Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme

Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme

La Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH) est une ONG à caractère non politique régie par la loi algérienne 90/31 de 1990 sur les associations. Sa vocation est la défense et la promotion des droits de l'homme en Algérie et dans le monde.

Sommaire

Organisation

Elle a sur le plan organique une compétence nationale qui lui permet d'intervenir et d'agir sur tout le territoire. Elle est structurée en sections locales, bureaux de wilaya, coordinations régionales et Conseil de Direction National.

Ses organes sont le Congrès, le Conseil National, le Comité Directeur, les Conseils de Wilaya et les Comités Locaux.

Elle est affiliée à la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), au réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l'Homme (REMDH), à la Coordination Maghrébine des Organisations des Droits Humains (CMODH).

Elle entretient des relations de partenariat avec beaucoup d'autres ONG nationales et internationales qui agissent dans la sphère des droits de l'homme.

La LADDH est strictement indépendante et une disposition statutaire, l'article 18 proscrit tout cumul de responsabilité en son sein et dans un parti politique, l'administration et les services de sécurité.

Au plan légal, elle a obtenu son agrément par arrêté du ministre de l'intérieur du 26 juillet 1989 bien que sa création remonte à 1985.

Historique

La création

L'histoire de la Ligue Algérienne de Défense des Droits de l'Homme est une histoire chaotique. Ceci procède de ce que la défense des droits de l'homme en Algérie constitue un enjeu politique majeur et que le pouvoir autoritaire n'a jamais toléré l'émergence d'un mouvement de défense des droits de l'homme autonome.

Longtemps l'Algérie est resté en marge des initiatives qui se prenaient partout tendant à la création d'organisme ou de comités de défense des droits de l'homme. On a plutôt célébré pour des raisons de commodité politiques les droits des peuples que ceux de l'homme concret, c'est-à-dire de l'individu.

Ce n'est qu'après la mort de Boumediene et sous le règne de Chadli Bendjedid que des possibilités de créer une ligue de droits de l'homme commencèrent à se faire sentir. Cette période était marquée par une ambivalence notoire. D'un côté on multipliait l'ouverture de procès devant la cour de sûreté de l'État pour n'importe quelle initiative politique autonome, de l'autre on percevait des tendances réelles favorables à l'émancipation de la société civile vis-à-vis des appareils étatiques et para étatiques du régime.

La première convergence pour une initiative nationale en vue de créer une ligue des droits de l'homme remonte à 1984. Un groupe à majorité d'enseignants du secondaire agrégé autour de Mustapha ben Mohamed futur président du PT (Parti des Travailleurs) fit une proposition de créer une organisation des droits de l'homme et un syndicat indépendants. Parallèlement à Tizi-Ouzou, après un procès houleux fait aux enfants de Chouhadas qui avaient perturbé un séminaire sur la wilaya 3, patronné par Messaàdia, on projeta d'annoncer la création d'un comité de défense des droits de l'homme à l'université à l'occasion de la célébration du 36e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'homme. Me Zehouane qui fut sollicité pour ces deux initiatives fit tout pour persuader les deux groupes de converger pour une initiative nationale. C'est ainsi qu'il organise une rencontre dans sa voiture devant l'Hospital Mustapha entre Mustapha Ben Mohamed représentant le groupe d'Alger et Saïd Saàdi celui de Tizi-Ouzou.

Il fut convenu d'aller vers une assemblée générale constitutive sans autre précision. C'est delà que s'engagèrent les préparatifs qui devaient aboutir à l'assemblée générale du restaurant El Baçour à l'angle des rues Boumendjel et Patrice Lumumba à Alger.

La première ligue algérienne des droits de l'homme devait naître de cette rencontre. Il n'en fut rien, les ambitions des uns et des autres, les infiltrations des services de sécurité minèrent les débats et les deux groupes au lieu de fusionner positivement se refermèrent sur des positions de clans et l'échec fut consommé ; le groupe de M. Ben Mohamed se précipita pour annoncer peu de temps après la constitution d'une ligue (LADH) présidée par l'avocat Omar Menouar lié à Louisa Hanoun. Elle bénéficiera immédiatement de toute l'assistance du pouvoir (agrément officiel, dotation en local administratif et facilitation en tous genres) Me Zehouane qui n'assista pas à l'assemblée du Baçour par souci de réserve vu l'hostilité des services à son égards eut auparavant une rencontre avec M. Ben Mohamed pour comprendre les raisons de l'implosion.

