Le Mois De La Photographie À Montréal

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Le Mois de la Photographie à Montréal

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Le Mois de la Photo à Montréal est un festival qui se déroule tous les deux ans à Montréal. En plus de présenter des œuvres photographiques d'envergure internationale, il permet au public de rencontrer les photographes par le biais de conférences, de vernissages, de colloques. Mais c'est également l'occasion d'un réflexion en profondeur sur le médium.

Sommaire

Environnement culturel

La photo au Canada

Le Canada propose trois centres principaux aux amateurs de photographie. Tous les trois sont situés dans la moitié est du pays :

  • Ottawa, la capitale politique avec la Galerie Nationale qui inclut le Musée Canadien de la Photographie Contemporaine
  • Toronto, la capitale économique avec son festival annuel « Contact » en mai, ses galeries privées et l’AGO (Galerie d’Art de l’Ontario)
  • Montréal avec son Mois de la Photographie.

Montréal et la culture

Montréal peut quasiment prétendre à un statut de capitale canadienne de la culture par le nombre de ses festivals : photographie donc, mais aussi danse contemporaine, jazz, film, théâtre… A cela il convient d’ajouter une forte activité universitaire dans les domaines artistiques avec l’UQAM (Université de Québec à Montréal), Concordia, et McGill (université anglophone). Toutes les trois sont des partenaires du Mois de la Photo tant par le prêt d’espaces d’exposition que par la participation active de leurs enseignants et étudiants. Côté institutionnel Montréal compte aussi, et entre autres, un Musée des Beaux Arts, un Musée d’Art Contemporain, plusieurs centres culturels, galeries privées ou à but non-lucratif.

Le Mois de la Photo à Montréal

Fonctionnement

Le Mois de la Photo à Montréal est, depuis l'édition 2003, un festival indépendant sous la responsabilité d'un directeur administratif Chuck Samuels, qui conserve toujours son humour et son efficacité quelque que soit le niveau de stress) et d'une équipe certes réduite mais particulièrement active. Plusieurs partenaires sont également mis à contribution et notamment la VOX qui a organisé le festival jusqu'en 2002 et qui a décidé d'en faire un organisme indépendant.

Le budget sur 2 ans est d’environ 700 000 dollars canadiens, en baisse significative par rapport à 2003. Un budget bien inférieur à ceux des grands frères d’Arles ou Paris, une équipe réduite, l’absence de sponsors privés, le Mois de la Photo 2005 réussit à conjuguer photographie Montréalaise, Québécoise, nationale et internationale avec succès. Avec Fotofest à Houston (Texas), ils sont les deux seuls festivals à la fois populaires et de qualité internationale du continent nord américain (Toronto est plus local), réaffirmant la volonté constante des élus montréalais et québécois (le Québec s’est doté d’un conseil des Arts et des Lettres alors que l’on cherche encore un ministère de la culture au sud de la frontière canadienne où on attend sans doute une intervention « providentielle » de type « Intelligent Design ») de donner à Montréal une dimension culturelle que peu de villes partagent à l’échelle de la planète. Un point noir cependant subsiste : il semblerait que les dépenses aient quelque peu excédé les recettes et le déficit s’avère reconductible ce qui va sans doute forcer le bureau du festival à chercher d’autres financements pour sa version 2007.

9e édition (Septembre 2005)

La neuvième édition s'est déroulé du 8 septembre au 10 octobre sous la houlette de Martha Langford, historienne de la photographie, enseignante à l’université de Concordia, commissaire d’exposition, ancienne directrice fondatrice du musée canadien de la photographie.

Image & Imagination

C'était le thème général retenu tentant de « mettre en lumière un aspect négligé de l’expérience photographique : la vie d’une image dans l’esprit du spectateur ». Idée certes originale mais dont la résolution ne semble, et ne fut pas, des plus évidentes. Certes, il est vrai que l’intérêt, la beauté d’une œuvre résident toujours, au bout du compte, dans le regard du spectateur, cependant chaque spectateur, en dépit d’un fond culturel plus au moins partagé, a, par rapport à une œuvre donnée, une approche et une réponse qui lui sont propres. Comment peut-on rendre compte de la vie d’une image dans l’esprit du spectateur, en tant qu’expérience personnelle ou par une compilation de témoignages, ce qui devient un exercice ayant plus trait à l’anthropologie, la psychologie, ou la sociologie qu’à une pratique artistique. De fait, et que l’on se rassure, les expositions montraient des vues et approches artistiques idiosyncrasiques (individuelles) qui ne fournirent sans doute que peu de réponses au prémisse du festival.

