- L'appât (fait divers)
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L'appât fait référence à une affaire criminelle de 1984, dans lequel un trio composé de Valérie Subra, Laurent Hattab et Jean-Rémi Sarraud organise des assassinats crapuleux selon un scénario qui inspirera le film L'appât de Bertrand Tavernier.
Sommaire
Les faits
Valérie Subra, jeune femme de 18 ans, vivait comme petite vendeuse dans des magasins du Sentier, mais rêvait de mener la belle vie et de partir en Amérique avec son amant Laurent Hattab. Avec un ami de ce dernier, Jean-Rémi Sarraud, ils conçoivent un plan pour gagner de l'argent : Valérie devra séduire des hommes riches dans les boîtes et les amener à l'inviter chez eux. Une fois sur place, elle introduira ses deux complices pour qu'ils tuent la victime après lui avoir extorqué de l'argent.
Le 7 décembre 1984, leur première victime est Gérard Le Laidier, un avocat de 50 ans. Il est assassiné par Laurent Hattab et Jean-Rémi Sarraud alors qu'il s'apprêtait à aller, avec Valérie Subra, dîner chez des amis. Le trio n'emporte toutefois « qu'une maigre liasse de billets ».
Après quelques tentatives infructueuses avec d'autres hommes, Valérie Subra réussit, le 16 décembre, à s'introduire chez Laurent Zarade, jeune homme de 29 ans, directeur d'une maison de prêt-à-porter. Mais un système de sécurité l'empêche d'y laisser entrer ses deux complices. Elle se fait de nouveau inviter le lendemain, et cette fois, Hattab et Sarraud réussissent à s'introduire dans l'appartement. Pendant que ses complices assassinent leur victime avec un coupe-papier, la jeune fille se réfugie dans une pièce où elle regarde une vidéo. Ils emporteront 6 000 francs et quelques bijoux, dont une montre de marque et une bague.
Le 20 décembre, le trio s'apprête à reproduire le même stratagème. Leur nouvelle proie est Paul Taiclet, chargé des relations publiques d'un restaurant, le Jardin de La Boëtie. Heureusement pour lui, la police retrouve le jour même la trace de Valérie Subra dans les carnets d'adresse de ses deux précédentes victimes et elle est arrêtée dans la journée, peu avant ses deux complices.
L'affaire fait grand bruit, mais l'attention médiatique se concentre sur le personnage féminin du trio. Paris Match publie en couverture une photographie de Valérie Subra et la qualifie de « beauté diabolique »[1].
Le procès et la peine
Ils sont jugés en 1988. Francis Szpiner avocat des parties civiles décrit Valérie Subra comme un être diabolique dont la responsabilité n'est pas moindre que ses complices. Même si elle n'a pas directement tué, elle est pour lui l'élément clef du trio. Il ajoute « unis tous les trois dans la préparation, unis tous les trois dans l'exécution, unis dans le partage, il serait choquant qu'ils ne le soient pas dans la condamnation ». L'avocat de Valérie Subra, Jean-Louis Pelletier s'insurge contre cette diabolisation : « C'est toujours par la femme que le scandale arrive. Valérie Subra c'est le péché originel, la sorcière. C'est Ève et le serpent, la tentatrice ». Il décrit une adolescente immature marquée par l'absence de son père qui a des difficultés à distinguer le bien et le mal, mais qui n'a pas de sang sur les mains. Les jurés suivront la vision de maître Szpiner et les réquisitions de l'avocat général Gérard Guilloux[2]. Les trois accusés seront condamnés solidairement à la réclusion criminelle à perpétuité avec des peines incompressibles de 18 ans (pour Hattab et Sarraud) et 16 ans (pour Subra)[3].
Depuis, ils ont tous les trois été libérés. Valérie Subra a été incarcérée au centre pénitentiaire de Rennes. La jeune femme qui avait arrêté ses études en quatrième passe son baccalauréat, puis un BTS en communication des entreprises et s'inscrit pour préparer un DEUG d'anglais. Son avocat, Maître Jean-Louis Pelletier qui continue de la visiter atteste de sa transformation morale[4].
A la prison de Rennes, Valérie Subra s'est liée d'amitié avec une surveillante. En novembre 1998, la surveillante s'inquiète de l'état de la détenue à qui sa libération conditionnelle a été refusée et lui confie un portable : « Je lui ai prêté un portable pour la soutenir parce qu'elle était démoralisée, renfermée, elle n'allait même plus au sport, elle refusait de parler avec nous, elle ne voyait plus l'avenir, quoi »[5]. Le portable sera découvert un mois plus tard. La surveillante sera condamnée à 6 mois de prison avec sursis et Valérie Subra sera transférée à Nantes. Elle a été libérée en 2001, elle s'est mariée, a eu un enfant et s'est expatriée.
