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Marsile de Padoue
Marsile de Padoue, en italien Marsilio ou Marsiglio da Padova (vers 1275 - vers 1342) était un théoricien politique italien très violemment opposé aux prétentions temporelles de la Papauté.
À ce titre, il eut notamment une controverse avec Augustin d'Ancône, défenseur de la théocratie. Il est opposé aux thèses de saint Augustin. Pour lui, l'État est exclusivement une société d'intérêts matériels, un appareil de puissance purement terrestre. Son œuvre qui peut apparaître très radicale en période médiévale est continuée et modérée par le philosophe Guillaume d'Occam.
Il précise ses théories dans son Defensor pacis en 1324.
Pensée
Marsile de Padoue appartenait au courant de pensée pro-égalitaire selon lequel aucune domination n'existait avant la chute originelle: il se tient dans la lignée d'Aristote pour affirmer que l'homme est un animal politique, mais c'est surtout suite à la chute que les hommes se sont rassemblés en villages, puis en cités, et que la loi humaine est apparue pour régler les rapports entre citoyens. Le pouvoir de domination (ou pouvoir coercitif) n'est pas vu comme une chose naturelle, mais est lié à l'exercice de la loi humaine.
Marsile conçoit deux fins à la vie humaine: depuis toujours, l'homme a pour fin personnelle le salut éternel, mais depuis la chute - par laquelle il a pris son autonomie (cf. le libre-arbitre qui en est le gage) - l'homme a également pour finalité un bonheur humain qu'il obtiendra par le biais de la paix civile et l'autarcie. Tandis que la finalité céleste ne concerne que les citoyens que sur le plan individuel, la finalité terrestre concerne l'ensemble des citoyens en tant que collectivité; pour cette raison, Marsile distingue strictement la morale religieuse (basée sur l'évangile) de la morale politique ou morale naturelle (fondée sur la conception aristotélicienne), il distingue totalement la foi et la raison.
Marsile n'utilise pas l'expression de "loi naturelle", car cette notion met de l'eau au moulin de ses ennemis politiques (les partisans de la théocratie pontificale). Il considère par contre la loi divine (loi ancienne / loi nouvelle) et la loi humaine. La loi humaine est la création du législateur humain (le peuple ou sa partie prépondérante) ou plutôt de l'empereur qui est considéré comme législateur délégué par le peuple. Le législateur s'inspire de la morale naturelle aristotélicienne pour créer sa loi, mais la loi humaine n'est pas directement dérivée de la loi naturelle (comme c'est le cas notamment chez Thomas d'Aquin). Le législateur doit aussi s'abstenir d'édicter des lois qui contredisent la loi divine. Précisons encore que le peuple ne fonctionne pas, chez Marsile de Padoue, à la manière de nos démocraties modernes où une somme d'individus semblent opposer leurs intérêts propres. S'inspirant d'Averroès, Marsile conçoit la multitude comme une seule entité qui juge unanimement. Enfin, c'est le législateur humain fidèle (c'est à dire les citoyens chrétiens) qui édictent les lois ecclésiastiques par le biais du Concile général, où il se fait normalement représenter par l'empereur. Cette emprise du pouvoir civile sur le pouvoir religieux est caractéristique de la pensée de Marsile de Padoue.
En effet, à la plenitudo potestatis du pape, Marsile oppose la plénitude de pouvoir de l'empereur. Faisant la promotion de l'unité politique contre tout, il propose la monarchie élective comme meilleur système politique et soumet au prince (empereur) la totalité des hommes, y compris le pape et l'ensemble du clergé. Il va plus loin encore dans ses attaques contre la papauté: se basant sur de nombreux arguments de l'évangile et des pères de l'Eglise, il préconise qu'aucun prêtre n'a le droit d'exercer un pouvoir politique; voir aussi, à ce sujet, la querelle sur la pauvreté méritoire dans laquelle Marsile de Padoue prend parti en faveur des franciscains (les clercs et les moines ne doivent rien posséder).
Le prince, selon Marsile de Padoue, peut modifier la loi en tant que représentant du législateur humain (bien que la loi possède une grande inertie et ne doit être modifiée qu'avec prudence et justice); en ce sens, il est donc au-dessus de la loi. Toutefois, en tant qu'il applique la loi, il lui est soumis, ainsi que pour sa propre conduite personnelle.
D'après Marsile de Padoue, Dieu est la cause lointaine du pouvoir politique; Il en est aussi directement son origine. Mais c'est l'ensemble des citoyens, ou sa partie prépondérante, qui en est la cause efficiente directe et qui le légitime par élection.
Marsile de Padoue a ouvert la porte, sans la franchir, aux démocraties telles que nous les connaissons (voir notamment sa vision du citoyen). Il a aussi ouvert la voie au protestantisme (valeurs séculières, soumission de l'Eglise à l'Etat, critique des institutions ecclésiastiques au nom de l'Evangile, rôle des prêtres réduit à l'évangélisation et celui des sacrements aux aspects moraux, etc.). Marsile est aussi un précurseur de la définition moderne du laïc (valeur donnée à la vie séculière).
Oeuvres
- Defensor Pacis
- De translatione [Romani] imperii
- Defensor Minor
Liens connexes
- Augustinisme politique
- Dante Alighieri
- Gilles de Rome
- Jean de Jandun
- Le pape Jean XXII
- Louis IV du Saint-Empire
- L'antipape Nicolas V
- Querelle des Investitures
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