La Victoire de Samothrace

La Victoire de Samothrace

Victoire de Samothrace

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La Victoire vue de trois-quarts gauche

La Victoire de Samothrace (en grec ancien Νίκη της Σαμοθράκης / Níkê tês Samothrákês) est une sculpture grecque représentant la déesse Athéna Niké (« Athéna qui apporte la victoire »). Elle est actuellement conservée au musée du Louvre. Une reproduction de l'œuvre est située sur l'esplanade de l'Europe dans le quartier Antigone à Montpellier.

Sommaire

Découverte

Plan général du sanctuaire des Grands Dieux de Samothrace, la statue se situait au no 9

La statue est découverte en morceaux le 15 avril 1863, sur l'île de Samothrace, par Charles Champoiseau, vice-consul de France par intérim à Andrinople, au cours d'une mission d'exploration[1]. Le buste et le corps permettent à Champoiseau d'identifier une représentation de Niké, la Victoire, traditionnellement représentée comme une femme ailée. Les morceaux sont envoyés au musée du Louvre.

En 1875, une mission archéologique autrichienne fouille de nouveau le site. On identifie alors les gros blocs de marbre gris trouvés à proximité comme la proue d'un navire servant de base à la statue, représentation qui se retrouve sur des tétradrachmes de Démétrios Poliorcète frappés suite à sa victoire sur Ptolémée Ier à Salamine de Chypre, en 306 av. J.-C.[2] La statue est alors restituée selon ce modèle, c'est-à-dire avec une trompette à la main. Cependant, la découverte en 1950 par Jean Charbonneaux d'une main droite a contredit cette théorie : largement ouverte et les doigts tendus, la main ne tient pas d'attribut[3].

Les relevés permettent également de montrer que le monument était disposé obliquement dans un exèdre rectangulaire situé à l'extrémité d'une terrasse à flanc de colline qui surplombe le théâtre du sanctuaire des Grands Dieux[4]. La vue normale de la statue est donc son trois-quarts gauche, comme l'atteste la disparité importante de finition entre les deux côtés de la statue — celle du côté droit est très rudimentaire[5]. Sur ces bases, et à l'aide de quelques moulages (aile droite, sein gauche, dos du buste), une reconstitution complète est effectuée au Louvre en 1884. La statue est placée sur le palier supérieur de l'escalier Daru, où elle se trouve toujours.

L'ensemble

La Victoire

La statue est en marbre blanc, probablement originaire de Paros. Elle représente une femme ailée, allégorie de la Victoire, vêtue d'un chiton à rabat ceinturé sous la poitrine, en tissu très fin, laissant apparaître les courbes du corps ; partiellement recouverte d'un himation (manteau) enroulé sur la taille et découvrant la jambe gauche. Le vent plaque les vêtements contre le corps et gonfle le chiton à l'arrière : la Victoire est représentée en train de se poser sur le pont du navire. Dans la restitution la plus communément acceptée, elle lève le bras droit, sans doute pour annoncer la victoire, tandis que son autre bras est ramené le long du corps. Peut-être tenait-il un trophée, comme la stylis (hampe arrière) d'un bateau ennemi[6].

La Victoire est composée de six blocs de marbre travaillés séparément : le corps, le buste, les deux bras et les deux ailes. Cette astuce, largement utilisée par les sculpteurs grecs, permet d'économiser des frais de matériau : il est plus facile d'extraire de petits blocs qu'un seul gros. Or la Victoire mesure 2,38 m de haut — 3,28 m ailes comprises — soit environ 1,5 fois la hauteur naturelle[7]. Les blocs sont assemblés entre eux par des goujons de bronze.

Le bateau et le socle

Le navire représenté est typiquement rhodien : il s'agit d'une τριηρημιολία / triêrêmiolía, un petit vaisseau de guerre long, sans pont, avec deux rangs et demi de rames, des éperons latéraux et à l'avant, un éperon supérieur, un éperon inférieur et une proue recourbée. Dans son état actuel, il manque au navire les deux éperons avant et l'ornement recourbé de l'étrave, ce qui modifie l'allure générale de l'ensemble.

Le bateau et le socle sont en marbre de Lartos, gris veiné de blanc, d'origine rhodienne. Le socle lui-même est constitué de six dalles sur lesquelles s'empilent trois rangs de blocs — en tout, quinze et les fragments d'un seizième —, maintenus solidaires par des goujons, figurant le navire. Le deuxième rang se dédouble pour représenter les caisses de rames. La statue était posée sur le rang supérieur.

