- L’Île des esclaves
-
L'Île des esclaves
L’Île des esclaves Édition princeps
Auteur Marivaux Genre Comédie Pays d'origine France Lieu de parution Paris Éditeur Noël Pissot, Pierre Delormel et François Flahaut Date de parution 1725 Date de la 1re représentation 5 mars 1725 Lieu de la 1re représentation hôtel de Bourgogne L’Île des esclaves est une comédie en un acte (11 scènes) et en prose de Marivaux représentée pour la première fois le lundi 5 mars 1725, à l’Hôtel de Bourgogne par les Comédiens Italiens.
Le mélange des genres se retrouve sur tous les plans : les personnages grecs, le naufrage ainsi que le caractère d’Euphrosine tendent vers une tragédie. Mais la pièce est bien une comédie : confusion des sentiments, échanges de pouvoir entre maîtres et valets, enfin l’aspect résolument comique du personnage d’Arlequin. De plus, la pièce se termine sur une reprise du pouvoir par les maîtres et le retour au statut d’esclave de Cléanthis et d’Arlequin ; ce retour à la situation initiale est le propre de la comédie.
L’histoire
Iphicrate et son valet Arlequin ayant fait naufrage, ils débarquent sur une île fondée, il y a une centaine d’années, par des esclaves révoltés. Dans cette île, les maîtres deviennent des valets et les valets des maîtres. Ainsi, Iphicrate et son laquais Arlequin, Euphrosine et sa soubrette Cléanthis échangent leur condition, leurs vêtements et aussi leurs noms.
Chacun se voit contraint, dès son arrivée, d’en observer la loi, dont Trivelin, ancien esclave et gouverneur de l’île, est le garant. Entre autres humiliations que les anciens maîtres ont à subir, pour leur bien d’ailleurs, ils doivent s’entendre dire leurs vérités par leurs serviteurs. Trivelin demande à la servante Cléanthis de tracer le portrait de sa maîtresse Euphrosine et il promet d’abréger cette épreuve si Euphrosine reconnaît la vérité de ce portrait.
Cléanthis et Arlequin prennent beaucoup de recul par rapport à leur nouveau statut et miment une scène de séduction mondaine. Arlequin entreprend la conquête d’Euphrosine, mais il est ému par la souffrance que lui cause son nouveau statut.
Finalement, Arlequin pardonne à son maître et reprend son habit de valet ; Cléanthis imite son exemple. Pleins de gratitude et de remords, Iphicrate et Euphrosine les embrassent avec émotion. C’est cette réconciliation que souhaitait Trivelin, qui tire la morale de la comédie en disant aux serviteurs : « Nous aurions puni vos vengeances comme nous avons puni leurs duretés » et aux maîtres : « Vous avez été leurs maîtres, et vous avez mal agi ; ils sont devenus les vôtres et ils vous pardonnent ; faites vos réflexions là-dessus. La différence des conditions n’est qu’une épreuve que les dieux font sur nous. »
Personnages
- Iphicrate, général athénien.
- Arlequin, son esclave.
- Euphrosine, dame athénienne.
- Cléanthis, son esclave et serviteur.
- Trivelin, magistrat de l’île.
- Habitants de l’île.
Typologie
On dénombre au total cinq personnages dans cette pièce, trois ont des noms grecs et les deux autres sont issus de la commedia dell'arte.
Arlequin
Arlequin est un personnage célèbre de la commedia dell'arte. C’est un bouffon paresseux, naïf et familier. On le représente souvent dans son manteau coloré et une bouteille à la main. Ces attributs signalent au public qu’il ne faut pas tenir compte de ses paroles. Il est ici l’esclave d’Iphicrate et deviendra maître au même titre que Cléanthis. Il profitera de son statut de maître, mais se montrera peu rancunier envers son ancien maître. Véritable électron libre du théâtre, pour qui rien ne porte à conséquence, retournera rapidement à son statut d’esclave.
