- Mishellénisme
-
Le mishellénisme est une haine de la Grèce, des Grecs et de la culture grecque. C'est l'inverse du philhellénisme.
Bien que moins visible que le philhellénisme, le mishellénisme fut présent tout au long de l'Histoire.
Sommaire
Antiquité romaine
Au-delà de Caton l'Ancien, qui lorsqu'il était censeur s'éleva contre l'hellénisation de la République romaine, la littérature latine exprime un certain mishellénisme.
Virgile écrit au livre II de l’Énéide, le vers « Timeo Danaos et dona ferentes » (« Je crains les Grecs, même lorsqu'ils apportent des cadeaux ») qui joua un rôle très important dans la diffusion du mishellénisme, car il constitua longtemps un exemple de grammaire latine, tout comme le « Non possum ferre, Quirites, Graecam Urbem » (« Je ne peux supporter, Citoyens, une Ville grecque »)[1].
Pline l'Ancien, Sénèque, Quintilien avaient la même opinion des Grecs, qu'ils trouvaient impudents, vénaux, vaniteux et serviles : il y avait eu très peu de bons Grecs, et ils étaient tous morts. Les auteurs chrétiens étaient du même avis. La Première Épître aux Corinthiens était vue comme un catalogue des vices et dépravations empêchant les Grecs de gagner le Paradis[1].
Moyen Âge
Au Moyen Âge, la Grèce et les Grecs étaient présentés par la propagande des clercs de l'église catholique romaine, imbibés par l'étude de Virgile et des auteurs latins, avec suspicion, mépris voire dégoût[2]. Il y eut d'abord des problèmes religieux liés au Schisme de 1054, qui vit les excommunications mutuelles du Pape et du Patriarche de Constantinople. Il entraîna la création de deux Églises chrétiennes rivales : l'Église Romaine et l'Église Orthodoxe. Après la Quatrième croisade, le fossé s'élargit encore sur le plan religieux. L'Occident considéra que la chute de Constantinople en 1204 et le partage de l'Empire Byzantin ôtaient aux Grecs toute possibilité de jouer un rôle politique de premier plan. Elle provoqua un effacement durable de la puissance byzantine face à un Occident latin qui s'empara alors de l'hégémonie mondiale. Même si d'un point de vue local, dès 1261-1262 les Grecs avaient reconquis leur capitale et recréé leur Empire, la puissance et le rayonnement byzantin avaient définitivement pâli[3]. Enfin, la prise de Constantinople en 1453, et d'Athènes en 1456 par les Ottomans achevèrent de ternir l'image des Hellènes. La disparition politique de l'Empire Byzantin était en effet accompagnée de la sujétion religieuse de l'Empire Chrétien.
Époques moderne et contemporaine
Après la libération du joug ottoman, au début des années 1830, le mishellénisme se développa à nouveau. Un des arguments qui avaient poussé au philhellénisme et à l'engagement de l'Occident pour la cause grecque était que les Grecs étaient certes dégénérés, mais dans cet état à cause de leur sujétion aux Ottomans. Lorsqu'après la libération, les Grecs ne se montrèrent pas meilleurs comme l'avaient espéré les Occidentaux, le discours se modifia.
Les textes d'Edmond About comme La Grèce contemporaine de 1854 expriment cette opinion. À un moment où le philhellénisme n'était plus à la mode, il présente une Grèce peuplée de gens malhonnêtes qui n'ont rien à voir avec leurs glorieux ancêtres de l'époque de Périclès et dont l'archétype est le bandit de grand chemin qui n'a même plus l'excuse d'être klephte et pallikare. Cet ouvrage est souvent considéré comme fondateur du mishellénisme, mais, il n'en est que la cristallisation et le véhicule principal. Il fige aussi dans l'esprit des Français la différence définitive entre la Grèce antique, positive, et la Grèce moderne, à oublier[4].
Entre 1919 et 1922, eut lieu la guerre gréco-turque qui avait pour objet la reprise par les nationalistes turcs, des terres concédées à la Grèce par le Sultan ottoman au traité de Sèvres, et en partie peuplées de populations grecques. Ce fut l'occasion pour un autre écrivain français, Pierre Loti, de faire montre de mishellénisme. Celui-ci avait pour justification sa turcophilie, l'écrivain français allant jusqu'à faire construire une mosquée et un salon turc en sa demeure de Rochefort, et à s'habiller en costume turc .
Bibliographie
Ouvrages
- (fr) Sophie Basch, Le Mirage grec. La Grèce moderne devant l'opinion française. (1846-1946)., Hatier, Paris, 1995. (ISBN 2-218-062698)
- (fr) Sophie Basch (dir.), La métamorphose des ruines., École française d'Athènes (coll. Champs helléniques modernes), Athènes, 2004. (ISBN 2869581742)
- (fr) Georges Contogeorgis, Histoire de la Grèce, Hatier, coll. « Nations d'Europe », 1992 (ISBN 2-218-03-841-2).
- (fr) Gilles Grivaud (éditeur), Le(s) mishellénisme(s), Actes du séminaire tenu à l'École française d'Athènes, 16-18 mars 1998, Athènes, éd. École française d'Athènes (coll. Champs helléniques modernes et contemporains 3), 2001.
- (en) Terence Spencer, Fair Greece, Sad Relic. Literary Philhellenism from Shakespeare to Byron., Denis Harvey, Athènes, 1986. (ISBN 0907978215) (première édition 1954)
Articles
- (fr) Catherine Valenti, « L'École française d'Athènes au cœur des relations franco-helléniques. 1846-1946. », Revue d'Histoire moderne et contemporaine, n°50-4, 2003. lire sur Cairn
Notes et références
- T. Spencer, op. cit., p. 32-35
- ISBN 9780500233368) p.7 Sir Steven Runciman dans l'Introduction de Fani-Maria Tsigakou, The Rediscovery of Greece., Thames & Hudson, 1981, (
- Georges Contogeorgis, Histoire de la Grèce., p.191, 204 et 213.
- C. Valenti, article cité.
Wikimedia Foundation. 2010.