- Pilsen Urquell
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Pilsner Urquell
Plzeňský Prazdroj a.s. La brasserie historique.Pays République tchèque Ville Pilsen Fondée en 1842 Maîtres brasseurs Joseph Groll en 1842 Production
annuelle10,7 M hl en 2008, dont 1,8 M hl de Plzeňský Prazdroj Principales
bièresPilsner Urquell Gambrinus Radegast Birell Velkopopovicky KozelKlasik Frisco Miller Genuine Draft Coordonnées Site web www.pilsnerurquell.com Pilsner Urquell (de son nom allemand), Plzeňský Prazdroj en tchèque, est la brasserie produisant la bière du même nom. Elle est la principale brasserie de la ville de Pilsen, quatrième ville de la République tchèque, dans la région de Plzeň (en allemand : Pilsen).
La ville, réputée pour sa production brassicole, donne son nom à un type de bière : pilsner (ou pilsener, ou pils). Créé ici en 1842, il est aujourd’hui le plus répandu dans le monde.
Pilsner Urquell est propriété du groupe SABMiller.
Urquell en allemand, Prazdroj en tchèque signifie « vieille source ».
Historique
La plus ancienne brasserie connue en Tchéquie est celle de Cerhenice, créée en 1148[1].
Au XIIe siècle, les citoyens bravent le décret de l’évêque de Prague, saint Vojtech, qui interdit le brassage sous peine d’excommunication. Au XIIIe siècle, le roi Venceslas Ier de Bohême obtient du pape Innocent IV la révocation de ce décret.
Les brasseries de citoyen
Par édits royaux, les citoyens des villes nouvelles sont alors autorisés à fabriquer et à vendre de la bière dans un rayon d’environ 1,5 km[2]. Comme celle de České Budějovice (Böhmisch Budweis, en allemand), la brasserie de Pilsen date du XIIIe siècle. C’est en 1295 que le roi de Bohême, Venceslas II, fonde la « Nouvelle Plzeň », idéalement placée en termes de voies commerciales, à neuf kilomètres de l’ancienne, ingratement située. Il octroie aux 260 citoyens-bourgeois de Pilsen le même droit que possède la capitale de la Moravie, Brno, depuis 1243 (par décret de Venceslas Ier) : un droit héréditaire de brassage, quelle que soit leur profession.
On a trace de brasseries à Pilsen en 1307. Elles sont, à l'époque, ce qu'on appelle des « brasseries de citoyen[3] ». Une malterie communautaire est construite au centre de la ville.
Les bières tchèques ne présentent alors aucun caractère exceptionnel, malgré la réputation de qualité du malt et du houblon de Moravie. Beaucoup d’entre elles sont à base de froment[4]. Les bières produites à Pilsen en ce début du XIVe siècle sont soit « rouges » (à base de froment), soit « blanches » (à base d’orge). Ce sont des bières de fermentation haute, troubles et parfois de qualité médiocre. On en reste là jusqu’en 1842.
La fermentation basse
Les Bavarois connaissent depuis au moins le XVe siècle la fermentation basse. Ils ont découvert par hasard que la bière conservée à basse température ne surit pas. Autre avantage, la levure se dirige peu à peu vers le fond du tonneau, ce qui donne une bière beaucoup plus claire. La fermentation basse requiert donc de la glace en abondance, et les froides grottes des contreforts des Alpes pour la conserver.[5]. Le procédé est parfois utilisé en Bohême, quand il y a des grottes. Mais, partout, la maîtrise de la qualité est absente, et la réussite laissée au hasard. La fermentation basse de l’époque donne des bières brunes, ou quelquefois un peu plus claires, mais encore troubles sans doute[6].
Les premières bases scientifiques
C’est à la fin du XVIIIe siècle que František Ondřej Poupě (1753-1805), le prestigieux maître brasseur de Pilsen donne des bases scientifiques à la fermentation basse en introduisant l’usage d’instruments de mesure, et notamment celui du thermomètre de malterie et celui de la balance à bière.
L’ère industrielle
En 1838, Pilsen vient de connaître une période sombre. Depuis le début du siècle, la qualité de la bière se détériore, sans doute en raison d’une méconnaissance de modes adéquats de fermentation. La qualité des bières des citoyens est souvent médiocre, et la rumeur fait état de procédés inavouables pour corriger le goût. Les consommateurs se tournent de plus en plus vers les bières bavaroises, de fermentation basse, qui se conservent mieux, et de qualité plus constante.
