Jacques Jaffelin

Jacques Jaffelin

Jacques Jaffelin, né en 1946, citoyen canadien et français, titulaire d'un Ph.D., ancien enseignant de l'UQAM (Canada), est épistémologue et auteur de la « théorie de l’information générale », nommée maintenant théorie de l'informotion générale[1] (T.I.G.) afin d'éviter les malentendus et de signifier par le nom même de la théorie la fusion des deux concepts forme et mouvement (motion), séparés depuis l'énoncé du principe d'inertie, fondement de la physique moderne. Selon l'auteur, c'est précisément cette séparation qui nous a conduits aux incohérences théoriques actuelles du « modèle standard » et à l'impossibilité – malgré les énormes moyens mis en œuvre – de les résoudre, à une impasse éthico-paradigmatique, aux dérives du complexe technico-scientifico-militaro-industriel et au désastre humain actuel. L'informotion générale propose une nouvelle perspective, à la fois théorique, éthique et paradigmatique[2]. Les lecteurs sont invités à remplacer « information » par « informotion » dans les articles de référence cités.

Sommaire

Les thèses de la TIG

  1. Une théorie, TIG comprise bien sûr, n'est ni une description du monde ni une explication de phénomènes, mais une manière de s'impliquer dans le monde humain en évitant la tautologie, l'autoréférence – métastase conceptuelle, ou cancer de la pensée. Elle est aussi, en ce sens, une « épistémothérapie ». L'idée selon laquelle la pensée humaine serait destinée, d'une manière asymptotique ou non, à donner une explication finale des phénomènes, voire du monde, aboutit a l'énoncé autoréfentiel ou paradoxal suivant: la nature aurait engendré un phénomène (la pensée humaine) destinée à lui dire ce qu'il en est d'elle-même. Il y avait deux philosophes qui s'opposaient au XVIIe siècle sur ce thème. Descartes, pour justifier l'explication, envisagea deux substances dans le monde : la res cogitans et la res extensa. La res cogitans était destinée à penser le monde de la res extensa. Et Spinoza, qui concevait la nature et rien d'autre sous une forme générative ou générationnelle. La nature naturante et la nature naturée. Descartes maintenait la transcendance, Spinoza fonde (en Occident) l'immanence. La théorie de l'informotion se rattache plutôt à l'immanence spinozienne. Malheureusement, nous avons retenu Descartes pour fonder notre civilisation. Et ainsi, il y a encore le monde des billes ou des briques qui s'entrechoquent dans les supercollisionneurs, et le monde de la vie, incompatible avec le premier malgré les efforts de certains biologistes pour nous réduire à un produit programmé par des briques moléculaires (ADN).
  2. Les propositions de la TIG obéissent aux règles éthico-paradigmatiques qui lui sont concomitantes[3].
  3. L'informotion est un processus irréversible et imprévisible de complexification croissante (voir l'axiomatique, note 4).
  4. Dans chaque modalité d'événements, il y en a au moins un qui en engendre un plus complexe que lui.
  5. Certains événements s'engagent dans une impasse.
  6. Une impasse est un événement qui ne peut plus en générer un plus complexe que lui.
  7. Un événement est une modalité du processus appelé informotion générale.
  8. La génération d'un événement en un événement plus complexe exprime également une accélération du processus, une sélection dans les événements survenus, un accroissement quantitatif des événements et un accroissement de la différenciation des événements.
  9. L'informotion n'est pas seulement une différence qui fait une autre différence, c'est une vitesse qui fait une autre vitesse, une sélection qui fait une autre sélection, une quantité qui fait une autre quantité et une complexité qui fait une autre complexité.
  10. Il ne peut y avoir deux événements identiques.
  11. L'informotion se conçoit surtout comme une succession de générations d'événements.
  12. Le concept de « forme/mouvementation » est équivalent à celui d'informotion, et celui de forme/mouvement à événement ; il exprime simplement l'unité de la forme et du mouvement. Rappelons que la séparation de la forme et du mouvement est à la base du principe d'inertie (conservation de la forme, ou de l'énergie, par translation d'espace), fondement de toute la physique depuis Galilée jusqu'aujourd'hui, et qui l'a conduite, selon la TIG, après tous ses succès, dans l'impasse actuelle.

