- Kitzmiller V. Dover Area School
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Kitzmiller v. Dover Area School
Kitzmiller v. Dover Area School District
Cour fédérale de District des États-Unis du district central de Pennsylvanie
Date 20 décembre 2005 Nom de l'affaire Tammy Kitzmiller, et als v. Dover Area School District, et als Numéro d'identification 04cv2688 Décision sur le fond Enseigner le dessein intelligent dans les écoles publiques viole les principes d'application du Premier Amendement de la Constitution des USA (et le premier article de la Constitution de la Pennsylvanie), car le dessein intelligent ne peut être séparé des théories créationnistes, religieuses par essence. Juge John E. Jones III Visas Ier Amend. Const. U.S.; Art. I § 3 Const. Penn.; 28 U.S.C. §§ 1331, 1343; 42 U.S.C. § 1983; 28 U.S.C. §§ 2201 and 2202; 28 U.S.C. § 1367 Le jugement Tammy Kitzmiller, et als v. Dover Area School District, et als (No. 04cv2688), est le premier dans une cour fédérale des États-Unis à condamner une école publique de district qui tentait d'obliger l'enseignement en classe de sciences de la théorie du dessein intelligent comme une alternative scientifique à la théorie darwinienne largement établie. Les plaignants (Kitzmiller et al., contre l'intelligent design) arguent que cette théorie est une forme déguisée de créationnisme, et que l'inclusion de cette théorie dans les programmes des écoles publiques viole les principes d'applications du Premier Amendement de la Constitution des États-Unis d'Amérique qui établit le principe de la séparation de l'Église et de l'État.
Des parents d'élèves de l'école publique du district de Dover, Pennsylvanie poursuivent cette école et le Conseil scolaire du district sur une décision concernant le programme de biologie. Le règlement prescrit la lecture à haute voix, avant le cours de sciences parlant de l'évolution (9ème année, âge moyen des élèves 15 ans), d'un avertissement critiquant la théorie darwinienne, et invitant les élèves à lire un livre à la bibliothèque de l'école, Of Panda and People, faisant le promotion du dessein intelligent.
Les plaignants ont été représentés par l'Union américaine des libertés civiles (American Civil Liberties Union ou ACLU), les Américains unis pour la séparation de l'Église et de l'État (Americans United for Separation of Church and State) et le cabinet d'avocats Pepper Hamilton LLP. Le Centre national pour l'éducation des sciences (National Center for Science Education ou NCSE) servit également de consultants pour les plaignants. Les défenseurs, ont quant à eux été représentés par le Thomas More Law Center. La Fondation pour la Pensée et l'Éthique (The Foundation for Thought and Ethics), éditrice du livre fondateur de l'idée du design intelligent (Of Panda and People), tenta par ailleurs de rejoindre l'affaire en tant que défenseur, mais cette demande fut rejetée [1]. Le cas fut surnommé le Dover Panda Trial, se référant au Scopes Monkey Trial (procès du singe) de 1925, qui mit en lumière la progression des théories créationnistes aux États-Unis.
Les premières auditions ont eu lieue le 26 septembre 2005. Le procès s'est fait sans jury, et l'instruction a été établie par le juge fédéral du district central de Pennsylvanie John Edward Jones III. Le procès se conclut le 4 novembre 2005 avec les auditions finales. Le jugement fut rendu le 20 décembre 2005, et statua:
- que les nouveaux programmes des écoles publiques de Dover sont inconstitutionnels [2];
- l'interdiction de l'apprentissage du dessein intelligent dans les classes de sciences des écoles publiques [3].
Peu avant le jugement, des élections on lieu afin de renouveler le mandat des membres du Conseil scolaire. Une campagne électorale très dure a opposé les membres sortants du Conseil, partisans du dessein intelligent et qui tentaient de se faire ré-élire, à une équipe d'opposition formée sur la base de la défense de l'école laïque. Le résultat de ces élections scolaires ont favorisé de manière très tranchée ces derniers et tous les conseillers scolaires qui tentaient de voir leur mandat reconduit ont été battus.
La nouvelle présidente du conseil scolaire de Dover, Bernadette Reinking, décide après le jugement de ne pas faire appel[4].
Sommaire
Enjeux et conséquences
Le principal enjeu de ce procès était de savoir si le dessein intelligent était assimilé à la religion, car le principe même de ce courant de pensée est de ne pas clairement désigner le "créateur", le "designer". Si les personnes favorables à ce courant soutiennent la séparation de celui-ci d'une quelconque religion, la plupart des gens et des scientifiques reconnus y voient une pseudo-science, une théorie religieuse chrétienne déguisée. Le jugement rendu par John E. Jones III, républicain et chrétien nommé par George W. Bush (lui-même défenseur du dessein intelligent) permet de trouver une réponse issue d'une instruction approfondie. Cette réponse est que le dessein intelligent est effectivement issu d'une thèse religieuse et qu'il ne peut être dissocié du créationnisme, thèse religieuse par essence.
Pour comprendre, il faut aussi savoir que depuis le Procès du singe, qui a révélé la vitalité des pro-créationnisme, les procès de ce type (sur un programme scolaire litigieux) n'ont cessé de se multiplier. On retiendra principalement le procès Edwards v. Aguillard, en 1987, qui a définitivement banni les thèses religieuses créationnistes clairement définies des programmes scolaires, c'est-à-dire celles où l'on dit clairement "Dieu a crée telle chose tel jour". À ce moment, les créationnistes ont tenté de trouver une manière de contourner ce jugement. Certains ont alors pensé à l'idée du "dessein intelligent", qui, en ne révélant pas le nom "du créateur", ou de la "force créatrice", permettait de cacher la question religieuse, et de se former une pseudo-conscience scientifique, avec même le thème maintes fois repris du harcèlement des scientifiques darwiniens "conservateurs".