La remise en question
Cependant, depuis une vingtaine d’années, les échanges sont intenses dans le monde brassicole européen. Le brassage devient plus technique, plus spécialisé, et de rigoureux modes opératoires commencent à être édictés. Les brasseurs de Bohême, forts de leurs nouvelles connaissances dans le domaine des levures, commencent à établir un rapport entre les variations dans les propriétés de celles-ci et les différences de style des bières[6]. À Pilsen, on n’ignore pas que les choses sont en train de bouger.
En février 1838, 36 tonneaux de bière de Pilsen, jugée imbuvable, est déversée sous les fenêtres de l’hôtel de ville[7]. L’année suivante, plusieurs bourgeois de Pilsen, détenteurs de droits de brassage, s’associent. Ils demandent à l’administration de la ville l’autorisation de construire une nouvelle brasserie[8]. Ils veulent utiliser les meilleures technologies, leur permettant de produire la meilleure bière du monde, afin de gagner de l’argent[9].
Ils choisissent un emplacement où l’eau de source est abondante et où le grès va permettre l’établissement de neuf kilomètres de caves reproduisant les conditions de fraîcheur des grottes bavaroises, c’est-à-dire autorisant les deux étapes de la fermentation basse : la fermentation primaire en cuve ouverte, puis la maturation en fût. La première tentative d’utilisation industrielle de la réfrigération n’aura lieu qu’en 1851, lorsque l’Écossais James Harrison mettra en œuvre son système dans une brasserie australienne. Et il faudra attendre 1873, avant que le premier système de Carl von Linde ne vienne équiper la brasserie Spaten, à Munich.
Les brasseurs de Pilsen choisissent l’architecte Martin Stelzer, qui entreprend de parcourir l’Europe, visitant les brasseries de Copenhague, de Munich et de Vienne. Il revient avec des plans déjà tracés, accompagné d’un maître brasseur bavarois de 29 ans, Josef Groll[10], qui connaît les secrets de la méthode de fermentation à froid inventée par les frères Jecmen[11]. L'architecte et le maître brasseur mettent en commun leurs savoirs pour développer équipements et méthodes de brassage[12]. La construction de la nouvelle brasserie s'effectue du 15 septembre 1839 à l’automne 1840.
La fermentation basse de type scientifique
Entretemps, les travaux de František Poupě ont ouvert la voie à deux brasseurs du XIXe siècle, l’Autrichien Anton Dreher et le Munichois Gabriel Sedlmayr qui, s’inspirant des travaux de Pasteur sur les souches de levure et le processus de fermentation, élaborent la fermentation basse de type scientifique — autorisant une exploitation industrielle (la première mise en œuvre est peut-être celle de Dreher, en 1841, dans sa brasserie de Klein Schwechat[13]).
La nouvelle brasserie
À Pilsen, la toute nouvelle « Brasserie des Bourgeois » (Bürgerlichen Brauhaus, en allemand) a pour vocation de produire une bière « parfaite », capable de concurrencer les bières bavaroises.
À force d’expériences nouvelles, les malteurs parviennent à créer, en trempant l'orge dans l’eau très douce de Pilsen, en la touraillant plus légèrement, un malt nettement moins foncé, doré, qui va donner une couleur inhabituelle à la bière, qui va faire naître la première bière blonde. Le houblonnage se fait sur le moût produit. Le houblon ne disparaît plus sous la lourdeur de malts foncés[14].
C'est ainsi que, le 5 octobre 1842, est inventée une bière dont la particularité est d’être plus claire que toutes les bières connues jusqu’alors : blonde et transparente, scintillante, dorée, la bière de Pilsen fait sensation. Les premiers brassins sont un succès. Les fûts sont d'abord destinés aux restaurants de la ville, puis à une taverne de Prague. La nouvelle bière connaît également une grande faveur dans les stations thermales de Bohême. Dès 1845, la réputation est établie. En 1856, la bière de Pilsen est servie à Vienne puis, trois ans plus tard, à Paris. En cette même année 1859, Pilsner (c’est-à-dire « de Pilsen ») devient une marque déposée. C’est un nom allemand, la Bohême faisant alors partie de l’empire austro-hongrois.
À la suite de ce succès, une deuxième brasserie ouvre à Pilsen en 1869, la brasserie Gambrinus (fondée, entre autres, par Škoda).
