Alojzije Stepinac

Alojzije Stepinac
Alojzije Stepinac
Image illustrative de l'article Alojzije Stepinac
L'archevêque Alojzije Stepinac
Biographie
Naissance 8 mai 1898
à Brezarić kraj Krašića (Croatie)
Ordination
sacerdotale
26 octobre 1930 par
Mgr Giuseppe Palica
Décès 10 février 1960
à Krašić (Croatie)
Évêque de l'Église catholique
Consécration
épiscopale
24 juin 1934 par
Mgr Antonio Bauer
Fonctions épiscopales Archevêque coadjuteur de Zagreb (Croatie)
Archevêque de Nicopsis (Croatie)
Archevêque de Zagreb (Croatie)
Cardinal de l'Église catholique
Créé
cardinal
12 janvier 1953 par le
pape Pie XII
Titre cardinalice Cardinal

Blason
(en) Notice sur catholic-hierarchy.org

Alojzije Stepinac (8 mai 1898 à Brezarić - proche de Krašić en Croatie - 10 février 1960 à Krašić, Croatie) était archevêque de Zagreb de 1937 à 1960 et cardinal à partir de 1952.

En 1946, au terme d'un procès qui fut très discuté, il fut condamné par les autorités yougoslaves pour collaboration avec les Oustachis et complicité dans la conversion forcée de serbes-orthodoxes au catholicisme.

Il fut déclaré martyre et béatifié par le pape Jean-Paul II en 1998, ce qui provoqua de nouveaux débats dans l'opinion publique. Coci Michieli a réalisé un film sur sa vie en 1954.

Sommaire

La première partie de sa vie

Stepinac est né et mort dans la paroisse de Krašić, près de Zagreb. Il était le cinquième des huit enfants d'un gros propriétaire foncier de la région de Zagreb[1]. En 1909, il est allé à Zagreb pour étudier au gymnase dont il est sorti diplômé en 1916.

Juste avant son dix-huitième anniversaire, il fut appelé comme conscrit dans l'armée austro-hongroise, entrainé, puis envoyé pour servir sur le front italien pendant la Première Guerre mondiale. Il fut blessé à la jambe en 1918, puis capturé par les forces italiennes qui le gardèrent en captivité pendant cinq mois. Après la formation du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes en novembre 1918, il ne fut plus considéré comme un soldat ennemi et il insista pour être volontaire dans la légion yougoslave qui fut envoyée à Salonique. Peu de mois après, il fut démobilisé et il retourna chez lui au printemps de 1919. <recnec> Pour avoir servi dans les armées alliées pendant la Guerre, il se vit attribuer l' Étoile de Karađorđe, médaille décernée dans le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes pour actes d'héroïsme <recnec>.

Après la Première Guerre mondiale, Alojzije Stepinac s'inscrit à la faculté d'agronomie de l'université de Zagreb, mais il la quitta après seulement un semestre afin d'aider son père dans l'exploitation agricole familiale. En 1924, il partit pour Rome pour commencer des études afin de devenir prêtre. Il suivit sa formation à l’institut Germanicum de Rome, vivier clérical austro-allemand de l’Anschluss et de la conquête de l’Est. Il fut ordonné prêtre le 26 octobre 1930.

Stepinac devint curé de paroisse à Zagreb en 1931 et il fut nommé co-adjuteur de Zagreb en 1934, après que plusieurs autres candidatures furent rejetées pour des raisons politiques par le pape Pie XI. En 1937, Stepinac succéda à Anton Bauer comme archevêque de Zagreb, devenant un des plus jeunes archevêques dans l'histoire de l'Église catholique, et ce bien qu'il n'avait pas l'âge de 40 ans requis par le droit canonique.

La période de la Seconde guerre mondiale

Alojzije Stepinac et Ante Pavelić à Zagreb en 1941.