Les uns et les autres se rejetaient les accusations ; mais il s'avéra que l'enjeu était le contrôle de l'organisation à naître. Le clan d'Alger voulait porter Omar Ménouar à la direction et celui de Tizi-Ouzou Me Ali Yahia Abdenour.

Ainsi se consomma la rupture révélatrice au fond de cette lutte qui se manifeste partout pour la prise de contrôle et du discours et des pratiques des droits de l'homme.

Le groupe de Tizi-Ouzou ne tarda pas à réagir avec à sa tête Saïd Saàdi. Ce dernier manifesta aussi sa volonté de créer une ligue des droits de l'homme. Il sollicita avec insistance un accord et une contribution auprès de Me Zehouane. Ce dernier après hésitations, donna son aval pour que son nom apparaisse au Comité Directeur et en tant que membre fondateur.

Avant la réunion qui devait se tenir au 25 rue Didouche Mourad chez Fettouma Ouzeggane, Saïd Saàdi vient demander conseil sur la façon de procéder. Me Zehouane le fit venir dans un studio au 12 rue Mulhouse à Alger et lui rédigea autour d'une tasse de thé sur une table de cuisine, l'exposé des motifs qui devait introduire la naissance de la ligue.

L'assemblée réunit 41 membres fondateurs. Elle donna naissance à un Comité Directeur de 15 membres. Ali Yahia fut désigné comme président, Mokrane Ait Larbi vice –président, Malika Ouzeggane secrétaire générale, Hachemi Nait Djoudi secrétaire général adjoint, Malika Zerrouki trésorière, et comme membres:

La réaction du pouvoir

La réaction du pouvoir fut d'une rare violence.

Le 5 juillet 1985, deux groupes d'enfants de Chouhada, l'un à Tizi-Ouzou, l'autre à Alger au cimetière d'El Alia voulaient commémorer le jour de l'indépendance séparément des cérémonies officielles par un dépôt de gerbes de fleurs au monument aux morts ; ils furent empêchés par les forces de l'ordre ; s'ensuivirent quelques protestations avec bruits et agitations. Ils furent arrêtés et transférés à la prison de Berouaguia pour être déférés devant la cour de sûreté de l'état de Médéa. Ali Yahia qui envoya un télégramme de protestation à Chadli, fut arrêté à son tour. Ce fut le début d'un surprenant scénario difficile à comprendre tant il paraissait aberrant. Les chefs d'inculpation étaient dérisoires : attroupement et création d'une association illégale !

L'aberration n'est qu'apparente, l'opération visait à maintenir la tension en Kabylie à faire croire à Chadli qu'un danger « Kabyle » était toujours menaçant après les événements de 1980 et qu'il faut mettre un terme aux rivalités internes au sein du système.

Arrêtés début juillet 1985, les prévenus étaient convaincus de sortir sans procès au bout de quelques semaines. Certains pensaient sortir le 20 août à l'occasion de la journée du moudjahid. Le procureur général leur fit sentir que les choses allaient s'arranger ; en réalité les manipulateurs voulaient tenir le dossier prêt pour un procès au moment opportun, au moment choisi.

L'instruction était sommaire : une seule question à chaque inculpé :
- avez-vous participé à la constitution d'une association des droits de l'homme ?
- Réponse : oui
- Cette association a-t-elle des relations avec l'étranger ?
- Réponse : elle n'existe pas encore !

Le juge d'instruction et le procureur général furent même convaincus à l'audience d'avoir fabriqué et signé un seul et même texte utilisé à la fois comme réquisitoire du parquet pour la mise en accusation et ordonnance de renvoi devant la chambre de contrôle de l'instruction.