Datation et attribution

Relief sculpté, représentant un navire, signé Pythocritos sur la paroi de l'acropole de Lindos

Nous ne possédons aucun témoignage antique sur la statue. Celle-ci ne peut donc être datée qu'en fonction de son style. On a d'abord considéré que les monnaires de Démétrios Poliorcète représentaient le monument lui-même ; le roi l'aurait édifié en commémoration de sa victoire navale. À ce stade, la statue est attribuée à un sculpteur de la fin du IVe siècle ou du début du IIIe siècle av. J.-C., par exemple un élève de Scopas, qui a travaillé à Samothrace. Cependant, Samothrace est alors sous le contrôle de Lysimaque, ennemi de Démétrios : il parait peu probable que ce dernier ait pu y dédier un monument[8].

La découverte de monuments en forme de bateau à Lindos, une cité de Rhodes, le type de bateau représenté et l'origine du marbre du socle font ensuite conclure à un monument rhodien, en commémoration d'une victoire telle que celle de Cos (v. 261 av. J.-C.), de Sidè ou encore de Myonnisos (toutes deux en 190 av. J.-C.)[9].

L'époque correspond à la période d'activité du sculpteur Pythocritos, fils de Timocharis, mentionné par Pline[10] et plusieurs bases inscrites, connu pour être l'auteur de l'un des monuments de l'acropole de Lindos. Or Champoiseau avait trouvé en 1892, aux environs immédiats de la statue, un fragment en marbre de Lartos portant la signature « …Σ ΡΟΔΙΟΣ / …S RHODIOS »[11], ce qui peut correspondre à « Pythocritos de Rhodes ». Cependant, son rapport avec l'exèdre contenant la Victoire n'est pas attesté[12] ; surtout, la présence d'une cuvette d'encastrement de petite taille interdit d'y voir autre chose qu'une base de statuette[13].

Une autre hypothèse fait de la statue une offrande votive d'Antigone II Gonatas après sa victoire contre les Ptolémées à Cos, dans les années 250 av. J.-C. On sait en effet qu'Antigone consacre une statue à Délos : il aurait pu en consacrer une autre à Samothrace, sanctuaire traditionnellement sous protection des Antigonides[14].

Enfin, certains ont également comparé la Victoire à des personnages de la frise du Grand Autel de Pergame, dont les sculpteurs étaient alors très réputés[15].

Notes

  1. Hamiaux [1998], p. 27.
  2. Smith, p. 78.
  3. Hamiaux [1998], p. 32-33. Ces fragments (Ma 2369 bis et Ma 2369 ter) sont également exposés au musée du Louvre, où ils ont été placés en dépôt par le musée de Samothrace.
  4. Hamiaux [1998], p. 27 et Smith, p. 78.
  5. Hamiaux [1998], p. 27 et Smith, p. 78.
  6. Holtzmann et Pasquier, p. 259.
  7. Hamiaux [1998], p. 28.
  8. Hamiaux [2000].
  9. Hamiaux [2000].
  10. Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne] (XXXIV, 91).
  11. Fragment Ma 4194, H. 5 cm, L. cons. 8 cm, ép. cons. 16 cm.
  12. Smith, p. 78.
  13. Hamiaux [1998, no  51, p. 41.]
  14. Smith, p. 79.
  15. Hamiaux [2000].

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Marianne Hamiaux :
    • Les sculptures grecques, tome II, Département des antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre, éditions de la Réunion des musées nationaux, Paris, 1998 (ISBN 2-7118-3603-7), p. 27-40,
    • « La Victoire de Samothrace », feuillets pédagogiques du Louvre, Louvre et Réunion des Musées nationaux, vol. V, n° 3/43, 2000 (ISBN 2-2-7118-4191).
  • Bernard Holtzmann et Alain Pasquier, Histoire de l'art antique : l'art grec, Documentation française, coll. « Manuels de l'École du Louvre », Paris, 1998 (ISBN 2-11-003866-7), p. 258-259.
  • R. R. R. Smith, La Sculpture hellénistique, Thames & Hudson, coll. « L'univers de l'art », 1996 (ISBN 2-87811-107-9), p. 77-79.

Lien externe

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