Popol Vuh

Popol Vuh
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Première page de la plus vieille version écrite du Popol Vuh (manuscrit entre 1701 et 1703 par Francisco Ximénez).

Le Popol-Vuh (également retranscrit Pop Wuh ou Popol Wu'uj à partir de l'expression quiché signifiant littéralement « livre de la natte »[1], généralement traduit par « Livre du Conseil » ou « Livre de la Communauté »[2]) est un texte mythologique maya rédigé en quiché à l'époque coloniale. C'est le document le plus important dont nous disposons sur les mythes de la civilisation maya.

Il s'agit d'une sorte de « Bible » maya (il comporte en effet des éléments similaires à ceux de la Bible) dont le contenu, remontant à la période précolombienne, relate l'origine du monde et plus particulièrement du peuple quiché, l'une des nombreuses ethnies mayas, dont le centre de rayonnement se situait dans la partie occidentale du Guatemala actuel. Le livre inclut une généalogie royale de la période postclassique accordant une place prééminente à la lignée Kaweq[3].

Le seul manuscrit existant, transcrit entre 1701 et 1703 par Francisco Ximénez, est conservé à la Newberry Library de Chicago (Ayer 1515 ms)[4]. Il a fait l'objet de plusieurs traductions, en particulier en espagnol, français, anglais et allemand.

Sommaire

Origine du manuscrit

La version du Livre du Conseil des Mayas-Quichés que nous connaissons ne date pas de l'époque pré-colombienne, mais fut selon Dennis Tedlock rédigée entre 1554 et 1558, soit une trentaine d’années après la conquête espagnole[5]. Cette version anonyme, dont l'auteur est probablement un religieux maya cherchant à conserver une tradition orale et pictographique très ancienne, était en langue quiché transcrite en caractères latins selon la phonologie espagnole de l’époque. Le manuscrit ne fut découvert par les Européens qu'au début du XVIIIe siècle : le dominicain Francisco Ximénez, qui réussit à l'obtenir des Quichés de Santo Tomás Chuilá (actuel Chichicastenango), en fit en 1701-1703[2] une copie accompagnée d'une traduction en regard, ce qui sauvegarda le texte original, la source ayant ensuite disparu. Cette première traduction, très littérale, est difficile à comprendre. Il en inclut une plus lisible dans Historia de la Provincia de Santo Vicente de Chiapa y Guatemala (1722).

Lorsque les religieux furent expulsés du Guatemala par le général Francisco Morazán en 1829-1830, le manuscrit conservé jusque-là dans le couvent de San Domingo fut remis à l’Université de San Carlos. L’Autrichien Karl von Scherzer le découvrit en 1854[6]. Il fit faire une copie des deux dernières sections avec l’assistance de Juan Gavarete et les publia en espagnol en 1857 sous le nom de Las Historias del Origen de Los Indios de esta provincia de Guatemala. L'abbé Brasseur de Bourbourg découvrit lui aussi le manuscrit en 1855[7]. Il publia en 1861 sous le nom de Popol Vuh, Le livre Sacré et les mythes de l'antiquité américaine la version originale quiché accompagnée de sa traduction française. Son manuscrit fut acheté à sa mort avec l’ensemble de sa bibliothèque par Alphonse Pinart, puis revendu à Edward E. Ayer qui en fit don à la Newberry Library entre 1897 et 1911.

Contenu

Tout d’abord est décrite la genèse du monde qui offre certaines ressemblances avec la Cosmogonie biblique. Du néant originel, les Dieux décidèrent de créer le monde, de le rendre matériel et de le peupler de créatures afin d'être adorés. Après la création de la terre, des montagnes, de la flore et de la faune, ils créèrent les premiers hommes à partir de la glaise. Ce premier essai s'étant révélé infructueux, une seconde tentative fut effectuée à partir du bois, mais ces hommes s’avérèrent frivoles, vaniteux et paresseux. Les Dieux les firent donc disparaître par le moyen d'un déluge ; ils périrent ou devinrent des singes. À la fin, dans une ultime tentative ils façonnèrent les hommes à partir du maïs, et la race humaine trouva là sa substance définitive.

La seconde partie narre les aventures des jumeaux Hun Ahpu et Xbalamque, comment ils vinrent à bout de Vucub Caquix, "sept perroquets", dont l'orgueil démesuré déplaisait aux dieux, du fils de ce dernier, Zipacna, qui avait tué les quatre cents frères, et de son frère Cab R'acan, qui abattait les montagnes. Ensuite, le texte parle de Hun Hun Ahpu, père des jumeaux, et de son propre frère jumeau Vucub Hun Ahpu : les maléfiques seigneurs de Xibalba les invitent dans leur monde souterrain pour les tuer ; ils les enterrent à Pucbal Chah et placent leur tête dans les arbres ; par la suite, Xquic, la fille d'un des seigneurs de Xibalba, se trouve fécondée par la salive d'un des jumeaux ; elle part alors trouver leur mère ; elle met au monde Hun Ahpu et Xbalamque. Ceux-ci se débarrassent de Hun Batz et Hun Chuen, leurs demi-frères jaloux, et les transforment en singes ; ils repartent ensuite à Xibalba pour venger Hun Hun Ahpu et Vucub Hun Ahpu, et triomphent de Hun Came et Vucub Came, les maîtres de Xibalba, et des autres seigneurs, grâce à leur emprise sur les animaux et leurs dons de métamorphoses. Ils deviennent ensuite le Soleil et Venus.