Le succès
La bière claire de Pilsen voit sa réputation grandir à une vitesse vertigineuse. Le succès est vite mondial. En 1865, devenue la troisième du pays, la Brasserie des Bourgeois exporte les trois-quarts de sa production. L’Amérique est atteinte en 1871. Comme pour mettre en valeur la robe lumineuse de la nouvelle bière, le cristal de Bohême gagne lui aussi l’Europe et l’Amérique. Dans les cafés, les verres commencent à remplacer les chopes de terre cuite, ce qui donne plus d’importance à l’apparence des bières. Limpidité et coloration deviennent des facteurs de succès commercial. Tout ceci à tel point qu'en 1874, à Paris, la Pilsner devient un véritable objet de culte.
Bien que déposée, bien que constituant un label d’origine, l’appellation Pilsner commence à être revendiquée par les imitateurs. La Brasserie des Bourgeois s’entoure alors de nouvelles précautions. En 1898, elle dépose un nouveau nom pour sa bière, toujours en allemand : Pilsner Urquell, qui signifie « authentique source de la Pilsner ».
Le succès ne se dément pas. Revanche sur le décret de saint Vojtech, le pape Léon XIII se voit prescrire de la Pilsner Urquell par son médecin, pour faciliter sa digestion[15].
Rançon du succès de la Pilsner, ce style de bière est copié et se répand de par le monde, devenant le type le plus répandu. Aujourd'hui, les appellations « Pilsner » ou « Pils » sont très courantes, mais elles ne désignent souvent que des lagers légères, qui manquent de corps et de houblon, qui n’ont pas la bouche nette et la fine amertume de la bière de Pilsen[16].
Le XXe siècle
En 1913, la Brasserie des Bourgeois devient la plus importante d’Europe[6], produisant cette année-là plus d'un million d’hectolitres de Pilsner Urquell. La commercialisation s'effectue dans 34 pays.
Mais le volume de production va désormais fluctuer, le pays étant pris dans les remous de l’Histoire.
La période de stagnation
L’empire d’Autriche-Hongrie se disloque à la fin de la Première Guerre mondiale, et les Tchèques remettent leur langue à l’honneur : Bürgerlichen Brauhaus, la Brasserie des Bourgeois, devient Měšťanský pivovar.
Les années 1919-1923 sont particulièrement noires. La consommation intérieure décline. Plusieurs marchés d'exportation sont perdus. À partir de 1925, plusieurs brasseries de Pilsen fusionnent, si bien qu’en 1933 il n'en reste plus que deux :
- Měšťanský ;
- Plzeňské akciové, dont l’actionnaire majoritaire est Měšťanský.
Après la Seconde Guerre mondiale, la Tchécoslovaquie se retrouve sous tutelle soviétique. Le 13 septembre 1946, les deux brasseries, nationalisées, sont réunies en une seule entreprise : Plzeňské pivovary (Brasseries de Pilsen). Le développement est freiné. La production stagne aux alentours de 1,3 million d’hectolitres. Cependant, pour cette bière d’une qualité exceptionnelle, il existe toujours une demande par-delà le rideau de fer. En 1956, l'exportation reprend. L’essentiel de la production est vite destiné à celle-ci. Elle apporte de riches devises étrangères à l’État qui, malheureusement, n’offre rien en contrepartie pour moderniser la brasserie[7]. Philosophes, les Tchèques font observer que 50 ans de mise en berne des progrès technologiques auront contribué à préserver l’excellence du produit[17].
La modernisation
Le régime communiste chute en 1989. En novembre, la brasserie de Pilsen devient une entreprise publique ; puis, en 1992, la société par actions Plzeňské pivovary a.s.
Les deux guerres mondiales et la période communiste ont déstabilisé l’industrie tchèque. Voulant entrer dans le XXIe siècle, voulant exporter, les brasseries se voient contraintes de se moderniser, de rationaliser leur production, d’affronter de nouvelles logiques de distribution, de repenser leur façon de faire des affaires. Elles sont donc très vulnérables face aux grands groupes, qui disposent de capitaux et maîtrisent parfaitement les lois du marché[18].
Plzeňský Prazdroj souhaite se développer sur le marché national. Elle se lance dans le bain enivrant du capitalisme. Des emprunts sont contractés, des investissements importants sont consentis en vue de moderniser l’équipement et de doubler la capacité de brassage.
En 1992, un vieux projet de 1929 voit enfin le jour : les fermenteurs de chêne sont remplacés par dix fermenteurs en acier inoxydable, d’une capacité de 800 à 3 600 hectolitres chacun. Un bâtiment de quatre étages loge un système de filtration de pointe, ainsi qu’une chaîne ultra-moderne d’embouteillage et d’enfûtage[7].
