- Isolation (Egan)
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Isolation Auteur Greg Egan Genre Roman Version originale Titre original Quarantine Éditeur original Century/Legend Langue originale Anglais australien Pays d'origine Australie Lieu de parution original Londres Date de parution originale 1992 ISBN original 0712698701 Version française Traducteur Francis Lustman et Quarante-deux Lieu de parution Paris Éditeur Denoël Collection Lunes d'encre Date de parution 2000 Nombre de pages 320 ISBN 2-207-24993-X Série The Subjective Cosmology Cycle Chronologie La Cité des permutants Isolation (titre original : Quarantine) est un roman de science-fiction de l'auteur australien Greg Egan paru en 1992.
Sommaire
Résumé
Dans un futur proche, où les humains, isolés du reste de l'univers par une immense barrière d'origine inconnue enveloppant le système solaire, peuvent contrôler les configurations de leur personnalité en manipulant leur propre cerveau. Un ancien policier est chargé de retrouver une handicapée mentale mystérieusement disparue, peut-être enlevée, qui aurait la faculté de sélectionner certaines réalités parmi un ensemble de mondes possibles. Cette faculté accidentelle serait la preuve que l'humanité a imposé, sans le savoir, une réalité de l'univers parmi une infinité de possibilités, entraînant une destruction de toute autre réalité alternative. Ce génocide cosmique serait ainsi à l'origine d'une quarantaine de l'humanité.
L'auteur construit l'intrigue de son roman à partir d'une spéculation romanesque tirée du phénomène de réduction du paquet d'onde, en suivant l'interprétation selon laquelle c'est l'observation qui sélectionne une possibilité.
Analyse : De l'art d'influencer les probabilités
Imaginez que vous jetiez une paire de dés : quelle est la probabilité d'obtenir une paire de 1 ? Et six paires de 1 de suite ? Improbable ? Pas selon les lois de la physique quantique, pour peu qu'on extrapole le phénomène au monde macroscopique : en invoquant la théorie des univers multiples, on suppose la coexistence parallèle de plusieurs états possibles, c'est uniquement l'observation du résultat qui détermine un et un seul de ces états comme étant finalement l'état réel. Ce phénomène est appelé la réduction du paquet d'onde, il suffit qu'un observateur soit conscient de l'expérience pour provoquer la réduction, c'est-à-dire la réalisation d'un état propre. Quelques individus peuvent influencer la probabilité de certains de ces états avant la réduction. Les autres devront avoir recours à un « Mod », un système basé sur une modification neurale effectuée par des nano-machines (« vaporisée » avec un spray puis inhalée) directement dans le cerveau. Pour cela, il y a deux mods : un qui bloque indéfiniment la réduction du paquet d'onde (qui favorise donc « l'étalement »), et un sélecteur d'états propres, qui permet aussi leur manipulation, c'est-à-dire le renforcement sélectif des probabilités. Le fonctionnement du mod de sélection peut s'expliquer soit par le choix de l'état du dé, soit par le choix de l'état d'esprit personnel qui perçoit un état particulier, et donc l'état du dé par voie de conséquence (l'avantage de cette seconde explication est qu'elle ne requiert pas obligatoirement une compréhension précise du principe de la sélection, mais seulement un état d'esprit, en l'occurrence la simple satisfaction du résultat perçu !).
Quelle différence alors avec la télékinesie ? Aucune ! tout se passe comme si l'individu pouvait manipuler les phénomènes du monde réel, simplement en influençant légèrement d'un coup de pouce certaines probabilités par rapport à d'autres. En fait, il n'y a pas de manipulation au sens strict, il y a seulement le choix du bon résultat, ce n'est pas vraiment de la télékinésie : les états doivent être possibles, d'une manière ou d'une autre, cela peut par exemple être une défaillance rare d'un système (mais en pratique il reste cependant des cas inexplicables, tels que se réveiller hors d'une chambre fermée à clef !). Les états propres étalés interagissent entre eux, il suffit de penser à l'interférence produite par les états propres d'une seule particule quantique (par exemple le motif de diffraction d'un électron), difficile de prévoir ainsi ce qui pourrait arriver, d'autant plus qu'il existe aussi un effet tunnel entre l'ensemble des états propres et le point d'origine de l'étalement, effet qui est susceptible d'influencer directement le passé immédiat réel. La particularité du mod de sélection est qu'il ne fonctionne qu'en mode étalé, sinon son fonctionnement est à peu près inconnu, l'utilisateur réduit ne se souvient généralement pas l'avoir utilisé, il y a une vraie échelle de conscience entre l'esprit réduit et l'esprit qui émerge de l'étalement des consciences de chaque version ou possibilité d'état propre. Cet esprit étalé peut cependant être influencé « majoritairement » par l'utilisateur réduit, mais la communication est difficile : en fait, c'est plutôt l'esprit étalé qui choisit de communiquer avec le prototype réduit, éventuellement en produisant un artefact simple capable de transmettre un message, et de dialoguer au niveau limité du premier.
