La grève générale de 1926 au Royaume-Uni

La grève générale de 1926 au Royaume-Uni

Grève générale de 1926 au Royaume-Uni

La grève générale de 1926 au Royaume-Uni s'étala sur neuf jours du 3 au 12 mai. Elle fut déclenchée par le secrétariat général du Trades Union Congress (TUC) suite à des négociations infructueuses avec le gouvernement lors du conflit sur le salaire des mineurs.

Sommaire

Les causes de la grève

En 1925, le charbonnage au Royaume-Uni connut une crise économique due à 5 facteurs principaux :

  • La Première Guerre mondiale avait entraîné une consommation sans précédent de charbon et avait épuisé certains filons. La Grande-Bretagne avait alors exporté moins de charbon qu'en temps de paix, ce qui avait permis à d'autres pays comme les États-Unis, la Pologne ou l'Allemagne de s'ancrer sur le marché.
  • La productivité était au plus bas. De 310 tonnes par an et par mineur dans les années 1880, elle était d'abord tombée à 247 tonnes au début du siècle pour atteindre 199 tonnes au début des années 1920.
  • La chute des prix du charbon entraînée par le Plan Dawes de 1925 qui permit à l'Allemagne d'exporter du charbon gratuit vers la France et l'Italie à titre de réparation de guerre.
  • Le retour à l'étalon-or engagé par Winston Churchill en 1925 qui, en maintenant une livre forte, réduisit les exportations et mit à mal une grande partie de l'économie par la hausse des taux d'intérêt.
  • La réduction des salaires et l'augmentation des heures journalières des mineurs par leur employeur ayant pour but la stabilisation des prix à la production du charbon.
The Subsidised Mineowner - Poor Beggar!
publié dans le Trade Union Unity Magazine (1925)

Lorsque les exploitants de mine annoncèrent leur intention de réduire les salaires, le TUC promit aux mineurs de les soutenir dans leur lutte. La menace d'une grève générale poussa le gouvernement, dirigé par Stanley Baldwin, à voter une subvention de neuf mois pour maintenir les salaires et à engager une enquête parlementaire, dirigée par Herbert Samuel, pour examiner les solutions possibles à la crise.

Cette implication gouvernementale est plus connue sous le nom de "Red Friday" (jeudi rouge) car elle marque une victoire importante de la solidarité ouvrière et du socialisme. Mais, loin de profiter uniquement aux ouvriers, cette subvention permit surtout au gouvernement et au patronat de se préparer au conflit à venir. Herbert Smith, un des leaders de la Miners' Federation of Great Britain, dit d'ailleurs à cette occasion : "Ne criez pas victoire, ce n'est qu'un armistice" (We have no need to glorify about victory. It is only an armistice).

Le rapport que la commission Samuel publia en mars 1926 admettait que le secteur avait besoin d'être réorganisé mais rejetait l'idée de la nationalisation, qui avait été préconisée pour le maintien de la productivité et des profits dans les industries en crise dans un rapport de la Sankey Commission en 1919 mais avait été rejetée par le premier ministre de l'époque, David Lloyd George. Il préconisait en revanche la réduction des salaires pour le maintien des profits des entreprises.

Suite à la publication du rapport de la commission Samuel, les exploitants annoncèrent un allongement de la durée de travail quotidienne et des réductions de salaires allant de 10 à 25 % selon les régions. Ils menacèrent également de déclencher un lock-out le 1er mai si les syndicats n'acceptaient pas leurs propositions, pratique par laquelle les employeurs empêchaient les mineurs de travailler pour épuiser leurs économies et leur imposer des conditions de travail plus dures. La Miners' Federation of Great Britain (MFGB) refusa les baisses de salaires et les négociations au niveau régional, usant du slogan "Pas un centime de moins sur la paie et pas une seconde de plus par jour" (Not a penny off the pay, not a second on the day).

La grève générale

Un congrès fut organisé par le TUC le 1er mai 1926 qui déboucha sur l'annonce d'un débrayage général en soutien aux mineurs pour le 3 mai.

Les leaders du Parti travailliste prirent peur face à la tournure révolutionnaire que prenaient les événements et se déclarèrent contre la grève générale. Durant les deux jours qui suivirent l'annonce du TUC, le gouvernement et le patronat multiplièrent les propositions pour éviter le conflit, mais leurs efforts furent sapés lorsque, à la dernière minute avant l'impression de l'édition du 3 mai du Daily Mail, les imprimeurs refusèrent de publier un éditorial appelant au patriotisme contre la grève générale intitulé For King and Country (Pour le roi et pour le pays). Leurs objections se focalisèrent sur le passage suivant : "Une grève générale n'est pas un conflit confiné à un secteur de l'industrie mais représente une menace pour le gouvernement et l'Etat de droit" ("A general strike is not an industrial dispute. It is a revolutionary move which can only succeed by destroying the government and subverting the rights and liberties of the people"). Quand Baldwin eut écho du sabordage de l'éditorial, il quitta la table des négociations en dénonçant l'action des imprimeurs comme une atteinte à la liberté de la presse.

George V, à contrecourant du gouvernement qui jugeait le mouvement révolutionnaire, prit position en faveur des grévistes en déclarant : "Essayez donc de vivre avec leur salaire avant de les juger" ("Try living on their wages before you judge them").

L'opinion publique soutint majoritairement le gouvernement, considérant l'action des gréviste comme un déclin de la démocratie visant à instaurer le communisme en Grande Bretagne.