En 1994, Plzeňské pivovary a.s. prend le nom de sa bière phare. Elle devient Plzeňský Prazdroj a.s.
Au fil des années, elle acquiert un certain nombre de brasseries (dont Gambrinus). En 1996, l’ensemble produit 4,05 millions d’hectolitres (dont près de 90 % brassés à Pilsen).
En 1997, la production de la bière Pilsner Urquell retrouve son volume de 1913 : un million d’hectolitres.
L'actionnaire majoritaire de Plzeňský Prazdroj et de Radegast (alors troisième groupe brassicole tchèque, actionnaire majoritaire de la brasserie Velké Popovice) est la banque japonaise Nomura International. En mars 1999, après deux ans d'efforts et trois échecs, elle obtient de l'Office de contrôle de la compétition économique la confirmation d'une fusion entre les deux brasseries[19]. Elles sont réunies au sein d’un holding baptisé Ceske Pivo, numéro un sur le marché tchèque, 44 % de part de marché, produisant environ 8 millions d’hectolitres par an. Le 23 septembre, Nomura détient 87,8 % de Plzeňský Prazdroj (n° 1 tchèque) et 94,1 % de Radegast (n° 2[20]). Soucieuse de rentabiliser rapidement son investissement, la banque met aussitôt aux enchères 51 % des actions des deux entreprises. En octobre, Plzeňský Prazdroj et Radegast sont vendues par Nomura au groupe brassicole sud-africain SAB[21]. Ce qui n’est pas sans causer de l’inquiétude aux amateurs. La Pilsner Urquell pourra-t-elle continuer d’être brassée pure malt, à Pilsen, avec de l’eau de Pilsen, à partir des mêmes ingrédients locaux, soumise aux mêmes coûteuses exigences de qualité ? Bien des Tchèques en doutent[22].
Ceske Pivo devient en 2000 le premier exportateur tchèque de bière, surclassant Budvar.
Le XXIe siècle
En 2001, les ventes de la bière de marque Plzeňský Prazdroj décollent, avec une augmentation de 26 % par rapport à 2000 (37 %, en ce qui concerne les exportations).
SAB fusionne avec le Britannique Miller Brewing en 2002, pour devenir le géant SABMiller, un des tout premiers brasseurs mondiaux (n° 1, en production de bière, en 2007[23]).
Le 30 septembre 2002, Plzeňský Prazdroj achève sa fusion avec Radegast et Velké Popovice. L’ensemble prend le nom de Plzeňský Prazdroj a.s.
En 2006, malgré l'augmentation de ses ventes, Plzeňský Prazdroj annonce une centaine de licenciements et envisage d'augmenter ses prix.
Au XIXe siècle, les citoyens-brasseurs de Pilsen ont créé l'entreprise à partir d'un constat : la mévente était due à la mauvaise qualité de la bière. Pour gagner de l'argent, il fallait produire de la bonne bière, et seul le progrès technologique offrait alors une maîtrise de la qualité. La réussite commerciale de la Pilsner Urquell leur a donné raison. L'entreprise a donc grandi, sans sacrifier la qualité qui faisait son succès. Longtemps, d'ailleurs, on a pu s’étonner qu’en Tchéquie la meilleure bière fût produite par les plus importantes brasseries (ailleurs, c’est souvent l’inverse[7]). Aujourd’hui, ces grandes brasseries tchèques sont absorbées par de gigantesques groupes étrangers qui voient dans la qualité un moyen de dépenser de l'argent plutôt que d'en gagner. Tel est du moins le sentiment de bien des Tchèques, attachés à la tradition brassicole qui a fait leur fierté, et à leur monument national, la Pilsner Urquell[22]. Les grandes brasseries tchèques luttent aujourd'hui pour demeurer fidèles à leur tradition d'exigence.
Marque et entreprise du même nom
Il convient de bien établir la distinction :
La marque
Sous la marque Plzeňský Prazdroj (Pilsner Urquell, à l'exportation) on brasse toujours, avec de l’eau de Pilsen[24], une bière dont les dégustateurs continuent (tant qu’elle n’a pas été conservée en bouteille verte) de vanter les qualités. La production de cette bière représente 17 % de la production totale de l’entreprise.
L'entreprise
Au sein du groupe SABMiller, l’entreprise Plzeňský Prazdroj a.s. produit notamment cette bière. Elle produit aussi, sur différents sites, des bières d'autres marques. Certaines ne sont pas considérées par les Tchèques comme de type prazdroj (pilsner), puisque brassées ailleurs qu’à Pilsen[25].
