- Piss Christ
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Piss Christ Artiste Andres Serrano Année 1987 Technique Ilfochrome monté sur plexiglas Dimensions (H × L) 59,7 cm × 40,6 cm modifier Immersion (Piss Christ)[1], plus souvent connue sous le titre Piss Christ, est une photographie de l'artiste américain Andres Serrano, réalisée en 1987.
Sommaire
L'œuvre
Description
D'une taille de 59,7 cm de hauteur par 40,6 cm de largeur, la photographie représente un crucifix de couleur claire, vu de trois-quarts par la gauche, et baignant dans une atmosphère d'apparence fluide. Le fond de l'image est dans des tonalités rouges sombres et mordorées ; le crucifix est éclairé par la droite par une lumière jaune allant du jaune très clair au jaune mielleux ; la scène est traversée de traînées de pointillés blancs aux allures de bulles. La mise en scène et l'éclairage reprennent les représentations classiques de la crucifixion[2].
Réalisation
Pour réaliser sa photographie, l'artiste dit avoir rempli un verre de son urine et de son sang, puis y avoir immergé un petit crucifix en plastique[3],[4]. Il s'agit donc déjà, à l'origine, du réemploi d'une œuvre (ou d'une production — d'un « objet banal », selon Serrano[3]) d'art populaire destinée à la dévotion.
Titre et interprétation
Afin de mettre en avant les conditions de réalisation de sa photographie, Andres Serrano l'intitule Immersion (Piss Christ)[1]. Il défend son travail comme étant une critique de l'« industrie milliardaire du Christ-des-bénéfices » et une « condamnation de ceux qui abusent de l'enseignement du Christ pour leurs propres fins ignobles[5] ».
À la suite du vandalisme que l'œuvre a subi à Avignon en 2011, Serrano, tout en se disant chrétien, s'est de nouveau expliqué sur le titre : « Mes titres ont un caractère littéral et sont tout bonnement descriptifs. Si je réalise un monochrome de lait ou de sang, j'appelle cela “lait” ou “sang”[3]. » Il a ajouté à propos du sens à donner à sa photographie : « J'ai pris un crucifix, car c'est un objet banal, en tout cas en Amérique […]. Si en faisant appel au sang, à l'urine, aux larmes, ma représentation déclenche des réactions, c'est aussi un moyen de rappeler à tout le monde par quelle horreur le Christ est passé[3]. »
Références à Piss Christ
À son tour, la photo connaît, depuis sa diffusion, des réemplois. Dans le domaine musical, des groupes comme Fear Factory, Momus et Loudon Wainwright III ont mentionné Piss Christ dans leurs paroles. En 1992, le groupe de rock anglais Manic Street Preachers a voulu utiliser Piss Christ pour la pochette de son album Generation Terrorists ; la maison de disques a refusé, souhaitant éviter toute nouvelle controverse, ainsi que le versement de droits de reproduction considérés comme extravagants[réf. nécessaire].
Controverses
Les controverses surgissent dès la diffusion de la photographie, du fait du seul mot Piss accolé à Christ.
Premières controverses aux États-Unis et actes de vandalisme
Récompensée en 1989 par un prix du Southeastern Center for Contemporary Art (SECCA)[6], un musée américain partiellement financé par le National Endowment for the Arts (un organisme fédéral qui soutient, à l'aide de financements publics, des projets artistiques aux États-Unis), l'œuvre suscite aussitôt dans le pays une importante polémique[7]. La même année, lors de son exposition, elle provoque un scandale, notamment auprès de groupes religieux qui accusent Serrano de blasphème. Au Sénat, les sénateurs Al D'Amato et Jesse Helms expriment leur indignation vis-à-vis du soutien apporté par le National Endowment for the Arts. D'autres, en revanche, y voient l'expression de la liberté de l'artiste[7]. Ainsi, sœur Wendy Beckett (en), critique d'art et religieuse catholique, déclare dans un entretien télévisé avec Bill Moyers (en), célèbre journaliste américain, qu'elle ne considère pas l'œuvre comme blasphématoire, mais plutôt comme une indication de « ce que nous faisons au Christ »[8] ; autrement dit, cette photographie témoignerait de la façon dont la société contemporaine en est arrivée à voir le Christ et les valeurs qu'il représente[9].
Selon une tribune parue dans le magazine Arts & Opinion, Piss Christ est une œuvre qui témoigne bien du conflit qui peut exister « entre, d'un côté, les intérêts des artistes en matière de liberté d'expression et, de l'autre, la douleur que ce type d'œuvre peut susciter chez les chrétiens[7] ».
Serrano a produit, par ailleurs, des œuvres similaires, non financées par des fonds publics, et qui n'ont pas provoqué de telles controverses : par exemple, Madonna and Child II (1989), dont le sujet est lui aussi immergé dans l'urine.
Un documentaire de la BBC, Damned in the USA, a exploré notamment la controverse autour de Piss Christ.
L'œuvre a été plusieurs fois l'objet de vandalismes : en 1997, à la National Gallery of Victoria de Melbourne, ou en 2007, dans une galerie d'art suédoise[10].