Le procès

La date choisie pour le procès fut celle de l'ouverture du congrès du FLN le 15 décembre 1985 au complexe du 5 juillet. Il s'agissait de conditionner Chadli pour le détourner de procéder aux opérations et règlements de comptes internes. L'opération fut une réussite complète. D'emblée Chadli, s'en prit dans son discours à « ceux qui ont créé un parti politique et l'ont dénommé ligue des droits de l'homme ».

À Médéa, dans une salle qui avait des allures de mosquée, le procès prit dès l'ouverture l'allure d'une confrontation politique. En présence d'observateurs étrangers (Amnesty International, Fédération Internationale des Droits de l'Homme, Barreau de Paris, Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme), Ce fut une première. Le heurt fut frontal. Pendant quatre jours, ce fut le procès du système Les accusés au nombre de vingt cinq, chacun à sa façon firent état de leur itinéraire et de leur expérience et interrogèrent la cour, en quoi la création d'une association à vocation de défense des droits de l'homme peut elle constituer un chef d'accusation d'atteinte à la sûreté de l'État ?

Les fils de Chouhadas furent pathétiques, en racontant leur vie d'enfants sans père, ayant eu leur première enfance sous la guerre et la répression et, finalement pour être traduits devant la cour de sûreté de l'État pour avoir voulu déposer des gerbes de fleurs le 5 juillet au monument aux morts en hommage aux martyrs.

La tension était si forte, qu'un temps les services de sécurité imaginèrent un arrêt du procès ; un officier en civil dans la salle s'écria « mais c'est un meeting ! »

Il y eut même un début d'encerclement de la cour puis la tentative fut arrêtée en raison de la présence des observateurs internationaux. Le procès se termina par la déclamation du chant des condamnés à morts. L'émotion était au paroxysme. La clôture des débats prononcée, on s'attendait à une délibération rapide. En effet, il n'y avait pas grand-chose à délibérer sur les faits.

Mais curieusement, celle-ci se prolongea pendant plus de 24 heures. Les verdicts tombèrent ridicules, au summum de la dérision. Des condamnations à 6 mois de prison. Ali Yahia fut condamné à 10 mois ; d'autres à 11 – 15 – 18 mois. La plus lourde peine fut de 3 ans de prison. Maître Bendifallah eut cette réflexion : « il y a quand même des condamnations humiliantes ». Quelle lecture faire de tels verdicts ?

La thèse de la manipulation et de l'instrumentalisation du procès à fin de conjurer des tensions internes au système est renforcée.

La relance

Un an et demi, après tout le monde fut élargi. Beaucoup se firent prendre à l'attrait de la mangeoire et passèrent au service du système. Il fallait attendre 1989 après la nouvelle situation créée par les événements d'octobre 1988 pour voir renaître des conditions favorables à une relance de la ligue.

Une nouvelle assemblée reconstitutive se tint au cinéma L'Atlas à Bab El Oued. Un nouveau bureau désigné, Ali Yahia fut porté à la présidence. Une nouvelle période s'ouvrait qui allait durer un peu plus de deux ans, au cours de laquelle tous les espoirs étaient permis ; puis vint en 1992 le coup d'arrêt du processus électoral, l'ouverture de camps de concentration dans le Sud, l'instauration de l'état d'urgence. L'Algérie bascule dans l'horreur et la violence aveugle.

La ligue comme toutes les organisations subit les effets destructeurs de toutes ces turbulences ; mais sur tous les points essentiels déterminants pour la vie du pays, elle maintint fermement le cap : sur le coup de force de 92, les massacres collectifs, les mesures d'internements massives dans le Sud, l'imposture de la mission du panel Soares, elle produisit des analyses et eut des positions courageuses qui font encore date aujourd'hui. 16 ans durant, la ligue est restée sans assises, sous le poids des contraintes de l'environnement et de l'hostilité du pouvoir.

Elle ne pouvait à elle seule entraîner un mouvement de masse pour un changement pacifique démocratique.

Aujourd'hui

Depuis le congrès de Boumerdes (septembre 2005), la LADDH s'efforce de refonder la vision des droits de l'homme en tant que matrice d'une société pluraliste, ouverte et régulée par le droit et la justice.

Sources et références


Voir aussi

Articles connexes

Lien externe


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