Sa Majesté. »C'est ainsi que s'exprimait Hyacinthe Rigaud, par le biais d'un ami, dans l'autobiographie qu'il envoya au grand duc de Toscane Cosme III de Médicis en 1716[1],[2].
Ces propos sont accrédités par la mention du paiement correspondant dans les livres de comptes de l'artiste, en 1701 : « Le Roy et le roy d’Espagne, et une copie du portrait du Roy de la même grandeur que l’original pour sa Majesté catholique, le tout 12 000 livres », soit le prix de trois tableaux[3]. Le même paiement est porté aux comptes de bâtiments royaux le 16 septembre 1702 : « deux grands portraits du Roy en pied, avec l’esquisse en petit desdits portraits, comme aussy du portrait en pied du roy d’Espagne »[4].
Genèse
Il semble que Philippe V ait obtenu satisfaction grâce à l’intercession de Madame de Maintenon qui, dans une lettre adressée au duc de Noailles, et datée du 11 mars 1701 avoue[5] :
« Je travaille à lui envoyer le portrait qu’il m’a ordonné de lui faire faire. Voici deux après-dinées que je reviens de Saint-Cyr pour obliger le Roi à se faire peindre. La goutte est venue à notre secours. Sans elle nous ne l’aurions pas tenu trois ou quatre heure. »La veille, le marquis de Dangeau, nous a laissé dans son Journal un premier témoignage corroborant les dires de la favorite, en décrivant la genèse du masque de Louis XIV, destiné à être enchâssé plus tard dans la composition finale, élaborée dans l’intimité de l’atelier du peintre : « Jeudi 10 [mars 1701], à Versailles - La goutte du roi continue, il se fait peindre l’après-diné par Rigaud pour envoyer son portrait au roi d’Espagne à qui il l’a promis […][6]. » Le lendemain, le travail continuait effectivement : « Vendredi 11, à Versailles - La goutte du Roi a un peu augmenté et au sortir du sermon, où on le porta, il se fit reporter chez Madame de Maintenon où Rigaud travailla à son portrait. »
Le 3 septembre 1701, dans une lettre touchante qu’il adressa à la marquise, Philippe V avouait à son tour : « Je vous remercie des soins que vous avez pris pour me procurer le portrait du roi, que j’attends avec impatience[7]. » La grandeur et la complexité de la composition justifiait bien l’attente légitime des commanditaires et le temps passé par l'artiste à parfaire son travail. D’ailleurs, tout tend à prouver que Rigaud travaille à l'effigie tout en achevant le portrait de Philippe V, lequel ne sera jamais envoyé en Espagne.
D’ailleurs, le jeudi 19 janvier 1702, Rigaud sollicite une nouvelle séance de pose, comme en témoigne le marquis de Dangeau : « Le roi, qui n’avait point de conseil à tenir, eut le matin la patience de se faire achever de peindre chez madame de Maintenon par Rigaud ; il envoie ce portrait au roi d’Espagne, qui l’en avoit instamment prié »[8].
« On a exposé le portrait du Roi dans le grand appartement de Versailles ; il est pied avec l’habit royal. Cet ouvrage est de M. Rigaud. Jamais portrait n’a été mieux peint, ni plus ressemblant ; toute la Cour l’a vu et tout le monde l’a admiré. Il faut qu’un ouvrage soit bien beau et bien parfait pour s’attirer un applaudissement général dans un lieu où le bon goût règne et où l’on n’est pas prodigue de louanges. Sa Majesté ayant promis son portrait au roi d’Espagne, veut tenir sa parole en lui donnant l’original, et M. Rigaud en doit faire une copie qui est souhaitée par toute la Cour[9]. »La direction des Bâtiments du roi commande effectivement à l’atelier du peintre un grand nombre de copies (sous des formes diverses pour les cours européennes ou les officines royales de province, comme celle commandée à François Stiémart par exemple) ou des gravures ainsi que le prouve une ordonnance de paiement datée du 16 septembre 1702 : « Au sieur Rigault, peintre ordinaire du Roy, pour deux grands portraits du Roy en pied, avec l’esquisse en petit desdits portraits, comme aussy du portrait en pied du Roy d’Espagne qu’ils a faits pendant la présente année, 10.000 livres »[10].
En tant que fidèle graveur des œuvres de son confrère catalan, Pierre Drevet est tout naturellement désigné pour mener à bien les burins et reçoit « parfait payement de cinq mille livres pour la graveure [sic] qu’il a faite du portrait en pied du feu roy Louis XIV, d’après le sieur Rigaud, pendant 1714-1715 »[11].
Pour ce faire, Drevet s’était aidé d’un dessin exécuté par le tout jeune Jean-Marc Nattier[n 1] et dont la direction des bâtiments relate le paiement, le 20 août 1713 : « au sr Nattier le jeune, peintre, pour le dessin d’un portrait du roi d’après Rigault, qu’il a copié pour servir de modèle pour graver pendant 1713, […] 500 livres »[4]. Drevet doit beaucoup au travail de Nattier qui a transposé le tableau de Rigaud dans ses moindres détails, aux dimensions prévisionnelles de la gravure[n 2]. Il a cependant prolongé la galerie de marbre en arrière plan d’une travée, variation suivie par le graveur. Nul doute que Rigaud lui-même ait supervisé le travail de Nattier, puisque le dessin était destiné à son ami Drevet et que le père de Nattier, Marc, avait été un fidèle collaborateur de Rigaud.
