Jingdezhen (porcelaine)

Jingdezhen (porcelaine)

Jingdezhen et la porcelaine

Décoration de la porcelaine, de nos jours, à Jingdezhen

Jingdezhen a été, et reste sans doute encore, la capitale mondiale de la porcelaine.
Sous l'impulsion de la dynastie Yuan, et surtout de la dynastie Ming, Jingdezhen devint le centre principal de la céramique chinoise, ainsi que le siège de l'administration impériale de la porcelaine à partir de 1393.

Sommaire

Histoire

Xi Wang Mu, divinité taoïste figurant sur un plat de porcelaine de la « famille rose », d'époque Yongzheng (Dynastie des Qing)
  • Sous les Tang : Déjà, sous la dynastie Tang, on dit de Jingdezhen, dans le district de Fuliang, que la ville abrite « des fours reliant un village à un autre, des fours allumés partout ».
  • Sous les Song, la région de Jingdezhen produit des porcelaines qingbai[1] ;
  • Sous la dynastie mongole des Yuan, les premières porcelaine « bleu et blanc », trouvées dans des tombes datant de 1319 à 1336, viennent pour la plupart de Jingdezhen.
    Les fours jingdezhen améliorent la qualité de leur production en mélangeant argile et kaolin de façon à obtenir un corps plus dur. Les artisans s'écartèrent du style classique des Song pour s'intéresser à l'art arabe, et concevoir des pièces « bleu et blanc » au décor exhubérant ; certaines de ces pièces se vendent en abondance au Proche et au Moyen-Orient. Ces améliorations techniques contribuent à établir Jingdezhen comme le grand centre de production de la porcelaine pour les siècles suivants[2].
  • Sous les Ming, grâce à l'expérience accumulée, les fours jingdezhen ont atteint la perfection dans la translucidité et l'éclat de leur porcelaine. Grâce à ses liens avec la Cour, la région autour de Jingdezhen devient le centre de l'industrie de la porcelaine en Chine. En 1393 ou en 1402, l'administration impériale de la porcelaine de la dynastie des Ming s'installe à Jingdezhen

Une large partie de la production de porcelaine est destinée à la Cour impériale, comme tribut ou pour l'usage quotidien ; une autre est destinée à l'exportation ; la Cour elle-même offre ces porcelaines comme cadeaux diplomatiques. Enfin, une grande quantité de céramiques sont vendues dans toutes les classes sociales. Au XVe siècle, les articles de tribut fabriqués à Jingdezhen atteignaient 100 000 pièces par an.
En 1540, plus de 10 000 personnes travaillent à la production de la céramique, selon un processus très élaboré, puisque chaque pièce passe par 70 étapes.
Les différents fours sont spécialisés selon les différentes productions, en tenant compte des différences d'atmosphère et de température nécessitées par chacune[3].

  • Sous les Qing : Bien que les Qing soient une dynastie mandchoue, et non chinoise, les trois grands empereurs que sont Kangxi, Yongzheng, et Qianlong sont aussi tous les trois des amateurs éclairés de porcelaine, à la base de la qualité de la production de la porcelaine sous leurs différents règnes. Ils savent utiliser les meilleurs talents ; les fours impériaux de Jingdezhen bénéficient des grands producteurs de porcelaine que sont Zang Yingxuan (de 1681 à 1688), Lang Tingji (de 1705 à 1712), et Tang Yin (de 1728 à 1756) ou encore Liu Yuan[4].

Organisation de la ville sous les Qing

Jingdezhen à l'époque du Père d'Entrecolles, sous la dynastie des Qing

Le Père d'Entrecolles, un jésuite que son apostolat avait amené à Jingdezhen, a décrit dans ses lettres la ville du temps des Qing[5] :

« (...) Deux rivières arrosent King-tö-tchen. Sur la plus grande des deux, un grand port de plus d'une lieue est aménagé. On voit quelquefois, dans ce vaste espace, deux ou trois rangs d'embarcations à la queue les unes des autres. (...) Trois mille fours y brûlent à longueur d'année, donnant la nuit des impressions d'incendie gigantesque. (...) On compte dix-huit mille familles de potiers. L'ensemble de la population représente environ un million d'âmes. Il s'y consomme chaque jour 10 000 charges de blé, 1 000 cochons, sans parler de la viande de cheval et de chien. »

La ville est organisée de façon rationnelle, « à l'américaine », avec des rues qui se coupent à angle droit, pour déterminer des blocs de taille identique. Les compétences de chacun sont exploitées au mieux, les aveugles et les estropiés étant chargés de broyer les couleurs[6].

Un seul mandarin gouverne la ville ; selon sa longueur, chaque rue est supervisée par un chef ou par plusieurs, chaque chef ayant 10 subalternes, chargé chacun de 10 maisons. Les rues sont fermées la nuit par des barricades gardées chacune par un homme. Les étrangers ne sont pas autorisés à résider dans la ville : ils doivent habiter sur leur bateau, ou loger chez des gens de leur connaissance, qui répondent alors de leur conduite[6].

Le transport des porcelaines, entre les ateliers et les fours où elles vont être cuites, se fait à dos d'homme. Le Père d'Entrecolles raconte le spectacle dans ses lettres : « J'ai été surpris de voir qu'un homme tienne, en équilibre sur ses épaules, deux planches longues et étroites sur lesquelles sont rangées les porcelaines, et qu'il passe ainsi par des rues fort peuplées, sans briser sa marchandise. »

Les fours sont formés de chambres en forme de cloche, placées les unes à côté des autres sur un terrain ascendant (ce qui est une des caractéristiques importantes des fours chinois) et communiquant entre elles. La cuisson commence par le petit feu, qui dure vingt-quatre heures, puis continue avec le grand feu, sous la supervision constante de deux hommes, qui contrôlent régulièrement par une ouverture le bon déroulement de la cuisson.
Lorsque le feu peut enfin être arrêté, on laisse refroidir pour ne défourner les pièces que trois à cinq jours après l'arrêt du feu[6].