Plzeňský Prazdroj a.s. compte 2 500 employés. Désormais dotée d’unités de production en Lituanie, en Slovaquie, en Pologne et en Russie, elle brasse annuellement 10,7 millions d’hectolitres, dont 881 000 exportés (chiffres de l'année 2008). Sa part des ventes sur le marché intérieur est de 49 %. La production annuelle de sa bière phare, Plzeňský Prazdroj, est estimée à quelque 1,8 million d’hectolitres, dont 675 000 exportés (en 2007).
Fabrication de la bière de marque Plzeňský Prazdroj
Eau
L’eau utilisée pour la fabrication de la bière de Pilsen est très douce. Son indice de dureté n’est que de 1,6° n (à titre de comparaison, l’eau de Munich affiche 15° n et celle de Dortmund 42° n[26]). Cette douceur permet aux huiles essentielles de mieux se dissoudre dans le moût, « permettant ainsi un houblonnage plus généreux, sans développer d’âcreté[27]. »
La brasserie utilise l’eau de source et l’eau de la ville. En maltage, on a recours à l’eau de source, en partie pour sa température plus constante. Les puits artésiens de la brasserie sont situés à 3,5 kilomètres de celle-ci. L’eau est traitée pour en retirer le fer et le manganèse[6].
Malt
Le malt est obtenu à partir d’orge de Bohême et de la proche Moravie. Tout le maltage s’effectue maintenant au sein de la brasserie. L’orge germe cinq jours seulement. Le malt obtenu a une couleur de 2° L. Il contient assez peu de protéines (moins de 11 %), ce qui contribue à la clarté de la bière[6].
Article détaillé : Maltage.Brassage
La décoction ne se fait pas à deux paliers, comme pour les pilsener allemandes, pour les munich ou pour les bavaroises de froment, mais à trois paliers[28].
La décoction à trois paliers de la Pilsner UrquellLe brassage de la Pilsner Urquell s’effectue dans des cuves de 200 hectolitres. La méthode employée — la décoction à trois paliers, opération complexe, longue et coûteuse — est la même depuis 1922[29].
Le principe consiste à retirer d’une première cuve une bonne partie de la « maische » (la pâte formée par le mélange d’eau et de mouture de malt), en prenant celle du fond, plus épaisse. Cette « trempe » est dirigée sur une deuxième cuve, où elle est portée à la température de saccharification. Puis elle bout un court moment, et retourne dans la première cuve, où elle porte l’ensemble de la maische à une température voulue.
On répète l’opération trois fois, au cours d’une phase de fabrication qui dure plus de quatre heures.
Faire bouillir une trempe détruit la matrice que forment les protéines autour des granules d’amidon, permettant la dégradation enzymatique de l’amidon contenu dans le malt — ce qui compense le fait que celui-ci n’est pas totalement transformé. La décoction à plusieurs paliers contribue aussi à ajuster le pH de la maische, ce que les ions naturels de l’eau ne peuvent faire.
Processus
Pour obtenir la maische, on mouille d’eau froide la mouture de malt (c’est l’« empâtage »). On ajoute de l’eau chaude, de façon à porter la température de la maische à 35° C. En tout, on a versé 1,85 litre d’eau par kilo de malt. On laisse reposer.
- Premier palier (protéase) : on chauffe la trempe. On la laisse reposer. Puis on la fait bouillir. Elle regagne alors la première cuve, où elle doit porter la température de l’ensemble de la maische à 53°. On laisse reposer. Ce palier permet de briser les protéines complexes et de les transformer en enzymes et en protéines simples.
- Deuxième palier (bêta-amylase) : on prélève une nouvelle trempe et on recommence l’opération dans la deuxième cuve. Lorsque la trempe retourne dans la première cuve, elle doit porter la température de l’ensemble de la maische à 62°. On laisse reposer. Ce palier permet d'activer les enzymes responsables de la transformation de l’amidon en glucose et en maltose (les sucres fermentescibles qui, plus tard, seront transformés en alcool et en gaz carbonique par l’action des levures). En s’arrêtant là, on obtient une bière manquant de corps. Le palier suivant va permettre de générer les sucres non fermentescibles.
