- Henri Alexis Brialmont (1821-1903)
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Henri Alexis Brialmont
Henri-Alexis Brialmont, né le 25 mai 1821 à Maagdenberg aux Pays-Bas, décédé le 21 juillet 1903, est un militaire et homme politique belge.
Sommaire
Formation et premiers écrits
Henri-Alexis Brialmont est né le 25 mai 1821 à Maagdenberg, près de Venlo, aux Pays-Bas. Il était le fils aîné de Mathieu Brialmont (1789-1885), dont la carrière militaire fut illustre. Mathieu Brialmont avait en effet vaillamment combattu sous l’Empire et sous le régime hollandais jusqu’en 1829. En 1830, il prit fait et cause pour la révolution belge. Il devint lieutenant général en 1849, et fut ministre de la Guerre d’août 1850 à avril 1851.
De son propre aveu, Henri-Alexis Brialmont avait reçu une éducation « proche de celle des enfants de ferme »[1]. Il est reçu de justesse à l’École militaire en 1838, mais il se distingue rapidement et se classe premier de sa promotion dès la deuxième année. Il conservera ce rang jusqu’à la fin de son parcours à l’École d’application, en 1843. Ses condisciples le surnomment « le Romain », pour son ardeur au travail et son caractère .
Il est ensuite désigné pour servir au régiment du Génie, en garnison à Liège. Il participe, en tant qu'observateur, aux modifications de la forteresse de Diest en 1844.
En 1847, promu lieutenant, il est envoyé à Anvers pour coopérer aux travaux d’une brigade de topographes militaires. La même année, il est attaché au cabinet du ministre de la Guerre, le général Chazal.
Après les événements de 1848, qui ébranlèrent l’Europe, mais épargnèrent la Belgique, qui avait épuisé ses velléités révolutionnaires en 1830, l’armée, déjà mal vue par une opinion plutôt pacifiste, est considérée comme un fardeau inutile : pourquoi, en effet, un pays neutre, et dont la neutralité était garantie en théorie par les Grandes Puissances, aurait-il besoin d’une armée ? Brialmont décide alors de combattre le camp pacifiste, rassemblé sous la bannière des Amis de la Paix. À cette fin, il publie en 1849 Éloge de la guerre, pamphlet qui rencontre un vif succès.
En août 1850, Brialmont père remplace Chazal au poste de ministre de la Guerre, mais sur les conseils de son fils, il démissionne quelques mois plus tard, suite aux débats parlementaires houleux sur le budget de l’armée, que l’on voulait réduire de moitié.
Après la démission de son père, Henri-Alexis Brialmont publie, en 1851 et 1852, un nouvel ouvrage, Considérations politiques et militaires sur la Belgique.
Ces ouvrages, qui eurent un grand retentissement aussi bien dans la presse belge que dans la presse étrangère , valurent à Brialmont le titre de chevalier de l’Ordre de Léopold en 1856.
Il écrit ensuite une biographie du duc de Wellington , dont il était un fervent admirateur. Le premier volume paraît en 1856, les deux suivants en 1857. Cette œuvre, traduite en anglais, allait rencontrer un vif succès en Grande-Bretagne.
L'architecte militaire
La carrière d’architecte militaire d’Henri-Alexis Brialmont débute véritablement en 1857, lorsqu’il dessine la nouvelle position fortifiée d’Anvers. Cette première expression de son génie, inspirée de sa visite officielle des nouvelles fortifications allemandes (Coblence, Germersheim, Koenigsberg, Minden, Rastadt), qu’il fut chargé d’étudier en 1855, était à même de faire face au canon rayé, introduit dans les parcs de siège en 1859, et que l’on peut considérer comme le premier développement majeur de l’artillerie au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. C’est également à Anvers qu’il réalise ses premières coupoles d’artillerie cuirassées. Brialmont était revenu d’Allemagne « avec des idées plus précises, plus rationnelles sur la constitution des grandes places de guerre, ayant dégagé des derniers limbes qui l’enveloppaient la formule du ‘camp retranché’, qu’il s’agissait de considérer comme un établissement permanent[2]».
Les idées de Brialmont, en contradiction « avec tous ceux qui se piquaient d’être les détenteurs de la pure doctrine[3]», firent scandale. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il s’est servi d’un nom d’emprunt, Keller, pour signer ses plans.
