Jayat lucien

Jayat lucien

Lucien Jayat

Lucien Jayat (31 août 1895 dans l'Yonne, à Auxerre, France - 26 mai 1982, France ) est un militant syndicaliste français.

Biographie

Lucien Jayat est né le 31 août 1895 dans l'Yonne, à Auxerre, dans une modeste famille ouvrière. Il connut une jeunesse difficile. Dès l’âge de huit ans, il perd sa mère et en éprouve un chagrin qui ne le quittera pas de toute son existence. Son père, veuf avec trois enfants, deux garçons et une fille, est dans l’impossibilité matérielle de les élever tous les trois. Il garde la fille, Georgette, et abandonne ses deux garçons, René l’aîné, et Lucien le cadet, à l'Assistance publique. René et Lucien sont placés dans une famille du Nord, à Vieux-Condé près de Valenciennes, où ils auront gîte et couvert, mais, bien que traités convenablement, ils ne trouveront pas la tendresse et l’affection auxquelles aspire tout enfant.

Son instituteur ayant remarqué les capacités de Lucien, demande l'octroi d'une bourse afin qu'il poursuive ses études. Mais, elle lui est refusée et sitôt obtenu le certificat d’étude à l’âge de dix ans, Lucien est placé dans une ferme comme garçon à tout faire.

À 14 ans, âge légal, il est employé à la mine d’abord en surface, au tri, puis à 16 ans, il descend au fond comme hercheur. Cette vie pénible et dangereuse qu’ont connue la plupart des hommes du Nord, il la mènera jusqu’en 1914 où à l’âge de 19 ans il sera mobilisé pour la Grande Guerre. En première ligne, aux Éparges le 20 juin 1915, au cours d’un assaut, il est blessé. Une balle lui traverse l’épaule. Il n’a pas vingt ans. Soigné, il est renvoyé au front où il participera à toutes les sanglantes batailles telles que Verdun, la Somme, etc. Il est gravement intoxiqué par l'ypérite dans les derniers mois de la guerre. Ce terrible gaz moutarde lui occasionnera une bronchite chronique dont il ne se débarrassera jamais et qui finira par l'emporter quelque soixante ans plus tard. La guerre terminée, il se retrouve à Paris, sans profession, quelques sous en poche (un viatique de 250 francs généreusement attribué aux combattants démobilisés – de quoi subsister pendant deux semaines).

Il se fait embaucher comme manœuvre dans une grande imprimerie de la capitale. Ambitieux, il veut gravir les échelons et connaître une vie meilleure. Il prend des cours du soir à l’école Estienne. Il apprend la reliure et se fait embaucher comme relieur. Il travaille dans plusieurs entreprises qu’il doit quitter chaque 2 mai. En effet, à l’époque, le 1er mai n’était pas « la fête du travail » comme aujourd’hui. C’était un jour de lutte pendant lequel les travailleurs les plus conscients, ceux qui n’acceptaient pas de subir en courbant l’échine, faisaient grève pour l’amélioration de leurs conditions de vie qui n’étaient pas, alors, des plus souhaitables.

Ces 1er mai, parfois ensanglantés, ils réclamaient, entre autres, la semaine de 40 heures. Cette semaine de travail qui était en ces temps communément de 60 heures, voire plus. Lucien Jayat dont la conscience politique et syndicale était éveillée ne manquait pas de participer activement à ce jour chômé… et chaque lendemain, ses patrons le priaient de prendre la porte.

Lucien Jayat s’aperçut rapidement qu’il n’avait aucun avenir dans le privé où ce ne sont pas toujours les mérites professionnels qui sont récompensés de promotions mais, bien plus la soumission au patron.