Déclination du thème

Au delà de ce thème central, le Mois en déclinait de la manière suivante en trois rubriques :

  • Visées de l’imaginaire, qui ouvre toutes grandes les fenêtres de la perception. La vue et les autres sens sont ici stimulés par des œuvres qui sollicitent tout le corps.
  • Refléter le soi, rejouer l’autre, qui remet en question les frontières sociales et spatiales. Les spectateurs sont invités à imaginer leurs rôles face au passé, au présent et à l’avenir de la planète.
  • Une façon de fermer les yeux, qui pénètre le monde de l’invisible, des fantômes et autres phénomènes d’apparition. La participation du public y est cruciale, puisque ces images ne peuvent se matérialiser sans l’imagination du spectateur.

Particularités

Le programme 2005, en plus de quelques 26 expositions incluant la participation de près d’une centaine d’artistes, offrait une fête d’ouverture le 8 septembre, des vernissages en présence de nombreux artistes du 8 au 14 septembre, des conférences d’artistes, des visites guidées et un colloque de deux jours ouvert au public les 22 et 23 septembre. La soirée du vendredi 9 septembre rendit hommage à l’importante participation des femmes artistes cette année. Répondant à un cahier des charges co-défini par le festival et ses financeurs publics (Ville de Montréal, province de Québec, état fédéral), une vaste majorité des participants étaient canadiens, une décision qui permet à tout visiteur canadien ou étranger d’apprécier non seulement la réalité mais également la diversité de la production photographique canadienne. Le Mois, en collaboration avec VOX et l’UQAM, proposa deux rétrospectives d’artistes conceptuels canadiens de réputation internationale utilisant la photographie, Michael Snow et Iain Baxter. De Savona de Michel Campeau aux Irradiations de Denis Farley, en passant par Randall Anderson, Marc Audette, Diane Borsato, Destiny Deacon, Evergon, Michael Flomen, Rafael Goldchain, et Arthur Renwick, entre autres…, la photographie créatrice canadienne est bien vivante. La qualité de ces productions n’avait rien à envier à celle des illustres invités étrangers, de la série des places de parkings libres de Martin Parr (présent durant la semaine d’ouverture), aux photographies des Joel Sternfeld, Carolee Schneeman, Tracey Moffatt, Shana et Robert Parke-Harrison, Glenn Sloggett, Karen Brett. La seule représentation française consistait en un travail iconoclastique d’invention d’une ville fictive, Glooscap, par Alain Bublex. On peut regretter ici qu’un festival international canadien certes, mais québécois aussi, accorde aussi peu de place à la photographie française et plus généralement francophone. La raison en a certainement été cette année le peu de finances disponibles au niveau des Affaires Culturelles du consulat français, ainsi, aussi indubitablement, les choix d’une commissaire d’exposition parfaitement bilingue certes mais de culture anglophone. A ce titre il était intéressant de noter que la quasi totalité des interventions en français étaient traduites en anglais, que les photographes canadiens francophones s’exprimaient souvent en anglais, mais que la démarche inverse était loin de s’opérer. Ayant aussi fait l’expérience de Contact à Toronto, où systématiquement rien n’est traduit en français, je peux comprendre l’exaspération québécoise parfois exprimée à l’encontre des pratiques linguistiques des concitoyens en régions anglophones !

Découvertes

Sur un plan encore plus subjectif, je voudrais ici m’arrêter sur quelques découvertes ou coups de cœur de ce festival.

Tout d’abord le travail fantastique et philosophique du couple américain Shana et Robert Parke-Harrison exposé à la cité des arts du cirque, Tohu. Ce travail est extrait de leur série Le frère de l’architecte où Robert, « monsieur tout le monde », intervient en costume classique sombre dans un paysage que son frère, l’architecte, a dû créer mais qui n’est pas sans défaut. Robert invente donc des machines naïves et élaborées, faites de bric et de broques, et s’atèle à la tâche illusoire de réparer les oublis et bévues de son créateur de frère, le tout dans des paysages onirico-fanstastiques en noir et blanc. La maîtrise technique et l’esthétique poétique déployés sont telles que leur œuvre est sans doute inégalée dans l’histoire de la photographie.

