- Le roi s'amuse
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Le roi s'amuse est un drame historique en cinq actes et en vers de Victor Hugo représenté pour la première fois à Paris le 22 novembre 1832, à la Comédie-Française.
Le héros principal en est le bouffon Triboulet, personnage historique sous le règne de Louis XII et François Ier. À travers la bouche de Triboulet, Hugo dénonce la société de l'époque.
Malgré la présence de son groupe de fidèles amis et un premier acte ovationné, la pièce fut très mal accueillie et fut un échec retentissant. Elle fut même interdite dès le lendemain, tant la critique de la monarchie et de la noblesse était sensible. Triboulet lance aux courtisans cette apostrophe :
- « Vos mères aux laquais se sont prostituées : / Vous êtes tous bâtards »
vers qui pouvaient viser la conduite loin d'être irréprochable de la propre mère de Louis-Philippe[1].
Dans la préface à l'édition originale de 1832 (Paris, Librairie d'Eugène Renduel), Hugo dénonce la censure qu'il a subie de la part de la monarchie et de la noblesse dans les termes suivants : « L'apparition de ce drame au théâtre a donné lieu à un acte ministériel inouï. Le lendemain de la première représentation, l'auteur reçut de M. Jouslin de la Salle, directeur de la Scène au Théâtre-Français, le billet suivant, dont il conserve précieusement l'original : « Il est dix heures et demie et je reçois à l'instant l'ordre de suspendre les représentations du Roi s'amuse. C'est M. Taylor qui me communique cet ordre de la part du ministre. Ce 23 novembre ». »
Trois jours plus tard (26 novembre), Victor Hugo adressera la lettre suivante au rédacteur en chef du National : « Monsieur, Je suis averti qu'une partie de la généreuse jeunesse des écoles et des ateliers a le projet de se rendre ce soir ou demain au Théâtre français pour y réclamer le Roi s'amuse et pour protester hautement contre l'acte d'arbitraire inouï dont cet ouvrage est frappé. Je crois, Monsieur, qu'il est d'autres moyens d'arriver au châtiment de cette mesure illégale, je les emploierai. Permettez-moi donc d'emprunter dans cette occasion l'organe de votre journal pour supplier les amis de la liberté de l'art et de la pensée de s'abstenir d'une démonstration violente qui aboutirait peut-être à l'émeute que le gouvernement cherche à se procurer depuis si longtemps. Agréez, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée. Victor Hugo 26 novembre 1832 » (collection particulière).
La pièce a inspiré l'opéra Rigoletto de Giuseppe Verdi, dont le livret fut rédigé par Francesco Maria Piave lequel suit de très près la pièce en transposant les évènements dans le duché de Mantoue pour échapper à la censure.
Le réalisateur italien Mario Bonnard a porté la pièce à l'écran en 1941, avec Michel Simon dans le rôle de Triboulet.
La naissance d'un nouveau héros
Triboulet est tout le contraire d'un héros ordinaire : c'est un bouffon de cour, difforme, un être cruel qui encourage François Ier aux pires débauches. Il est ridicule, narcissique et veut tuer le roi. Il présente des qualités antihéroïques. Il est à la fois un monstre mais aussi un homme aux sentiments admirables. En effet, le choix de la mise en scène, notamment une atmosphère inquiétante, révèle les sentiments de désespoir et de colère de Triboulet : il veut venger sa fille ; il fait preuve d'amour paternel. Triboulet est un être double, comme le souligne cette exclamation paradoxale : « Jouis, vil bouffon, dans ta fierté profonde ». Victor Hugo donne naissance à un héros tragique, loin du héros traditionnel.
Le drame romantique
Dans Le roi s'amuse, les registres typiques du drame romantique sont représentés. Il y a de l'ironie tragique : en effet, le public connaît le malheur qui vient de tomber sur Triboulet alors que le personnage lui-même ignore et se réjouit de « tenir et toucher » sa vengeance. De plus, Triboulet est un personnage pathétique qui s'imagine très puissant « O Terre [...] la terre répondrait : Triboulet ! ». Il y a également le registre épique comme lorsqu'il célèbre ses exploits « Quels temps ! [...] Un meurtre sur la terre ! ». Enfin, Victor Hugo maîtrise l'art de la dramatisation. Le décor mis en place donne des indices au public sur la fin de la scène : l'orage s'est calmé, la pluie a cessé, le tonnerre n'est plus qu'un bruit de fond et le personnage est plongé dans une profonde rêverie. L'action est tendue et le spectateur est tenu en haleine.
Par exemple, la fin de la scène 3 acte V : Triboulet se réjouit de sa vengeance avant de découvrir, dans le sac apporté par le tueur, le corps de sa fille.
Notes et références
- Jean-Michel Brèque dans Rigoletto de Verdi, L'avant-scène opéra -sept-oct 1988
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- Œuvre littéraire à l'origine d'un livret d'opéra ou de ballet
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