L'idée d'influencer les probabilités peut paraître absurde, cependant on ne peut s'empêcher de trouver des analogies avec des principes pourtant simples et évident, par exemple certains gestes techniques dans le sport sont quasi impossibles à tout un chacun et pourtant il est possible d'arriver à les maîtriser : c'est la répétition pendant l'entraînement qui aboutit, par un processus de sélection, à la maîtrise du geste. Prenons un autre exemple concret : lors de l'élaboration d'un scénario, plusieurs choix possibles coexistent simultanément, le scénariste doit pourtant faire un choix : il détermine à l'avance une situation exceptionnelle qui sera finalement son œuvre, un livre ou peut-être un film. Mais tous les choix qu'il a dû faire pour écrire un scénario cohérent représentent de fait un véritable « génocide » des alternatives qui auraient pu exister : le processus de la création est en fait un sacrifice pur et dur de la diversité potentielle. Mais s'il en était de même pour la simple explication de la réalité cosmique ? Est-ce qu'à force d'observer en détail les étoiles et d'en déduire une cosmologie on ne détermine pas une version unique et limitée de la réalité ? Ne faudrait-il pas isoler la planète entière dans une bulle cosmique pour préserver la variété des possibles des créatifs et des imaginatifs en tout genre ? Ce thème, qui sert de titre à cette œuvre, sera le point central de son roman suivant : L'Énigme de l'univers.
L'aspect génial de ce roman provient de l'équilibre choisi entre le vraisemblable et le délirant : en effet, il n'y a aucune raison pour que, parmi les états possibles, il n'y ait pas absolument n'importe quoi, même la volonté de l'utilisateur pouvant varier dans ces états. Par exemple, pourquoi ne pas forcer toutes sortes de serrures fondées seulement sur des combinaisons de chiffres ? Combien d'autres phénomènes paranormaux peuvent se résumer ainsi à un simple choix avisé, ou une légère influence directe ? Pourquoi aussi ne pas faire fonctionner un ordinateur en mode étalé, par exemple pour effectuer un calcul dans le but de casser une clé cryptographique ? Parmi les milliards de versions qui tournent, il suffit de choisir celle qui réussit pour obtenir au final l'équivalent d'un calcul parallèle massif !
Cependant, l'auteur se fixe des limites « raisonnables » : tout d'abord, empêcher la réduction est plus une déficience de fonctionnalité qu'un talent particulier (pouvoir propre aux débiles mentaux ? empêcher la réduction consiste à inhiber temporairement cette faculté naturelle du cerveau : si l'on n'empêche pas la réduction, alors l'effet de renforcement des probabilités disparaît). Ensuite, il faut éviter d'être étalé lorsque l'on fait quelque chose de crucial, ni oublier de se réduire lorsqu'une étape importante vient d'être accomplie (ne pas tenter le diable). Le défi n'est pas de faire fonctionner le mod, mais de déterminer comment rester sain d'esprit pendant qu'il fonctionne, car il y a un réel risque de « diverger » (folie), ou pire encore : rester étalé (ne plus jamais choisir, ne plus exister réellement ? devenir un zombie quantique ? 'cf'. la coexistence du fameux Chat de Schrödinger dans deux états, mort et vivant à la fois). Il y a deux types d'individus : ceux qui déterminent leur chemin, et ceux à qui tout arrive. Certains sont plus doués que d'autres pour influencer l'existence, au détriment des autres, en réduisant de fait les possibilités des autres (ou bien parfois en les augmentant). Heureusement, la réduction a un horizon fini : il y a toujours des états propres au-delà, une limite à l'effet d'un seul individu.
Citations
- « Comment pourrai-je jamais savoir que je suis devenu réel de manière irréversible ? » (p.273, Denoël, Lunes d'encre, 2000)
Bibliographie
- Greg Egan, Isolation, Denoël, Lunes d'encre, 2000 (ISBN 220724993X)
- Greg Egan, Isolation, Le Livre de poche, 2003 (ISBN 2253072508)
Voir aussi
- L'Assassin infini (The Infinite Assassin), une histoire d'étalement quantique semblable à la deuxième partie de Isolation.
- Paille au vent, nouvelle dans laquelle l'auteur évoque également l'auto-contrôle, mais des processus biologiques, et la reconfiguration totale du cerveau.
- Axiomatique
Liens externes
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