Favorable à l'indépendance croate

Alojzije Stepinac fut archevêque de Zagreb pendant toute le Seconde Guerre mondiale, dans l'État indépendant de Croatie (1941-1945). Lors de la mise en place du régime des Oustachis, Mgr Stepinac se montra favorable au démantèlement du Royaume de Yougoslavie et à l'établissement d'un État croate indépendant. Il félicita la création de cet État et appela officiellement l'Église catholique à prier pour le bien-être du nouvel État ainsi que pour que le Seigneur emplisse Ante Pavelić avec un esprit de sagesse pour le profit de la Nation. Il rencontra rapidement Pavelić et d'autres responsables Oustachis, dont certains à de multiples occasions. Ses comptes-rendus au Saint-Siège au sujet de l'État indépendant de Croatie se montrèrent positifs et favorables au nouveau régime.

Le 28 mars 1941, l'archevêque Stepinac déclara dans une note au sujet des premières tentatives de la Yougoslavie pour unir les Croates et les Serbes que : En fin de compte, les Croates et les Serbes sont de deux mondes différents : Pôle nord et Pôle sud, ils ne seront jamais capables d'être ensemble à moins d'un miracle divin. Le Schisme d'Orient est la plus grande malédiction en Europe, presque encore plus grande que le protestantisme. Ici il n'y a pas de morale, de principes, de vérité, de justice ou d'honnêteté..

Condamnation des persécutions des Juifs et des Serbes

Ultérieurement, Mgr Stepinac commença à appeler les responsables gouvernementaux à arrêter la persécution des juifs et des autres peuples[2]. Il en parla avec la direction des Oustachis après qu'il fut connu qu'ils étaient responsables des camps de concentration de Jasenovac et de Stara Gradiška. Ses lettres incluaient des appels pour faire la différence entre les gens qui étaient accusés d'être personnellement responsables d'infractions et ceux qui étaient racialement identifiés ou juste détenus en tant que "otages" ; il adressa des requêtes pour que diverses exceptions soient faites pour les gens mariés et pour les gens qui se convertissaient au catholicisme. Il utilisa également la chaire des églises pour condamner publiquement le génocide à l'encontre des minorités ethniques qui étaient poursuivies.

Il déclara lors d'une homélie, le 24 octobre 1942 : "Tous les hommes et toutes les races sont des enfants de Dieu ; tous sans distinction. Ceux qui sont Gitans, Noirs, Européens ou Aryens ont le même droit de dire Notre père qui êtes aux cieux. Pour cette raison, l'Église catholique a toujours condamné, et condamne toujours, toute injustice et violence au nom des théories de classe, de race ou de nationalité. Il n'est pas possible de persécuter les Gitans et les Juifs parce qu'ils sont supposés être de race inférieure".[3],[4].

Le Dr. Amiel Shomrony, alias Emil Schwartz, secrétaire personnel de Miroslav Šalom Freiberger, grand rabbin de Zagreb jusqu'à en 1942, a déclaré ultérieurement qu'il considérait que Mgr Stepinac avait fait de son mieux pour les Juifs pendant la Guerre.

Les Oustachis menaient une politique de conversion forcée des Serbes orthodoxes au catholicisme, volet de la politique de persécution à l'encontre des indésirables au point qu'en 1941, l'évêque de Mostar, Alojzije Misic, "épouvanté par la violence des oustachis dans son diocèse, il interdit à son clergé de donner l'absolution à quiconque avait participé à des massacres de Serbes et, dès l'arrivée de Pavelic au pouvoir, il dénonça à Stepinac "le règne du carnage" qui venait de s'instaurer en Croatie. "Les hommes sont égorgés, assassinés, jetés vivants du haut des falaises, écrivait-il. Dans la ville de Mostar elle-même, ils ont été attachés par centaines, emmenés dans des wagons et tués comme des bêtes."[4].

Mgr Stepinac dénonce la persécution des Serbes par le gouvernement oustachi dans une lettre de protestation datée du 24 mars 1945[5]. Dans la période précédente, s'il y eut protestation, elle fut tellement discrète que personne n'en a trouvé trace nulle part: en 1951, le chargé d'affaires français au Vatican, D'Ormesson, avec une certain ironie, s'interroge sur l'absence de publicité donnée par l'archevêque aux condamnations antérieures[5]

L'après-guerre : sous le régime de Tito

Martyr Alojzije Stepinac à Rijeka.