En 1858, le général russe Eduard Ivanovitch Todleben, ingénieur militaire qui avait construit les défenses grâce auxquelles Sébastopol avait pu soutenir un siège d’un an avant de tomber, pendant la guerre de Crimée, visite la place forte d’Anvers. À cette occasion, on lui soumet les différents projets relatifs à l’établissement des nouveaux ouvrages fortifiés autour d’Anvers, sans en préciser les auteurs. Sans hésiter, il choisit le « projet Keller », donc celui de Brialmont. Les détracteurs se turent et les plans de la place forte d’Anvers furent examinés et approuvés en avril 1859. Les travaux commencèrent en mars 1860 et s’achevèrent, après maintes modifications des plans primitifs, en 1864.
En 1863, suite à l’introduction du canon rayé dans les parcs de siège, développement qu’il ignorait au moment de la conception des forts d’Anvers, Brialmont publie Etudes sur la défense des Etats et sur la fortification, où il justifie la conception du système défensif belge et le système de fortifications permanentes appliqué à Anvers[4], qu’il jugeait parfaitement apte à résister au canon rayé.
En 1869, il publie son Traité de fortification polygonale.
La guerre de 1870 prouve sans appel aux ingénieurs militaires français que le tracé bastionné (selon les conceptions de Vauban) est désormais complètement dépassé et que seul le tracé polygonal (défendu par Brialmont) peut être envisagé. Brialmont, durant cette guerre, était chef d’Etat-Major Général de l’Armée d’Anvers, et en cette qualité, il constata la faiblesse des fortifications sur la rive gauche de l’Escaut. Sous son impulsion, on réalisa une seconde enceinte fortifiée autour d’Anvers.
En 1877, il est promu Lieutenant Général.
En 1882, il publie La situation militaire de la Belgique. Travaux de défense de la Meuse, où il expose ses idées sur la fortification de la vallée de la Meuse à Liège et à Namur.
Pourtant, il tombe en disgrâce en 1883 (mis en non-activité par mesure d’ordre, par arrêté royal le 14 juillet 1883) pour avoir répondu favorablement à l’appel de Carol V, roi de Roumanie, en vue d’une étude du système défensif de son pays. Il s’agissait de protéger Bucarest par une ceinture de forts, comparable à celles qu’il imaginait pour Liège et Namur. Bucarest, centre commercial, siège du gouvernement et principal nœud de communications de la Roumanie, avait été choisi pour devenir la place d’armes où se regrouperaient toutes les forces militaires du pays, et qu’on escomptait pouvoir défendre jusqu’à l’arrivée des renforts envoyés par les pays alliés. Une fois cette décision prise, Brialmont est appelé en Roumanie comme conseiller, puis il est chargé d’établir les plans des fortifications. Son projet prévoyait une ceinture de dix-huit grands forts situés à environ quatre kilomètres l’un de l’autre et appuyés par des batteries intermédiaires. Ce dernier point est particulièrement intéressant, car Brialmont était hostile à l’installation de batteries entre les ouvrages prévus pour Liège et Namur. Les forts de Bucarest étaient du même modèle que ceux prévus en Belgique : une redoute centrale armée de canons et d’obusiers en tourelles, entourée d’un fossé, d’une muraille détachée et de galeries de contrescarpe. La redoute comportait aussi une batterie à ciel ouvert de quatre obusiers .
L’empire austro-hongrois avait pris ombrage de ces projets, et pour calmer le jeu, le gouvernement belge décida de mettre Brialmont provisoirement sur la touche . Cet impair de Brialmont lui est vite pardonné, et il est rétabli dans ses fonctions d’inspecteur général du Génie et des Fortifications, par arrêté royal du 16 janvier 1884.
En 1886, dans le sillage de la « crise de l’obus-torpille », Auguste Beernaert, chef du gouvernement belge, fait voter, non sans peine, le budget nécessaire à la construction des têtes de pont de Liège et de Namur , que l’on peut considérer comme le chef-d’œuvre de Brialmont dans le domaine de la fortification permanente. Il en avait exposé les grandes lignes dans La situation militaire de la Belgique. Travaux de défense de la Meuse, publié en 1882.
Les travaux se sont étalés entre 1888 et 1891 (divisés en trois campagnes d'un an). Mais pour avoir dépassé le budget prévu, Brialmont est derechef blâmé et contraint, cette fois, de prendre sa retraite, le 7 juin 1892.