Le résultat du procès révèle donc la filiation du dessein intelligent par rapport au créationnisme, et de fait permet de le considérer comme néo-créationniste. Les conséquences immédiates sont d'une part le retrait des programmes scolaires de la région de Dover de références à cette thèse néo-créationniste, et signe d'autre part l'arrêt de mort probable de l'enseignement de cette thèse dans les écoles publiques des États-Unis, le jugement s'étant notamment appuyé sur le premier amendement de la Constitution des États-Unis et ses principes d'application.
Contexte
Le conseil éducatif de Dover adopte en octobre 2004 une résolution demandant aux professeurs de biologie des écoles publiques de neuvième degré (niveau troisième) de lire le message qui suit :
Le Pennsylvania Academic Standards demande aux élèves d'apprendre la théorie de l'évolution de Darwin, et d'en faire éventuellement le sujet d'une partie d'un test de connaissances.
Vu que la théorie de Darwin est une théorie, elle n'est toujours pas sûre avant que de nouvelles preuves soit découvertes. La Théorie n'est pas un fait. Des lacunes existent qui ne peuvent s'expliquer. Une théorie est définie par une explication qui unifie un grand nombre d'observations.
Le design intelligent est une explication sur l'origine de la vie, qui diffère du point de vue Darwinien. Le livre de référence Of Pandas and People est accessible et destiné aux élèves qui souhaiteraient explorer cette théorie afin de comprendre ce qu'elle représente actuellement.
Comme c'est vrai pour toute théorie, les élèves sont appelés à garder un esprit critique. L'école laisse aux élèves et à leurs familles le soin de la discussion sur les origines de la vie. Les cours répondront aux programmes standards pour permettre aux élèves de les maîtriser [5].
Trois des membres du conseil votèrent contre la proposition, mais ils furent minoritaires. Les professeurs de sciences refusèrent eux de lire le message à leurs élèves, citant le code de l'éducation de Pennsylvanie, qui dit que les professeurs peuvent refuser de transmettre des informations qu'ils considèrent fausses. Finalement, ce sont les administrateurs des écoles qui lurent le message en lieu et place des professeurs.
Le conseil éducatif évoque des "lacunes" dans l'évolution, qui doit plus être considérée comme une théorie et non un fait établi, et que les élèves ont le droit d'étudier d'autres points de vue sur les origines de la vie. Le conseil éducatif déclare qu'il n'enseignera pas le design intelligent mais qu'il cherchera à rendre conscients les élèves de l'existence d'une alternative à l'évolution. Il réfute l'idée que le design intelligent est une théorie religieuse déguisée, bien qu'il fut représenté au procès notamment par le Thomas More Law Center, une organisation à but non lucratif qui utilise les procès pour promouvoir "la liberté religieuse des Chrétiens et des valeurs familiales sacrées."
John West, du Discovery Institute (un cercle de réflexion chrétien conservateur), a dit que le procès montre les efforts de l'ACLU pour refuser les discours dissonants en science, et de faire preuve de fermeture. "C'est une tentative dérangeante, par un juge fédéral activiste, d'arrêter la propagation d'une idée scientifique et même d'empêcher les critiques de l'évolution darwinienne par la censure gouvernementale (...), et qui est une attaque à la liberté d'expression." Ses opposants, représentés par l'Association Américaine pour la Progression de la Science (AAAS) et l'Association Nationale des Professeurs de Biologie (NABT), répondirent que son avis n'est pas qu'ironique, mais surtout hypocrite : le Discovery Institute s'oppose au naturalisme, le principe de base qui limite la science aux phénomènes naturels et à des causes naturelles, ce qui contredit son avis dans cette affaire.
Au mois de mai 2005, l'éditeur du livre Of Pandas and People, la Fondation pour la Pensée et l'Éthique (FTE) déposa une motion dans le but d'être appelé au procès. FTE argua qu'un jugement rendant le "design intelligent" religieux aurait des fortes conséquences financières, citant de possible pertes pour eux allant jusqu'à un demi million de dollar. Par cette voie, FTE voulait devenir un co-défendeur, aux côtés du conseil éducatif de la Dover Area, et ainsi apporter ses propres avocats et experts (dont William A. Dembski et Stephen C. Meyer) au cours du jugement. Dans sa décision sur cette motion, le juge John E. Jones III décida que la FTE n'était pas habilitée à intervenir dans le procès, car sa motion était inopportune, décrivant les arguments de la FTE (sur le fait qu'elle ne se soit pas impliquée plus tôt), comme "inutiles et dénués de sincérité". Le juge Jones a également soutenu que la FTA avait failli à démontrer qu'elle avait "un intérêt réel à intervenir dans le procès en tant que partie", et que ses intérêts spécifiques n'étaient pas en adéquation avec ceux des défendeurs.
Par ailleurs, lors des élections de novembre 2005 désignant le conseil éducatif de Dover, aucun des membres qui vota en faveur du texte sur le design intelligent n'a été réélu, et le nouveau conseil éducatif qui prit sa place rejeta le texte. Il y a donc fort à parier que le jugement ne fera pas l'objet d'un appel dans une juridiction supérieure.
Voir aussi
Liens externes
- Articles du Monde: [6] (20 décembre), et [7] (21 décembre).
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