Harold Bernat

Harold Bernat

Harold Bernat, né le 16 avril 1975 à Paris, est un agrégé de philosophie français qui enseigne au lycée Marie de Champagne à Troyes.


Sommaire

Biographie

Harold Bernat (né le 16 avril 1975 à Paris, XIe) est un professeur agrégé de philosophie français.

La critique comme problème pour la philosophie

Dans son premier livre Prométhée déchaîné, Qui a peur de l'individu ? (Paris, L'Harmattan, 2005), il remet en question les critiques contemporaines de l'individualisme, critiques qui tirent prétexte de l'avènement de l'individu consommateur pour liquider toute une tradition de pensée qui fait de l'individu vivant la vérité par excellence. Il développe pour se faire une herméneutique critique de textes contemporains (il commente ainsi dans le détail le dernier chapitre de La pensée 68 de Luc Ferry et Alain Renaut) en insistant sur le fait que ces textes dits "philosophiques" ne sont pas suffisamment pris au sérieux.

Sa critique des critiques de l'individualisme croise alors la critique de "l'écrivain, philosophe" médiatique Michel Onfray. Réfléchissant sur sa propre pratique d'écriture, il constate que le problème est moins de savoir s'il faut défendre ou accuser l'individu que de comprendre quels sont les ressorts des discours marchands qui se prévalent aujourd'hui du titre de "philosophie". Il retrouve par ce biais une démarche intellectuelle à laquelle Louis-Jean Calvet donna le nom de "sémiologie politique" dans son ouvrage sur Roland Barthes, Barthes et les signes. Il s'agit de comprendre comment fonctionne politiquement le discours, quels sont ses présupposés, comment une l'idéologie passe dans la transparence du signe. Cette attitude intellectuelle, en vogue dans les années soixante et soixante-dix, s'est perdue. Sous l'effet des pratiques culturelles de masse, la consommation irréfléchie de textes calibrés a pris le dessus sur la critique textuelle.

Dans Des-montages, le poujadisme hédoniste de Michel Onfray (Troyes, ID, 2006), il démonte méticuleusement le discours "Onfray" en montrant, derrière le texte et ses présupposés (en particulier La communauté philosophique), la vacuité politique et intellectuelle du "nietzschéen pour grandes surfaces". Là encore, derrière les étiquettes, il en va d'une lecture en arrière-plan que l'on pourrait aussi qualifier de symptomatologique. Il accompagnera cette lecture d'une étude sur Nietzsche (Nietzsche et le problème des valeurs, Paris, L'Harmattan, 2006).

Ne bénéficiant, en toute logique, d'aucuns relais dans la presse et les médias traditionnels, il décide en 2006 de poursuivre son travail sur un blog intitulé Critique, et critique de la critique partant du présupposé que la critique est sans chapelle. Ses sujets s'élargissent considérablement pour finir par toucher l'ensemble de la production intellectuelle contemporaine, plus spécifiquement française. Refusant les concessions et les renvois de courtoisie qui contribuent à appauvrir l'espace critique, il use de l'invective, de la polémique directe, du sarcasme, de l'auto-fiction, de la satire et de toutes les ressources stylistiques susceptibles de mettre à nu les idéologies contemporaines les plus pernicieuses.

Sa thèse fondamentale pourrait être la suivante : la démission de la pensée critique, pensée sans laquelle politique et philosophie disparaissent, n'est pas une fatalité. Elle n'est simplement que l'effet d'un système promotionnel et marchand qui, sous couvert de mise à disposition du savoir et d'accessibilité à un public toujours plus large, a renoncé au combat des idées.