Il décide donc de se faire une place dans l’administration. Il suit alors de nouveaux cours du soir. Cette fois, c’est à l’école d’administration municipale. Sur concours, il devient employé d’octroi. Puis, de concours en concours, il gravit les échelons : employé de mairie, rédacteur à la préfecture de la Seine pour finir directeur des Services sociaux de cette même préfecture. Mais Lucien Jayat ne pensait pas qu’à son propre sort, d’où ses engagements politiques et syndicaux. Baignant dans le milieu ouvrier du nord, il avait tout naturellement été imprégné du socialisme auquel il adhéra la guerre terminée. Il devint rapidement secrétaire de la section de Clamart où il résidait, puis fut élu conseiller municipal de cette même ville.

En 1942, menacé d’être dénoncé pour ses activités dans la résistance, il doit quitter Clamart précipitamment. Il s’installe alors avec sa famille de l’autre côté de Paris, à Saint-Maur-des-Fossés. C’est la guerre et l’occupation : il est en contact avec des résistants locaux, mais le plus gros de son activité est à la CGT clandestine. À la Libération, il reprendra sa carte au Parti socialiste qui avait été interdit sous le règne des nazis. Il fait partie du conseil municipal provisoire, avant d’y être élu officiellement en 1945. Il devra en démissionner quelque temps après. Il en avait été de même à Clamart, avant la guerre, pour des raisons similaires. Ses tâches syndicales dans les services publics n’étant pas toujours compatibles avec ses fonctions municipales.

Son engagement politique lui valut d’autres déboires. En 1947, il fut exclu du PS sous le prétexte d’une participation à une réunion du Mouvement de la paix que le PS interdisait à ses adhérents. En réalité c’était son refus d’adhérer à la nouvelle scission syndicale (création de FO et départ de tous les hauts responsables socialistes de la CGT) qui était la raison de cette sanction. Devant la commission qui prononça son exclusion, alors que sournoisement on lui demandait à quel parti il allait donner son adhésion, il répondit : « A aucun, je reste socialiste ; ce n’est pas moi qui quitte le socialisme, c’est vous, la SFIO, sous la houlette des Guy Mollet, Lacoste et consorts qui l’abandonnez. Ma réintégration se fera automatiquement le jour où le parti socialiste redeviendra lui-même, je n’aurai même pas à la demander ».

Ces paroles étaient prémonitoires. Quand, sous la direction de François Mitterrand, le PS retrouva son visage de gauche et qu’Edith Cresson, au cours d’une discussion avec « Lulu » (Lucien Jayat fils) eut connaissance de la chose, elle en référa à François Mitterrand qui incita la section socialiste de Poitiers à aller lui remettre sa nouvelle carte. Cela fut fait dans l’immédiat.

Ce n’est pas dans les milieux politiques que Lucien Jayat put pleinement s’épanouir. C’est au syndicat qu’il put s’exprimer et donner le meilleur de lui-même.

À 17 ans, à la mine, il commença à s’intéresser sérieusement à la vie syndicale. À l’époque, les jeunes mineurs avaient un temps de travail plus long que leurs aînés, d’où une flagrante injustice qui les conduisit à déclencher une grève. Mais, abandonnés des anciens qui ne soutinrent pas leur revendication, ils n’obtinrent, après un mouvement assez long, que des miettes.

Très certainement, déjà, Lucien Jayat prit conscience que sans la cohésion, sans l’unité, la lutte revendicative était vouée à l’échec. Cette idée, il la conservera toute sa vie et elle sera déterminante dans ses choix, aux moments des grandes décisions syndicales.

Il s’était éveillé à la lutte revendicative et la nécessité de la syndicalisation de masse s’était imposée à son esprit. Si bien que dès qu’il fut au travail, dans le privé ou dans l’administration, il fut toujours à la pointe du combat. Cette implication le mena d’abord à la tête du Syndicat des communaux de la région parisienne, puis il fut élu secrétaire général de la Fédération des services publics et de santé, avant de se trouver au plus haut de la hiérarchie : Secrétaire Confédéral. Tout cela au sein de la CGT à laquelle il resta fidèlement attaché et qu’il refusa de quitter à deux reprises, à l’occasion des grandes scissions de 1922 et de 1948, convaincu qu’il était que la division née d’oppositions politiques, était néfaste à l’intérêt des travailleurs.