- Troisième palier (alpha-amylase) : on prélève une troisième trempe et on renouvelle l’opération dans la deuxième cuve. Lorsque la trempe retourne dans la première cuve, elle doit porter la température de l’ensemble de la maische à 73°, pour aborder la phase suivante de la fabrication : le filtrage. Ce troisième palier permet d'activer les enzymes responsables de la production de dextrine, le sucre non fermentescible donnant du corps à la bière, et de la tenue à son col[30].
Ce sont très certainement la douceur de l’eau et la décoction à trois paliers qui mettent en valeur le caractère malté de la Pilsner Urquell. Celle-ci, en effet, en dépit d’un taux d’amertume relativement élevé (40° IBU), présente un goût doux et malté.
La décoction à triple palier fait les pilsner de Bohême un tout petit peu plus colorées que les pilsener allemandes (qui ont généralement recours à la décoction à double palier). La Pilsner Urquell a une coloration de 4,2° L.
Houblon
Le houblon de Bohême est réputé dans le monde entier. Sa culture est attestée dès 859, et il est exporté dès 903. Venceslas Ier du Saint-Empire[31] interdit l’exportation des boutures de houblon. Bien d’autres décrets suivent, les sanctions allant jusqu’à la peine de mort. Mais, de toute façon, les boutons exportés en fraude ne donnent jamais la même qualité qu’en Bohême. La seule espèce cultivée est le rouge de la région de Žatec (en allemand : Saaz)[32], complexe et subtil, d’une incomparable finesse.
C’est lui qui aromatise la Pilsner Urquell, qui lui donne cette fine amertume, légèrement plus marquée et plus complexe que celle des pilsener allemandes.
Le moût bout deux heures. Le houblon est ajouté entier, en trois fois, à raison de 375 grammes par hectolitre, pour donner à la Pilsner Urquell les 40 unités IBU requises.
Article détaillé : Houblonnage.Fermentation primaire
L’Institut tchèque de recherche en maltage et brassage s’emploie à sélectionner et à perfectionner les levures.
La Pilsner Urquell a recours actuellement à une seule souche de levure, la H-strain.
Les anciennes cuves de fermentation, ouvertes, étaient relativement petites (moins de 200 hectolitres). On pensait que les flaveurs de bière étaient ainsi mieux protégées contre l’effet d’évaporation du gaz carbonique[33]. Au désespoir des puristes, la fermentation primaire s’effectue maintenant dans 40 fermenteurs clos, en inox, d’une capacité unitaire de 1 800 hectolitres. La fermentation primaire dure 11 jours, à une température inférieure à 9° C[6].
Devant les levées de bouclier des amateurs dénonçant une qualité sacrifiée, on a remis en service six antiques foudres de fermentation en chêne pour obtenir des échantillons de comparaison. Un groupe d’experts indépendants, venu sur place, s’est déclaré incapable d’établir une différence entre la Pilsner Urquell de tradition et la nouvelle. Les visiteurs de la brasserie peuvent eux-mêmes tester, et repartir rassurés.
Article détaillé : Fermentation de la bière.Maturation
Jadis, la Pilsner Urquell s’affinait trois mois dans des fûts de chêne de 25 hectolitres, alignés dans les neuf kilomètres de cave de la brasserie. Aujourd’hui, la maturation est ramenée à 35 ou 40 jours, dans 56 réservoirs inox de 3 300 hectolitres chacun.
Exportation
Conditionnement
Le conditionnement en bouteille verte est unanimement dénoncé par les experts, qui le rendent responsable du répugnant « goût de lumière » (la « mouffette », disent les Québecois). Beaucoup d’Américains sont d’ailleurs persuadés qu’il s’agit là du goût naturel des bières européennes.
La Pilsner Urquell ne garde toutes ses qualités gustatives que si elle est efficacement protégée de la lumière, c’est-à-dire en boîte (« canette »), en fût ou en bouteille brune. La lumière en effet dégrade les humulones de la bière. Le résultat de cette photolyse est un thiol (le « goût de lumière »). Le verre vert est à bas prix, ce qui est tout bénéfice pour le brasseur, mais il n’arrête pas la lumière[34]. Mario D'Eer fait remarquer : « L'utilisation de la bouteille de couleur verte pour l'exportation de la Plzeňský Prazdroj reflète une absence de respect pour l'intégrité du produit. Sa signature typique pour un grand nombre d'amateurs novices est la mouffette. Elle ne demeure une grande bière que lorsqu'elle est présentée dans un contenant la protégeant adéquatement[35]. »
Pasteurisation
Il n’est pas rare non plus de rencontrer, à l’exportation, des bouteilles oxydées ou éventées. On peut trouver une explication dans le fait que le temps de pasteurisation n’est pas le même selon qu’il s’agit d’une bière destinée au marché local ou à l’exportation. La brasserie table en effet sur une consommation domestique qui se ferait dans les six mois en Tchéquie et dans les douze mois à l’étranger. Elle pasteurise donc plus longtemps la bière destinée à l’exportation. Or, un trop long processus de purification microbienne peut être source d’oxydation et peut aussi détruire certaines substances aromatiques du houblon.