Après la Seconde Guerre mondiale, le nouveau gouvernement de la Yougoslavie exerça des pressions sur l'Église catholique en Croatie. Stepinac fut arrêté en 17 mai 1945 puis relâché le 3 juin suivant. Le 4 juin, il rencontra Tito mais n'accepta pas les demandes du nouveau régime qui attendait que l'Église accepte ouvertement le Gouvernement communiste et de se séparer de Rome pour créer une "Église catholique nationale serbo-croate". À la suite de ces événements, les évêques de Croatie diffusèrent une lettre-ouverte, le 22 juin, dans laquelle ils décrivirent les injustices dont ils avaient fait l'objet de la part des nouvelles autorités et, en septembre 1945, ils se réunirent en synode pour discuter de ces enjeux. Mgr Stepinac publia une lettre, le 20 octobre, dans laquelle il affirma que 273 membres du clergé catholique avaient été tués depuis la prise du pouvoir par les Partisans, que 169 avaient été emprisonnés et que 89 autres étaient "manquants" et présumés morts. Cette lettre mit Tito en colère et il attaqua publiquement, pour la première fois, l'archevêque Stepinac en écrivant un éditorial dans le principal journal communiste ; il l'accusa dans celui-ci de "déclarer la guerre" à la nouvelle Yougoslavie. L'opposition grandit et, le 4 novembre 1945, des Partisans jetèrent des pierres sur Mgr Stepinac à Zaprešić. En janvier 1946, la Yougoslavie demanda au nonce apostolique que le Saint-Siège déplace Mgr Stepinac de son poste d'archevêque de Zagreb, mais cette requête fut refusée. Il ressort de ces évènements que c'est l'opposition de Stepinac à Tito et non pas ses agissements durant la période de l'État indépendant de Croatie qui ont amené à son procès. Milovan Djilas, un dirigeant communiste proche du régime, déclara que Stepinac : "n'aurait certainement pas été mis en jugement pour sa conduite pendant la Guerre ... s'il n'avait pas continué à s'opposer au nouveau régime communiste".

En septembre 1946, les autorités yougoslaves mirent Mgr Stepinac en accusation pour plusieurs chefs : collaboration avec les Nazis, relations avec le régime nationaliste-fasciste des Oustachis d'Ante Pavelić, participation de chapelains catholiques croates dans l'armée de l'État indépendant de Croatie, conversion forcée d'orthodoxes serbes au catholicisme, défiance envers le gouvernement yougoslave. Mgr Stepinac fut arrêté le 18 septembre 1946 et son procès commença le 30 du même mois. Les autorités organisèrent le procès comme une partie du dossier beaucoup plus vaste de l'implication du clergé catholique croate au régime des Oustachis. Lors du même procès, plusieurs anciens responsables de l'État indépendant de Croatie furent inculpés ; il y avait en tout 16 défenseurs. La manière dont le procès fut conduit fut critiquée par l'Église catholique romaine et Mgr Stepinac affirma qu'il s'agissait d'un "procès-spectacle". Au cours d'un discours de 38 minutes, le 3 octobre, qui vint clore 4 jours de débats, l'accusé affirma "être en accord avec sa conscience au regard des toutes les accusations" dont il faisait l'objet et qu'il n'avait pas l'intention de se défendre ou de faire appel d'une condamnation. Il déclara, par ailleurs, qu'il était attaqué "afin de permettre à l'État d'attaquer l'Église", "qu'aucune conversion religieuse ne fut faite de mauvaise foi" et que "le vicariat militaire fut créé au sein du NDH ... pour prendre soin des croyants parmi les soldats et non pas pour l'armée elle-même, ni en tant que signe d'approbation ou de désapprobation de l'action de l'armée". Il ajouta qu'il n'avait jamais été un oustaša et que son nationalisme croate découlait des griefs qu'avait la nation (Croate) à l'encontre du Royaume de Yougoslavie et qu'il n'avait "jamais pris part à des activités anti-gouvernementales ou terroristes contre l'État ou contre les Serbes". Stepinac dénonça, également, la nationalisation des biens de l'Église et la prévention de l'action de l'Église dans l'éducation, la presse, les œuvres caritatives et l'enseignement de la religion à l'école ainsi que l'intimidation et la molestation du clergé ; il se plaignit également des politiques telles l'athéisme, le matérialisme et le communisme en général. Les catholiques de Croatie considérèrent que le procès avait été entièrement terni par les témoignages extorqués, les faux témoignages et les faux documents. La défense soumit 35 témoins en faveur de Stepinac mais 27 furent rejetés et certains furent même emprisonnés afin de ne pas réapparaitre à l'audience. Le 11 octobre 1946, le tribunal déclara Stepinac coupable de haute trahison et de crimes de guerre ; il fut condamné à une longue peine d'emprisonnement (initialement 16 ans d'emprisonnement et de travaux forcés). Le procès fut condamné par le Saint-Siège. Les membres du jury - composé de catholiques proches du pouvoir communiste de Tito - qui avaient condamné Mgr Stepinac furent excommuniés par le Pape.

