- Manioc en Guyane
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En Guyane, le manioc a longtemps constitué la base de l'alimentation, et cela est encore vrai dans les zones rurales (communautés amérindiennes, marronnes, créoles et haïtiennes) reposant sur les productions de l'abattis. On le trouve sur les marchés sous forme de tubercules pour les variétés douces appelées ici en créole puis français kramangnok (cramanioc), et sous forme transformée (kwak ; couac, kasav cassave, sispa, tapioca, crabio, "pains de pulpe de manioc") pour les variétés amères.
Sommaire
Produits transformés issus du Manioc
le couac
Il s'agit d'une semoule sèche plus ou moins grossière dont la couleur va du jaune vif au gris en passant par le blanc. Il est fabriqué traditionnellement à partir des variétés de manioc amer. Pour l'obtenir, on commence par éplucher les tubercules. Puis on les réduit en une pâte grossière à l'aide de la "planche à grager", une tôle criblée d'impacts de pointe, ou pour les plus primitives, une planche de bois où l'on incruste de petits cristaux de quartz (aujourd'hui, lorsque c'est possible un broyeur tend à remplacer cet instrument). La bouillie ainsi obtenue est ensuite introduite dans une "couleuvre", une vannerie tubulaire allongée, souvent ouvragée, pourvue d'une boucle à chaque extrémité. La couleuvre est ensuite étirée pour presser la pâte et en exprimer le jus toxique (cyanure). Le jus toxique est récupéré puis détoxifié à son tour par une longue cuisson, et peut être consommé sous forme de soupe. Le tapioca se concentre généralement dans le bas de la couleuvre. La pulpe détoxifiée et compressée est parfois vendue sur les marchés. Il arrive qu'on la laisse ensuite reposer quelques jours afin qu'elle se colore et prenne un goût plus fort. La pulpe est alors effritée et tamisée à l'aide d'un manaré tressé, pour extraire les fibres ligneuses et les gros morceaux. Cette semoule crue est alors grillée sur une grande platine en acier (à l'origine en terre cuite) de diamètre supérieur à 1m, posée sur un feu. Pendant cette opération, il faut veiller à retourner sans cesse la semoule pour éviter qu'elle ne s'agglomère. Cette semoule grillée est appelée "couac" ou "farine de manioc" (farinha de mandioca au Brésil). Absorbant, le couac remplace le pain lors de tous les repas. Il peut être consommé seul (cru), en salade (façon taboulé), grillé à la poële dans des matières grasses pour un accompagnement (plat nommé Farofa au Brésil), en gratin, etc. De conservation longue et facile, nourrissant, naturellement déshydraté, il entre idéalement dans le menu des gens séjournant en forêt.
la cassave
C'est une grande galette plate (généralement plus de 50 cm de diamètre) issue du même processus de fabrication que le couac : lors de la dernière phase de cuisson, la semoule est au contraire amalgamée en une grande galette. La cassave est consommée comme du pain pour tartiner ou pour éponger une sauce ou une soupe. En langue kali'na, la cassave est appelée alepa.
le tapioca
C'est la partie la plus connue et la plus riche du manioc. Il s'agit d'amidon assez pur. Voir la fabrication du couac pour connaître son mode traditionnel d'extraction.
la sispa
C'est une petite galette (environ 5cm de diamètre) blanche sucrée ou salée, faite à base d'amidon de manioc et de noix de coco. Elles sont assez fondantes et sèches.
le crabio
C'est le jus de manioc détoxifié par cuisson. Généralement de couleur jaune-orangé, il est vendu sur les marchés dans de petites bouteilles de soda, macérant avec des piments. Il est consommé comme une sauce d'accompagnement ou comme ingrédient. On l'appelle toucoupi dans les langues tupi-guarani comme le wayampi, le teko ou au Brésil (ex : le canard au toucoupi est un plat réputé dans le nord du Brésil).
le cachiri
C'est la bière traditionnelle amérindienne fabriquée à partir du manioc. Il en existe plusieurs recettes. Certaines utilisent la pâte de manioc détoxifiée, d'autres des cassaves volontairement trop cuites. La préparation du cachiri est généralement confiée aux femmes : elles mâchent le manioc et le recrachent dans un récipient où le liquide est laissé à fermenter quelque temps. Plus un cachiri est ancien, plus il se charge en alcool (généralement pas plus de 2 ou 3°Alc.), mais on ne lui laisse généralement pas beaucoup de temps. La mastication a pour rôle de digérer l'amidon en sucres simples fermentiscibles grâce à l'amylase salivaire. Certains cachiris sont confectionnés à partir d'ignames violets bouillis (les amérindiens wayampi l'appellent calalou) ou à partir d'épis de maïs. Le cachiri joue un grand rôle social pour les communautés : il permet à tout le monde de se réunir et de discuter longuement.
Le manioc et l'artisanat
Le travail lié au manioc ne se réduit pas au travail de l'abattis. Il donne aussi lieu à des objets traditionnels, supports de l'imaginaire collectif de chaque communauté. Outre les planches à grager, on compte un grand nombre de vanneries : katouri-dos (paniers de ramassage), couleuvres, manaré (tamis). Généralement tressées à partir de tiges d'arouman (Ischnosiphon sp., Marantaceae), les motifs décoratifs présents sur ces objets témoignent de la mythologie et généralement de la grande richesse culturelle des communautés guyanaises (amérindiens et businengue).
Histoire
Des traces archéologiques de la culture du manioc par les amérindiens sont observables dans la région d'Iracoubo sous la forme de champs surélevés (buttes de terre régulièrement espacées formant des ponctuations sur les images aériennes) dans des zones actuellement occupées par de la savane ou de la forêt.
La « culture » du manioc
En tant que plante reine de l'abattis guyanais, le manioc occupe une place de choix dans le patrimoine culturel guyanais. Les populations commencent à s'en apercevoir et à le mettre en valeur : depuis 2004, une fête du manioc a lieu annuellement à Iracoubo, commune réputée pour son couac et ses sispas. Depuis 2005, une autre est organisée à Cayenne en octobre. Depuis 2006, la commune amérindienne kali'na d'Awala-Yalimapo organise une « journée du manioc » en mai.
De nouveaux produits dérivés du manioc maintenant fabriqués localement (chips de cramanioc) tendent à devenir à la mode.
Liens externes
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