Tous les amateurs le reconnaissent : pour goûter la Pilsner Urquell dans sa plénitude, mieux vaut se rendre sur place[6].
Débits de la bière de marque Plzeňský Prazdroj
Bien entendu, chaque amateur défend farouchement sa préférence, mais on peut citer les débits les plus réputés :
À Pilsen
- U Salmanu.
À Prague
- U Pinkasu.
- U Slatého Tygra, qui dispose d’un système de pression contrôlée très perfectionné.
- U Kocoura.
Concurrence
Une autre bière a ses inconditionnels : la Budvar (en allemand : Budweis — à ne pas confondre avec l'américaine Budweiser), brassée à České Budějovice, moins houblonnée que la Pilsner Urquell (l’amertume de la Budvar est de 12 unités IBU, pour 40 à la Pilsner Urquell).
Produits de l'entreprise Plzeňský Prazdroj a.s.
Plzeňský Prazdroj (Pilsner Urquell)
Elle titre 4,4 % vol. (la Budvar 5 %, les dortmunder titrent 5 à 6 % vol.).
Elle se boit froide, mais pas en dessous de 8° C. La Pilsner Urquell a une haute teneur en dioxyde de carbone, qui produit un « collier » épais, crémeux, persistant. Cela donne une bière vivante, pleine « d’âme », comme disent les Tchèques.
La couleur (4,2° L) est très légèrement dorée (les Tchèques parlent de « flamme » ou d’« étincelle »). C'est une bière assez fortement houblonnée, et par conséquent assez amère (40 unités IBU).
La saveur est nette et rafraîchissante. « L’arôme est dominé par un caractère floral, épicé et houblonné ; la saveur, douce tout d’abord, s’achève en une finale sèche et amère[36]. »
Gambrinus
Elle titre 5 % vol.
Son nom vient de Jan primus (Jean Ier), duc de Brabant, qui vécut au XIIIe siècle. À l’issue de la victoire de Woeringen, voulant remercier ses hommes qui festoyaient dans la cour de son château, il escalada un impressionnant empilement de tonneaux et se jucha à cheval sur le plus élevé, ponctuant la fin de sa harangue du premier toast de l'histoire, prétexte à une large rasade de bière[37]. L’image d'un duc bon vivant s’est transmise à travers les siècles, et son nom, devenu Gambrinus, est porté par de nombreuses bières de par le monde, dont celle-ci.
Radegast
Titrant 5 % vol., elle est un peu moins maltée que la Pilsner Urquell.
Article détaillé : Radegast (bière).Velkopopovicky Kozel
Titrant 5 % vol., bien maltée, un peu sucrée et fruitée, moins cependant que la Pilsner Urquell. Son style tend à la rapprocher des bières allemandes[38].
Article détaillé : Kozel.Birell
La « bière sans alcool » Birell (Radegast Birell, 0,49 % vol.) est brassée depuis 1993. La production se limitait alors à 3 257 hectolitres. Elle est devenue entre-temps la plus populaire des bières sans alcool tchèques, et ses ventes sur le marché national ont été multipliées par 100 en quinze ans (plus de 320 000 hectolitres, en 2008).
Autres marques
Citons la Klasik (3,6 % vol.), la Frisco (4,5 % vol.) et la Miller Genuine Draft (4,7 % vol.)
Bibliographie
- Roger Protz, L'Encyclopédie de la bière (ISBN 2743405627).
- Michael Jackson, Les Bières, Oyez, 1978.
- Christopher Finch, Bière : un tour du monde de l’amateur, éditions Abbeville, 1998.
- Mario D’Eer, Atlas mondial de la bière, Trécarré, 2003.
- David Kenning, Robert Jackson, Bières du Monde, Parragon, 2006.
Notes et références
- ↑ David Kenning et Robert Jackson, Bières du monde, p. 261.
- ↑ Michael Jackson, Les Bières, p. 25.
- ↑ Roger Protz, Encyclopédie de la bière, p. 45.