Le centre d’art d’Amherst présentait, avec les travaux de Susan Butler et Lindy Lee, une série, Toujours au chapitre des constats des maux de ce monde, le centre des arts Saidye Bronfman recevait les œuvres de Noritoshi Hirakawa, Anna Palakunnathu Matthew, Michael Ensminger, et Rafael Goldchain. Ces deux derniers artistes ont des démarches qui semblent à l’opposé l’une de l’autre mais par juxtaposition se complètent en fait. Michael Ensminger propose une série d’images noir et blanc de type « snapshot » ou instantanés pris sur le vif d’un homme, lui-même, à l’apparence de clochard, debout sur le trottoir ou le côté d’une grande rue passante. Il tient un panneau de carton au niveau de son ventre sur lequel on peut lire quelques mots, à chaque fois différents, qui prennent le contre-pied de la situation et en même temps, par ce biais même, dénoncent les travers de la société nord-américaine et avec elle tout le modèle occidental après la chute du mur de Berlin. Les exemples sont du type : J’accepte les stocks options, ou Mon fils est au tableau d’honneur de son école, Soutenez nos troupes, ou encore J’ai perdu 28 kilos, demandez moi comment !, Consommez !.

Le travail de Rafael Goldchain consiste en une série de portraits d’hommes et de femmes, un alignement quelque peu stéréotypé de personnages juifs, hommes et femmes, qu’il a reconstitué en utilisant son propre visage comme matière première et en le confiant aux soins de maquilleurs. Pris à la Harcourt, l’effet est saisissant et comique. Une autre série fascinante est celle d’Arthur Renwick, descendant des Premières Nations (Amérindien) lui-même, l’artiste rend hommage aux chefs et guerriers qui se sont rendus à Washington pour signer le traité de Fort Laramie en 1868. Chaque panneau vertical est composé pour sa moitié inférieure, d’un paysage des plaines du Dakota du Sud. La moitié supérieure consiste en une feuille d’aluminium percée d’un large signe de ponctuation au travers duquel on peut voir la feuille de cuivre placée en fond. Aluminium et cuivre sont les deux métaux qu’extrait la plus grosse compagnie de minerai canadienne dans le centre et l’ouest du pays, employant les populations autochtones qu’elle chasse de leur territoires traditionnels. Le père de l’artiste, et Renwick lui-même, ont travaillé pour cette compagnie. Renwick senior comme un grand nombre de mineurs y a perdu sa santé, un problème en partie dû aux conditions insalubres de travail. Les signes de ponctuation sont ceux qui ont été modifiés dans le traité, en changeant le sens au profit du gouvernement américains et des industriels qui poussaient à l’expansion et l’exploitation des territoires de l’ouest. La série de photographies disposées sur les murs d’une petite salle lui donne une atmosphère de recueillement et solennité intense.

A l’opposé de ces artistes soumis à des préoccupations altruistes, l’anglaise Karen Brett présentait une étonnante série à la galerie Powerhouse, The Myth of Sexual Loss (Le mythe de la perte de sexualité). De grandes photographies carrées en couleur montrent des gros plans de personnes âgées s’adonnant aux plaisirs du sexe. Karen Brett est infirmière et artiste. Son observation des personnes âgées l’a conduite à réaliser des images justes et fortes qui questionnent nos idées reçues et les quasi tabous en la matière de notre culture. Ce que tous ces artistes ont en commun c’est un sens aigu de l’adéquation de la forme et du fond, l’utilisation judicieuse de l’esthétique photographique à des fins d’expression et de communication, de l’engagement de l’artiste dans le monde qui l’entoure sans pour cela tomber dans la propagande et y perdre son art. A cette liste on pourrait également ajouter les œuvres de deux artistes canadiens, plus métaphoriques cependant, Denis Farley et Michel Campeau.

Particularités

Le Mois de la Photo à Montréal, au-delà de la présentation de centaines d’images, c’est aussi une réflexion en profondeur sur le médium. La particularité de ce festival consiste en des liens étroits entretenus avec les trois université locales (où, d’ailleurs enseignent la commissaire générale de cette année, Martha Langford, ainsi que le commissaire de l'édition 2003, Vincent Lavoie). Un colloque « historien » (plutôt qu’ «  historique ») et critique se tenait les 22 et 23 septembre dans les locaux du centre canadien d’architecture. Les invités en étaient Geoffrey Batchen (City University of New York), Vincent Lavoie (UQAM), Fae Brauer (University of New South Wales), Michel Campeau, Holly King, Michael Snow, Francine Dagenais (Université McGill), Martyn Jolly (Australian National University), Louise Déry, Carolee Schneeman, Kirsty Robertson (Queen’s University), et Peggy Gale (Toronto).

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