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Lucien Cuénot
Lucien Cuénot, né le 21 octobre 1866 à Paris, décédé le 7 janvier 1951 à Nancy, était un biologiste et généticien français.
Sommaire
Le premier généticien français
Le nom de Lucien Cuénot reste attaché à la naissance de la génétique, dans un pays qui n'a pas su apprécier l'ampleur de ses précoces réflexions. Il fut le premier grand biologiste français de la première moitié du XXe siècle, un des derniers grands naturalistes de ce siècle et aussi un théoricien de l'évolution, seul de sa catégorie en France à pouvoir rivaliser avec les fondateurs de cette nouvelle discipline qui s'élaborait dans les pays anglo-saxons.
Très précocement (1894), Cuénot fut le seul en France à affirmer l'impossibilité de la transmission des caractères acquis (néo-lamarckisme) ainsi que sa pleine adhésion non seulement aux thèses de Darwin (les êtres vivants dérivent les uns des autres par petites variations fortuites continues passées au crible de la sélection naturelle) mais aussi à la théorie de August Weismann (1834-1914) (1883), qui postulait en plus l'existence d'un support matériel de l'hérédité. La redécouverte des Lois de Mendel chez les végétaux en 1901 imposa l’idée que des particules matérielles indépendantes et juxtaposées (appelées plus tard gènes) se transmettaient, selon des lois statistiques immuables, de génération en génération. La France était à cette époque, du fait de sa tradition lamarckiste scientifique et sociale, bien loin d’accepter une telle idée. En 1902 pourtant, Cuénot retrouva ces lois chez l’animal. Puis il découvrit, en 1905, le premier cas de gène létal chez l’animal, le premier phénomène d’épistasie (1907) où plusieurs gènes situés à des endroits différents du chromosome interviennent dans la même voie biochimique, et, en 1908, le premier cas de pléiotropie où certains gènes peuvent agir sur plusieurs caractères en apparence indépendants. Entre 1908 et 1912, il démontra l’origine héréditaire de certains cas de cancer. C'est grâce à lui que son ami le professeur Philibert Guinier (1876-1962) écrivit, en 1912, des articles prémonitoires entrevoyant ce que les lois de l’hérédité et la sélection pourraient apporter à la gestion des peuplements forestiers. En outre, dès 1903, Lucien Cuénot proposa une interaction possible entre mnémon (gène), diastase (enzyme) et pigments ce qui, dans le contexte français de l'époque, était une prouesse.
Un théoricien de l'évolution
L'impossibilité de poursuivre ses recherches en génétique après guerre conduisit Cuénot à devenir un théoricien de cette nouvelle discipline en germe, l'évolution. Il est vrai qu'il avait déjà élaboré une théorie de la préadaptation conçue entre 1901 et 1909, lors de ses observations de faune cavernicole en Lorraine. La théorie de Cuénot postule qu'une place vide est investie par une faune avoisinante, par hasard pré-adaptée à l’endroit : tout se passe comme si certaines espèces possédaient déjà, dans un milieu voisin, le potentiel génétique capable d’exprimer la morphologie, la physiologie et le comportement ad hoc.
Cuénot, en homme curieux et passionné, allait aussi interpeler ses contemporains au moyen de modèles biologiques qui, aujourd'hui encore, ne trouvent pas d'explication dans le cadre de la biologie réductionniste telle qu'elle s'est développée dans les années 1950 à 1970, à partir de la découverte de la structure de l'ADN, donc à la mort de Cuénot. La morphogenèse et l'origine évolutive des coaptations, formidables organes-outils tels que le bouton-pression de la carapace du crabe, les pattes ravisseuses type couteau pliant des nèpes, ou les canules perforées de côté et injectant un liquide toxique ou paralysant, retrouvées aussi bien chez les araignées, les scorpions, les chilopodes, le fourmilion, le dytique ou la sacculine (parasite du crabe). Cuénot pensait qu’une forme de conscience des besoins, un plan dans la matière même, une sorte de démon organisateur était à l’origine de ces organes-outils qui ne devaient rien au hasard. Cela lui valut une mise à l'index : accusé d'être finaliste, voire finaliste chrétien, alors qu'il entretenait, bien au contraire, des rapports houleux avec la religion dominante, il connut un long purgatoire. La lumière des connaissances actuelles éclaire désormais la pertinence de ses réflexions. Ainsi, la pensée évolutionniste de Cuénot, qui refusait d'accorder les pleins pouvoirs au couple hasard-sélection naturelle, est proche de celle du grand paléontologue contemporain Stephen G. Gould (1941-2002).
Liste partielle des publications
- La Genèse des espèces animales, Paris, Alcan, 1911 (1921, 1932).
- L'Adaptation, Paris, Doin, 1925.
- La Loi en biologie, Paris, Alcan, 1934.
- L'Espèce, Paris, Doin, 1936.
- (Avec Jean Rostand), Introduction à la génétique, Paris, Centre de documentation universitaire, 1936.
- Invention et finalité en biologie, Paris, Flammarion, 1941.
- L'Évolution biologique : les faits, les incertitudes, Paris, Masson, 1951 (avec Andrée Tétry).
Sources
- Chomard-Lexa (Annette), Lucien Cuénot, l'intuition naturaliste, Paris, L'Harmattan, 2004. Préface de Jean Gayon (ISBN 2747561534).
- Chomard-Lexa (Annette), L'injuste purgatoire de Lucien Cuénot, Les Génies de la Science, revue trimestriel de Pour la science, n°24, août-septembre : 12-17.
Bibliographie critique
- Buican (Denis), Lucien Cuénot et la redécouverte de la génétique, Pour la science, 45, juillet 1981 : 21-29.
- Buican (Denis), Le mendélisme en France et l'œuvre de Lucien Cuénot, Scientia, CXVII, 1-4, 1982 : 105-117.
- Chomard-Lexa (Annette), Lucien Cuénot, l'intuition naturaliste, Paris, L'Harmattan, 2004. Préface de Jean Gayon (ISBN 2747561534).
- Chomard-Lexa (Annette), L'injuste purgatoire de Lucien Cuénot, Les Génies de la Science, revue trimestriel de Pour la science, n°24, août-septembre : 12-17.
- Grimoult (Cédric), L'évolution théorique d'un évolutionniste: Lucien Cuénot, Ludus Vitalis. Revista de Filosofia de la ciencias de la vida (Mexico), IX, 16, 2002 : 3-25. (ISSN 1133-5165).
- Limoges (Camille), Natural selection, phagocytosis, and preadaptation : Lucien Cuénot, 1886-1901, Journal of the history of medicine and allied sciences, 31, 1976: 176-214.
Cuénot est l’abréviation botanique officielle de Lucien Cuénot.
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