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Louis-Siméon Morin
Pour les articles homonymes, voir Morin.Louis-Siméon Morin, qu'il ne faut pas confondre avec Augustin-Norbert Morin, naquit d'une modeste famille de cultivateurs, le 20 janvier 1831, à Lavaltrie, où il mourut le 7 mai 1879.
Son père, Joseph Morin, était un fils du sol et un bon terrien lui-même, excellent catholique et patriote ardent. Par sa mère, Félicité Pelletier, Louis-Siméon était le petit-neveu de Salomon Juneau, le fondateur en 1818 de Milwaukee sur les bords du lac Michigan, et aussi le cousin de Joseph Papin, le célèbre tribun, qui fut du parti de Papineau, et contre qui le jeune Morin, fidèle à Lafon-taine, à l'autre Morin et à Cartier, rompit plus d'une lance sur les tréteaux politiques.
Le curé d'alors à Lavaltrie, M. Théberge, qui a été chargé de la paroisse de 1840 à 1846, remarqua, aussitôt après son arrivée, la mine intelligente et l'esprit éveillé de ce bel enfant de 9 ans. Il en parla avec les prêtres-directeurs de l'Assomption qui passaient souvent en visite chez lui. Bien que le père fut plutôt pauvre et chargé d'une famille nombreuse, ces Messieurs prirent les moyens de faire instruire l'enfant. À 10 ans, en 1841, il entrait au collège de l'Assomption, qui existait depuis huit ans. Il y fit merveille et ses faciles succès permirent d'augurer beaucoup pour son avenir. M. l'abbé Louis Casaubon, qui a passé toute sa vie à l'Assomption et y a laissé le souvenir d'un éducateur de premier ordre et d'un saint prêtre — il est mort en 1912, à 80 ans — avait connu Louis-Siméon écolier, alors que celui-ci terminait son cours de philosophie et de sciences.
Voici le portrait qu'il en esquissait dans ses précieuses "notes" : "Taille au-dessus de la moyenne, svelte et élégante, grands yeux limpides et front large, où rayonnaient l'intelligence et la distinction, de manières gracieuses et dégagées, tel nous apparaissait au physique le jeune Morin à son temps de collège. D'autre part, d'âme ardente et enthousiaste, d'esprit pénétrant et d'imagination vive, de jugement solide et de mémoire très heureuse, Louis-Siméon était par nature d'un caractère noble et élevé ..." Et M. Casaubon, pour montrer l'extrême facilité de ce brillant condisciple, raconte comment, à l'occasion de la visite au collège de quelque personnage, Morin, à la salle d'étude, sur un signe du directeur, savait toujours improviser habilement et complimenter M. le visiteur, en demandant, pour finir, avec un sourire engageant, un congé qu'il obtenait sans peine.
Admis au barreau de Montréal en 1852, à 21 ans, Morin se lança aussitôt, et avec un succès quasi foudroyant, dans les luttes politiques. En 1854, il batailla à la tribune populaire, dans l'Assomption, en faveur de Louis Archambeault et contre son cousin, l'éloquent et puissant Joseph Papin. En 1856, il était élu lui-même par acclamation député de Terrebonne à la Chambre des Canadas-Unis. En 1859, à 28 ans, il devenait solliciteur-général dans le cabinet Cartier-MacDonald. Battu dans Terrebonne aux élections générales de 1861, il fut aussitôt élu dans Laval, où Petrus Labelle (l'oncle maternel de M. Édouard Montpetit) démissionna en sa faveur.
Mais déjà, à cause de ses faiblesses et de ses oublis, son étoile pâlissait. Défait aux urnes en 1863, il ne se représenta plus. Il accepta, peu après, le poste de secrétaire de la commission de codification que présidait l'autre Morin (Augustin-Norbert), l'ancien premier ministre. Ce n'était en fait, ce secrétariat, qu'une sorte de sinécure, et Louis-Siméon y végéta à peu près. Quelques années plus tard, en 1873, on le nommait protonotaire à Joliette.
Au commencement de sa carrière, tout en "faisant de la politique", Morin avait aussi brillamment plaidé au palais, surtout devant la cour criminelle. Ayant fait son droit à l'étude réputée de Cherrier et Dorion, en société dans la suite avec Gérard Ouimet et Wilfrid Marchand, il n'avait pas tardé à devenir un excellent avocat. De même qu'on venait de dix lieues à la ronde aux assemblées publiques où il devait parler, ainsi on accourait de partout au prétoire quand il allait plaider. Mais tout cela sombra trop tôt.
Sans vouloir l'accabler, comme on l'a fait souvent, en ne tenant pas assez compte des circonstances, il faut admettre que, dans une situation de fonctionnaire, Morin se survivait bien un peu à lui-même. Il ne fut pas assez fort, ou assez prémuni, contre les occasions et les tentations du plaisir et de la vie joyeuse. Peut-être lui a-t-il manqué, par sa négligence à fonder un foyer, d'avoir auprès de lui une femme bonne et dévouée, qui lui eût assuré une existence plus calme et mieux ordonnée. En tout cas, Morin, resté célibataire, en dehors maintenant de la grande vie publique et en partie oublié, mourut à Lavaltrie, le 7 mai 1879, à 48 ans.
"Devenu ministre à 28 ans, entouré d'amis et d'admirateurs, il lui manqua, pour continuer à s'illustrer et à honorer son pays, a écrit L.-O. David, les habitudes d'amour du devoir, de travail et de tempérance qui auraient fait sa force. Morin montra qu'il avait plus de talent que de caractère. Ses meilleurs amis en furent consternés et le peuple en fut désappointé." Ce jugement est un peu sommaire et vraiment trop sévère. Les faiblesses et les oublis de Morin n'ont probablement pas été les seules causes de sa retraite prématurée de la vie publique. La politique est toujours ingrate et les circonstances expliquent bien des choses.
On l'a vu dans le cas de Lafontaine et dans celui de Cartier. On peut l'apercevoir aussi dans le cas de Morin. Morin était un bel homme et il avait de belles qualités. "M. l'avocat, comme on l'appelait toujours, disait récemment un ancien de Lavaltrie au neveu de Morin, l'abbé Donat Martineau (le fils de sa sœur), était bienveillant envers tout le monde et poli comme je n'en ai pas connu d'autres. Il se découvrait devant la plus pauvre des femmes et même devant un enfant. Et puis, quel bel homme il était et comme il avait fière allure !
Lors de la visite du Prince de Galles à Montréal (Édouard VII) en 1860, M. Morin, alors ministre dans le gouvernement, "passa pour le plus beau de tous les princes"! Et M. l'abbé Louis Casaubon lui a rendu ce témoignage : "Morin était un homme distingué, doux et bon, qui aurait été incapable de blesser la charité. Sa belle éducation et son goût délicat ne lui permirent jamais d'user de paroles libres ou grossières. Pour rien au monde il n'eut abusé de la crédulité populaire dans le but de nuire à un adversaire. Ferme dans ses principes religieux, il savait au besoin soutenir et défendre sa foi et les ministres de l'autel. On a eu raison d'écrire au bas de son portrait, conservé au collège, cette sentence latine : Otatot facie pulcher, ingenio pulchrior, eloquentia vere pulcherrimus — Beau de figure, plus beau encore par l'esprit, il l'était par son éloquence au suprême degré.
Un homme dont on peut dire de si belles choses, même s'il a eu ses misères et ses faiblesses, reste encore quelqu'un qu'on a le droit d'estimer et dont il convient d'honorer la mémoire.
Références
AUCLAIR, Elie. Figures canadiennes, Montréal, 1933.
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