- ↑ « Il y avait sur le marché une gamme de bières très étendue. On employait du blé, de l’orge et, occasionnellement, de l’avoine. » Michael Jackson, op. cit., p. 27.
- ↑ Michael Jackson, op. cit., p. 9.
- ↑ a , b , c , d , e , f et g Peter A. Ensminger, (en) [1], The History and Brewing Methods of Pilsner Urquell.
- ↑ a , b , c et d Alain Geoffroy, [2], La Naissance d’un grand style : Pilsner.
- ↑ Michael Jackson, op. cit., p. 31.
- ↑ Mario D'Eer, Atlas mondial de la bière, p. 197.
- ↑ David Kenning et Robert Jackson, op. cit., p. 268.
- ↑ Roger Protz, op. cit., p. 46.
- ↑ Mario D’Eer, op. cit., p. 197.
- ↑ Christopher Finch, Bière : un tour du monde de l’amateur, p. 107. Michael Jackson, op. cit., p. 189.
- ↑ Mario D’Eer, op. cit., p. 197.
- ↑ Michael Jackson, op. cit., p. 32.
- ↑ Christopher Finch, op. cit., p. 53.
- ↑ Courrier de l’orge, n° 20, hiver 2000, [3], « Pilsner Urquell en mains sud-africaines ».
- ↑ Mario D’Eer, op. cit., p. 194 et 197.
- ↑ Vaclav Richter, Radio Prague, 18 mars 1999
- ↑ Les Échos, 24 septembre 1999.
- ↑ Les Échos, 11 octobre 1999.
- ↑ a et b Omar Mounir, Radio Prague, 8 octobre 1999 [4], « Quel goût aura la bière de Plzeň ? »
- ↑ 231,7 M hl de bière, soit 13,1 % de part de marché. Source : institut Plato Logic.
- ↑ Toutes nos sources relatives à la fabrication de la Pilsner Urquell sont datées d'avant 1999, c'est-à-dire d'avant la prise de contrôle de Plzeňský Prazdroj par SAB. Il est très difficile aujourd'hui d'obtenir des précisions de cet ordre.
- ↑ Pour les Tchèques, le mot prazdroj (pilsner), qui signifie « brassée à Pilsen », ne désigne pas un style, mais une marque de bière. Le type auquel appartient la Pilsner Urquell est dit svetle 12° (les Tchèques se réfèrent à l’échelle de Balling). En Allemagne, en revanche, pilsener désigne un style de bière (Mario D’Eer, op. cit., p. 198-200).
- ↑ Michael Jackson, op. cit., p. 29.
- ↑ Mario D’Eer, op. cit., p. 194.
- ↑ Marc De Jonge, (en) [5], Decoction Mashing.
- ↑ (en) Schéma interactif de la fabrication de la Pilsen Urquell
- ↑ La proportion eau/malt et les températures successives de l’ensemble de la maische sont fournies par Peter A. Ensminger, (en) — The History and Brewing Methods of Pilsner Urquell. Il a obtenu lui-même ces précisions (en 1997) de Jaroslav Rous, alors vice-président marketing et commercial de Plzeňský Prazdroj, et de Pavel Prucha, directeur du contrôle qualité. De son côté, Marc De Jonge (en) — Decoction Mashing, donnant le volume des trempes, les températures et les temps, détaille la méthode de brasseries belges qui serait « plus ou moins », dit-il, celle de la Pilsner Urquell.
- ↑ Ne pas confondre avec Venceslas Ier, roi de Bohême, cité plus haut. Il s’agit ici de Venceslas IV de Bohême, empereur romain germanique sous le nom de Venceslas Ier.
- ↑ Michael Jackson, op. cit., p. 25 et 29.
- ↑ Mario D’Eer, op. cit., p. 195.
- ↑ À noter qu’un brasseur connu a eu le front de mener toute une campagne de publicité vantant son passage de la bouteille brune à la bouteille verte. Voir aussi Mario D’Eer, op. cit., p. 36-37, 197 et 201 (où figure une analyse comparative Pilsner Urquell en bouteille verte / Pilsner Urquell en boîte. Voir aussi Dégustation à l’aveugle de Pilsner Urquell : bouteille verte contre boîte
- ↑ Mario D’Eer, op. cit., p. 197.
- ↑ David Kenning et Robert Jackson, op. cit., p. 268.
- ↑ Michael Jackson, op. cit., p. 108.
- ↑ Mario D'Eer, op. cit., p. 199.
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