- Hospitalité
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L'hospitalité est la charité, la libéralité que l'on exerce en recevant en logeant gratuitement les étrangers, les passants. Plus généralement, le mot désigne l'action de recevoir autrui chez soi.
Le mot a une longue histoire jusqu'à nos jours. À l’origine des mots hospitalité et hôte/hôtesse mais aussi hôpital, hôtel et même hostile et otage, les étymologistes relèvent un verbe latin : hostire. Celui a trois significations : (1) mettre à niveau, égaliser, (2) user de représailles, rendre la pareille, (3) frapper. Ainsi l’hospitalité est un geste de mise à égalité mais comporte aussi une face de violence.
Sommaire
Conceptions philosophiques de l'hospitalité
Un droit réciproque
Depuis l’antiquité, l’hospitalité constitue, pour des personnes de même statut, un droit réciproque de trouver logement et protection les uns chez les autres. Pendant longtemps elle a été considérée comme un geste charitable qui consistait à recueillir, loger et nourrir gratuitement les indigents et les voyageurs en particulier les pèlerins. Dans le contexte de la religion chrétienne, le mot d'hospitalité désignait l'obligation pour certaines abbayes de recevoir les voyageurs pendant quelques jours. Exercer l’hospitalité c’était donc faire preuve de vertu. L'hospitalité, la réception de l'étranger, est l'une des vertus cardinales du christianisme. Dans le chapitre 25 de l'Évangile selon Matthieu, il est écrit : « Quand le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire (...) Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : 'Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde; Car j'avais faim, et vous m'avez donné à manger ; j'avais soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli ». L'hospitalité, dans l'optique chrétienne, rétablit la communication entre les hommes, permettant à la parole du Christ de circuler. Le chrétien missionnaire peut être aussi l'étranger qui va vers les autres, et vit alors de l'hospitalité, conçue comme un acte de paix entre les hommes[1]. L'hospitalité figure également parmi les vertus de l'islam, les préceptes du Coran prônant l'accueil et la protection des gens du livre : dans son sens originel, la dhimma était un « contrat » par lequel la société musulmane pratiquait l'accueil et la tolérance envers les monothéistes non musulmans, et leur accorde le droit de pratiquer leur religion. Partant de ces principes, l'hospitalité envers l'étranger, compris comme un croyant non musulman, mais aussi par extension l'ensemble des êtres humains, est devenu l'une des vertus les plus prisées des sociétés musulmanes[2].
Aujourd'hui, la définition la plus commune de l'hospitalité est « l’action de recevoir chez soi l’étranger qui se présente » (selon le Trésor de la langue française informatisé). Le geste d’hospitalité n’est donc ni aisé ni spontané et requiert un effort car il recèle un danger et une menace. L’arrivée des étrangers provoque un télescopage de cultures différentes mais aussi une ouverture sur le monde.
Les étrangers absolus
Un large pan de la littérature sociologique et philosophique sur l’hospitalité s’est focalisé sur les étrangers absolus (Derrida) : les exilés, les déportés, les expulsés, les déracinés, les apatrides, les nomades anomiques. Il s’agissait souvent, du moins pour les chercheurs engagés, d’apporter une pierre aux débats suscités, en France, par les diverses lois visant au contrôle de l’immigration ou les opérations de régularisation d’étrangers en situation irrégulière. Néanmoins, l’hospitalité n’est pas l’intégration. Une certaine distance doit être maintenue avec l’étranger pour préserver l’altérité.
Alors que l’anglais distingue depuis longtemps host et guest, en français, le mot hôte est ambigu. Il désigne aussi bien l’accueillant que l’accueilli. Mais la relation hôte-hôte demeure asymétrique car l’hospitalité implique une dépendance de l’accueilli envers des règles extérieures, comme le temps des repas. Et l’invitée, bien sûr, n’est pas chez lui. D’où, une situation inconfortable et une gêne réciproque. Offrir l’hospitalité, c’est donner quelque chose de soi. L’hospitalité se situe donc au-delà du service.
La valeur du partage du « chez soi »
Pour les philosophes, l’hospitalité peut se définir comme le partage du « chez soi », comme une valeur. Les sociologues y voient un fait social, un rite de passage, un moment de cohabitation. Montandon réconcilie les uns et les autres en affirmant : « L’hospitalité, une manière de vivre ensemble, régie par des règles, des rites et des lois. »
Certains considèrent que l’hospitalité a connu un déclin progressif à mesure que l’État prenait en charge, par voie de redistribution, certaines prérogatives charitables. Mais la pratique de l’hospitalité privée existe toujours. Et dans les destinations touristiques, au-delà du simple service, l’hospitalité vis-à-vis du touriste étranger implique non seulement les professionnels mais aussi les résidents.
Quelques ouvrages
- Jacques Derrida, Anne Dufourmantelle, Anne Dufourmantelle invite Jacques Derrida à répondre - De l’hospitalité, Calman-Lévy, Paris, 1997.
- Anne Gotman, « L'hospitalité », Communications, n° 65, 1997
- Anne Gotman, Le sens de l’hospitalité – Essai sur les fondements sociaux de l’accueil de l’autre, Presses universitaires de France, Paris, 2001.
- Frère Denis Hubert (dir), L'hospitalité: recueil de textes non bibliques pour l'accueil de l'hôte, L'Atelier, 1996
- Alain Montandon (dir.), Lieux d’hospitalité – Hospices, hôpital, hostellerie, Presses Universitaires Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, 2001.
- Alain Montandon (dir.), Le livre de l’hospitalité Accueil de l’étranger dans l’histoire et les cultures, Bayard, Paris, 2004.
- René Schérer, Zeus hospitalier : éloge de l'hospitalité, Armand Colin, 1993 (rééd. La Table ronde, 2005).
- Pierre Gouirand, L'accueil : de la philoxénologie à la xénopraxie, Amalthée, Nantes, 2008
Voir également
(fr) BeWelcome Réseau d'échange d'hospitalité
Articles connexes
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Notes et références
- Denis Hubert (dir), L'hospitalité: recueil de textes non bibliques pour l'accueil de l'hôte, L'Atelier, 1996, page 22-23
- Mustapha Chérif,Jean-Luc Nancy, L'islam, tolérant ou intolérant, Odile Jacob, 2006, page 52
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