Pendant ces sombres périodes, il œuvra de toutes ses forces pour la réunification syndicale et il joua un rôle important dans celle de 1936. À l’occasion du Congrès de la Fédération CGT confédérée des Services publics qui se tint à Nice en septembre 1934, il présenta une résolution qu’il avait rédigée en collaboration avec son ami Louis Nédélec, responsable de région. Cette résolution démontrait la nécessité de la réunification syndicale, face au danger que le fascisme en pleine évolution faisait courir au monde ouvrier et au monde tout court. Il la défendit si bien devant les congressistes qu’elle fut votée à l’unanimité moins deux voix.

C’était la preuve qu’elle reflétait bien l’ardent désir d’unité que souhaitait, avec vigueur, l’ensemble des travailleurs de l’époque. Émanant d’une puissante fédération de la vieille CGT conservatrice, elle eut un retentissant écho dans les milieux syndicaux. Le courant était créé et il eut tôt fait de balayer irrésistiblement tous les obstacles et les réticences des hauts dirigeants de la CGT qui ne voyaient pas d’un bon œil la création d’une centrale unique.

Elle exprimait si bien la volonté des syndiqués de voir prendre jour la réunification, et les modalités à suivre pour y parvenir y étaient si bien formulées, qu’elle servit de base de discussion à beaucoup d’autres fédérations, tant de la CGT dite confédérale à tendance socialiste, qu’à celles de la CGT dite unitaire à tendance communiste. Partout, l’unité l’emporta… La base avait triomphé !

Par là même, Lucien Jayat fut un important artisan de la réunification de 1936. On sait ce que permit ce considérable événement : la grève massive de 1936, menée dans l’unité la plus totale aboutit aux incroyables conquêtes sociales, impensables à l’époque et dont nous bénéficions tous encore aujourd’hui, ceux qui en sont conscients, tout comme ceux qui ne le sont pas. Je ne citerai que les congés payés et la semaine de 40 heures avec ses « deux dimanches », comme la qualifiera plus tard avec mépris, le très réactionnaire Paul Reynaud.

Autre sujet d’importance à mettre à l’actif de Lucien Jayat : la création de la Caisse mutuelle des communaux de la région parisienne dès 1933. Créer de toutes pièces un organisme de cette importance n’était pas une mince affaire. Ce fut un parcours semé d’embûches. Il fallut surmonter toutes les difficultés matérielles, convaincre les indécis, vaincre l’inertie de l’administration peu enthousiaste pour des raisons budgétaires, apprendre le fonctionnement d’un tel organisme, trouver un local et surtout les moyens financiers pour gérer une telle entreprise.

Tout ce que Lucien Jayat ne connaissait pas dans ce domaine nouveau pour lui, il l’apprit et il mena à bien son projet. Dès le début de l’année 1934, « sa » mutuelle était en mesure de régler les premiers remboursements à ses adhérents. C’est dans le cadre de la Mutuelle dite « des communaux » que Lucien Jayat eut l’idée de créer en pleine occupation, une colonie de vacances, puis une colonie sanitaire pour pallier le manque de nourriture qui sévissait en particulier dans la région parisienne et qui altérait gravement la santé des enfants des familles les plus démunies. C’est en louant le château de Curzay dans le sud du département de la Vienne qu’il mit à exécution son projet. À l’époque, on manquait de tout et ce ne fût pas une mince affaire que l’organisation matérielle de cette entreprise au caractère éminemment social. Comme dans tous les domaines où il s’impliqua, il sut mener à bien son projet. Les années 1942, 1943, 1944 virent un contingent de plus en plus important de petits parisiens venir se refaire une santé dans ce coin privilégié du Poitou.