Mariette considère l’œuvre de Drevet comme « ce que [l’artiste] a fait de plus considérable » et qu’elle « a eté gravé par ordre de sa majesté très Chretienne et pour estre mise dans Son Cabinet »[12]. En 1733, il en note la rareté dans une lettre à Gabburri : « Pour ma part je peux vous inciter à acquérir un portrait du roi régnant et de la reine, mais celui gravé par Drevet est très difficile à avoir, et je l’ai vu en vente à plus de huit livres. Je peux l’avoir pour un prix discret mais il faut me donner du temps »[13].
Description
Signé et daté dans le phylactère, sur la base de la colonne, « Peint par Hyacinthe Rigaud en 1701 », ce vaste portrait est celui d'un roi vieillissant (63 ans), parvenu au faîte de sa gloire.
L'original, actuellement conservé au musée du Louvre[n 3], provenant des collections de la couronne[14], possède une réplique autographe aujourd'hui présentée dans le salon d’Apollon du château de Versailles, également signée et aux dimensions légèrement différentes[n 4],[15].
Copies et travaux
Notes
Références
- ↑ Abrégé de la Vie de Hyacinthe Rigaud, 1716 sur Wikisource
- ↑ Charles-Philippe de Chennevières-Pointel 1854, p. 118
- ↑ Joseph Roman 1919, p. 83
- ↑ a et b Jules Guiffrey 1881, p. 693
- ↑ Théophile Lavallée, Correspondance générale de madame de Maintenon publié pour la première fois sur les autographes et les manuscrits authentiques […], Paris, Charpentier, 1866, volume IV, p. 416. Autographe du cabinet de M. le duc de Cambacérès.
- ↑ Journal du marquis de Dangeau, publié en entier pour la première fois par MM. Soulié, Dussieux, de Chennevières, Mantz, de Montaiglon avec les additions inédites du Duc de Saint-Simon, tome VIII, 1701-1702, Paris, 1856, p. 51.
- ↑ Lavallée, op. cit. p. 443-444. Manuscrit des Dames de Saint-Cyr.
- ↑ Journal du marquis de Dangeau, op. cit., p. 295. En note de l’édition est annexé le passage du Mercure de France de la même année.
- ↑ Mercure de France, 1702, p. 302-303.
- ↑ Guiffrey, op. cit., 1896, IV, p. 827
- ↑ Guiffrey, op. cit., 1896, V, p. 876, 16 février 1716.
- ↑ Pierre-Jean Mariette, Notes manuscrites sur les peintres et les graveurs, 1740-1770, Paris, Bibliothèque Nationale de France, cabinet des Estampes, Ya2 4, VII, f° 11.
- ↑ Raccolta di lettere sulla pittura, scultura ed architettura scritte da’piu celebri personaggi dei secoli XV, XVI, XVII, 1822, II, p. 398.
- ↑ Fernand Engerand 1901, p. 463
- ↑ Claire Constans, Musée National du château de Versailles : Les peintures, Paris, RMN, 1995, II, p. 757, n°4269.
Bibliographie
- Charles-Philippe de Chennevières-Pointel, Louis Étienne Dussieux, Paul Mantz, Anatole de Montaiglon, Édouard Soulié, Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture, publiés d’après les manuscrits conservés à l’école impériale des beaux-arts, vol. II, Société de l'histoire de l'art français, Paris, 1854
- Antoine Joseph Dezallier d'Argenville, Abrégé de la vie des plus fameux peintres, avec leurs portraits gravés en taille-douce, les indications de leurs principaux ouvrages, Quelques réflexions sur leurs Caractères, et la manière de connoître les dessins des grands maîtres, vol. IV, De Bure, Paris, 1745
- Fernand Engerand, Inventaires des collections de la couronne. Inventaire des tableaux commandés et achetés par la direction des bâtiments du roi (1709-1792), vol. I, 1901, 463-464, 561, 620 p.
- Jules Guiffrey, Comptes des Bâtiments du Roi sous le règne de Louis XIV, 1664-1715, vol. V, Paris, 1881, 693, p. 693, 697, 789, 876 p.
- Charles Maumené, Louis d'Harcourt, Iconographie des rois de France, vol. V, Colin, Paris, 1931, 91-95 p.
- Anatole de Montaiglon, Procès-verbaux de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture (1648-1793) publiés par Anatole de Montaiglon d’après les registres originaux conservés à l’École des Beaux-Arts de Paris, Société de l’Histoire de l’art français, Paris, 1875-1892
- Stéphan Perreau, Hyacinthe Rigaud (1659-1743), le peintre des rois, Nouvelles Presses du Languedoc, Montpellier
- Joseph Roman, Le livre de raison du peintre Hyacinthe Rigaud, Laurens, Paris, 1919
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