Les deux hommes sont libérés en 2003. En 2010, Jean-Rémi Sarraud témoigne dans l'émission Faites entrer l'accusé, présentée par Christophe Hondelatte alors que sa mort avait été annoncée dans la presse[6]. Il s'est marié lui aussi et a eu un enfant. Il a pu se reconstruire grâce à un ami aumônier. Il est devenu informaticien grâce aux études suivies en prison.
Œuvres inspirées de l'affaire
Morgan Sportès s'est inspiré du fait divers dans son roman l'appât paru en 1990.
Ce roman a été porté à l'écran par Bertrand Tavernier. La référence au fait divers y est transparente malgré le changement de nom des protagonistes. Marie Gillain y joue le rôle de Valérie Subra (appelée Nathalie Magnan dans le film). Le but de Bertrand Tavernier n'était pas de reprendre un fait divers particulier mais plutôt d'interroger à travers lui l'origine du mal. Il pousse un cri d'alarme en montrant des enfants perdus dans une société sans repères qui ne produit que des rêves d'argent et préfère le paraître à l'être. Ils en sont les produits[7] et en viennent à commettre les pires crimes dans une sorte d'insouciance.
Isabelle Pelletier a consacré un livre au trio : Rendez-vous avec l'enfer.
Valérie Subra a mal vécu la parution du film de Bertrand Tavernier et l'attention des médias en général: « J'en ai marre des médias. Ils ne me lâchent pas. Chaque jour qui passe, je souffre d'être en prison. On ne rate jamais une occasion pour évoquer cette affaire. Il y a eu ce procès médiatique, puis un livre, puis un autre, puis le film de Bertrand Tavernier qui ne cesse de repasser à la télévision »[8].
Notes
- Paris Match du 29 janvier 1988 ayant pour titre Valérie la diabolique
- Laurent Greilsamer, Au procès de Valérie Subra Violentes réquisitions pour une "union dans la peine maximum" dans Le Monde 16 janvier 1988
- Laurent Greilsamer, Valérie Subra aux assises de Paris Réclusion criminelle à perpétuité pour le trio assassin dans Le Monde 17 janvier 1988
- Qu’est devenue Valérie Subra ? - Le nouvel observateur
- Tourancheau, Patricia, Le gage de la geôlière émue par la détenue, Libération 16 mars 1999
- On signale par exemple qu'il est décédé peu après sa libération dans Le Monde, les grands procès, 1944-2010, Paris, Les arènes, 2010, p. 307
- Tavernier conserve en cela la vision adoptée par Morgan Sportès dans son roman et qu'elle explique dans un article publié dans Le Monde : Morgan Sportès, Valérie Subra est notre fille dans Le Monde du 30 mars 1995
- Faites entrer l'accusé, La mort sur rendez-vous suivi du débat : la prison change-t-elle les détenus ? documentaire présenté par Christophe Hondelatte, diffusé le mardi 11 mai 2010 sur France 2
Sources
- Isabelle Pelletier, Le procès de Valérie Subra, Laurent Hattab et Jean-Rémy Sarraud. Rendez-vous avec l'enfer, Paris, J'ai lu, 1994, 252 p.
- Le Monde, 4 août 2006, p. 17
- Laurent Greilsamer, Au procès de Valérie Subra Violentes réquisitions pour une "union dans la peine maximum" dans Le Monde 16 janvier 1988
- Laurent Greilsamer, Valérie Subra aux assises de Paris Réclusion criminelle à perpétuité pour le trio assassin dans Le Monde 17 janvier 1988
- Pâle trio dans Le Monde, les grands procès, 1944-2010, Paris, Les arènes, 2010, p. 305-307
- Morgan Sportès, Valérie Subra est notre fille dans Le Monde du 30 mars 1995
- Tourancheau, Patricia, Le gage de la geôlière émue par la détenue, Libération 16 mars 1999 [1]
- Peine alourdie dans l'affaire du portable en prison, Libération, 9 juin 1999[2]
- Faites entrer l'accusé, La mort sur rendez-vous suivi du débat : la prison change-t-elle les détenus ? documentaire présenté par Christophe Hondelatte, diffusé le mardi 11 mai 2010 sur France 2
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