- Passion selon saint Jean
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La Passion selon Saint Jean (Passio secundum Johannem), est une œuvre de Johann Sebastian Bach (Jean-Sébastien Bach). Dans le catalogue établi vers 1950, elle porte la cote BWV 245.
Il s'agit là d'une des œuvres majeures de Bach. Son exécution dure environ 2 heures.
Les quatre Évangiles racontent la Passion du Christ, mais on ne connaît que deux mises en musique de cet épisode par Jean-Sébastien Bach : celle de saint Jean et celle de saint Matthieu. Des versions des passions selon saint Marc et saint Luc ont été partiellement retrouvées ; leur reconstitution a été tentée sans réel aboutissement[1] : des parties entières de ces deux œuvres ont disparu (beaucoup d'œuvres de Bach ont été éparpillées après sa mort, ses compositions étant passées de mode).
Sommaire
Analyse de l'œuvre
La Passion selon saint Jean est un drame musical. Avant que Jean-Sébastien Bach n'a été installé dans ses nouvelles fonction de cantor (on dirait actuellement, en français : maître de chapelle)[2] de la Thomaskirche (l'église Saint-Thomas) de Leipzig, le conseil municipal lui signifia qu'il aurait à s'en tenir « à des compositions non théâtrales ». Ce qui suppose l'impossibilité de composer des opéras, mais exclut surtout toute ressemblance entre la musique liturgique et la musique pour la scène (le style lyrique). Cela semble naturel. Mais Bach, en homme de son époque, a su concilier sa foi (luthérienne) avec une certaine théâtralité : son art est un art du discours et de la rhétorique, un art de la parole. Il s'agissait avant tout, dans son esprit, de faire entendre la parole donnée par l'évangile et donc de mettre en forme le drame signifié par le texte. On est là en plein dans une esthétique baroque, telle qu'elle se pratiquait dans toute l'Europe, à commencer par l'Italie, depuis le XVIIe siècle et les innovations musicales introduites à l'initiative des Jésuites.
C'est pourquoi, dix bons mois après son entrée en fonction, le Vendredi saint 1724, Bach faisait entendre à la Nikolaikirche sa passion selon saint Jean, œuvre dont même la première des quatre versions qui nous sont parvenues peut sembler (si l'on examine les choses rapidement) faire fi des contraintes citées plus haut. C'est en effet un ouvrage éminemment dramatique : même si sa dramaturgie ne relève pas à proprement parler de l'opéra ni du théâtre, elle s'exprime dans la façon dont Bach lie intimement l'histoire, rapportée par la Passion, avec son discours musical et rend présentes dans le déroulement de son œuvre, aussi bien les souffrances du Seigneur que les autres réactions humaines, le tout néanmoins, A soli deo gloria (Pour la seule gloire de Dieu), ainsi qu'il avait l'habitude de signer ses partitions.
Au centre de tout oratorio ayant la Passion pour objet, on trouve le récit de l'Évangile, qui se déroule à deux niveaux : celui du narrateur (l'Évangéliste, placé en avant de la scène) et celui des personnages agissant et parlant en leur nom propre (Jésus, l'apôtre Pierre, Pilate, etc...), personnages auxquels s'ajoutent les différents groupes (la foule - turba -, les grands prêtres, etc.). Le texte, tiré du Nouveau Testament), est présenté et non représenté (il ne s'agit pas d'un opéra mais d'un oratorio), mais le récit évangélique, dans la mise en musique qui est faite par Bach, est bien plus qu'une simple récitation. Un peu par plaisanterie, on a pu appeler quelquefois Bach, "le cinquième Évangéliste". Un autre élément est le commentaire chanté dans les airs de solistes (souvent précédés d'un court arioso). Les chorals relient la "scène" et les fidèles, puisque ceux-ci connaissent la partie supérieure (la partie aiguë) de ces prières chantées, proprement luthériennes puisqu'elles en constituent la base de la liturgie musicale.