Une critique ad hominem

Harold Bernat part du présupposé que la théorie critique est déjà écrite et qu'il n'existe aucun champ disciplinaire qui soit aujourd'hui par principe à l'abri de l'obscénité marchande. Comme le diagnostiquaient déjà Jean-François Lyotard et Jean Baudrillard, la saturation de tous les genres, de tous les récits, de toutes les fictions possibles caractérise notre présente condition. Dans une telle situation, il est vain et illusoire de concevoir la critique comme l'exercice normatif d'un jugement extérieur à son objet. L'affaiblissement de la pensée (qui constitue un thème de ressassement nostalgique chez ceux qui ne savent sûrement plus quoi en penser) est en partie lié à un divorce : les objets de pensée dits "critiques" (c'est le cas d'une certaine théorie critique) se transmettent en toute indifférence aux contenus objectifs. D'un côté "un monde en obscénité totale" (Jean Baudrillard, Mots de passe), de l'autre une critique abstraite de ce monde, incapable d'avoir une prise sur lui. Quel spectateur n'est pas critique de la société du spectacle, quel marchand n'est pas critique du règne sans partage de la marchandise, quel consommateur n'est pas spontanément critique de la société de consommation, quelle conscience aliénée ne se dit pas "critique" de toutes les aliénations ? Plus encore, la posture critique (voire auto-critique) est en passe de devenir le premier conformisme. La question sera donc la suivante : jusqu'à quel point la critique est-elle devenue un objet de consommation comme les autres ?

Si la critique doit en passer par l'adresse directe, ad hominem, c'est qu'elle cherche à échapper à une double impasse : l'abstraction (critique abstraite du capitalisme, de la consommation, du spectacle etc.) et son corollaire, l'indifférence. Qu'est-ce qu'une critique qui ne dérange personne, qui ne touche pas ? C'est ainsi que le philosophe marchand critiquera abstraitement la philosophie marchande ou que l'universitaire qui n'est pas au travail critiquera abstraitement l'absence de travail à l'université. Ce divorce cynique entre les pratiques et les discours caractérise une des crises les plus profondes de la "modernité" avec cette double conséquence : 1. les discours (et celui de la critique n'y échappe pas) semblent n'avoir aucune prise sur les pratiques ; 2. certaines pratiques se voient même confortées par la pseudo-critique dont elles s'autorisent.

Harold Bernat, dans cette distinction entre critique et pseudo-critique, rejoint le travail De Philippe Muray qui écrit dans Après l'histoire : "Un spectre hante la société actuelle : celui d'une critique à laquelle elle n'aurait pas pensé. Dans le but de se protéger de cette menace, elle ne cesse de sécréter ses propres contestataires et les pousse en avant : objecteurs de substitution, rebelles de remplacement, succédanés de perturbateurs, ersatz de subversifs, séditieux de synthèse, agitateurs honoraires, émeutiers postiches, vociférateurs de rechange, révoltés semi-officiels, provocateurs modérantistes, leveurs de tabous institutionnels, insurgés du juste milieu, fauteurs de troubles gouvernementaux, émancipateurs subventionnés, frondeurs bien tempérés, énergumènes ministériels. C'est avec ces supplétifs que l'époque qui commence a entrepris de mener la guerre contre la liberté." Afin de conjurer ce cercle, la critique aura pour tâche, au risque d'une certaine violence symbolique, de révéler la mauvaise foi, la fausse conscience, la duplicité existant entre discours et pratiques.

La fin de la pensée critique ?

Mais comment fonder cette distinction entre critique et pseudo-critique, entre le conformisme critique et une critique "à la laquelle la société n'aurait pas pensé", pour reprendre l'expression de Philippe Muray ? Harold Bernat reprend dans son travail une idée largement développée chez Jean Baudrillard et qui contribue à accentuer la désorientation intellectuelle contemporaine : l'espoir de trouver une norme, un critère de distinction pour la critique a disparu. Reste à savoir si la pensée critique suppose un tel fondement (auquel cas la pensée critique n'existe plus) ou si elle peut encore se dire et s'écrire dans les marges d'une société qui a érigé le trublion normalisé en héraut de la liberté. "Toutes les critiques que favorisent cette société se ressemblent, et c'est par là qu'il est possible de les distinguer de la vraie critique toujours isolée." (Philippe Muray, Après l'histoire, Paris, Gallimard, 1999).

Œuvres

Lien externe


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