L'art d'aimer

L'art d'aimer

L'Art d'aimer

Titre d'une édition moderne de l'"Ars amatoria", Frankfurt, Kempffer, 1644)

L'Art d'aimer (Ars amatoria) est une œuvre en vers du poète latin Ovide parue autour de l'an 1. Elle se veut une initiation à l'art de l'amour et surtout de la séduction, le mot latin amare signifiant d'abord être l'amant ou la maîtresse de quelqu'un[1].

Comme le De rerum natura ou Les Géorgiques, L'Art d'aimer affirme sa dimension didactique, mais le souci poétique matérialisé par le travail du distique élégiaque et le recours massif à la mythologie est évident.

Sommaire

Plan de l'ouvrage

L'ouvrage est divisé en trois livres.
Le premier enseigne aux hommes à séduire les femmes. Après un préambule qui présente ce manuel du séducteur, Ovide décrit plaisamment des techniques d'approche qui n'ont guère vieilli : où trouver les belles filles à Rome, engager la conversation, aux courses de l'hippodrome soutenir ses favoris, multiplier les petits gestes attentionnés, gagner la confiance de sa servante ; aux cadeaux préférer les nombreuses promesses, c'est moins coûteux, et les billets doux ; suivre la belle sans avoir l'air de la pister ; comment se comporter lors des festins, et voler les premiers baisers et une première étreinte.

Le second apprend à transformer sa conquête en amour durable : la fréquenter assidument, user de mots tendres et agréables, être attentionné, ponctuel et zélé, approuver ses goûts, gagner la complaisance de ses servantes et ses esclaves. Tolérer sans jalousie quelques rivaux et fermer les yeux sur les petites infidélités de la belle, tout en cachant celles que l'on commet, quitte à les nier si elles sont découvertes. Rester humble et patient en cas de refroidissement des relations. Et surtout, être un amant attentif au plaisir de sa partenaire.

Le dernier livre s'adresse aux femmes, et prodigue les conseils pour séduire et conserver la relation : coiffure, habillement, maquillage, attitudes et jeux d'ombre qui mettent en valeur, y compris pendant l'acte amoureux.

Thèmes de l'ouvrage

Ovide innove sur le thème amoureux par rapport à ses prédécesseurs : Catulle, Tibulle, Properce décrivaient leur passion pour une amante réelle ou imaginaire. Ovide quitte le style personnel pour un registre qu'il veut universel, et se pose en conseiller sur les techniques de séduction du beau sexe. Il garde une apparence de conformité à la bienséance en excluant les épouses, moralement intouchables, néglige les filles publiques d'une seule passe et ne s'intéresse qu'à la fréquentation assidue des courtisanes, femmes libres, disponibles et nombreuses partout présentes sur les promenades publiques, les places, à l'ombre des portiques et même sur le forum, lieu de la vertu civique, respectable par excellence[2],[1].

L'image du couple qu'Ovide présente est très éloignée de l'ancienne morale traditionnelle et reflète l'évolution des mentalités de la fin de la période républicaine : la femme n'est plus l'épouse soumise par les lois, respectueuse de son mari et jalousement protégée, la mère de famille (matrona), la maîtresse des serviteurs de la maison (domina). Ovide présente une société qui fonctionne à rebours de ces traditions ancestrales ; dans le livre II, l'homme devient esclave de sa compagne par recherche d'un plaisir nécessairement partagé et de l'amour durable, car il n'a plus l'avantage des lois. Selon Pierre Grimal, « cette liberté créait les conditions d'une expérience amoureuse "à l'état pur". Dangereuse pour la vie sociale, pour l'avenir même de Rome, destructrice de la famille et même de la personne, elle permettait au sentiment amoureux de prendre conscience de lui-même et d'accéder à des raffinements nouveaux[1]. ».

Ce qui pouvait déplaire à Auguste

Ovide fut exilé à Tomes sur les bords de la Mer Noire par Auguste, pour des raisons exactes assez mal déterminées. On affirme parfois que son ouvrage est à l'origine du bannissement de son auteur, par son amoralisme latent à l’époque où Auguste sévissait contre les débordements amoureux de sa propre fille Julie, puis de sa petite-fille Julie, et se montrait attaché à un nouvel ordre moral[3]. Plus généralement, par ses encouragements à l'amour libre, l'Art d'aimer bafouait les lois contre l'adultère que venait de promulguer Auguste[4].

Toutefois un autre rapprochement est envisageable : un passage de l’Art d’aimer est consacré à la description d’un hypothétique triomphe sur les Parthes de Caïus César, petit-fils d’Auguste[5]. Lorsqu’on sait qu’Auguste prépara une expédition en Orient, et que ce petit-fils périt en 4 des suites d’une blessure lors des préparatifs, les vers ironiques d’Ovide anticipant ce triomphe avorté devaient prendre une tournure rétrospectivement cruelle[6].

Notes

  1. a , b  et c Pierre Grimal, Rome et l’Amour, Robert Laffont, 2007, (ISBN 9782221106297), pp 114-122
  2. Ovide, l'Art d'aimer, livre I, vers 79 et suivants
  3. Paul Petit, Histoire générale de l’Empire romain, Seuil, 1974, (ISBN 2020026775), p 63
  4. Michel Christol, Daniel Nony, Rome et son empire, des origines aux invasions barbares, Hachette, collection HU, 2003, (ISBN 2011455421), p 145
  5. Ovide, Ars Amatoria, livre I, 213-228
  6. Claude Nicolet, L’inventaire du monde, Géographie et politique aux origines de l’Empire romain, Fayard, 1988, (ISBN 2-213-02020-5), pp 64 et 242

Bibliographie

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