- Injection d'eau dans les moteurs
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Connue depuis l'invention des moteurs à combustion interne, la technique d'injection d'eau a fait l'objet de nombreuses expérimentations, mais a finalement été peu utilisée.
Certaines personnes ont proposé de mettre de l'eau dans le carburant, et ce en affichant des résultats et des améliorations plus ou moins validés scientifiquement.
Il existe d'autres améliorations du moteur à explosion possibles, celles-ci beaucoup plus cadrées et validées scientifiquement.
Sommaire
Historique
Le premier à avoir eu l'idée d'injecter de l'eau dans des moteurs à combustion interne est Pierre Hugon en 1865, sur son moteur à gaz, l'eau ayant prétendument « ordre de ralentir la combustion du gaz ». L'expérimentateur relève des courbes à l’indicateur thermique montrant que la courbe de détente s’améliore très sensiblement.
Principe revendiqué
L'eau prend la place d'une partie du carburant, ce qui diminue la consommation globale au prix d'une perte de puissance et de rendement. Ce dispositif a été utilisé sur des moteurs fonctionnant à très haute température afin d'éviter que ceux-ci ne se désagrègent du fait de la chaleur : l'eau est une source froide plus efficace que les gaz brûlés. Ceci a expliqué son utilisation massive sur de gros véhicules (avions, bus...) où la régulation de la température a pu être difficile.
Néanmoins, le système n'est aujourd'hui plus utilisé du fait de l'amélioration des matériaux pour le transport (meilleure tenue en température, rendements supérieurs) et du fait de l'introduction de pots catalytique hautes performances qui nécessitent de hautes températures de rejet pour fonctionner.
Utilisation d'eau en phase gazeuse
Les différents procédés sont :
- Intégration d'une machine à vapeur dans le moteur, les cylindres de combustion étant souvent à la fois la chaudière et les chambres de détente.
- Injection de vapeur d'eau dans les cylindres. La vapeur d'eau est injectée en général avec l'air de combustion, pour des raisons de facilité.
Dans le dernier cas, l'énergie de vaporisation est prise sur le moteur directement sous forme thermique. Les ordres de grandeur des puissances récupérables à la source (la puissance crête d'un alternateur est de l'ordre de 0,5 kW, ce qui est petit comparé aux 70 kW moyens d'un moteur à combustion interne), ainsi que les bilans énergétiques globaux particulièrement peu documentés de ces modifications laissent penser que ces « améliorations » restent largement sujet à caution (jamais d'essais normalisés sur banc moteur homologué, par exemple). En effet, il y a inadéquation totale entre la quantité d'énergie chimique injectée et les effets soi-disant « mesurés ».
La vaporisation de l'eau est extrêmement gourmande en énergie (c'est d'ailleurs l'effet de refroidissement induit qui est utilisé pour maîtriser les fumées d'incendies) — si la vapeur d'eau a une grande énergie cinétique, c'est qu'on la lui a transmise.
Scientifiquement et concernant un éventuel procédé d'électrolyse, le procédé consiste à récupérer de la combustion l'énergie injectée pendant l'électrolyse moins le rendement de celle-ci et moins le rendement de l'alternateur. Comme l'énergie de la batterie n'est pas gratuite, mais produite par un alternateur lui-même relié au moteur et consommant de l'énergie, « le serpent se mord la queue ». Cette « invention » est donc une supercherie. Elle est basée sur la très fréquente ignorance du fait que l'électricité d'une voiture n'est pas gratuite, mais bien issue de la conversion coûteuse de l'énergie chimique de combustion en énergie mécanique, puis en énergie électrique. La batterie jouant le rôle de tampon, cette production d'énergie n'est pas ressentie mais bel et bien présente.
Concernant la thermolyse de l'eau, elle n'est possible qu'à hautes températures et seulement en présence d'un réactif oxydable (ici, le fer). Si elle avait lieu dans un moteur, ce dernier se désagrégerait vite du fait de la transformation du fer en oxyde de fer (beaucoup moins résistant que le fer).
Concernant l'injection de vapeur d'eau à l'admission, aucune étude sérieuse n'a été réalisée en date de 2008 (banc d'essai). Dans le cas du moteur Pantone, les mesures faites par des instituts sérieux n'ont pas été convaincantes. Le « moteur à eau » de Jean Chambrin, techniquement un moteur à mélange d'eau et d'alcool, est pour sa part tombé dans l'oubli, sans surprise pour les scientifiques qui constataient l'absurdité du bilan énergétique revendiqué[1].
Concernant l'injection de vapeur d'eau dans les gaz d'échappements et dont la partie de l'eau devenue gazeuse est réinjectée dans le moteur, la marque enregistrée Vulcano[2] revendique un système breveté améliorant le rendement des moteurs. Le procédé se différencie du moteur Pantone par le fait que l'eau n'est pas injectée directement dans le moteur.
Utilisation d'un mélange eau-alcool
Utilisée principalement dans le domaine militaire, l'injection d'un mélange eau-méthanol dans un moteur permet d'augmenter la puissance de celui-ci de façon temporaire. Elle fait suite aux expérimentations sur l'injection d'eau dans les moteurs.
Principe
Cette technique est utilisée depuis la Seconde Guerre mondiale pour fournir un supplément de puissance lors de situations particulières :
- en combat aérien pour un avion de chasse
- pour faciliter le décollage avec une forte charge d'un bombardier ou d'un avion de transport
- ou simplement pour compenser la perte de puissance moteur provoquée par une température ambiante élevée et/ou une altitude de décollage élevée.