Son Évangéliste est un conteur, un intermédiaire, dont l'interprétation expressive crée une proximité avec les événements qu'il relate. Et ce n'est pas par hasard que Bertolt Brecht citait toujours le premier récitatif de la Passion selon saint Jean comme « un admirable exemple du caractère gestuel de la musique. »
Cette idée fondamentale d'action et de drame humain aboutit à ce que les récitatifs et les chœurs font passer le message dans un esprit voisin du spectacle. La structure même de l'ensemble fait du récit de la Passion une sorte d'œuvre théâtrale, car il s'agit, pour Bach, de mettre l'accent sur la mort du Dieu chrétien, qui, selon le texte, a choisi de s'incarner. Bach croit fermement que la parole de Dieu (notion qui est à la base des religions monothéistes) est devenue un être humain, et donc un être mortel. C'est le récit de cette mort (et de cette sorte de rite de passage) qui est donné ici.
Le texte évangélique fragmente l'œuvre en plusieurs scènes : Arrestation - Jésus devant les chefs des prêtres - Jésus devant Pilate - Crucifixion - Mise au tombeau. Bach respecte ce schéma, en terminant chaque épisode par un choral et en ménageant après le deuxième tableau une pause destinée au sermon prononcé par l'officiant.
La Passion de saint Jean est l'interprétation poétique et musicale d'une partie des Évangiles. Elle est autant évocatrice et bouleversante que les Stabat Mater de Pergolèse ou de Vivaldi. Par contre, il est évident que c'est un lyrisme éloigné des opéras profanes. Qu'entend-t-on exactement par lyrisme ? Si on se tient à la définition la plus simple : l'art de mettre des paroles en musique, on doit reconnnaître Bach comme un maître lyrique.
Les différentes exécutions
Les sources conservées nous transmettent la Passion selon saint Jean en quatre versions. Bach l'a donc fait exécuter au moins quatre fois. Elle fut vraisemblablement composée en 1724 durant les six semaines du Carême, soit du Mercredi des Cendres au Vendredi saint et il est possible qu'elle ait adopté quelques morceaux des cantates écrites durant les années de Weimar.
La première exécution a eu lieu le 7 avril 1724, jour du vendredi saint, à l'église Saint-Nicolas de Leipzig. En 1725, l'œuvre fut donnée dans une seconde version, et la troisième exécution a eu lieu entre 1728 et 1732. Une autre dut avoir lieu entre 1746 et 1749, dans les dernières années de la vie de Bach.
La datation des exécutions est particulièrement instructive car les changements apportés donnent un aperçu de la manière selon laquelle Bach créait et prouvent la distance critique dont il faisait preuve à l'égard de ses propres compositions. La différence la plus remarquable entre la première et la seconde version est la suivante : tandis que la version de 1724 s'ouvre sur le chœur « Herr, unser Herrscher », la version de 1725 s'ouvre sur le chœur « O Mensch, bewein' dein Sünde gross » qui est le chœur qui conclut la première partie de la Passion selon Saint Matthieu. On entend généralement la version de 1724, qui appartient en propre à cette Passion et fait peut-être plus ressortir la « gravité » de l'œuvre.[réf. nécessaire]
Ce même trait distingue les récitatifs des Passions de Bach et des récitatifs d'opéras. Une Sinfonia (perdue) interpolée dans la troisième version fut aussi éliminée de la quatrième, qui rétablit dès lors la forme originale. C'est cette version initiale et finale que restitue la partition conservée.
Notes
- Il a pourtant été "reconstitué" une belle Passion selon saint Marc, de Bach.
- maîtrise et d'écrire de la musique (autre que proprement liturgique), pour les offices. Sa fonction était donc de diriger le chœur de l'église et les musiciens de l'orchestre (en partie composés de professionnels), de former les enfants de la
Enregistrements
- Münchener Bach-Chor et Münchener Bach-Orchester (Chœur et orchestre Bach de Munich), Karl Richter, Archiv Produktion Polydor, 1964
- Chœur et Orchestre du Collegium Vocale de Gand, Philippe Herreweghe, Harmonia Mundi, 1977 et 2001
- Chœur et Orchestre de La Petite Bande, Sigiswald Kuijken, Deutsche Harmonia Mundi, 1987
- Rundfunkchor Leipzig (Chœur de la radio de Leipzig) et Staatskapelle Dresden, Peter Schreier, Philips Records, 1988
- Chœur du King`s College, Cambridge (Choir of King's College, Cambridge (en)), Orchestre : The Brandenburg consort (direction : Roy Goodman), Stephen Cleobury, Brilliant Classics, 1996
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