Alojzije Stepinac travailla pendant cinq ans dans la prison de Lepoglava avant que la peine ne soit commuée en assignation à domicile à Krašić, du fait de la forte pression du Saint-Siège et en tant que mesure de réconciliation prise par le gouvernement de Tito. Il fut transféré à son domicile le 5 décembre 1951. Le gouvernement fit clairement savoir qu'il voulait que Mgr Stepinac se retire à Rome mais celui-ci refusa de quitter son pays, disant que : "Ils ne me feront jamais quitter à moins qu'ils ne me mettent de force dans un avion pour m'emmener au-delà de la frontière. Il est de mon devoir, dans ces temps difficiles, de rester avec mon peuple".

Le 29 novembre 1952, le pape Pie XII annonça la liste des cardinaux nouvellement nommés qui incluait Stepinac. Cette décision amena le Gouvernement de Tito à rompre les relations diplomatiques avec le Saint-Siège le 17 décembre 1952.

Décès et postérité

En 1953 il fut diagnostiqué que Stepinac avait une polycythémie, une maladie rare du sang. Sept ans plus tard, il mourut d'une thrombose à l'âge de 61 ans. Alojzije Stepinac a été enterré dans la cathédrale de Zagreb.

Le 14 février 1992, le Parlement croate condamna symboliquement le procès et la décision du tribunal de 1946.

Une partie de l'opinion publique catholique croate considère le cardinal Stepinac comme un martyr ; bien qu'il n'ait jamais été prouvé qu'il ait été assassiné, il a souffert de la répression mise en place par le régime de Tito à l'encontre de ses opposants. La référence à son martyre fut aussi faite par le pape Jean-Paul II le 3 octobre 1998 lorsqu'il a béatifié Stepinac. Le pape a indiqué que : "Une des personnalités marquantes de l'Église catholique, qui a enduré dans son corps et dans son esprit les atrocités du système communiste, est maintenant confiée à la mémoire de ses concitoyens avec l'étiquette rayonnante du martyre".

Cette béatification mit en colère beaucoup de Serbes et suscita une grande controverse parmi les Juifs étrangers. Les Juifs de Croatie ne s'opposèrent pas formellement à la béatification du cardinal Stepinac. Le Centre Simon-Wiesenthal a demandé, néanmoins, que la béatification soit repoussée pendant l'enquête en cours sur les affaires qui ont eu lieu en Croatie pendant la Seconde guerre mondiale.

Le cardinal Stepinac fut recommandé à deux reprises, sans succès, par des juifs de Croatie pour être ajouté sur la listes des Juste parmi les nations. Ces demandes furent rejetées d'une part, car ceux qui avaient proposé l'inscription n'étaient pas des survivants de l'Holocauste et, d'autre part, parce que Stepinac a au moins eu des liens étroits avec le régime fasciste des Oustachis.

Notes et références

  1. A.Lacrois-Riz, Le Vatican, l'Europe et le Reich, p.326-327.
  2. http://www.amb-croatie.fr/actualites/stepinac-chenu.htm
  3. Ronald Rychlak, Hitler, the war, and the pope, p. 304
  4. a et b Alain Finkielkraut Mgr Stepinac et les deux douleurs de l'Europe, Le Monde du 07/10/1998
  5. a et b Lacroix-Riz, Le vatican, l'Europe et le Reich, p.425.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Alojzije Stepinac de Wikipédia en français (auteurs)

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