Iphicrate
Iphicrate veut dire, en grec, celui qui gouverne par la force, ce qui renvoie à un ordre social. Sa chute sociale est caractérisée par la perte de son épée et de ses habits de maître. Triste, un peu ému, retenant sa colère, au désespoir, il évolue vers une franche colère (poursuite armée) ➢ affrontement comico-dramatique.
Cléanthis
Cléanthis est l’esclave d’Euphrosine avant de devenir sa maîtresse suite au renversement de pouvoir initié par Trivelin. Elle s’avérera beaucoup plus rancunière qu’Arlequin envers son ancienne maîtresse et assouvit une soif de vengeance tant et si bien que Trivelin doit la modérer. Elle ne rendra pas son statut de maître de son plein gré. Sans doute avait-elle compris que redevenir esclave ne lui apporterait rien de bon...
Euphrosine
Euphrosine est la maîtresse de Cléanthis. Elle apparait comme une femme coquette. Elle dément les dires de Cléanthis à son sujet et ne souhaite avouer en aucun cas ses défauts à Trivelin.
Trivelin
Trivelin (en tiers) orchestre la passation de pouvoirs. Ancien esclave, il raconte qu’à son arrivée sur l’île, il a supprimé les maîtres, mais que c’était par un désir de vengeance et non d’égalité. Il a donc mis en place le système de passation de pouvoir. Il semble plutôt être du côté des maîtres : il est gouverneur de l’île et manifeste beaucoup de ménagement à l’égard des maîtres. Durant toute l’épreuve de passation de pouvoirs, il continuera de traiter les maîtres comme tels.
Bibliographie
- (de) Peter Brockmeier, « La Raison en marche: Über Form und Inhalt der Belehrung bei Montesquieu, Marivaux und Voltaire », Europäische Lehrdichtung, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchges, 1981, p. 159-73.
- (en) Derek F. Connon, « The Servant as Master: Disguise, Role-Reversal and Social Comment in Three Plays of Marivaux », Studies in the Commediaa dell’Arte, Cardiff, U of Wales P, 1993, p. 120-37.
- Sjef Houppermans, « La Pensée du corps chez Marivaux : de L’Île des esclaves aux Fausses confidences », Pensée de Marivaux, Amsterdam, Rodopi, 2002, p. 55-67.
- Emmanuelle Mortgat, « Deux couplets retrouvés : quelques questions sur le divertissement de L’Ile des esclaves », Revue Marivaux, 1992, no 2, p. 34-37.
- Fabrice Schurmans, « Le Tremblement des codes dans les trois Iles de Marivaux », Revue d’Histoire du Théâtre, juil.-sept. 2004, no 3 (223), p. 195-212.
- (en) Philip Stewart, « Iles ironiques », Impressions d’îles, Toulouse, PU du Mirail, 1996, p. 271-80.
- (en) Amy Wyngaard, « Switching Codes: Class, Clothing, and Cultural Change in the Works of Marivaux and Watteau », Eighteenth-Century Studies, Summer 2000, no 33 (4), p. 523-41.
- Izabella Zatorska, « L’Ile des esclaves de Marivaux : une révolution sur parole », Parole et révolutions, Paris ; Genève, Champion ; Slatkine, 1992, p. 161-73.
- Izabella Zatorska, « L’Ile des esclaves de Marivaux : une utopie à l’italienne », Marivaux e il teatro italiano, Pise, Pacini, 1992, p. 113-24.
Liens externes
- La pièce et ses représentations au XVIIIe siècle sur le site CÉSAR
- L'île des esclaves a été mis en scène par la Compagnie Mack et les gars en 2009 au Plateau 31 et est actuellement en tournée.
Sites pédagogiques
- Texte et étude de la pièce sur le site bacdefrançais.net
- Texte et étude de la pièce sur le site magister.com
- Portail du théâtre
- Portail des Lumières
Catégorie : Pièce de théâtre de Marivaux
Wikimedia Foundation. 2010.