On ajoute au carburant un mélange dosé à environ 50% d'eau et 50% de méthanol. Le méthanol augmente le pouvoir calorifique du kérosène. L'eau permet de limiter l'augmentation de température et donc de fonctionner avec des moteurs plus chauds (ce qui augmente indirectement le rendement thermodynamique tout en réduisant la puissance motrice). Sur les moteurs à explosion, le mélange est en général injecté directement dans la chambre de combustion ou dans le carburateur. Sur les turbopropulseurs et turboréacteurs, le mélange est injecté dans la veine d'entrée d'air du réacteur.
Utilisations
Pendant la Seconde Guerre mondiale :
- sur le moteur allemand DB 605 équipant notamment les Messerschmitt BF109 et BF 110
- sur le moteur allemand BMW 801 équipant les Focke-Wulf Fw 190
- sur le moteur Pratt & Whitney R-2800-59 équipant les Republic P-47 Thunderbolt (à partir de la version P-47D)
Juste après la Seconde Guerre mondiale :
- sur le réacteur Pratt & Whitney J57 équipant les Boeing B-52 Stratofortress
- sur le réacteur General Electric J-47 équipant les Boeing B-47 Stratojet
Dans les années 1960/1970 :
- sur le turbopropulseur Rolls-Royce Dart RD21 du Bréguet Alizé
- sur le turbopropulseur Rolls-Royce Tyne 22 de l'avion de transport C-160 Transall
- sur le réacteur Rolls-Royce Pegasus de l'avion de combat à décollage vertical Hawker Siddeley Harrier
Actuellement : Compétition / Dragster / Tuning
- sur les véhicules à moteurs turbo-essence, l'injection permet de diminuer la température de la chambre de combustion et d'introduire un liquide ou gaz à haut pouvoir calorifique. La diminution de la température et l'augmentation du pouvoir calorifique augmentent considérablement les performances moteur en prévenant la casse moteur.
Avantage et inconvénients
Les avantages généralement relevés d'injection d'eau sont :
- abaissement de la température de fonctionnement du moteur (ce qui explique pourquoi ce genre de dispositifs est utilisé sur des moteurs puissants),
- utilisation comme charge pour changer de type de carburant sans changer le moteur (passage d'essence à méthanol par exemple),
- consommation de moins de carburant (au prix d'une perte nette de rendement),
- moins polluants au kilomètre (du fait de la consommation diminuée en carburant);
avec en contrepartie :
- diminution du rendement du moteur (réduction de la température du moteur),
- réduction de la puissance nominale du moteur (perte de rendement + débit de carburant moindre),
- nécessité d'embarquer un réservoir d'eau,
- rend inopérant les pots catalytiques actuels,
- coût de production d'un méthanol pur élevé (comparativement à l'essence ou au diesel pour compenser la réduction de puissance nominale),
- plus polluant au litre de carburant (du fait de la perte de rendement).
Ce qui fait que cette technique ne fut utilisée que de manière limitée dans des situations particulières.
Mélanges carburant-eau
Charles Miriel a inventé une émulsion gazole-eau, maintenue en suspension grâce à un émulsifiant, aux proportions 85 %, 13 % et 2 %. Ce carburant fut commercialisé par Elf sous le nom d'Aquazole dans les années 1990, et des tests ont été faits sur une flotte de bus[3]. Si ce mélange semble apporter une amélioration en termes de NOx, la consommation augmente et ce carburant n'est pas compatible avec les filtres à particules actuels car il abaisse la température des gaz d'échappement[4]. Un procès a mis fin à cette entreprise[5].
L'entreprise Aquamist fabrique encore des systèmes d'injection d'eau dans les moteurs destinés à la compétition automobile et à l'équipement des moteurs turbo-essence à haut rendement.
Dispositifs controversés
Différents dispositifs prétendent améliorer le fonctionnement des moteurs en remplaçant une partie du carburant par de l'eau, selon des principes tout à fait inexplicables selon les lois de la physique, comme le moteur Pantone ou le moteur à eau-alcool de Jean Chambrin. L'efficacité du moteur Pantone lors des mesures faites par des instituts sérieux n'ont pas été convaincantes. Le moteur de Jean Chambrin, présenté en 1974, est tombé dans l'oubli[6].
Renault a déposé en 2005 un brevet[7] (FR2895461 (A1)) traitant, entre autres, de l'injection d'eau dans le chambre de combustion du moteur à explosion. Or contrairement à ce que certains partisans de la théorie du complot allèguent, aucun avantage sur la consommation, la puissance du moteur ou sa durée de vie n'est revendiqué. La quasi totalité des publications scientifiques disponibles ainsi que le brevet cité affirment que ce genre de modification du dispositif d'injection a uniquement pour but de réduire la production de NOx (par réduction de la température de la source chaude, ce qui réduit le rendement du moteur) et de mieux contrôler le cliquetis (en ajoutant un gaz inerte, l'eau) au détriment de la puissance du moteur, de son rendement et de sa durée de vie. Cependant, les recherches du côté du constructeur semblent être arrêtées et le brevet en question reste inexploité depuis son dépôt.
Références
- Science et vie, n°1082, novembre 2007
- Moteur Vulcano
- Expérimentation Aquazole® par la CGEA
- Des solutions pour une dépollution efficace, octobre 2001. Consulté le 22 novembre 2009
- Gilles Gaetner, « Une société détentrice d'un brevet de carburant miracle, rachetée par Elf, a payé les loyers des époux Le Pen. Une plainte a été déposée », dans L'express, 4 février 1999 [texte intégral (page consultée le novembre 2009)]
- Science et vie n°1082, novembre 2007
- http://fr.espacenet.com/publicationDetails/biblio?locale=fr_FR&KC=A1&date=20070629&NR=2895461A1&DB=fr.espacenet.com&return=true&CC=FR&FT=D
Liens externes
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