Exposition d'Avignon en 2010-2011
En France, l'œuvre est exposée dans le cadre de l'exposition « Je crois aux miracles » qui s'est tenue à la collection Lambert d'Avignon du 12 décembre 2010 au 8 mai 2011[11]. En avril 2011, une campagne de protestation est lancée par des mouvements catholiques intégristes proches de l'extrême droite[12] (Civitas et l'Agrif[13]) qui jugent l'œuvre « blasphématoire » et exigent son retrait[14]. À l'image de l'écrivain John Berger dans une tribune intitulée « Une formule déplorable », certains catholiques sont profondément choqués par la dénomination de l'œuvre : « ce titre ordurier est une agression, une provocation, qui appelle une contre-attaque et fait scandale. Il constitue également un blasphème en ce qu'il insulte le sacré[15]. » L'initiative est notamment soutenue par l'archevêché d'Avignon[16],[17] et trois parlementaires UMP (le sénateur Alain Dufaut et les députés Bernard Debré et Jean-Marc Nesme). À la suite de cette campagne, l'hôtel de Caumont qui héberge la collection a été harcelé et a reçu des menaces[18]. Le 16 avril, un millier de personnes défile dans les rues d'Avignon[19]. Le lendemain, un tirage de Piss Christ ainsi qu'une autre œuvre de Serrano, Sœur Jeanne Myriam, portrait[13] issu de la série des « Churchs », sont vandalisés dans l'exposition par des individus armés de marteaux et d'objets contondants ; plusieurs gardiens qui tentaient de s'interposer sont agressés et menacés[20],[21],[22],[23].
Les réactions sont nombreuses, en particulier de la part de personnalités telles que Jean-Jacques Aillagon[24], ancien ministre de la Culture, ou de Frédéric Mitterrand[20],[25], ministre de la Culture en fonction.
À la suite de la décision du musée de continuer l'exposition en montrant les œuvres dégradées, le directeur de la collection Lambert a reçu des menaces de mort par téléphone ainsi que des messages racistes et antisémites annonçant d'autres actions violentes[18].
Le 16 mai 2011, l’artiste a déposé une plainte pénale au tribunal de grande instance d’Avignon[13].
Notes et références
- (en) « The photograph, full title Immersion (Piss Christ), was made in 1987 as part of Serrano's series showing religious objects submerged in fluids such as blood and milk », dans Angelique Chrisafis, « Andres Serrano's Piss Christ destroyed by Christian protesters », The Guardian, 19 avril 2011.
- XVIIe siècle comme Le Christ en Croix de Zurbarán ou celui de Vélasquez. Voir, par ex., sur Wikipédia, des crucifixions du
- « Je n'ai aucune sympathie pour le blasphème » », Libération, 19 avril 2011. Vincent Noce, «
- Deux photographies d'Andres Serrano ont été détruites à Avignon », Le Monde, 19 avril 2011. Philippe Dagen, «
- (en) « Serrano defended his photograph as a criticism of the "billion-dollar Christ-for-profit industry" and a "condemnation of those who abuse the teachings of Christ for their own ignoble ends" », dans Chrisafis, op. cit.
- (en) Jennifer Johnson, « NEA's Cloudy Future », Albion Monitor, 9 avril 1998.
- (en) Michael Casey, Anthony Fisher, OP, et Haydan Ramsay, « The Rebuttal », Arts & Opinion, vol. 3, no 4, 2004 ; réponse à Damien Casey, « Sacrifice, Piss Christ and Liberal Excess », Arts & Opinion, vol. 3, no 3, 2004, initialement publié dans Law, Text, Culture, juin 2000 et traduit en français en avril 2010 sous le titre « De la pisse et du Christ ».
- « This is what we are doing to Christ ».
- (en) Eleanor Heartney, « A Consecrated Critic - Profile of Popular Television Art Critic Sister Wendy Beckett », Art in America, 1er juillet 1998. Version enregistrée par Internet Archive.
- (en) « Vandalism and threats greet “Piss Christ” photograph in France », Reuters, 19 avril 2011.
- Exposition en cours », collectionlambert.com. «
- Qui sont ces catholiques intégristes mobilisés contre le Piss Christ ? », lemonde.fr, 18 avril 2011. Anthony Hernandez, «
- « Piss Christ : Andres Serrano porte plainte » sur artclair.com.
- Les pisse-vinaigre contre Piss Christ », Libération, 7 avril 2011. Catherine Coroller, «
- Une formule déplorable », Le Monde, 26 avril 2011. John Berger, «
- AFP, « L'Église demande le retrait d'une photo exposée à la collection Yvon Lambert », lexpress.fr, 7 avril 2011.
- L'Archevêque demande le retrait d'une photo exposée à la Collection Lambert », communiqué de presse, 8 avril 2011. Diocèse d'Avignon, «
- Piss Christ : “Nous recevons des menaces de mort” », lemonde.fr, 18 avril 2011. Anthony Hernandez, «
- Mille catholiques prient dans la rue pour réclamer le retrait du “Piss Christ” », Vaucluse matin, 16 avril 2011. Manuel Pascual, «
- Présence policière discrète pour la réouverture de la collection Lambert », lexpress.fr, 17 avril 2011 ; modifié le 19 avril 2011. «
- Une photographie d'art controversée vandalisée à Avignon », lemonde.fr, 17 avril 2011. «
- Des catholiques extrémistes détruisent l'œuvre d'art “Piss Christ” », liberation.fr, 17 avril 2011. «
- Des ultra-catholiques détruisent le “Piss Christ” à Avignon », francesoir.fr, 18 avril 2011. R.K., «
- « extrêmement choqué » et dénonce « un acte de régression très inquiétant » ; il ajoute que « si une œuvre contrevient à la loi, c'est à la justice de le constater. Nul ne peut se faire justice lui-même. » dans « Une œuvre d'art controversée détruite à Avignon », lefigaro.fr, 18 avril 2011. Celui-ci se dit
- « atteinte à un principe fondamental, la présentation de ces œuvres relevant pleinement de la liberté de création et d'expression qui s'inscrit dans le cadre de la loi », signalant néanmoins que « l'une des deux œuvres pouvait choquer certains publics ». Le ministre condamne une
Lien externe
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