Quelques propositions déductives de la TIG

  1. Il n'y a ni commencement ni fin dans cette théorie. Toute idée de constante telle que nous les utilisons en physique (gravitationnelle, vitesse de la lumière, énergie de l'électron) est une dérivée du principe d'inertie, qui a fondé la séparation de la forme et du mouvement, et qui est la cause des impasses, paradoxes et tautologies actuelles ; le « modèle standard », le « mur de Planck », le Big Bang, et ainsi de suite. A l'heure où certains physiciens discutent de l'existence du Dieu transcendant, il est bon de rappeler que sans commencement il ne peut y avoir de Dieu transcendant. C'est là où la critique de la science majoritaire et de la religion se rejoignent. Pour simplifier, dans la théorie « informotionnelle », chaque événement est issu d'un plus simple que lui. Voir de très près, comme voir très loin, c'est voir plus simple et de plus en plus simple, sans limite. L'informotion générale résout donc le paradoxe de l'origine. Bien sûr, la notion de temps n'a plus de sens, puisqu'elle n'en a un que si et seulement s'il y a un commencement. Ce que nous mesurons avec nos horloges, ce n'est pas le temps linéaire de la physique mais la répétition d'une fréquence ou d'un rythme (la gravitation de la Terre autour du Soleil).
  2. Graviter signifie « être issu de ». Ainsi, par exemple, les « trous noirs » engendrent les galaxies, le Soleil a engendré toutes les planètes et la Terre a engendré la Lune. Du point de vue de la gravitation, la Lune est une impasse, en ce sens qu'elle n'a rien engendré qui gravite autour d'elle.
  3. La Terre a engendré successivement des espèces vivantes (végétales et animales), et chacune d'entre elles, dans le processus évolutionnaire ou informotionnel, constitue l'environnement de la suivante. Notre environnement, à nous autres êtres humains, en tant qu'espèce vivante la plus complexe, est constitué de l'ensemble des autres espèces vivantes, sans parler du règne minéral. Le concept darwinien d'adaptation est donc issu de la conception cartésienne-newtonienne de l'espace vide et du principe d'inertie, selon laquelle il existerait des niches écologiques vides, et qui n'attendraient qu'à être remplies par des espèces qui devraient s'y adapter. Cette conception est évidemment absurde, bien que ce soit celle qui est enseignée dans nos universités, et bien qu'elle soit contredite tous les jours par notre propre activité. Les autres espèces, tout comme nous, ne s'adaptent donc aucunement à un environnement immuable ou déterminant, mais constituent, du point de vue de la TIG, les créations successives de l'environnement lui-même, c'est-à-dire de la nature.
  4. La théorie du tout génétique qui sévit depuis une vingtaine d'année est un exemple frappant de l'autoréférence conceptuelle que produit souvent l'activité scientifique majoritaire actuelle. Il n'y a ni code génétique immuable ni barrière de Weismann entre le génotype et le phénotype, et une bactérie ne rêve pas à faire une autre bactérie identique à elle-même (Monod). Le simple engendre le complexe (c'est justement le principe de l'informotion générale[4]) et le complexe contient le simple qui l'a engendré tandis que le complexe est aussi contenu dans le plus simple dont il est issu. Ainsi, l'ADN est notre informotion la plus simple ; nous sommes issus d'elle mais nous la contenons en la transformant de génération en génération, bien que beaucoup plus lentement que nous transformons notre informotion phénotypique par l'apprentissage au cours de notre durée de vie. Il ne faut pas confondre l'évolution de l'espèce avec l'évolution de l'individu. Mais notre espèce, en tant qu'informotion animale la plus complexe, est contenue dans l'informotion minérale, la Terre, plus simple qu'elle, mais qui est elle-même plus complexe que l'étoile qui l'a engendrée, le Soleil, et ainsi de suite.
  5. La socialisation humaine peut également être considérée comme un processus « informotionnel ». Sa complexification croissante semble évidente aujourd'hui, mais voilà plus de 500 000 générations qu'elle a commencé. L'homme est multidimensionnel[5], et rien n'est plus inconsistant que de chercher en lui les traces d'une identité. Nous sommes tous multiples par nos formes relationnelles, et nos modes d'identification, qui constituent justement la richesse de notre palette de comportements socialisés. Plus nous sommes ouverts au monde humain, plus nos modes d'identification se diversifient. L'identité n'est rien d'autre qu'une adresse bureaucratique administrative destinée à l'administration de l'État. La question de notre avenir en tant qu'espèce reste ouverte. Allons nous être capables de nous survivre à nous-mêmes, ou allons-nous périr asphyxiés par notre propre voracité, comme des vers à farine dans un bocal (Claude Lévi-Strauss) ? La question n'est certes pas de préserver la nature, qui nous survivra, de toute façon, mais d'inventer des formes de socialisation viables.

Ouvrages publiés

  • Le Promeneur d’Einstein, Vers une théorie de l'information générale (Le Méridien / Cerf, 1991). (Ouvrage finaliste au Grand Prix du Gouverneur Général du Canada en 1991.) Roman épistémique dans lequel un physicien passionné par sa science mais insatisfait de son état présent poursuit la logique scientifique actuelle en s'émancipant des cloisons disciplinaires afin de rendre intelligible la nature entière. Mais, sans s'en rendre compte, il aboutit à un paradoxe, ou plutôt une auto-référence. Certains lecteurs de ce livre ont cru y voir une nouvelle explication du monde, alors qu'il montrait, tout au contraire, qu'il nous fallait y renoncer sous peine de nous auto-détruire.

C'est l'analyse de cette impasse et l'énoncé des propositions pour s'en sortir qui font l'objet des ouvrages suivants.

  • Pour une théorie de l'information générale, tractatus logico-ecologicus (E.S.F., Communication et complexité, 1993). Cet ouvrage est épuisé et sera bientôt republié avec une mise à jour.
  • Critique de la raison scientifique ou Une nouvelle manière de penser, préface d’Étienne Klein (L’Harmattan, Conversciences, 1995). Une nouvelle éthique au sens de Spinoza, c'est-à-dire immanentiste mais ouverte et non totalisante.
  • Voir aussi les textes du séminaire donné au ministère de la Recherche, rue Descartes, à Paris, en 1996-97-98, disponibles sur le site cité en premier lien externe ci-après (rubrique Publications/Bulletins du séminaire).

Notes et références

  1. Cf. De l’information à l’informotion ; à propos de l’usage du concept d’information, dans http://www.sociosomatique.com/blog/?p=47.
  2. Cf. Présentation rapide de la TIG, dans http://www.sociosomatique.com.
  3. Cf. Principes Ethico-paradigmatiques http://www.sociosomatique.com.
  4. Cf. Axiomatique dans http://www.sociosomatique.com et http://www.sociosomatique.com.
  5. Cf. L'homme multidimensionnel : http://www.sociosomatique.com.

Liens externes


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