Le TUC, afin de contrer ces rumeurs de révolution couvée, limita la mobilisation des grévistes aux industries clés telles que les chemins de fer, l'imprimerie, les docks et la métallurgie.

Le gouvernement s'était préparé à la crise durant les neuf mois précédents et avait créé des organismes tels que l'Organisation pour le maintien de la production (Organization for the maintenance of supplies) pour assurer un service minimum dans les secteurs touchés, jouant la carte du patriotisme anti-bolchévique pour recruter des volontaires. Le gouvernement fit ainsi usage de l'Emergency Powers Act de 1920 pour que des soldats et des bénévoles puissent prendre le relais des grévistes et continuer à faire fonctionner l'économie.

Le 4 mai 1926, le nombre de gréviste était compris entre 1,5 et 1,75 millions. L'ampleur de la mobilisation des travailleurs grévistes surprit autant le gouvernement que le TUC.

Le 5 mai, les machines de propagande se mirent en branle. Le chancelier de l'Échiquier de l'époque, Winston Churchill, prit position dans le journal The British Gazette : "Je ne pense pas que le TUC ait autant le droit que le gouvernement de publier sa version des faits dans l'objectif d'exhorter ses partisans à poursuivre leur action. Nourrir la nation est une tâche beaucoup plus ardue que de la détruire." ("I do not agree that the TUC have as much right as the Government to publish their side of the case and to exhort their followers to continue action. It is a very much more difficult task to feed the nation than it is to wreck it"). Le TUC publia sa réponse dans son journal The British Worker : "Nous ne faisons pas la guerre au peuple. Nous redoutons que le citoyen ordinaire soit pénalisé par l'attitude anti-patriotique des exploitants miniers et du gouvernement." ("We are not making war on the people. We are anxious that the ordinary members of the public shall not be penalized for the unpatriotic conduct of the mine owners and the government").

Le 6 mai, le ton monta lorsque Baldwin déclara : "La grève générale est un acte de défiance vis-à-vis du parlement qui ne peut mener qu'à l'anarchie." ("The General Strike is a challenge to the parliament and is the road to anarchy"). Le secteur des transports redémarra partiellement grâce à des bénévoles et des travailleurs non-solidaires du mouvement.

Le 7 mai, les représentants du TUC et Herbert Samuel reprirent les négociations afin de trouver une issue satisfaisante à la grève, mais la Fédération des mineurs rejeta l'ensemble des propositions. Entretemps, Churchill avait pris le contrôle des fournisseurs de papier ce qui rendit plus difficile la diffusion de la propagande du TUC via le British Worker, et le gouvernement annonça que les travailleurs décidant de reprendre le travail seraient protégés des représailles des autres grévistes.

Le 8 mai, l'action des grévistes fut brisée temporairement sur les docks de Londres par l'intervention de l'armée qui ouvrit le chemin à des camions transportant de la nourriture vers Hyde Park, faisant ainsi la démonstration du contrôle du gouvernement sur les événements.

Le 11 mai, le secrétariat général du TUC, alarmé par la rumeur d'une reprise massive du travail, publia dans le British Worker : "Le nombre de grévistes n'a pas diminué, il est en constante augmentation. Le nombre des grévistes n'a jamais été plus élevé qu'aujourd'hui." ("The number of strikers has not diminished; it is increasing. There are more workers out today than there have been at any moment since the strike began.")

Le même jour, deux syndicats engagèrent une procédure judiciaire contre le TUC pour ne pas prendre part à la grève. Le juge Astbury leur donna raison et déclara la grève générale illégale, privant ainsi le TUC de la protection du Trade Disputes Act de 1903 et l'exposant à de fortes amendes en compensation des pertes de production résultant des jours de grèves. Le gouvernement parvint ainsi à saper la base financière du TUC et à déclencher la fin de la grève.

C'est ainsi que, le 12 mai 1926, le secrétariat général du TUC se rendit au 10 Downing Street pour annoncer sa décision d'appeler à la reprise du travail en acceptant les conditions spécifiées dans le rapport de la commission Samuel en contrepartie de la promesse du gouvernement d'empêcher la victimisation des grévistes. Le gouvernement se défaussa de la responsabilité concernant les grévistes et déclara qu'il n'avait aucun moyen de contraindre les employeurs à reprendre tous les travailleurs qui avaient pris part à la grève. Le TUC fut ainsi contraint à accepter une reddition inconditionnelle.

Suite et conséquences du mouvement

Pendant plusieurs mois, les grévistes continuèrent à résister, mais le mouvement s'essouffla peu à peu. A la fin du mois de novembre, une grande partie des mineurs avaient repris le travail. Beaucoup de travailleurs ayant pris part à la grève furent renvoyés et inscrit sur une liste noire pendant plusieurs années, et ceux qui reprirent leur poste durent accepter des journées plus longues et des salaires moindres régulés par des commissions officielles.

En 1927, le gouvernement promulgua le Trade Disputes and Trade Union Act qui interdît les grèves de soutien, rendit illégales les participations obligatoires au financement des partis politiques incluses dans les cotisations des syndicats ainsi que l'adhésion des syndicats de fonctionnaires au TUC et la multiplication des piquets de grève.

Les effets de la loi se firent rapidement sentir dans le charbonnage. A début de la Seconde Guerre mondiale, le nombre d'emplois dans le secteur avait baissé d'un tiers alors que la production avait augmenté de moitié.

Notes

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