Les porcelaines, une fois terminées, sont ensuite expédiées, la plupart du temps par le fleuve. Celles qui sont destinées à l'Europe vont vers Canton, et terminent leur voyage à dos d'hommme en passant par le col de Meiling, après avoir franchi une distance totale de 900 kilomètres.
Une autre possibilité d'acheminement vers Canton existe, moins escarpée, mais plus périlleuse, à cause des pirates des mers de Chine ; elle consiste à faire tout le voyage par la mer, en partant de Nankin ; c'est sans doute pour cela que certaines pièces fabriquées à Jingdezhen sont connues en Europe comme « porcelaine de Nankin », alors qu'elles ont été expédiées en Europe par Canton, comme les porcelaines acheminées par l'intérieur des terres[6].

Ressources naturelles

Kaolin, «les os de la porcelaine », selon les Chinois

Outre sa position centrale dans la Chine du Sud, Jingdezhen bénéficie d'une ressource naturelle essentielle, le kaolin, indispensable à la fabrication de la porcelaine.

De la dynastie Yuan jusqu'au XVIIe siècle, Jingdezhen s'approvisionna en argile du mont Macang, voisin de la ville ; puis les artisans de la ville durent chercher une nouvelle source d'approvisionnement en argile, qu'ils trouvèrent à Gaoling (chinois : 高岭, « collines hautes »), carrière située près de Jingdezhen, et d'où vient le nom de kaolin. Gaoling resta en exploitation de la fin des Ming au règne de Qianlong.

Enfin, de 1507 à 1875 environ, les fours impériaux durent s'approvisionner en argile à d'autres sources, en particulier dans le district de Xingzi, à 330 kilomètres à l'ouest de Jingdezhen[4].

L'Europe et la porcelaine de Jingdezhen

Compagnie des Indes orientales : Boutique de marchand de porcelaine à Canton
  • La production de la Compagnie des Indes orientales :
    On connait sous le nom de « porcelaine de la Compagnie des Indes orientales » les porcelaines exécutées en Chine pour satisfaire les commandes des Européens. Le rôle de la Compagnie des Indes orientales n'était donc pas de produire ces céramiques, mais seulement de les acheminer de Chine en Europe[7].
    Les Européens appréciaient ces céramiques, en s'intéressant tout d'abord aux porcelaines « bleu et blanc » ; puis l'intérêt se porte sur les pièces des familles rose et verte, caractéristiques des règnes de Yongzheng et de Qianlong, à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle.
    Enfin, de nombreuses pièces étaient fabriquées à Jingdezhen « en blanc » ou seulement partiellement décorées, pour être terminées à Canton, avec des sujets qui pouvaient être totalement européens : personnages occidentaux en costumes du XVIIIe siècle, inscriptions en alphabet latin, armoiries...[7]
    Les objets les plus demandés étaient la vaisselle, bien sûr, mais aussi les objets de toilette tels que plats à barbe, brocs, crachoirs, ou encore des objets divers tels que chandeliers ou appliques.
    Chaque pays d'Europe envoyait en Chine des modèles pour y être reproduits par la céramique locale : choppes de bière, pôts à pharmacie, gobelets de Delft, Moustiers, etc[7].
  • Le Père d'Entrecolles :
    Au début du XVIIIe siècle, alors que l'Europe cherchait sans y parvenir à reproduire les porcelaines chinoises importées de la Chine des Qing, le Père d'Entrecolles, qui résidait à Jingdezhen, observa attentivement le processus de production de la porcelaine et écrivit deux lettres restées fameuses, où il expliquait la fabrication de la porcelaine telle qu'il l'avait observée[8].
    Il fit également parvenir en France des échantillons de kaolin, dont on découvrit le premier gisement en France, à Saint-Yrieix-la-Perche aux alentours de 1765[9].

Notes et références

  1. Cécile et Michel Beurdeley, La Céramique chinoise, 1974, page 144
  2. He Li, La Céramique chinoise, Thames & Hudson, 2006, pages 138 à 144
  3. He Li, La Céramique chinoise, Thames & Hudson, 2006, pages 208 à 215
  4. a  et b He Li, La Céramique chinoise, Thames & Hudson, 2006, pages 263 à 270
  5. Note : Cité par C. et M. Beurdeley, pages 217 et 218
  6. a , b , c  et d Cécile et Michel Beurdeley, La Céramique chinoise - Le Guide du connaisseur, 1974, pages 218 à 220
  7. a , b  et c Cécile et Michel Beurdeley, La Céramique chinoise - Le Guide du connaisseur, 1974, pages 259 à 273
  8. Deux lettres écrites par le Père François Xavier d'Entrecolles (Ceramics Today.com)
  9. Découverte du kaolin à Saint-Yrieix et fabrication des premières porcelaines en France

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • He Li, La céramique chinoise, Thames & Hudson, 2006 (ISBN 2-87811-270-9)
  • Cécile et Michel Beurdeley, La Céramique chinoise - Le Guide du connaisseur, Office du livre, Fribourg - Éditions Vilo, Paris, 1974




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