Parallèlement à sa vocation sanitaire, la colonie du Château de Curzay servit de refuge à de nombreux résistants menacés d’arrestation qui vinrent se cacher quelque temps, afin de se faire oublier avant de reprendre le combat libérateur. Lucien Jayat, là encore, s’illustra courageusement et dès la première heure, il fut un responsable de la CGT clandestine.

Au moyen de sa position professionnelle à la Préfecture de la Seine, il utilisa ses possibilités en fournissant de faux papiers d’identité à de nombreux résistants traqués. Son activité consistait à créer de nouveaux réseaux, à alimenter en fonds et autres faux tickets d’alimentation les groupes réfugiés dans la clandestinité, à rédiger des articles dans la presse interdite et à la diffuser. Il remplit toutes ces missions, fussent-elles périlleuses et s’il passa au travers des mailles du filet que tendaient la Gestapo et ses complices de la milice collaboratrice, il n’en fût pas de même pour quelques-uns de ses compagnons qui jouaient le même rôle que lui, et qui ne sont jamais revenus des camps de déportation nazis.

Au cours de cette période, il fit preuve de la même vaillance qu’au cours de la guerre de 1914-1918 où il fut cité. On peut lire sur son livret militaire : « Mitrailleur d’élite, très brave. S’est particulièrement distingué le 20 octobre 1918 en servant sa pièce sur une position très dangereuse contribuant à arrêter la progression ennemie. Croix de guerre étoile de bronze. Médaille militaire. ». A ces décorations à titre militaire s’ajoutera plus tard, et en raison de son activité dans le domaine social, la croix de la Légion d’honneur.

Ses états de service dans la clandestinité lui valurent d’être nommé à la Libération, président de la Commission d’épuration de la CGT, chargée d’examiner le comportement de certains responsables syndicaux sous l’occupation, notamment ceux qui avaient collaboré avec l’ennemi, et d’en tirer les conséquences. (Exclusions pour certains).

Après avoir pris sa retraite de l’administration en 1955, il ne relâcha pas son activité de militant syndicaliste. Il resta à son poste de secrétaire confédéral à titre de permanent non rétribué (sa retraite lui suffisait). C’est seulement en 1967, alors que son épouse Reine Dyot est gravement malade, qu’il demanda à être déchargé de toute tâche. Il prit alors un repos largement mérité, après une vie bien remplie et fructueuse en événements, souvent heureux, parfois tragiques.

Mais, peu de temps après, il perdit son épouse ; celle avec qui il avait fondé le foyer qui lui avait tant manqué dans son enfance, qui lui avait donné une famille riche de deux enfants, de quatre petits-enfants et, plus tard, de huit arrière-petits-enfants, en 1982 lorsqu’il décédera ; celle qui l’avait si bien secondé, assisté, encouragé dans les moments cruciaux ; enfin, celle qui avait traversé, à son côté, les périodes difficiles de tout ordre.

Il en éprouva un immense chagrin. Durant une longue période, il resta enfermé dans sa douleur. Puis, sa forte personnalité aidant, la vie reprit le dessus. Pas fait pour vivre en reclus, lui le battant, ne supportant pas la solitude, engagea un nouveau combat : il vaincrait son cafard et viendrait à bout de sa dépression. Dans ce dessein, il envisagea une nouvelle union. Il la concrétisa avec Marguerite Girault, une amie de longue date de la famille qui, elle aussi, vivait seule après avoir élevé ses trois enfants. Ils unirent leurs solitudes, vécurent douze années de bonheur commun et leurs familles respectives n’en firent plus qu’une.

Le 26 mai 1982, dans sa 87e année, souffrant de plus en plus de sa bronchite chronique engendrée par l’absorption de l’ypérite, pouvant de moins en moins respirer, proche de l’étouffement, il abrégea ses souffrances en mettant volontairement fin à ses jours. Il repose dans le petit cimetière de Lavoux, commune proche de Poitiers, au côté de Marguerite, venue le rejoindre en 2002 à l’âge de 99 ans.

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