Riche de son savoir-faire et de sa longue expérience, Brialmont voyage à travers l’Europe. Il établit les plans du camp retranché de Sofia , ainsi que les plans des défenses du Bosphore, des Dardanelles et de Constantinople. Il dresse également les plans du fort de Shinkakasa, construit en 1891, à Boma, par l’État indépendant du Congo pour défendre l’accès au fleuve Congo, notamment contre les Portugais de l’Angola.
Il s’éteignit dans sa résidence de Saint-Josse ten Noode le 21 juillet 1903, à l’âge de quatre-vingt-deux ans. D’une manière générale, les critiques qu’il du essuyer tout au long de sa carrière sont emblématiques de la Belgique et prouvent que l’adage voulant que nul n’est prophète en son pays est loin d'être dénué de fondement. De plus, conscient de ce que toutes les invasions venant de l'est vers ce qui était désormais territoire belge, étaient passées entre Maastricht et Visé, Brialmont avait réclamé un fort supplémentaire dans cette région, ce qui lui fut refusé par les parlementaires. Lors d'un échange vif, Brialmont aurait prophétisé: "Messieurs, vous en pleurerez des larmes de sang..."
On reprochait à Brialmont d’avoir dépassé le budget des forts de Liège et de Namur. Les forts avaient coûté au total 71,5 millions de francs or, somme certes considérable pour l’époque, mais si l’on prend en compte le fait qu'il n'y eut peu voire aucune critique quant au dépassement budgétaire d'autres grandes constructions contemporaines, comme celle du Palais de justice de Bruxelles (45 millions de francs-or) ou celle des nouveaux quais de l'Escaut et des ascenseurs à bateaux (environ 72 millions de francs-or), on peut s'étonner de la réaction des parlementaires qui ont fustigé Brialmont pour avoir dépassé le budget initial de quelque 20 millions de francs-or.
Le Vauban belge
En tout état de cause, Brialmont, qui a porté à son apogée l’art de la fortification permanente, peut réellement être considéré comme le Vauban du XIXe siècle, d’autant qu’il a été confronté à des progrès permanents dans le domaine de l’artillerie, alors que Vauban n’a jamais connu que des canons à âme lisse qui n’ont guère évolué de son vivant . Toute la vie de Brialmont a tourné autour de la lutte séculaire entre la flèche et le bouclier, le boulet et la muraille, l’obus torpille et la voûte de béton.
Les forts de Liège et de Namur ont forcé l’admiration de tous les experts internationaux de l’époque, du moins jusqu’en 1914… Lucide, Brialmont n’a cependant cessé de marteler tout au long de sa carrière qu’un ouvrage fortifié, aussi moderne soit-il, ne sert à rien si ceux qui sont appelés à s’en servir ne sont pas convaincus de la nécessité de défendre le territoire, et s’il n’est pas adapté en permanence aux progrès incessants de l’artillerie de siège. Or, c’est ce qui s’est produit en Belgique en 1914 : lors de l’attaque allemande, les défenses belges étaient désorganisées et insuffisantes, l’armement des forts n’avait reçu aucune amélioration depuis 1891, et la défense des intervalles entre les forts, pourtant primordiale, laissait beaucoup à désirer. Ainsi l’œuvre de Brialmont, aussi remarquable fût-elle dans sa conception, et aussi embarrassante se révéla-t-elle à l'envahisseur allemand d'août 1914, ne put jouer pleinement son rôle face cette attaque.
On peut également le comparer au général Séré de Rivières, qui a réalisé une œuvre similaire en France.
Ouvrages consultés
- BEAUJEAN (C.), Une page de l’histoire de la fortification. Le Lieutenant Général Brialmont (1821-1903), Louvain, 1903.
- CROKAERT (P.), Brialmont - Eloge et mémoires, Bruxelles, 1925.
- DEGUENT (R.), Etude d’ensemble de la fortification terrestre. Historique, Bruxelles, 1932.
- FAQUE (C.), Henri-Alexis Brialmont. Les Forts de la Meuse 1887-1891, Bouge, 1987.
Notes
- ↑ CROKAERT (P.), Brialmont - Eloge et mémoires, Bruxelles, 1925,, p. 367.
- ↑ BEAUJEAN (C.), Une page de l’histoire de la fortification – Le Lieutenant Général Brialmont, Louvain, 1903, p. 17.
- ↑ BEAUJEAN (C.), op cit., p. 17.
- ↑ DEGUENT (R.), Etude d’ensemble de la fortification terrestre. Historique, Bruxelles, 1932, p. 4
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