De nouveau le texte revient aux quatre hommes de maïs mentionnés précédemment : Balam Quitzé, Balam Acab, Mahucutah et Iqi Balam. Une fois ces humains parfaits créés, les Dieux prirent peur que leurs créatures ne les supplantent. Ils décidèrent donc de les rendre moins parfaites en restreignant leurs sens et leur intelligence et en les obligeant à procréer (ce pourquoi furent créées également quatre femmes), puis à mourir. Ces huit humains sont à l'origine de toute la race humaine. Survient ensuite un épisode similaire à celui de la Tour de Babel, où l'humanité se divise et perd sa capacité à parler un seul et même langage.

Le texte enchaîne sur une histoire généalogique retraçant la vie des descendants des premiers hommes jusqu'aux souverains du peuple maya des Quiché. Cette partie, plus « historique » et moins mythologique, donne de nombreux détails intéressants sur la structuration politique et les rivalités entre tribus. Elle se termine sur la constatation que tout ce que décrit le livre a disparu, y compris la nation quiché, et que leur village s'appelle désormais Santa Cruz[8].

Selon les éditions, le texte est fragmenté en trois ou quatre parties.

Extraits

Voici les premières lignes du livre, dans une orthographe et une ponctuation modernisées (de l'édition de Sam Colop) :

Quiché

Are uxe‘ ojer tzij
  waral K‘iche‘ ub‘i‘.
Waral
  xchiqatz‘ib‘aj wi
  xchiqatikib‘a‘ wi ojer tzij,
utikarib‘al
uxe‘nab‘al puch rnojel xb‘an pa
  tinamit K‘iche‘
  ramaq‘ K‘iche‘ winaq.

Traduction française

« C'est la racine de l'ancienne parole
  de ce lieu nommé Quiché
Ici
  nous écrirons,
  nous installerons l'antique parole,
l'origine
le commencement de tout ce qui a été fait dans la
  nation quiché
  pays du peuple quiché. »
Recto du folio 5 du manuscrit de Francisco Ximénez.

Annexes

Notes et références

  1. Claude-François Baudez, Une histoire de la religion des Mayas, Albin Michel, 2002, p. 54
  2. a et b Informations sur le Popol Vuh, site de la Newberry Library
  3. Les autres lignées royales quiché sont Nijaib, Tam et Ilok'ab.
  4. Il s'agit d'un assemblage de textes comprenant, outre le Popol Vuh, une grammaire Cakchikel-Quiché-Tzutuhil et des enseignements chrétiens.
  5. Il se base sur les dates de l’époque coloniale et la généalogie incluse dans le Popol Vuh ; voir Tedlock, Dennis. Popol Vuh The Definitive Edition of the Mayan Book of the Dawn of Life and the Glories of Gods and Kings, Simon & Schuster Inc., New York, 1996, p. 56.
  6. Scherzer:1857, xii-xiv
  7. La plupart des spécialistes estiment avec Nestor Quiroa qu’il s’agit, tout comme la source de Scherzer, du manuscrit actuel. Néanmoins, Brasseur mentionne dans les notes bibliographiques de son Histoire des Nations Civilisées du Mexique et de l'Amérique qu’il a obtenu le manuscrit à Rabinal du cacique Ignacio Coloche et ne mentionne pas l’université, Munro Edmonson et Jack Himelblau proposent donc l’existence d’au moins deux manuscrits
  8. Santa Cruz del Quiché, capitale du département du Quiché

Bibliographie

Publications de la source primaire

En espagnol
  • Francisco Ximénez, Primera parte de el tesoro de las lengvas kakchiqvel, qviche y qutuhil, Chicago (Newberry Library), 1701-1703 [lire en ligne] .
  • Adrián Recinos, Popol Vuh: las antiguas historias del Quiché, 12° éd. (1° éd. 1947), Fondo de Cultura Económica, 2003 (ISBN 9681603273).
En français
  • Georges Raynaud, Le Popol Vuh : Les dieux, les héros et les hommes de l'ancien Guatemala d'après le livre du conseil, Librairie d'Amérique et d'Orient Jean Maisonneuve, coll. « Classiques d'Amérique et d'Orient », 2000 (1re éd. 1925) (ISBN 978-2720011269) 
  • Rafaël Girard, Le Popol-Vuh. Histoire culturelle des Maya-Quichés (1954), Payot, 1972, 382 p.
  • Pierre Desruisseaux et Daisy Amaya, Pop Wooh : Popol Vuh, le Livre du Temps, Histoire Sacrée des Mayas Quichés, Le Castor astral, 1985, (Triptyque, 15 décembre 2002) (ISBN 2890314243).
  • Adrián Chávez, Pop Wuh : le Livre des événements, Paris, Gallimard, coll. « L'Aube des peuples », 1990 (ISBN 2070717836) .
En anglais
  • Dennis Tedlock, Popol vuh : the definitive edition of the Mayan book of the dawn of life and the glories of gods and kings, New York, Simon and Schuster, 1985 (ISBN 067145241X) (OCLC 11467786) .

Sources secondaires

  • Rafaël Girard, L'ésotérisme du Popol-Vuh. Le livre sacré et des mythes de l'antiquité américaine. Livres héroïques et historiques des Maya-Quiché, Maisonneuve Adrien, 1959 (réimpr. 1983) (ISBN 2-7200-1015-4) .

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